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Il était surprenant que le nom de domaine France.com appartienne à une société américaine. Saisis d’une demande de « restitution », les juges ont tranché en faveur de l’Etat français. Ce dernier a contesté avec succès la validité des marques françaises et communautaires, verbales ou semi-figuratives, devenues en cours de procédure la propriété de la société américain France.com, en ce que ces titres se heurtaient à ses droits sur son nom et son territoire, qui constituent ses attributs. Le litige était inhabituel dans la mesure où l’Etat français n’opposait à titre d’antériorités, que des attributs de sa personnalité et non des marques.
Les dispositions de l’article 45-2 du code des Postes et communications électroniques, qui interdisent à quiconque d’adopter un nom de domaine identique à celui d’une collectivité territoriale (sauf intérêt légitime et bonne foi), n’étaient pas applicables en l’espèce, car elles ne régissent que les attributions de nom de domaine. L’Etat français a invoqué les dispositions de l’article L711-4 du code de la propriété intellectuelle, selon lesquelles ne peut être adopté comme marque, un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment (…) h/ au nom, à image ou à la renommée d’une collectivité territoriale, ainsi que celle de l’article L711-3 du même code qui interdit quant à lui l’adoption à titre de marque d’un signe a/ exclu par l’article 6 ter de la convention de Paris du 20 mars 1883 révisée pour la protection de la propriété industrielle (notamment les armoiries, drapeaux et emblèmes de l’état).
Lorsque la cause de la nullité est tirée des articles L711-1 à 3 (signe susceptible de constituer une marque, distinctivité et licéité), il s’agit d’une nullité absolue ouverte à tout intéressé (y compris le ministère public), tandis que celle fondée sur l’article L711-4 (indisponibilité du signe du fait de l’existence de droits antérieurs), est une nullité relative, qui n’est ouverte qu’au titulaire des droits. Dès lors, en l’espèce, dans toutes les hypothèses, l’Etat français pouvait agir.
La “collectivité territoriale” au sens de l’article L711-4 s’entend d’une réunion d’individus, ayant une communauté d’intérêts, sur un territoire géographique donné et ne fait pas référence uniquement à l’acception administrative du terme. Ces dispositions sont donc applicables à l’Etat français, qui regroupe sur le territoire national, une collectivité d’individus présentant des intérêts communs. La protection des attributs de la collectivité territoriale est appréciée au regard des missions de service public qui lui sont attribués et en recherchant s’il existe un risque de confusion.
En l’occurrence la marque de la société américaine, composée du mot “France” seul, avec l’ajout du suffixe “.com”, correspondant à l’extension du nom de domaine de premier niveau, qui est insuffisant pour modifier la perception du signe revendiqué, pour désigner des produits et services visés à l’enregistrement, pour assurer la promotion du tourisme sur le territoire français, d’une part, a pour effet une privatisation indue du nom de la collectivité, au profit de son titulaire, alors que ce nom devrait par nature demeurer à usage public et collectif et d’autre part, se heurte aux droits de l’Etat français sur son nom, qui désigne un état souverain, identifie un pays avec son identité économique, géographique, historique, culturelle, qui a notamment pour vocation, dans l’intérêt de la collectivité nationale, de participer au rayonnement du pays et notamment de favoriser la promotion du tourisme en France.
En outre, l’emploi de la marque “France” sans aucune adjonction (hormis le “.com”), pour tous les produits et services visés suggère la caution d’un organisme officiel et est susceptible de laisser croire au public, qu’elle désigne des produits et services émanant d’un service officiel ou habilité, en concertation avec les autorités publiques.
La marque verbale France.com portait donc atteinte aux droits de l’Etat français, sur son nom. L’Etat français était donc légitime à revendiquer en vertu des dispositions de l’article L712-6 du code de la propriété intellectuelle, la propriété de ces titres.
En dépit du fait que le site France.com ne porte pas atteinte à l’image du pays, le nom de domaine utilisé heurte les droits de l’Etat sur son nom, sur son identité et sur sa souveraineté. En outre, la possibilité de créer des adresses mail associées confère au titulaire du nom de domaine, un accès privilégié et monopolistique au détriment des autres opérateurs, ce qui est d’ailleurs utilisé comme argument commercial par le mandataire chargé de la vente du site litigieux, qui vante l’apparente confiance et crédibilité de cette adresse, comme pouvant être attribuées à un service de l’Etat français ou un tiers autorisé. Ainsi, le nom de domaine <france.com> qui appartient à la société américaine, se heurte aux droits de l’Etat français sur son nom. Celui-ci était donc fondé à en solliciter le transfert à son profit.