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En matière scientifique un communiqué de presse qui fait ressortir les doutes sur la fiabilité d’une nouvelle méthode médicale échappe à la diffamation.
Sans le qualifier de dangereux ou nocif, le collège médical, qui a vocation à émettre un avis sur les avancées scientifiques dans son domaine, peut prendre position, de manière claire mais sans excès de langage, en défaveur de la technique qu’il estime ne pas bénéficier, à ce stade, des garanties scientifiques permettant de confirmer son utilité et de justifier son coût, alors même qu’y recourir n’est pas sans conséquence sur le déroulement de l’accouchement lui-même et les choix parentaux à ce titre. Au vu de la base factuelle produite et de l’intérêt général du sujet traité, les propos litigieux, exprimant une critique franche mais de façon mesurée et proportionnée au doute émis quant à la fiabilité de la méthode scientifique proposée ne revêtent aucun caractère fautif mais relèvent simplement du droit à la liberté d’expression. |
→ Résumé de l’affaireL’affaire concerne une demande en justice de la société BABYPROGRESS et du docteur [B] [O] contre le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), le professeur [R] [Y] et le professeur [D] [G] pour acte de dénigrement suite à un communiqué de presse publié par le CNGOF en janvier 2019. Après plusieurs étapes judiciaires, le tribunal judiciaire de Paris a rejeté les demandes de BABYPROGRESS et [B] [O], les condamnant aux dépens. Suite à un appel interjeté, les appelants demandent à la cour de confirmer le jugement rendu en leur faveur, de reconnaître l’acte de dénigrement et de condamner les défendeurs à verser des dommages et intérêts ainsi qu’à publier la décision de condamnation. Les défendeurs demandent quant à eux la confirmation du jugement initial les déboutant de toutes les demandes.
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→ Les points essentielsIntroduction de l’affaireLe docteur [B] [O], gynécologue obstétricien et radiologue, exerce à mi-temps en tant que praticien hospitalier et en libéral dans divers établissements. En parallèle de son activité médicale, il a créé en 2013 la société BABYPROGRESS pour développer un logiciel de simulation d’accouchement, SIM37, basé sur l’IRM. Contexte et développement de SIM37SIM37 est conçu pour calculer le taux de compression de la tête fœtale lors de l’accouchement. Avant sa commercialisation, un article publié le 23 janvier 2019 par l’Institut de Recherche et d’Action pour la santé des Femmes (IRASF) a dévalorisé SIM37, suivi d’un communiqué du CNGOF le 25 janvier 2019 critiquant la méthode. Réactions et conséquencesLes appelants affirment que ces publications ont entraîné une campagne de dénigrement contre SIM37, affectant son avenir commercial. Ils soulignent des conflits d’intérêts non déclarés entre les acteurs impliqués et estiment que les actions des intimés ont été organisées pour nuire à SIM37. Rôle du CNGOFLe CNGOF, une société savante créée en 1970, a publié un communiqué critiquant SIM37 pour son absence de preuves scientifiques et son coût élevé. Le communiqué a été justifié par le CNGOF comme une alerte sur une technique médicale non prouvée. Accusations de dénigrementSelon l’article 1240 du code civil, tout acte causant un dommage oblige l’auteur à le réparer. Les appelants devaient prouver la faute, le préjudice et le lien de causalité. La responsabilité civile doit être strictement appréciée, surtout concernant la liberté d’expression. Analyse des preuvesLes intimés ont produit des attestations de professionnels confirmant l’absence de données scientifiques sur SIM37. Les premiers juges ont relevé qu’aucune étude scientifique n’avait été fournie avant la publication du communiqué du CNGOF. Justification du coûtLe coût de SIM37, jugé excessif, a été mentionné sur le site de Babyprogress. Un article de 2019 a souligné une maladresse de communication concernant le coût, ce qui a alimenté la polémique. Jugement des premiers jugesLes premiers juges ont estimé que le communiqué du CNGOF exprimait des doutes sur la fiabilité de SIM37 sans excès de langage. Ils ont jugé que le CNGOF avait le droit de critiquer la méthode en raison de l’absence de garanties scientifiques. Conclusion de la courLa cour a confirmé le jugement, estimant que les propos litigieux relevaient de la liberté d’expression et ne constituaient pas une faute. Les appelants ont été déboutés de leurs prétentions. Condamnation des appelantsLes appelants ont été condamnés à verser 1 500 euros à chacun des intimés en application de l’article 700 du code de procédure civile, en raison de l’équité. Les montants alloués dans cette affaire:
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→ Réglementation applicableArticles des Codes cités et leur texte correspondant :
Code Civil – Article 1240 : Tout fait quelconque de l’homme ayant causé à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer intégralement. Même en l’absence d’une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par l’une, d’une information de nature à jeter le discrédit sur les produits, les services ou les prestations de l’autre peut constituer un acte de dénigrement, ouvrant droit à réparation sur le fondement de l’article 1240 du code civil. Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse – Article 29 : Cette divulgation n’entre pas dans les prévisions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse quand elle ne concerne pas la personne physique ou morale elle-même. Code de Procédure Civile – Article 700 : L’équité permet de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en faveur des intimés. Les appelants seront condamnés, in solidum, à verser à chacun des intimés la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Ces articles ont été cités dans le contexte d’une affaire de dénigrement et de responsabilité civile liée à des propos tenus sur une méthode médicale controversée. |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Maître Emmanuelle FARTHOUAT – FALEK, avocat au barreau de PARIS
– Maître Christophe BIGOT, avocat au barreau de PARIS – Maître Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS – Maître Maud NISAND, avocat au barreau de STRASBOURG – Maître Anne-Judith LEVY, avocat au barreau de PARIS |
→ Mots clefs associés & définitions– Motifs de la décision
– Dénigrement – Responsabilité délictuelle – Liberté d’expression – Code civil – Code de procédure civile – CNGOF (Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français) – SIM37 (logiciel de calcul du taux de compression de la tête fœtale) – IRASF (Institut de Recherche et d’Action pour la santé des Femmes) – Conflits d’intérêts – Campagne de dénigrement – Liberté de la presse – Santé publique – Évaluation scientifique – Coût de la méthode – Études scientifiques – Communication – Critique mesurée – Intérêt général – Équité – Article 700 du code de procédure civile |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 2 – Chambre 7
ARRET DU 31 JANVIER 2024
(n° 4/2024, 8 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/06084 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHMNM
Décision déférée à la cour : Jugement du 15 Mars 2023 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J.EXPRO, JCP de PARIS RG n° 21/07135
APPELANTS
Monsieur [B] [O]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représenté par Maître Emmanuelle FARTHOUAT – FALEK, avocat au barreau de PARIS, toque : G97, avocat postulant
Assisté de Maître Christophe BIGOT, avocat au barreau de PARIS, toque : W10, avocat plaidant
S.A.S. BABYPROGRESS
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Maître Emmanuelle FARTHOUAT – FALEK, avocat au barreau de PARIS, toque : G97, avocat postulant
Assistée de Maître Christophe BIGOT, avocat au barreau de PARIS, toque : W10, avocat plaidant
INTIMES
Monsieur [D] [G]
c/o Hôpital [9], [Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Maître Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K65, avocat postulant
Assisté de Maître Maud NISAND, avocat au barreau de STRASBOURG, substituée par Maître Anne-Judith LEVY, avocat au barreau de PARIS, toque : C1580, avocat plaidant
Monsieur [R] [Y]
c/o CMCO, [Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Maître Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K65, avocat postulant
Assisté de Maître Maud NISAND, avocat au barreau de STRASBOURG, substituée par Maître Anne-Judith LEVY, avocat au barreau de PARIS, toque : C1580, avocat plaidant
Association COLLEGE NATIONAL DES GYNECOLOGUES ET OBSTETRICIENS FRANCAIS – CNGOF, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège
[Adresse 8]
[Localité 7]
Représentée par Maître Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K65, avocat postulant
Assistée de Maître Maud NISAND, avocat au barreau de STRASBOURG, substituée par Maître Anne-Judith LEVY, avocat au barreau de PARIS, toque : C1580, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 20 décembre 2023, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Jean-Michel AUBAC, Président
Mme Anne RIVIERE, Assesseur
Mme Anne CHAPLY, Assesseur
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame [H] dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Margaux MORA
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Jean-Michel AUBAC, président, et par Margaux MORA, greffier, présente lors de la mise à disposition.
– de constater que le communiqué de presse du CNGOF en date du 25’janvier 2019 intitulé ‘Accouchement par voie basse ou césarienne programmée” SIM 37, une méthode onéreuse et sans bénéfice ou intérêt prouvés’ constitue un acte de dénigrement,
– de condamner ensemble les défendeurs à leur verser à chacun la somme de 30’000’euros au titre de leur préjudice moral,
– d’ordonner la publication de la décision de condamnation des défendeurs à intervenir,
– de condamner les défendeurs à verser ensemble à la société BABYPROGRESS et à [B] [O] la somme de 6’000’euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
2. Vu l’ordonnance du juge de la mise en état en date du 9’mars 2022 rejetant la demande tendant à voir prononcer la nullité de l’assignation délivrée par [B] [O] et la société BABYPROGRESS au CNGOF, à [R] [Y] et [D] [G], rejetant l’ensemble des demandes présentées par l’association CNGOF, [D] [G] et [R] [Y] à titre de fins de non-recevoir ainsi que celle formulée au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et condamnant ces derniers, in solidum, à payer à [B] [O] et la société BABYPROGRESS la somme globale de 2’000’euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, réservant les dépens par ailleurs,
3. Vu les conclusions de la société BABYPROGRESS et d'[B] [O], notifiées par voie électronique le 7’novembre 2022, par lesquelles ils demandent au tribunal’:
– de déclarer irrecevables les demandes des professeurs [G] et [Y] et du CNGOF,
– de les débouter de leurs demandes,
– de constater que le communiqué de presse du CNGOF en date du 25’janvier 2019 intitulé « Accouchement par voie basse ou césarienne programmée” SIM 37, une méthode onéreuse et sans bénéfice ou intérêt prouvés’» constitue un acte de dénigrement,
– de condamner ensemble le CNGOF, les professeurs [G] et [Y] à verser au Docteur [B] [O] et à la société BABYPROGRESS, chacun, la somme de 30’000’euros au titre de leur préjudice moral,
– d’ordonner la publication d’un droit de réponse du docteur [B] [O] et de la société
BABYPROGRESS, ainsi que de la décision de condamnation du CNGOF et des professeurs [G] et [Y] à intervenir sur le site du CNGOF et sur tous les sites internet et les publications papiers sur lesquels les demandeurs ont été dénigrés, notamment certains journaux internet listés dans les conclusions,
– de condamner les défendeurs à payer ces frais de publication,
– de condamner les défendeurs à verser ensemble au docteur [B] [O] et à la société BABYPROGRESS la somme de 6’000’euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
4. Vu les conclusions d'[R] [Y], [D] [G] et du CNGOF, notifiées par voie électronique le 9’novembre 2022 par lesquelles ils demandent au tribunal’:
– de déclarer irrecevables les demandes de la société BABYPROGRESS et d'[B] [O],
– de les débouter de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
– de les condamner solidairement à payer au CNGOF, à [D] [G] et à [R] [Y], chacun, la somme de 6’000’euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– de les condamner aux entiers dépens,
– de juger qu’il n’y a aucun obstacle à ce que l’exécution provisoire de droit soit prononcée.
5. Vu le jugement rendu contradictoirement le 15’mars 2023 par le tribunal judiciaire de Paris qui a’:
– rejeté la demande sur la recevabilité des demandes,
– débouté [B] [O] et la société BABYPROGRESS de leurs demandes,
– condamné [B] [O] et la société BABYPROGRESS aux dépens,
– condamné [B] [O] et la société BABYPROGRESS à payer, in solidum, la somme de 1 500 euros à chacun, [R] [Y], [D] [G] et l’Association du Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF) au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
6. Vu l’appel interjeté le 27’mars 2023 par [B] [O] et la société BABYPROGRESS,
7. Vu les dernières conclusions des appelants signifiées le 27’novembre 2023, selon lesquelles ils demandent à la cour de’:
– confirmer le jugement rendu le 15’mars 2023 en ce qu’il a rejeté les demandes de [D] [G], [R] [Y] et le Collège national des gynécologues et obstétriciens français, tendant à l’irrecevabilité des assignations délivrées les 13’avril 2021, 17’mai 2021 et 20’mai 2021,
À titre principal,
– déclarer [B] [O] et la société BABYPROGRESS recevables et bien-fondés en leur appel,
– infirmer le jugement rendu le 15’mars 2023 en ce qu’il a débouté [B] [O] et la société BABYPROGRESS de l’intégralité de ses demandes et en ce qu’il les a condamnés à payer, in solidum, la somme de 1’500’euros à chacun, [R] [Y], [D] [G] et l’Association Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en ce qu’il les a condamné aux dépens,
Statuant à nouveau,
– juger que le communiqué de presse du Collège national des gynécologues et obstétriciens français en date du 25’janvier 2019 intitulé « Accouchement par voie basse ou césarienne programmée” SIM 37, une méthode onéreuse et sans bénéfice ou intérêt prouvés’» constitue un acte de dénigrement,
En conséquence,
– condamner [D] [G], [R] [Y] et le Collège national des gynécologues et obstétriciens français à verser à [B] [O] et à la société BABYPROGRESS la somme de 30’000’euros de dommages et intérêts chacun sur le fondement de l’article 1240 du code civil,
– ordonner au CNGOF de publier la décision de condamnation à intervenir sur la page d’accueil du CNGOF pendant une durée qui ne saurait être inférieure à 30 jours consécutifs, dans les 15 jours de la signification de l’arrêt à intervenir, et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard passé ce délai,
– condamner [D] [G], [R] [Y] et le Collège national des gynécologues et obstétriciens français à verser à [B] [O] et à la société BABYPROGRESS la somme de 6’000’euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens,
– débouter les intimés de toutes demandes formées devant la cour d’appel,
8. Vu les dernières conclusions signifiées le 25’septembre 2023 par [D] [G], [R] [Y] et le Collège national des gynécologues et obstétriciens français aux termes desquelles les intimés demandent à la cour de’:
– confirmer le jugement rendu le 15’mars 2023 par le tribunal judiciaire de Paris, en ce qu’il a débouté [B] [O] et la société BABYPROGRESS de leurs demandes,
– condamner aux dépens et condamner [B] [O] et la société BABYPROGRESS à payer in solidum la somme de 1’500’euros à chacun des défendeurs au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouter à nouveau [B] [O] et la société BABYPROGRESS de l’ensemble de leurs moyens, fins et prétentions,
– solidairement [B] [O] et la société BABYPROGRESS à verser au CNGOF, à [R] [Y] et à [D] [G] la somme de 6’000’euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner solidairement [B] [O] et la société BABYPROGRESS aux entiers dépens de la procédure,
9. Vu l’ordonnance de clôture du 20’décembre 2023,
10. Vu l’article 455 du code de procédure civile,
Rappel des faits et de la procédure
11. [B] [O], gynécologue obstétricien et radiologue, exerce à mi-temps en qualité de praticien hospitalier, à titre de salarié ainsi qu’en libéral dans divers établissements hospitaliers.
12. Dans le cadre de son activité de gynécologue obstétricien, le docteur [B] [O] a été secrétaire général du Syndicat des gynécologues et obstétriciens libéraux pendant six ans et secrétaire général élu du CNGOF.
13. Parallèlement à son activité médicale, le docteur [O] a créé, en décembre’2013, la société BABYPROGRESS, dont il est président, afin de développer, avec l’aide d’autres médecins, un logiciel de calcul du taux de compression de la tête f’tale lors du passage par le canal de naissance, dénommé «’SIM37’» signifiant’: SIMulation d’accouchement réalisée à la 37ème semaine à partir d’IRM. Cette technologie est basée, selon les explications du Dr [O], sur un logiciel de simulation de l’accouchement, simulation qui est réalisée à 37 semaines d’aménorrhée à partir d’une IRM du bassin et de la tête f’tale, dans le but de disposer d’une information complétant les autres paramètres obstétricaux.
14. Les appelants font valoir qu’avant toute commercialisation de ce logiciel en cours de validation scientifique, un article paru le 23’janvier 2019 sur le site internet de l’Institut de Recherche et d’Action pour la santé des Femmes (IRASF) avait entraîné une dévalorisation brutale de SIM37 par la décrédibilisation des travaux de recherche et que cet article avait été conforté par la publication du communiqué de presse du 25’janvier 2019 sur le site du CNGOF intitulé «’Accouchement par voie basse ou césarienne programmée” SIM 37, une méthode onéreuse et sans bénéfice ou intérêt prouvés’».
15. Les appelants font valoir que ce communiqué aurait entraîné la publication d’une vingtaine d’articles sur internet contre SIM37, citant nommément le docteur [O], et décrivant une supposée dangerosité de SIM37 grevant ainsi l’avenir commercial de SIM37.
16. Ils ajoutent que diverses procédures ont fait émerger des liens et des conflits d’intérêts non déclarés entre les divers acteurs en présence et ils estiment que les agissements des intimés ont déclenché une campagne de dénigrement en deux temps organisée sur internet et les réseaux sociaux, entre le 23 et le 25’janvier 2019, avant tout lancement commercial de SIM37.
17. Ils soulignent que le professeur [D] [G] était secrétaire général du CNGOF au moment de la publication du communiqué litigieux tandis que le professeur [R] [Y] en était président.
18. Le CNGOF se présente comme une société savante créée en 1970 «’dont l’objet est l’unité de la spécialité ainsi que son développement et son progrès’». Il précise qu’il «’édite, chaque année, les recommandations pour la pratique clinique très suivies par toute la profession, qu’il est doté d’un conseil scientifique qui a notamment en charge d’animer et d’encadrer les activités des groupes de travail chargés annuellement de la préparation et de la rédaction des recommandations pour la pratique clinique’».
19. Les intimés confirment que le communiqué a été publié pour souligner ‘l’absence de preuves scientifiques justifiant de proposer cette méthode aux femmes enceintes’ alertant ainsi au sujet de cette technique médicale.
Sur le dénigrement
20. Selon l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme ayant causé à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer intégralement. Même en l’absence d’une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par l’une, d’une information de nature à jeter le discrédit sur les produits, les services ou les prestations de l’autre peut constituer un acte de dénigrement, ouvrant droit à réparation sur le fondement de l’article 1240 du code civil.
21. Cette divulgation n’entre pas dans les prévisions de la loi du 29’juillet 1881 sur la liberté de la presse quand elle ne concerne pas la personne physique ou morale elle-même.
22. Pour retenir la responsabilité délictuelle de droit commun, il appartient au demandeur de prouver l’existence d’une faute commise par l’auteur des propos, un préjudice personnel et direct subi par lui et un lien de causalité entre cette faute et le préjudice.
23. En outre, la responsabilité civile de l’auteur des propos doit s’apprécier strictement car il s’agit d’une restriction au principe fondamental de la liberté d’expression. Ainsi, lorsque l’information se rapporte à un sujet d’intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, elle relève du droit à la liberté d’expression, qui inclut le droit de libre critique, et ne saurait être regardée comme fautive, sous réserve que soient respectées les limites admissibles de la liberté d’expression.
24. En l’espèce, il est reproché par les appelants aux intimés la publication le 25’janvier 2019, d’un communiqué de presse du CNGOF sous le titre’: «’Accouchement par voie basse ou césarienne programmée” SIM 37, une méthode onéreuse et sans bénéfice ou intérêt prouvés’» rédigé en ces termes’:
«’Communiqué de presse
Accouchement par voie basse ou césarienne programmée”
SIM 37, une méthode onéreuse et sans bénéfice ou intérêt prouvés
Paris, le 25’janvier 2019 ‘ La méthode SIM 37 prétend prédire, pour les couples qui le désirent, à l’aide de l’imagerie par résonance magnétique, les chances d’accouchement par voie basse. Elle permettrait ainsi de savoir à l’avance si un accouchement par voie basse est possible ou si programmer une césarienne serait pertinent pour éviter les traumatismes maternels ou néonataux liés à l’accouchement.
Interpelé à propos de la méthode SIM 37, le Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF) souligne l’absence de preuves scientifiques justifiant de proposer cette méthode aux femmes enceintes.
En effet, ce procédé n’a jamais fait l’objet d’une évaluation pertinente et sérieuse. Il n’existe aucune étude publiée dans des revues à comité de lecture permettant de vérifier les hypothèses proposées.
En outre, à l’heure où les inégalités de santé semblent se creuser et alors que les maternités souffrent de difficultés budgétaires, le coût proposé apparaît excessif au regard d’un bénéfice non démontré.
Enfin, le CNGOF rappelle que l’accouchement reste un moment extraordinaire mais extrêmement complexe pour lequel, il n’existe, à ce jour, aucune méthode permettant de prédire les chances d’accoucher par voie basse.’»
25. La publication de ce communiqué intervient après la publication, par l’IRASF, sur son site internet, d’un article dont l’objet était d’alerter les femmes sur le «’caractère infondé de la pratique SIM 37’» et des «’postulats du Docteur [O] sur les pathologies dont seraient victimes les f’tus’», estimant «’important d’informer les femmes et les couples sur le caractère expérimental et hasardeux de cet examen, de son coût outrancier (900’€), de son usage pour vendre et potentiellement perpétuer des césariennes qui nous semble (sic) inutiles, de véhiculer des données scientifiques fausses, voire dangereuses et incomplètes pour les femmes, d’instrumentaliser les violences obstétricales et enfin de s’enrichir d’une certaine façon sur le dos des victimes de violences obstétricales et gynécologiques’» puis appelant «’les journalistes à enquêter sur cette pratique’» et invitant «’les personnes, les associations, les collectifs, à faire circuler cette information’».
26. Les propos litigieux commentent la pertinence de la mise à disposition aux futurs parents, au cours de la grossesse, d’une méthode permettant de savoir si un accouchement par voie basse sera possible ou dans le cas contraire si une césarienne doit être programmée.
27. Il s’agit d’une problématique de santé publique qui s’inscrit dans un débat d’intérêt général.
28. Par les pièces versées qu’il verse aux débats, le CNGOF justifie intervenir publiquement, au vu de son objet, au moyen de la publication de communiqués de presse, sur des sujets d’actualité scientifique concernant le domaine de l’obstétrique et la gynécologie.
29. Ainsi, le CNGOF est légitime à publier un communiqué au sujet de SIM 37 basé sur une simulation d’accouchement par imagerie médicale permettant d’avoir une information sur le degré attendu de compression cérébrale de l’enfant au moment du passage du canal de naissance lors de l’accouchement par voie basse.
30. Au titre de leur base factuelle pour affirmer que SIM37 «’n’avait jamais fait l’objet d’une évaluation pertinente et sérieuse’» et qu’il n’existait «’aucune étude publiée dans des revues à comité de lecture permettant de vérifier les hypothèses proposées’», les intimés produisent les éléments suivants’:
– une attestation du professeur [V] [E] en date du 19’octobre 2020 qui relate avoir ‘eu à gérer plusieurs cas de patientes revenant’ de la consultation du Docteur [O] ‘avec une IRM du bassin et des conclusions concernant la probabilité d’accoucher par voie
naturelle’ ainsi que le fait qu’il avait alerté, en sa qualité de ‘chef de service de la maternité [10] et de président de la Collégiale des Gynécologues Obstétriciens d’Île-de-France’, le CNGOF et en particulier le professeur [Y] de ce qu’il décrivait comme une ‘mauvaise pratique médicale’, ‘compte-tenu de l’absence de données scientifiques permettant de donner ce type de pronostic et compte-tenu des conséquences délétères pour la patiente mais également pour les équipes obstétricales qui prennent en charge ces patientes’ , étant précisé que les termes de ce témoignage correspondent à ceux d’une lettre adressée par ce même professeur à la vice-présidente de la commission des plaintes et conciliation du Conseil départemental de la Ville de Paris de l’Ordre des médecins en réponse à la plainte déposée contre lui par le docteur [B] [O],
– une attestation du docteur [S] [Z], en date du 20’octobre 2020, qui témoigne avoir été sollicité par le professeur [Y] afin d’évaluer la finalité des travaux du docteur [O] en la matière. Il ressort de ce témoignage qu’il ne lui a pas ‘été possible de vérifier l’hypothèse selon laquelle l’IRM permettait de prévoir le risque de césarienne’.
31. Les premiers juges ont justement relevé qu”:«’avant la publication du communiqué de presse du CNGOF, aucun élément justifiant des études scientifiques menées par le docteur [O] ne lui avait été transmis’». En effet, même si le docteur [O] a été en mesure postérieurement de détailler sa démarche scientifique, la CNGOF ne disposait pas d’élément suffisant pour démontrer le sérieux de SIM37 lors de la publication de son communiqué.
32. Par ailleurs, pour justifier que le coût de cette méthode apparaissait ‘excessif au regard d’un bénéfice non démontré’, les premiers juges ont relevé que les intimés ont versé aux débats’:
«’- une copie d’écran des informations figurant sur le site Babyprogress en 2018 dans le cadre d’une ‘Foire aux questions’, qui mentionne en réponse à la question de savoir si SIM 37 est remboursé’: ‘SIM 37 n’est pas encore remboursé car c’est une innovation toute nouvelle et nous devons attendre qu’une évaluation des économies de santé réalisées soit terminée. Nous vous tiendrons informé(e)s dès qu’un remboursement sera obtenu. En attendant, vous pouvez acheter SIM37 dès 100’euros par mois sur 9 mois sans frais’. En 2019, la dernière phrase portant sur le montant du produit est ôté’».
33. À ce sujet, le jugement entrepris précise que dans un article paru le 31’janvier 2019 dans une revue professionnelle produit en défense, consacré à la ‘polémique autour du SIM 37 pour prédire l’accouchement’, il est mentionné que cette polémique ‘est partie d’une maladresse de communication’ selon les déclarations du porte-parole de SIM 37, maladresse indiquant le coût de la technique dont le CNGOF s’était fait l’écho.
34. Par des motifs pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont souligné que «’le communiqué litigieux fait ressortir les doutes sur la fiabilité de la méthode proposée, en l’état des données scientifiques. Il en ressort que, sans le qualifier de dangereux ou nocif, le collège, qui a vocation à émettre un avis sur les avancées scientifiques dans son domaine, prend position, de manière claire mais sans excès de langage, en défaveur de la technique SIM37 qu’il estime ne pas bénéficier, à ce stade, des garanties scientifiques permettant de confirmer son utilité et de justifier son coût, alors même qu’y recourir n’est pas sans conséquence sur le déroulement de l’accouchement lui-même et les choix parentaux à ce titre.’»
35. Dans ces conditions, au vu de la base factuelle produite par les intimés et de l’intérêt général du sujet traité, la cour confirmera le jugement entrepris aux motifs «’qu’Il y a lieu de considérer que les propos litigieux, exprimant une critique franche mais de façon mesurée et proportionnée au doute émis quant à la fiabilité de la méthode scientifique proposée par [B] [O] et la société BABYPROGRESS, ne revêtent aucun caractère fautif mais relèvent simplement du droit à la liberté d’expression’».
36. Par conséquent, il convient de débouter les appelants de l’ensemble de leurs prétentions et de confirmer le jugement entrepris.
Sur les demandes des intimés
37. L’équité permet de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en faveur des intimés.
38. Les appelants seront condamnés, in solidum, à verser à chacun des intimés la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement entrepris’;
Y ajoutant,
Condamne [B] [O] et la société BABYPROGRESS à payer, in solidum, la somme de 1 500 euros à chacun des intimés, à savoir [R] [Y], [D] [G] et l’Association Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF) au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
Condamne les appelants [B] [O] et la société BABYPROGRESS aux entiers dépens.
LE PRÉSIDENT LE GREFFIER