Cour d’appel de Poitiers RG n° 22/00486 16 mai 2024

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Cour d’appel de Poitiers RG n° 22/00486 16 mai 2024
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Cour d’appel de Poitiers
RG n° 22/00486
16 mai 2024
ND/PR

ARRÊT N° 244

N° RG 22/00486

N° Portalis DBV5-V-B7G-GPL7

S.A.S. [6]

C/

[Z]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale

ARRÊT DU 16 MAI 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 janvier 2022 rendu par le Conseil de Prud’hommes de LA ROCHELLE

APPELANTE :

S.A.S. [6]

N° SIRET : 329 746 101

[Adresse 4]

[Localité 2]

Ayant pour avocat Me Christophe BIAIS de la SELARL BIAIS ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

Madame [M] [Z]

née le 12 septembre 1973 à [Localité 5] (17)

[Adresse 3]

[Localité 1]

Ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LX POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS

Ayant pour avocat plaidant Me Alexandra DUPUY de la SELARL DUPUY ALEXANDRA, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 21 février 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Madame Ghislaine BALZANO, Conseillère

Monsieur Nicolas DUCHATEL, Conseiller qui a présenté son rapport

Et qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIÈRE

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

– Signé par Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente, et par Madame Patricia RIVIÈRE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par contrat de travail à durée déterminée daté du 4 mars 1995, soumis à la convention collective des hôtels, cafés restaurants, Mme [M] [Z] a été recrutée en qualité de réceptionniste au sein de l’établissement géré par la SAS [6], spécialisée dans le secteur d’activité des terrains de camping et parcs pour caravanes ou véhicules de loisirs.

Les relations contractuelles se sont poursuivies dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à compter du 11 juillet 1996.

La société Sea Green Resort, qui gère plusieurs campings, a racheté la société [6] le 24 janvier 2018.

Par avenant du 1er juin 2018, Mme [Z] a été promue chef de réception niveau 4 échelon 2.

Mme [Z] a été victime d’un malaise le 21 avril 2019 à son domicile et placée en arrêt maladie jusqu’au 2 août 2019.

Mme [Z] a sollicité une rupture conventionnelle de son contrat de travail les 2 mai 2019 et 2 juillet 2019.

Le 2 août 2019, Mme [Z] a informé l’employeur qu’elle prenait acte de la rupture de son contrat de travail.

Par requête datée du 31 juillet 2020, Mme [Z] a saisi le conseil de prud’hommes de La Rochelle lequel, statuant en départage, a par jugement du 18 janvier 2022 :

condamné la SAS [6] à payer à Mme [Z] la somme de 128,74 euros à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires impayées,

condamné la SAS [6] à payer à Mme [Z] la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la réglementation du travail afférente aux seuils, plafonds et durée maximale de travail,

condamné la SAS [6] à payer Mme [Z] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l’employeur à l’obligation de loyauté et de sécurité,

dit que la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

condamné la SAS [6] à verser à Mme [Z] les sommes suivantes :

5 241,18 euros au titre de l’indemnité de préavis, outre celle de 524,11 euros au titre des congés payés afférents,

19 071,50 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

31 447,08 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la rupture sans cause réelle ni sérieuse du contrat de travail,

dit que les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation du conseil des prud’hommes et que les créances de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

condamné la SAS [6] à rembourser aux organismes intéressés les indemnités chômage éventuellement versées à Mme [Z] du jour de la rupture du contrat de travail jusqu’à la date du présent jugement, dans la limite de 6 mois d’indemnités chômage,

condamné la SAS [6] aux entiers dépens de la présente instance et à payer à Mme [Z] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

dit n’y avoir lieu à l’exécution provisoire du présent jugement pour ses dispositions qui n’en bénéficieraient pas de plein droit,

rappelé les dispositions de l’article R1454-28 du code du travail sur l’exécution provisoire,

fixé à 2 202,63 euros brut par mois la moyenne des 3 derniers mois de salaire de Mme [Z].

Par déclaration d’appel du 18 février 2022, la SAS [6] a interjeté appel de cette décision du conseil de prud’hommes.

Par conclusions du 9 novembre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, la SAS [6] demande à la cour de :

infirmer par voie de réformation le jugement de départage rendu le 18 janvier 2022 en ce qu’il a :

condamné la SAS [6] à payer à Mme [Z] la somme de 128,74 euros à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires impayées,

condamné la SAS [6] à payer à Mme [Z] la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la réglementation du travail afférente aux seuils, plafonds et durée maximale de travail,

condamné la SAS [6] à payer Mme [Z] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l’employeur à l’obligation de loyauté et de sécurité,

dit que la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

condamné la SAS [6] à verser à Mme [Z] les sommes suivantes :

5 241,18 euros au titre de l’indemnité de préavis, outre celle de 524,11 euros au titre des congés payés afférents,

19 071,50 au titre de l’indemnité de licenciement,

31 447,08 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la rupture sans cause réelle ni sérieuse du contrat de travail,

dit que les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation du conseil des prud’hommes et que les créances de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

condamné la SAS [6] à rembourser aux organismes intéressés les indemnités chômage éventuellement versées à Mme [Z] du jour de la rupture du contrat de travail jusqu’à la date du présent jugement, dans la limite de 6 mois d’indemnités chômage,

condamné la SAS [6] aux entiers dépens de la présente instance et à payer à Mme [Z] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

confirmer le jugement en ce qu’il a fixé à 2 202.63 euros brut par mois la moyenne des 3 derniers mois de salaire de Mme [Z],

juger qu’elle a respecté la réglementation en matière de temps de travail,

juger qu’elle n’a pas manqué à son obligation de sécurité et de loyauté,

juger que les manquements invoqués par Mme [Z] ne sont pas fondés à titre principal et ne sont pas suffisamment graves à titre subsidiaire,

juger que la prise d’acte de Mme [Z] du 2 août 2019 doit s’analyser en une démission,

débouter purement et simplement Mme [Z] de toutes ses demandes,

condamner Mme [Z] à verser à la société [6] la somme de 3.500 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner Mme [Z] au paiement des entiers dépens de la présente procédure et éventuels frais d’exécution.

Par conclusions du 16 août 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, Mme [Z] demande à la cour de :

juger mal fondé l’appel de la SAS [6], l’en débouter,

juger recevables et bien fondées ses demandes,

confirmer le jugement du 31 janvier 2022 en ce qu’il a fait droit à ses demandes,

infirmer le jugement sur le quantum des condamnations,

condamner la SAS [6] à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la réglementation du travail afférente aux seuils, plafonds et durée maximale de travail,

condamner la SAS [6] à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l’employeur à l’obligation de loyauté et de sécurité,

condamner la SAS [6] à lui verser les sommes suivantes :

5 578,82 euros au titre de l’indemnité de préavis, outre celle de 557,88 euros au titre des congés payés afférents,

30 576,28 au titre de l’indemnité de licenciement,

100 410,76 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la rupture sans cause réelle ni sérieuse du contrat de travail,

rappeler les dispositions de l’article R1454-28 du code du travail sur l’exécution provisoire,

fixer à 2 789,41 euros brut par mois la moyenne de ses 3 derniers mois de salaire,

débouter la SAS [6] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

condamner la SAS [6] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de la première instance en application de l’article 700 du code de procédure civile et 3 000 euros en cause d’appel outre les frais d’exécution de la décision à intervenir et les entiers dépens,

assortir l’intégralité des condamnations des intérêts de droit à compter du jour de la demande.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 24 janvier 2024.

A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date du 16 mai 2024.

MOTIVATION

I. Sur les heures supplémentaires

En application de l’article L3171-4 du code du travail, “en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’ heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable”.

Il résulte des dispositions de l’article L3171-2 al. 1 (imposant à l’employeur l’établissement des documents nécessaires au décompte de la durée de travail, hors horaire collectif), de l’article L3171-3 (imposant à l’employeur de tenir à disposition de l’inspection du travail lesdits documents et faisant référence à des dispositions réglementaires concernant leur nature et le temps de leur mise à disposition) et de l’article L3171-4 précité, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’ heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant,

Il est précisé que les éléments apportés par le salarié peuvent être établis unilatéralement par ses soins, la seule exigence posée étant qu’ils soient suffisamment précis pour que l’employeur puisse y répondre.

Le salarié a droit au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord de l’employeur, soit s’il est établi que leur réalisation a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.

En l’espèce, la société [6] expose que la salariée prétend avoir effectué 577,30 heures supplémentaires pour un montant de 9 090,02 euros alors que la société lui a rémunéré 8 961,28 euros pour 580,52 heures et que la salariée compte une différence de 128,74 euros, somme que la société ne conteste pas et lui a déjà versée.

En réponse, Mme [Z] fait valoir qu’elle a subi un temps de travail absolument déraisonnable sur la période du mois de mai 2018 au mois d’avril 2019 et que l’employeur reste redevable d’un reliquat d’heures supplémentaires de 128,74 euros.

Sur ce, il y a lieu de confirmer la décision attaquée en ce qu’elle constaté l’absence de contestation de l’employeur s’agissant de ce chef de demande et l’a condamné à régler à Mme [Z] la somme réclamée de 128,74 euros.

II. Sur les dommages et intérêts pour violation de la réglementation du travail afférente aux seuils, plafonds et durée maximale de travail

S’agissant de ce chef de demande, l’employeur oppose aux demandes de la salariée les éléments suivants :

la requête et les fiches de temps de Mme [Z] présentent des incohérences,

certaines journées ou semaines semblent inconsistantes en termes de durées de travail si l’on se réfère à l’organisation mise en place, les données de reporting Inaxel ou le taux d’occupation du Domaine des [6],

certains dépassements sont expliqués par des causes conjoncturelles comme les absences d’un collaborateur,

les effectifs de l’accueil étaient suffisamment dimensionnés pour faire face aux flux d’activités et l’ensemble des heures indiquées dans le tableau de la salariée sont fausses,

les journées de février et mars 2018 ne peuvent être surchargées comme c’est prétendu dans la mesure où il n’y avait pas de clients à accueillir ni de réservations et l’amplitude horaire prétendue est irréelle alors que 3 ETP se relaient à l’accueil en basse saison et que le nombre de saisonniers atteint 4,5 ETP supplémentaires au pic estival,

l’absence régulière de pauses déjeuners est totalement fausse puisque sur les feuilles de temps elles sont mentionnées,

à compter de juin 2018, la salariée a été promue chef de la réception de telle sorte qu’elle était libre pour l’organisation de son temps de travail,

la salariée ne justifie d’aucun préjudice pour solliciter la somme de 10 000 euros de dommages-intérêts et son médecin n’est pas habilité pour établir un lien de causalité entre ses conditions de travail et son état de santé,

le 27 septembre 2018, la salariée a été déclarée apte à son emploi par le médecin du travail et aucune preuve n’est rapportée pour établir un lien entre son état de santé et ses conditions de travail, son malaise s’étant déroulé chez elle à 3 heures du matin ce qui ne permet pas de le caractériser en accident du travail.

Mme [Z] expose en réplique que :

elle a effectué de manière régulière des semaines de travail qui varient entre 40 et 60 heures de travail sur la période du mois de janvier 2018 au mois d’avril 2019,

outre le dépassement manifeste des semaines de 48 heures de travail maximum, elle a subi un dépassement des amplitudes et un non-respect des temps de pause, soit en moyenne entre 10 et 13 heures travaillées sans aucune pause dans la journée,

la totalité des relevés d’heures ont été validés par signature par son responsable,

ses collègues attestent de la réalité de son temps de travail et de l’épuisement y afférent.

Cela étant, après avoir parfaitement rappelé les dispositions des articles L3121-2 et suivants du code du travail, ainsi que celles de l’article 21 de la convention collective des hôtels-cafés-restaurants, avoir relevé en outre que la preuve du respect des seuils et plafonds s’agissant des durées quotidienne et hebdomadaire maximales de travail incombe uniquement à l’employeur, et avoir étudié les pièces produites, c’est à bon droit et par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont retenu que les dépassements de la durée du travail étaient avérés en précisant notamment que :

-l’examen des fiches de temps de travail produites par Mme [Z] permettait d’établir un dépassement de la durée maximale hebdomadaire absolue de 52 heures à 7 reprises entre les semaines du 26 mars 2018 et du 11 mars 2019, un dépassement de la durée maximale hebdomadaire moyenne sur 12 semaines de 50 heures du 9 avril 2018 au 2 septembre 2018 et un dépassement de la durée maximale journalière de 11h30 à 17 reprises entre le 8 juin 2018 et le 20 avril 2019,

– les affirmations de l’employeur selon lesquelles les fiches horaires seraient incohérentes au regard des taux d’occupation du domaine, de l’organisation en place et des effectifs suffisamment dimensionnés pour faire face aux flux d’activité étaient péremptoires et contredites par les témoignages et les avis de clients produits par la salariée, par les feuilles de temps produites signées par la salariée et visées par sa responsable ainsi que par le fait que l’employeur lui a réglé un total de près de 580 heures supplémentaires entre le mois de janvier 2018 et le mois d’avril 2019.

Les premiers juges ont fait par ailleurs une juste appréciation du préjudice subi par la salariée en lui octroyant la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts liés à la violation de la réglementation du travail afférente aux seuils, plafonds et durée maximale de travail. Il y a lieu par conséquent de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes sur ce point.

III. Sur les dommages et intérêts pour violation de l’obligation de loyauté et de sécurité

Au soutien de sa demande d’infirmation du jugement attaqué sur ce chef de demande, l’employeur fait valoir les éléments suivants :

l’attestation de Mme [X] n’est pas circonstanciée et doit être écartée des débats, tout comme celle de Mme [C] qui est en conflit avec la société,

l’outil Inaxel permet de traiter efficacement la gestion des séjours pour l’hôtel et le camping et ce logiciel est conforme à son activité,

M. [O] a quitté l’entreprise à la suite de son accident pour inaptitude et la période à laquelle il fait référence réduit totalement la pertinence des propos et il ne permet pas de démontrer la pression et le stress qu’aurait subis la salariée,

les critiques produites par la salariée ne permettent pas de démontrer qu’elle aurait subi du stress et de la pression et ces critiques ne sont pas nouvelles car le site allait mal,

le certificat médical du docteur [G] évoque des éléments rapportés par la salariée,

la salariée a bénéficié de toutes les formations nécessaires au bon fonctionnement de son poste de travail,

la société a élaboré un Document Unique destiné à évaluer de façon détaillée et approfondie les risques en entreprise,

aucune remarque n’a été formulée par l’inspection du travail sur l’organisation du travail au sein de l’établissement.

La salariée soutient quant à elle que :

outre des dysfonctionnements importants attestés et constatés dans le cadre de ses relevés horaires, elle était soumise à une polyvalence extrême du fait du manque d’effectif et du logiciel défaillant mis à leur disposition qui a engendré de grosses difficultés dans les réservations,

la société a sciemment ignoré des pratiques relatives au temps de travail et à la loyauté inexistante envers les salariés,

l’employeur a violé ses obligations en matière de sécurité et de loyauté en la confrontant à un temps de travail déraisonnable et à des conditions de travail qui l’ont poussée à l’épuisement physique et psychologique, et elle a fait l’objet d’un malaise vagal,

il n’hésitait pas à modifier frauduleusement le temps de travail pour tenter d’amoindrir la réalité d’une situation qu’il savait illégale,

la société va tenter de tricher, ainsi qu’il résulte des relevés horaires pour les mois de juillet et août 2018 où apparaissent les corrections à la baisse par la société qui va lui demander de lisser des semaines à 48 heures,

la société avait vu son attention attirée par la comptable de la société sur sa situation dès le mois de juillet 2018,

son épuisement a conduit à un préjudice psychologique et corporel intense établi par les pièces médicales versées aux débats,

la société, loin de la prendre en charge et de lui permettre de poursuivre son contrat de travail dans des conditions normales, ne va avoir en tête que de le rompre par la voie de la rupture conventionnelle, ce qui constituait une négation de sa situation de souffrance en profitant de sa fragilité et de sa vulnérabilité pour la pousser vers la sortie.

Sur ce, en l’absence d’élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu’elle approuve, ont fait une exacte appréciation de la cause et des droits des parties, en retenant après avoir étudié l’ensemble des pièces produites que la société ne rapportait pas la preuve formelle des prétendues délégations de directeurs venant d’autres établissements, que la vacance sur le poste de directeur au cours de deux périodes pendant neuf mois au total, en pleine restructuration et réorganisation du site avec la mise en place de nouvelles procédures, d’un nouvel outil informatique, et de nouvelles méthodes de travail, a généré une surcharge de fonctionnement pour le personnel en place et en particulier pour la salariée, manifestement à l’origine d’une souffrance au travail, et qu’une surcharge de travail et une mise sous pression de la salariée s’en est suivie.

Y ajoutant, la cour observe que si le contenu du certificat médical produit ne fait que rapporter les propos tenus par la salariée, il y a lieu de retenir que le médecin traitant a pu constater une altération de l’état de santé de la salariée avec un syndrome d’épuisement, concomitant avec le contexte d’une surcharge d’activité dont la salariée établit l’existence, de sorte qu’un lien direct peut être établi entre cette dégradation de l’état de santé et les difficultés que Mme [Z] rencontrait dans le cadre professionnel.

Et c’est à juste titre que les premiers juges en ont conclu que l’employeur avait manqué à son obligation d’exécution de bonne foi du contrat de travail et de sécurité à l’origine d’un état de fatigue certain et qu’ils ont chiffré le préjudice subi par la salariée à la somme de 5 000 euros.

Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée sur ce chef de demande.

IV. Sur la rupture du contrat de travail

Au soutien de son appel, la société [6] expose que :

la somme réclamée au titre des heures supplémentaires est dérisoire et ne peut fonder un manquement suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail,

le manquement lié à la réglementation en matière de temps de travail n’est pas prouvé,

il a été démontré que la société a parfaitement respecté son obligation de sécurité et loyauté de telle sorte que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail sera analysée comme une démission,

au tournant de l’année 2019, la salarié a rejeté les procédures Sea Green, l’organisation duale entre Sea Green Resort et le domaine des [6] et n’a pas adhéré à l’outil de gestion Inaxel.

la salariée avait retrouvé un emploi ce qui explique la raison de sa prise d’acte et elle ne justifie pas de sa situation actuelle.

La salariée expose en réplique que la société Sea Green, dans le cadre de la reprise de la société [6], a sciemment violé ses obligations en matière de paiement des heures supplémentaires, dépassement du temps de travail à la semaine et à la journée, ainsi qu’en matière de sécurité et de loyauté, et que cette rupture du contrat de travail après 25 ans de collaboration avec professionnalisme intervient comme l’ultime recours d’une salariée épuisée.

Sur ce, c’est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont retenu que les manquements de l’employeur liés à la réglementation en matière de temps de travail et à ses obligations de loyauté et de sécurité étaient d’une gravité telle qu’après 24 ans de service au sein de la société, ils étaient de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

La cour ajoutera que les torts de l’employeur à l’origine de la rupture sont d’autant plus établis que le courrier de rupture de la salariée du 2 août 2019 fait suite à un arrêt maladie consécutif à plusieurs semaines d’intense activité au mois d’avril 2019, avec 44,50 heures de travail du 1er au 7 avril, 43 heures du 8 au 14 avril et 48 heures du 15 au 21 avril, la salariée ayant travaillé de 7h30 à 20h30 au cours de sa dernière journée de travail au service de la société. En outre, l’employeur ne justifie pas avoir répondu au courrier de la salariée du 2 juillet 2019, par lequel elle relance la société au sujet de sa demande de rupture conventionnelle en précisant : ‘cette demande intervient après un incident déclencheur. J’ai été victime d’un accident corporel à mon domicile en pleine nuit dû à la fatigue et au stress que je subis maintenant depuis plus d’un an au sein de votre entreprise (…). Au cours des mois les conditions de travail dans l’entreprise se sont considérablement dégradées entraînant surcharges de travail, stress, fatigue, surmenage (…). Je me permets également de vous demander de bien vouloir régulariser le paiement de mes heures supplémentaires non réglées, à ma connaissance 54 heures’.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu’il a retenu que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par la salariée produit les effets d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse à la date à laquelle elle est intervenue soit le 3 août 2019.

Les dispositions du jugement relatives à l’indemnité de licenciement et à l’indemnité compensatrice de préavis et aux congés payés afférents, non sérieusement discutées quant à leurs montants même à titre subsidiaire, doivent également être confirmées.

Les premiers juges ont retenu, par des motifs pertinents que la cour adopte, qu’il n’y avait pas lieu d’écarter le barème prévu à l’article L1235-3 du code du travail, qui est compatible avec les normes internationales. Le jugement sera en revanche réformé quant au quantum des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. En effet, en l’absence de tout élément sur la situation de la salariée à l’issue de la rupture, il y a lieu de fixer son préjudice, au regard de son âge à la date de la rupture et de son ancienneté, à la somme de 25 000 euros, que l’employeur sera condamné à lui verser.

V. Sur les demandes accessoires

Il y a lieu de confirmer la décision attaquée dans ses dispositions relatives aux intérêts de retard, et en ce qu’elle a condamné la SAS [6] à rembourser aux organismes intéressés les indemnités chômage éventuellement versées à Mme [Z] dans la limite de 6 mois.

En qualité de partie succombante, la société [6] est condamnée aux entiers dépens. Elle doit par conséquent être déboutée de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par suite, la société [6] est condamnée à payer à Mme [Z] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de La Rochelle du 18 janvier 2022 sauf en ce qu’il a condamné la SAS [6] à verser à Mme [M] [Z] la somme de 31 447,08 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la rupture sans cause réelle ni sérieuse du contrat de travail,

L’infirme de ce chef,

Statuant à nouveau du chef infirmé :

Condamne la société [6] à payer à Mme [M] [Z] la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société [6] aux dépens d’appel,

Déboute la société [6] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société [6] à payer à Mme [M] [Z] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


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