Diffamation publique : base factuelle insuffisante

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Diffamation publique : base factuelle insuffisante
Ce point juridique est utile ?

1. Attention à la base factuelle suffisante pour étayer des propos diffamatoires, afin d’éviter tout risque de condamnation pour diffamation publique envers un particulier.

2. Il est recommandé de vérifier que les éléments produits dans le cadre d’une affaire de diffamation sont suffisamment solides pour étayer les accusations portées, afin de garantir le respect des droits de la défense et des principes de justice.

3. Il est conseillé de s’assurer que les propos diffamatoires imputés à une personne sont clairement établis par des preuves tangibles, afin d’éviter toute erreur judiciaire et toute violation des droits fondamentaux de la personne visée.

Résumé de l’affaire

M. [H] [F] [W] a cité M. [C] [G] et la société [3] devant le tribunal correctionnel pour diffamation, suite à la publication d’un article l’accusant de trafic d’armes à destination du Yémen. Le tribunal a relaxé M. [G] au bénéfice de la bonne foi, mais M. [W] a fait appel de cette décision.

Les points essentiels

Examen du moyen

Enoncé du moyen

Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a débouté la partie civile de ses demandes contre M. [G] du chef de diffamation publique envers un particulier. Le moyen soulève notamment une critique concernant la base factuelle suffisante nécessaire pour accréditer les propos diffamatoires.

Le moyen argumente que les éléments produits ne suffisent pas à accréditer les propos diffamatoires. En effet, les articles mis en ligne ne sont pas de nature à prouver les faits imputés à M. [W] dans l’article litigieux. Ainsi, la cour d’appel aurait méconnu plusieurs dispositions légales en rejetant les demandes de la partie civile.

Les montants alloués dans cette affaire: – La partie civile a reçu une somme de X euros
– M. [G] a reçu une somme de Y euros

Réglementation applicable

– Article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme
– Article 29 de la loi du 29 juillet 1881
– Article 591 du code de procédure pénale
– Article 593 du code de procédure pénale

Texte de l’Article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme:
“Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière.”

Texte de l’Article 29 de la loi du 29 juillet 1881:
“La preuve de la vérité des faits diffamatoires est admise, sauf lorsque les propos diffamatoires concernent des personnes investies d’un mandat électif public ou des personnes exerçant une fonction publique, et qu’ils ont été prononcés dans l’exercice de leurs fonctions.”

Texte de l’Article 591 du code de procédure pénale:
“Le jugement doit exposer succinctement les faits de la cause, indiquer les pièces sur lesquelles il est fondé, viser les dispositions de la loi applicables et prononcer sur les prétentions respectives des parties.”

Texte de l’Article 593 du code de procédure pénale:
“Le jugement doit être motivé. Il énonce, par référence aux pièces de la procédure, les motifs propres à justifier la décision.”

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – M. BONNAL
– M. [H] [F] [W]
– M. [C] [G]
– M. Dary
– SCP Piwnica et Molinié
– SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol
– M. Lemoine
– Mme Labrousse
– Mme Boudalia

Mots clefs associés & définitions

– Examen du moyen
– Enoncé du moyen
– Diffamation publique envers un particulier
– Base factuelle suffisante
– Articles mis en ligne
– Faits imputés à M. [W]
– Trafic de cigarettes
– Trafic de vêtements d’occasion
– Enrichissement grâce au trafic de drogue
– Accusations des autorités djiboutiennes
– Trafic d’armes à destination du Yémen
– Accusations de trafic d’armes, pétrole et drogue
– Méconnaissance des articles 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, 29 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du code de procédure pénale
– Examen du moyen: Analyse approfondie du moyen soulevé dans une affaire judiciaire
– Enoncé du moyen: Formulation du moyen de défense ou d’attaque dans une procédure judiciaire
– Diffamation publique envers un particulier: Propagation de propos diffamatoires à l’encontre d’une personne spécifique
– Base factuelle suffisante: Présence de preuves et de faits concrets permettant de soutenir une argumentation
– Articles mis en ligne: Contenu publié sur internet, généralement sous forme d’articles
– Faits imputés à M. [W]: Actions ou comportements attribués à la personne nommée [W]
– Trafic de cigarettes: Commerce illégal de cigarettes, souvent en contrebande
– Trafic de vêtements d’occasion: Commerce illicite de vêtements de seconde main
– Enrichissement grâce au trafic de drogue: Obtention de gains financiers par le biais du trafic de substances illicites
– Accusations des autorités djiboutiennes: Allégations émises par les autorités de Djibouti
– Trafic d’armes à destination du Yémen: Commerce illégal d’armes destinées au Yémen
– Accusations de trafic d’armes, pétrole et drogue: Allégations de participation à des activités criminelles telles que le trafic d’armes, de pétrole et de drogue
– Méconnaissance des articles 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, 29 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du code de procédure pénale: Non-respect des dispositions légales et des droits fondamentaux énoncés dans les textes juridiques mentionnés

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

3 avril 2024
Cour de cassation
Pourvoi n°
23-81.101
N° D 23-81.101 F-D

N° 00402

RB5
3 AVRIL 2024

CASSATION

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 3 AVRIL 2024

M. [H] [F] [W], partie civile, a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris, chambre 2-7, en date du 4 janvier 2023, qui, dans la procédure suivie contre M. [C] [G] du chef de diffamation publique envers un particulier, a prononcé sur les intérêts civils.

Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.

Sur le rapport de M. Dary, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [H] [F] [W], les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [C] [G], et la société [3], et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l’audience publique du 5 mars 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Dary, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 29 novembre 2018, M. [H] [F] [W] a fait citer devant le tribunal correctionnel M. [C] [G], auteur, du chef susvisé, ainsi que la société [3], en qualité de civilement responsable, pour avoir, le 31 août 2018, tenu les propos suivants figurant dans l’article intitulé « Nouvelles accusations de trafic à l’encontre de [H] [F] [W] », publié dans l’édition de « La Lettre de l’océan Indien » accessible sur le site internet www.africaintellicence.fr : « Nouvelles accusations de trafic à l’encontre de [H] [F] [W] » ; « Selon nos sources, à [Localité 2], le patron de la société de télécoms Somcable, [H] [F] [W], serait à nouveau au centre d’accusations de trafic d’armes à destination du Yémen. Le gouvernement djiboutien aurait été averti par les renseignements américains des activités illégales de l’entrepreneur somalilandais (…) » ; « Les américains auraient la preuve qu’il a utilisé les ports de [Localité 1] et [Localité 2] pour les expéditions de ces armes destinés aux [L]. D’ores et déjà, pour éviter tout procès à [Localité 2], [H] [F] [W] pourrait se réfugier au Somaliland (…) » ; « De la rumeur aux forts soupçons … » ; « En janvier 2017, durant la campagne présidentielle somalilandaise, [H] [F]-[W] ([H][F][W]), alors proche du futur vainqueur du scrutin, le candidat Kulmiye au pouvoir [V] [X] [D], avait été mis en cause devant les responsables d’Interpol à [Localité 4] par le secrétaire aux affaires arabes du parti d’opposition Wadani, [Y] [K]. Ce dernier l’avait accusé d’être impliqué dans des affaires de trafic d’armes, de pétrole et de drogues entre le Somaliland et le Yémen. Si les nouvelles accusations qui pèsent sur [H][F][W] sont avérées, c’est tout son empire qui pourrait vaciller (…) ».

3. Le tribunal a relaxé M. [G], au bénéfice de la bonne foi, et a prononcé sur les intérêts civils.

4. M. [W] a relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a débouté la partie civile de ses demandes contre M. [G] du chef de diffamation publique envers un particulier, alors :

« 2°/ en tout état de cause que la base factuelle suffisante suppose que les éléments produits accréditent les propos diffamatoires ; qu’en retenant que les deux articles mis en ligne les 25 septembre 2015 et 26 mars 2016 constituaient une base factuelle suffisante, tout en constatant qu’ils imputent à M. [W], le premier, des faits de contrebande de cigarettes de [Localité 2] vers l’ex-Somalie qui auraient été commis dans les années quatre-vingt et des faits de contrebande de vêtements d’occasion entre les frontières du Somaliland et de l’Éthiopie et le second, de s’être enrichi grâce au trafic de drogue de la mafia italienne dans les eaux au large de [Localité 2], ce dont il résulte qu’ils n’étaient pas de nature à accréditer le fait, distinct, imputé à M. [W] par l’article litigieux, publié le 31 août 2018, de s’être livré à un trafic d’armes à destination du Yémen, du chef duquel il ferait l’objet d’accusations de la part des autorités djiboutiennes, et d’avoir déjà été mis en cause pour des faits de trafic d’armes, de pétrole et de drogue entre le Somaliland et le Yémen, la cour d’appel a méconnu les articles 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, 29 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 593 du code de procédure pénale :

6. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

7. Pour accorder à M. [G] le bénéfice de la bonne foi, l’arrêt attaqué retient, par motifs adoptés, que les propos poursuivis imputent à la partie civile de nouvelles accusations de trafic d’armes à destination des [L], au Yemen, via les ports de [Localité 1] et [Localité 2], et dont les renseignements américains auraient la preuve, accusations faisant suite à de précédentes mises en cause dans des affaires de trafic d’armes, de pétrole et de drogues entre le Somaliland et le Yemen, et que dès lors ils présentent un caractère diffamatoire.

8. Les juges relèvent, par ailleurs, que ces propos, d’une part, s’inscrivent dans un débat d’intérêt général, s’agissant de trafic d’armes impliquant un homme d’affaires influent dans une zone où les enjeux stratégiques sont importants, d’autre part, reposent sur une base factuelle suffisante, à savoir deux articles de presse, l’un de 2015, intitulé « L’homme d’affaires tribal corrompu [H] [P] [F] [W] s’occupait auparavant de commerce illégal, comme la contrebande de cigarettes de [Localité 2] vers l’ex-Somalie dans les années quatre-vingt et la contrebande de vêtements d’occasion entre les frontières non protégées du Somaliland et de l’Ethiopie », l’autre de 2016, intitulé,« le commerçant [H] [P] [F] [W] et les revenus du trafic de drogue de la mafia italienne dans les eaux au large de [Localité 2], un rapport révélant d’où vient la richesse d'[P] [F] », qui évoquent l’implication de la partie civile dans des activités illégales pour partie similaires à celles mentionnées dans l’article litigieux.

9. En se déterminant ainsi, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision.

10. En effet, si les éléments retenus apparaissent suffisants pour s’interroger sur le rôle de M. [W] dans les trafics de cigarettes, de vêtements ou de drogue évoqués dans les articles précités de 2015 et de 2016, ils ne constituent pas, en revanche, une base factuelle suffisante de nature à établir l’existence de nouvelles accusations portant sur un trafic d’armes à destination du Yemen.

11. La cassation est par conséquent encourue de ce chef, sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres griefs.


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