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Les critères d’absence d’animosité personnelle et de prudence et mesure dans l’expression peuvent être appréciés moins strictement selon les circonstances de la cause.
Dés lors qu’ils avaient retenu le caractère diffamatoire des propos, il appartenait aux juges après les avoir énumérées, d’analyser la teneur des pièces invoquées par le prévenu au soutien de l’exception de bonne foi, afin d’énoncer précisément les faits et circonstances lui permettant de juger, en application de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, tel qu’interprété par la Cour européenne des droits de l’homme, si lesdits propos s’inscrivaient dans un débat d’intérêt général et reposaient sur une base factuelle suffisante, notions qui recouvrent celles de but légitime d’information et d’enquête sérieuse, afin, si ces deux conditions étaient réunies, d’apprécier moins strictement les critères d’absence d’animosité personnelle et de prudence et mesure dans l’expression. |
→ Résumé de l’affaireM. [J] a été cité devant le tribunal correctionnel pour diffamation publique envers des fonctionnaires municipaux. Il a été déclaré coupable par les juges du premier degré et condamné à une amende de 500 euros, ainsi qu’à verser des dommages et intérêts à chacun des fonctionnaires plaignants. M. [J] a fait appel de cette décision.
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→ Les points essentielsExamen des moyensSur le premier moyen Enoncé du moyenLe moyen est pris de la violation des articles 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, 29, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et 593 du code de procédure pénale. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a considéré que les propos du prévenu ne reposaient pas sur une base factuelle suffisante, en contradiction avec les pièces produites et les témoignages. Les montants alloués dans cette affaire: – La Cour a alloué une somme de X euros à la partie plaignante, la société [3] de [Localité 1]
– La Cour a alloué une somme de Y euros à la partie défenderesse, M. [J] |
→ Réglementation applicable– Article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme
– Article 29, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse – Article 593 du code de procédure pénale Texte de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme: Texte de l’article 29, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse: Texte de l’article 593 du code de procédure pénale: |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Mme Chaline-Bellamy
– SAS Buk Lament-Robillot – M. Quintard |
→ Mots clefs associés & définitions– Examen des moyens
– Violation des articles 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, 29 de la loi sur la liberté de la presse et 593 du code de procédure pénale – Critique de l’arrêt attaqué – Base factuelle insuffisante – Témoignages et pièces produites – Attestation de Mme [F] – Incitation à accepter un “cadeau” – Déclaration de M. [L] – Déclaration de M. [G] – Contrôle sur la [3] – Attribution du marché public à un concurrent privé en octobre 2020 – Examen des moyens: analyse des arguments présentés
– Violation des articles 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, 29 de la loi sur la liberté de la presse et 593 du code de procédure pénale: non-respect de ces textes juridiques – Critique de l’arrêt attaqué: remise en question de la décision judiciaire contestée – Base factuelle insuffisante: manque de preuves ou d’éléments concrets – Témoignages et pièces produites: éléments de preuve présentés lors de l’affaire – Attestation de Mme [F]: déclaration écrite de Mme [F] – Incitation à accepter un “cadeau”: proposition de recevoir un avantage illégal – Déclaration de M. [L]: témoignage de M. [L] – Déclaration de M. [G]: témoignage de M. [G] – Contrôle sur la [3]: surveillance ou supervision de l’entité [3] – Attribution du marché public à un concurrent privé en octobre 2020: octroi d’un contrat public à une entreprise concurrente en octobre 2020 |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° 00585
SL2
14 MAI 2024
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 14 MAI 2024
M. [Z] [J] a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, chambre 5-2, en date du 6 décembre 2022, qui, pour diffamation publique envers un fonctionnaire public, l’a condamné à 500 euros d’amende et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire personnel et un mémoire en défense ont été produits.
Sur le rapport de Mme Chaline-Bellamy, conseiller, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de MM. [W] [P] et M. [V] [D], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l’audience publique du 3 avril 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chaline-Bellamy, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. MM. [V] [D] et [W] [P], fonctionnaires municipaux, ont fait citer devant le tribunal correctionnel M. [Z] [J] du chef de diffamation publique envers un fonctionnaire pour avoir tenu le 8 avril 2020 les propos suivants : « ces deux fonctionnaires nous causent des torts depuis des mois et des mois. Qu’est ce qu’ils veulent ? Favoriser une société privée contre la [3] de [Localité 1] ? ».
3. Les juges du premier degré ont déclaré M. [J] coupable de ces faits et l’ont condamné à 500 euros d’amende et, sur intérêts civils, ont déclaré recevables les constitutions de partie civile de MM. [D] et [P] et condamné M. [J] à payer à chacun la somme de 600 euros en réparation de son préjudice moral, outre la somme de 1 500 euros à titre de frais irrépétibles.
4. M. [J] a relevé appel de cette décision.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen est pris de la violation des articles 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, 29, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et 593 du code de procédure pénale.
6. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a considéré que les propos du prévenu ne reposaient pas sur une base factuelle suffisante, en contradiction avec les pièces produites et les témoignages, alors :
1°/ que l’attestation produite par le prévenu relatant le témoignage de Mme [F], ancienne secrétaire de M. [D] au sein du service en charge des marchés publics de la fourrière animale pour la ville de [Localité 1], énonce que ce dernier l’a convoquée dans son bureau pour l’inciter à accepter un « cadeau » que souhaitait lui faire la société privée [2], concurrente de la [3] de [Localité 1], en lui précisant que « cela se fait », que de surcroît M. [L], juriste fonctionnaire à la mairie de [Localité 1], a déclaré à l’audience « je pense que [P] et [D] ont pu orienter, qu’ils ont pu manquer de neutralité. Il y a beaucoup de contrôle sur la [3] », et qu’enfin M. [G], fonctionnaire ayant travaillé au service en charge des marchés publics de la fourrière animale à la mairie de [Localité 1], a déclaré à l’audience « on m’a demandé d’accentuer les contrôles sur la [3]. J’ai refusé et j’ai été écarté. Je sentais qu’on ne voulait plus de la [3] » ;
2°/ qu’aucune des pièces produites ni aucun des témoins entendus ne fait état de ce que la [3] aurait retrouvé le marché public à compter de juillet 2020, et qu’au contraire il résulte des pièces produites par les parties que le marché public de la fourrière animale a été attribué au concurrent privé de la [3] en octobre 2020, en violation des règles régissant la passation des marchés publics.
Vu les articles 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, 29, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et 593 du code de procédure pénale :
7. La liberté d’expression ne peut être soumise à des ingérences que dans le cas où celles-ci constituent des mesures nécessaires au regard du paragraphe 2 du premier de ces textes.
8. Il se déduit du deuxième de ces textes que, si c’est au seul auteur d’imputations diffamatoires qui entend se prévaloir de sa bonne foi d’établir les circonstances particulières qui démontrent cette exception, celle-ci ne saurait être légalement admise ou rejetée par les juges qu’autant qu’ils analysent les pièces produites par le prévenu et énoncent précisément les faits sur lesquels ils fondent leur décision.
9. Enfin, selon le dernier de ces textes, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
10. Pour refuser au prévenu le bénéfice de la bonne foi et confirmer le jugement, l’arrêt attaqué, après avoir retenu que les propos poursuivis portent atteinte à l’honneur ou à la considération des personnes visées, énonce que ni les pièces produites aux débats ni les témoignages des trois témoins, ne faisant qu’évoquer un renforcement des contrôles de la [3] ([3]) de [Localité 1] en ce qu’elle était nouvellement soumise aux règles des marchés publics, ne permettent de donner une base factuelle suffisante à ces accusations.
11. Les juges indiquent que, si le marché public attribué à la [3] a été dénoncé et perdu pendant quelques mois, cette société a été à nouveau attributaire de ce marché à compter de juillet 2020.
12. Ils ajoutent qu’il ressort, par ailleurs, du ton et des propos mêmes employés par M. [J] qu’il n’a pas fait preuve de prudence dans leur expression, que, malgré la forme interrogative, il a affirmé sans nuance qu’ils avaient commis un délit pénal et utilisé des moyens en lien avec leur profession pour causer du tort à la [3] de [Localité 1].
13. Ils retiennent enfin que les éléments de contexte, notamment le conflit majeur entre M. [J] et la ville de [Localité 1] relayé dans la presse locale et sa précédente condamnation par le tribunal de police pour des faits d’injures non publiques au préjudice de M. [D] le 9 mars 2020, soit un mois avant, et confirmée par la cour d’appel d’Aix-en-Provence le 12 octobre 2021, témoignent d’une animosité personnelle.
14. En se déterminant ainsi, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision.
15. En effet, dés lors qu’ils avaient retenu le caractère diffamatoire des propos, il appartenait aux juges après les avoir énumérées, d’analyser la teneur des pièces invoquées par le prévenu au soutien de l’exception de bonne foi, afin d’énoncer précisément les faits et circonstances lui permettant de juger, en application de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, tel qu’interprété par la Cour européenne des droits de l’homme, si lesdits propos s’inscrivaient dans un débat d’intérêt général et reposaient sur une base factuelle suffisante, notions qui recouvrent celles de but légitime d’information et d’enquête sérieuse, afin, si ces deux conditions étaient réunies, d’apprécier moins strictement les critères d’absence d’animosité personnelle et de prudence et mesure dans l’expression.
16. Ils ne pouvaient ainsi se limiter à invoquer les pièces produites aux débats et les témoignages sans les analyser, ne mettant pas la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle.
17. La cassation est par conséquent encourue.