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La société de droit italien Emilio Pucci Srl exerce une activité depuis 1951 dans le domaine de la création et la distribution d’articles de prêt à porter et d’accessoires. Matthew Williamson, styliste, a travaillé pour la maison Emilio Pucci pendant trois ans selon un contrat aux termes duquel les droits patrimoniaux d’auteur portant sur les créations issues de cette collaboration ont été intégralement cédés à la société Emilio Pucci.
La société H&M Hennes & Mauritz S.A.R.L. a pour activité la commercialisation, notamment la vente, la distribution, l’importation et l’exportation et accessoirement la conception ou la fabrication (en sous-traitance) de textiles et de cosmétiques ou de tout autre produit non réglementé. La société H&M Hennes & Mauritz AB est la maison mère du groupe suédois H&M qui a pour activité la création, la fabrication et la commercialisation d’articles de mode. Elle dispose de 114 magasins en France à l’époque des faits sur 1738 dans le monde.
Williamson a créé pour la société H&M Hennes & Mauritz AB une collection ‘capsules’ de vêtements pour l’été griffée ‘Matthew Williamson pour H&M’ commercialisée à partir du mois d’avril 2009. Estimant que cette collection reprenait son style et ses imprimés et entretenait une confusion avec ses produits, la société Emilio Pucci a poursuivi la société H&M AB pour contrefaçon.
Pour rappel, L’article L 111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. Le droit de l’article susmentionné est conféré selon l’article L 112-1 du même code, à l’auteur de toute oeuvre de l’esprit, quels qu’en soit le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination. Il s’en déduit le principe de la protection d’une oeuvre sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale.
Il est constant que la personne morale qui commercialise de façon non équivoque une oeuvre de l’esprit est présumée à l’égard des tiers recherchés en contrefaçon et en l’absence de toute revendication du ou des auteurs, détenir sur ladite oeuvre les droits patrimoniaux de l’auteur. Pour bénéficier de cette présomption simple, il appartient à la personne morale d’identifier précisément l’oeuvre qu’elle revendique et de justifier de la date à laquelle elle a commencé à en assurer la commercialisation ; il lui incombe également d’établir que les caractéristiques de l’oeuvre qu’elle revendique sont identiques à celles dont elle rapporte la preuve de la commercialisation sous son nom. Enfin, si les actes d’exploitation propres à justifier l’application de cette présomption s’avèrent équivoques, elle doit préciser les conditions dans lesquelles elle est investie des droits patrimoniaux de l’auteur.
Dans cette affaire, la société Emilio Pucci revendiquait des droits d’auteur sur un imprimé dénommé PENNE (succession de bandes, en sens opposé, de motifs arqués en forme de croissant de couleur différente). Il a été créé et utilisé en 1965 pour la réalisation d’une cape dénommée Barracano qui a été réadapté en 2005 sous le nom de FARFALLE comme cela ressort d’un extrait d’un livre intitulé Emilio Pucci paru aux Editions Assouline en 1998 présentant ce modèle et a été depuis exploité de façon récurrente comme cela résulte des très nombreux articles de presse. Il en résulte que la société Emilio Pucci est titulaire des droits d’auteur sur ce motif d’imprimé.
Pour contester la contrefaçon les sociétés H&M AB ont opposé sans succès l’exception de courte citation prévue par les dispositions de l’article L 122-5 du code de la propriété intellectuelle en indiquant que le magazine H&M est un magazine d’actualité et que les reproductions ont pour objet d’illustrer les articles d’information.
Aux termes de l’article L 122-5 du code de la propriété intellectuelle ‘Lorsque l’oeuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire : … 3°) sous réserve que soit indiqué clairement le nom de l’auteur et la source : a) les analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’oeuvre à laquelle elles sont incorporées.
Le magazine en cause a été publié à des fins publicitaires pour promouvoir les articles présentés à la vente par les sociétés H&M et la robe en litige était reproduite intégralement tout comme l’imprimé, et aucune mention n’était faite des auteurs de ces œuvres.
Les sociétés H&M AB ont également fait valoir sans succès l’exception découlant de l’article 5-3 i) de la Directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 selon laquelle il n’est pas porté atteinte aux droits de l’auteur lorsque l’oeuvre est représentée de façon tellement insignifiante qu’elle n’est pas représentée pour elle-même et finalement pas communiquée au public.
Or, les œuvres en cause (imprimé et robe), étaient parfaitement identifiables et reproduites intégralement volontairement, puisque ces représentations étaient faites pour illustrer et renforcer les textes, et non de façon fortuite. Il s’ensuit que la société H&M AB en mettant en ligne sur le site internet dont elle est l’éditrice des reproductions des oeuvres pour lesquels la société Emilio Pucci est titulaire des droits d’auteur, sans son autorisation, la société H&M Hennes & Mauritz AB a bien commis des actes de contrefaçon (40.000 euros de dommages et intérêts).