Prescription de l’action et rupture brutale du contrat

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Prescription de l’action et rupture brutale du contrat
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Prescription de l’action et rupture brutale du contrat

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action de la SAS Bourgey Montreuil Normandie

La SAS Stef Transport Paris Plessis-Belleville soutient que l’action en paiement de la SAS Bourgey Montreuil Normandie est prescrite en application de l’article L133-6 du code de commerce et de l’article 25 du contrat type général figurant à l’annexe II de l’article D3222-1 du code des transports au motif que la relation d’affaires entre les deux sociétés était régie par un contrat non-écrit portant sur une activité de transport routier de frêt interurbain. Cependant, la Cour a confirmé que l’action n’était pas prescrite au moment de son introduction.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la nouveauté en cause d’appel de la demande d’indemnisation de l’intimée au titre de la rupture brutale du contrat

L’appelante soutient que la demande subsidiaire d’indemnisation de la SAS Bourgey Montreuil Normandie est irrecevable, car nouvelle en cause d’appel. Cependant, la Cour a jugé que la demande était recevable en vertu des articles 565 et 566 du code de procédure civile, car elle tendait aux mêmes fins que celles soumises au premier juge.

Sur la demande principale de l’intimée tendant à confirmer la condamnation de l’appelante au paiement des factures litigieuses

La SAS Bourgey Montreuil Normandie a obtenu gain de cause en obtenant la condamnation de la SAS Stef Transport Paris Plessis-Belleville au paiement des factures litigieuses. La Cour a requalifié la demande en dommages et intérêts pour inexécution du contrat pendant le délai de préavis, sur le terrain de la responsabilité contractuelle.

Sur les demandes accessoires

La SAS Stef Transport Paris Plessis-Belleville a été condamnée aux dépens d’appel et à verser une somme de 1.000 euros à la SAS Bourgey Montreuil Normandie au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRET

S.A.S. STEF TRANSPORT PARIS PLESSIS-BELLEVILLE

C/

S.A.S. BOURGEY MONTREUIL NORMANDIE

CV

COUR D’APPEL D’AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 24 JANVIER 2023

F N° RG 21/00291 – N° Portalis DBV4-V-B7F-H62C

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE COMPIEGNE EN DATE DU 24 NOVEMBRE 2020

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.S. STEF TRANSPORT PARIS PLESSIS-BELLEVILLE

agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Amélie DATHY, avocat au barreau d’AMIENS, vestiaire : 98

A yant pour avocat plaidant, Me Stéphanie PARISELLI, avocat au barreau du VAL D’OISE

ET :

INTIMEE

S.A.S. BOURGEY MONTREUIL NORMANDIE

agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Savoie Hexapôle

[Localité 3]

Représentée par Me Eric KRAMER de la SCP FABIGNON,LARDON-GALEOTE,EVEN,KRAMER,ALLARD,REBOURCE, avocat au barreau de SENLIS, vestiaire : 160

DEBATS :

A l’audience publique du 08 Novembre 2022 devant Mme Cybèle VANNIER, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l’article 786 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 24 Janvier 2023.

GREFFIER : Mme Charlotte RODRIGUES assistée de Mme Anne-Lise LEPLUMEY, greffier stagiaire

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Cybèle VANNIER en a rendu compte à la Cour composée en outre de :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 24 Janvier 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.

DECISION

La société Bourgey Montreuil Normandie (SAS), sise à [Localité 3] ([Localité 3]), exerce une activité d’affrètement et d’organisation de transports.

La société Stef Transport Paris Plessis-Belleville (SAS), sise à [Adresse 2]), exerce une activité de messagerie, frêt express.

La SAS Bourgey Montreuil Normandie expose avoir mis du matériel et des véhicules à disposition de la SAS Stef Transport Paris Plessis-Belleville pendant plusieurs années, en application d’un contrat non écrit.

Par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) du 3 octobre 2017, la SAS Stef Transport Paris Plessis-Belleville a informé la SAS Bourgey Montreuil Normandie qu’elle mettrait un terme à leurs relations commerciales à l’issue d’un préavis de trois mois, soit le 3 janvier 2018.

Par lettre du 12 octobre 2017, la SAS Bourgey Montreuil Normandie a pris acte de la volonté de la SAS Stef Transport Paris Plessis-Belleville de mettre un terme à leurs relations commerciales à compter du 3 janvier 2018, et l’a informée que jusqu’à cette date, elle la facturerait au titre de deux ensembles double poste sur une base forfaitaire.

Par lettre du 15 février 2019, renouvelée les 26 février et 20 mars 2019, la société Agir Recouvrement, mandatée par la SAS Bourgey Montreuil Normandie, a mis en demeure la SAS Stef Transport Paris Plessis-Belleville de lui régler une somme totale de 40.725,07 euros, dont:

– une facture n° R07I0244 du 30 septembre 2017 d’un montant de 8.495,93 euros;

– une facture n° R07K0024 du 10 novembre 2017 d’un montant de 8.900,50 euros;

– une facture n° R07L0001 du 5 décembre 2017, d’un montant de 8.495,93 euros TTC;

– et une facture n° R07L0165 du 31 décembre 2017, d’un montant de 8.091,36 euros.

A défaut de règlement, la SAS Bourgey Montreuil Normandie a saisi le Président du tribunal de commerce de Compiègne d’une requête en injonction de payer du 27 mars 2019.

Suivant ordonnance d’injonction de payer du 15 avril 2019, signifiée par acte d’huissier du 15 mai 2019, le Président du tribunal de commerce de Compiègne a condamné la SAS Stef Transport Paris Plessis-Belleville à payer à la SAS Bourgey Montreuil Normandie les sommes suivantes:

– 33.983,72 euros en principal;

– 160 euros au titre des indemnités forfaitaires de l’article L441-6 du code de commerce;

– 5,25 euros au titre des frais de correspondance;

– 3.398,37 euros au titre des intérêts contractuels;

– et 23,22 euros au titre des intérêts légaux à compter du 26 février 2019, date de mise en demeure;

– outre les dépens de l’instance.

Par LRAR du 12 juin 2019, réceptionnée le 13 juin 2019, la SAS Stef Transport Paris Plessis-Belleville a fait opposition à cette ordonnance d’injonction de payer, faisant valoir notamment la prescription de l’action introduite par la SAS Bourgey Montreuil Normandie, au visa de l’article L133-6 du code de commerce.

Suivant jugement contradictoire du 24 novembre 2020, le tribunal de commerce de Compiègne a :

– dit la SAS Stef Transport Paris Plessis-Belleville recevable en son opposition, qui met à néant l’ordonnance portant injonction de payer rendue le 15 avril 2019 par le Président du tribunal de commerce de Compiègne;

statuant à nouveau,

– dit la SAS Bourgey Montreuil Normandie recevable et bien fondée en sa demande en paiement;

– condamné la SAS Stef Transport Paris Plessis-Belleville à payer à la SAS Bourgey Montreuil Normandie les sommes de 33.983,72 euros, au titre des factures impayées, 3.398,37 euros, au titre des intérêts contractuels de retard et 160 euros, au titre des indemnités forfaitaires de l’article L441-6 du code de commerce, le tout avec intérêt au taux légal à dater du 26 février 2019;

– condamné la SAS Stef Transport Paris Plessis-Belleville aux dépens, liquidés pour frais de greffe à la somme de 104,18 euros TTC, dont 20% de TVA, et à payer à la SAS Bourgey Montreuil Normandie la somme de 1.500 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

– et ordonné l’exécution provisoire.

Selon déclaration remise au greffe de la cour le 8 janvier 2021, la SAS Stef Transport Paris Plessis-Belleville a interjeté appel de cette décision expressément en tous ses chefs.

Aux termes de ses dernières conclusions d’appelante remises le 21 février 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, la SAS Stef Transport Paris Plessis-Belleville demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau, de prononcer la prescription de l’action de la SAS Bourgey Montreuil Normandie, s’agissant de sa demande de règlement des factures des 30 septembre 2017, du 10 novembre 2017, du 5 décembre 2017 et du 31 décembre 2017, de déclarer irrecevable la SAS Bourgey Montreuil Normandie en sa demande d’indemnisation au titre d’un préjudice occasionné par la rupture brutale du contrat, de déclarer irrecevable l’action de la SAS Bourgey Montreuil Normandie s’agissant de sa demande de règlement des factures des 30 septembre 2017, du 10 novembre 2017, du 5 décembre 2017 et du 31 décembre 2017, de débouter la SAS Bourgey Montreuil Normandie de sa demande d’indemnisation au titre d’un préjudice occasionné par la rupture brutale du contrat de la débouter de l’ensemble des demandes fins et prétentions et de la condamner au paiement des entiers dépens, ainsi que d’une somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions d’intimée remises le 22 février 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, la SAS Bourgey Montreuil Normandie demande à la cour de débouter la SAS Stef Transport Paris Plessis-Belleville de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions de confirmer le jugement entrepris et en conséquence,de condamner la SAS Stef Transport Paris Plessis-Belleville à lui payer les sommes de 33.983,72 euros, au titre des factures impayées, de 3.398,37 euros, au titre des intérêts contractuels de retard, et de 160 euros au titre des indemnités forfaitaires de l’article L441-6 du code de commerce;

A titre subsidiaire, elle demande à la cour de condamner la SAS Stef Transport Paris Plessis-Belleville au paiement de la somme de 33.983,72 euros à titre de dommages et intérêts au regard de la brutalité de la rupture de la relation commerciale.

En toutes hypothèses, elle demande à la cour d’assortir l’ensemble de ces sommes des intérêts au taux légal à dater du 26 février 2019, date de la mise en demeure et de condamner la SAS Stef Transport Paris Plessis-Belleville à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens comprenant le coût de la procédure d’injonction de payer, dont distraction au profit de Me Eric Kramer.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 octobre 2022, l’affaire ayant été renvoyée pour plaider à l’audience du 8 novembre 2022.

SUR CE

in limine litis, sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action de la SAS Bourgey Montreuil Normandie

La SAS Stef Transport Paris Plessis-Belleville soutient que l’action en paiement de la SAS Bourgey Montreuil Normandie est prescrite en application de l’article L133-6 du code de commerce et de l’article 25 du contrat type général figurant à l’annexe II de l’article D3222-1 du code des transports au motif que la relation d’affaires entre les deux sociétés était régie par un contrat non-écrit portant sur une activité de transport routier de frêt interurbain et que toutes les actions nées de l’exécution d’un contrat de transport se prescrivent dans le délai d’un an.

Elle rappelle que seule la signification de l’ordonnance d’injonction de payer le 15 mai 2019 a pu interrompre le délai de prescription.

Elle fait valoir qu’en première instance, la SAS Bourgey Montreuil Normandie avait reconnu que ses prestations, dans le cadre du contrat applicable, s’apparentaient à des prestations de transport, comme cela a été constaté par le jugement entrepris et que les factures litigieuses portent sur ‘deux ensembles double poste’ qui ne correspondent pas à une simple mise à disposition de véhicules et de matériels, mais à des missions de transport de marchandises, telles que celles réalisées dans le cadre de leurs relations commerciales.

Elle ajoute que l’absence de réponse à la lettre de la SAS Bourgey Montreuil Normandie du 12 octobre 2017 ne vaut pas acceptation implicite de facturation d’une simple mise à disposition de véhicules et matériels durant la période de préavis, conformément à l’article 1120 du code civil, d’autant que sa lettre du 3 octobre 2017 faisait référence à une cessation effective le 3 janvier 2018 des prestations habituelles de transport dans le cadre de leurs relations commerciales.

Elle rappelle que durant le préavis l’économie du contrat doit être maintenue mais qu’il n’est pas contesté que durant ce préavis aucune prestation de transport n’a été réalisée.

Elle fait valoir que les montants facturés pendant ce préavis, compris entre 8.000 et 9.000 euros TTC par mois, correspondent aux prix habituellement pratiqués dans le cadre de leurs relations commerciales, au titre de prestations de transport sur la ligne AM3 alorsque des prestations de simple mise à disposition et non de transport auraient été facturées à des montants inférieurs.

Elle souligne à ce titre que le service recouvrement de la SAS Bourgey Montreuil Normandie fait référence aux délais de réglement pour des opérations de transport dans un courriel du 20 juin 2018.

La SAS Bourgey Montreuil Normandie fait valoir que l’article L133-6 du code de commerce ne s’applique pas en l’espèce, les prestations ayant donné lieu aux factures litigieuses n’étant pas de transport, mais de mise à disposition de véhicules et de matériels et que le contrat la liant à l’appelante avait pour objet la mise à disposition de véhicules.

Selon l’article L110-4 du code de commerce : ‘I.-Les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes […]’.

Selon l’article L133-6 du code de commerce : ‘Les actions pour avaries, pertes ou retards, auxquelles peut donner lieu contre le voiturier le contrat de transport, sont prescrites dans le délai d’un an, sans préjudice des cas de fraude ou d’infidélité.

Toutes les autres actions auxquelles ce contrat peut donner lieu, tant contre le voiturier ou le commissionnaire que contre l’expéditeur ou le destinataire, aussi bien que celles qui naissent des dispositions de l’article 1269 du code de procédure civile, sont prescrites dans le délai d’un an.

Le délai de ces prescriptions est compté, dans le cas de perte totale, du jour où la remise de la marchandise aurait dû être effectuée, et, dans tous les autres cas, du jour où la marchandise aura été remise ou offerte au destinataire […]’.

Selon l’article 25 du contrat type général figurant à l’annexe II de l’article D3222-1 du code des transports : ‘Toutes les actions nées du contrat de transport et de ses prestations annexes se prescrivent dans le délai d’un an. Ce délai court, en cas de perte totale, à compter du jour où la marchandise aurait dû être livrée ou offerte et, dans tous les autres cas, à compter du jour où la marchandise a été remise ou offerte au destinataire’.

Il est admis que ne constitue pas un contrat de transport le contrat ayant pour objet une mise à disposition de véhicules en y associant un chauffeur, facturée selon un prix fixé au kilomètre et selon le type de camion utilisé.

Il ressort des pièces versées aux débats que des factures numérotées RO7A0216 du 31 janvier 2017, RO7B0158 du 28 février 2017 et RO7C0203 du 31 mars 2017, qui ne font pas l’objet du litige, portent sur des prestations de mise à disposition de véhicule avec conducteur par la SAS Bourgey Montreuil Normandie à la SAS Stef Transport Paris Plessis-Belleville.

Par ailleurs la facture n° R07I0244 du 30 septembre 2017 a pour objet la mise à disposition de matériel de transport pour la ligne A.M.3, la facture n° R07K0024 du 10 novembre 2017 a pour objet la mise à disposition d’un tracteur routier sur la ligne A.M.3, étant précisé un poids transporté de 20 tonnes et que les factures n° R07L0001 du 5 décembre 2017 et R07L0165 du 31 décembre 2017 ont pour objet la mise à disposition d’un tracteur routier sur la ligne A.M.3.

Il sera également relevé que la LRAR de ‘fin de relation commerciale’ adressée par l’appelante à l’intimée le 3 octobre 2017 ne précise pas la nature des ‘prestations’, dont ‘l’arrêt’ devra être effectif à compter 3 janvier 2018, soit à l’expiration d’un délai de préavis de 3 mois et que la lettre en réponse adressée le 12 octobre 2017 à l’appelante par l’intimée précise que jusqu’à la date de fin de leur collaboration, fixée au 3 janvier 2018, elle lui facturera ‘2 ensembles double poste’.

A défaut de preuve que le contrat non-écrit qui liait les parties avait pour objet le transport de marchandises, plutôt que la mise à disposition de véhicules, avec ou sans chauffeur, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a écarté l’application en l’espèce de l’article L133-6 précité du code de commerce, au profit de l’article L110-4 précité du même code.

En l’espèce, la date de l’acte introductif d’instance correspond à celle de la signification de l’ordonnance d’injonction de payer à la SAS Stef Transport Paris Plessis-Belleville, soit le 15 mai 2019.

L’action en paiement des quatre factures litigieuses, émises entre le 30 septembre et le 31 décembre 2017, soit moins de cinq ans auparavant, n’était donc pas prescrite au jour de son introduction.

Il n’y a pas lieu d’examiner plus avant les moyens des parties sur l’interruption dans l’intervalle du délai de prescription applicable, au motif qu’ils restent sans incidence sur la recevabilité de l’action introduite par la SAS Montreuil Bourgey Normandie.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la nouveauté en cause d’appel de la demande d’indemnisation de l’intimée au titre de la rupture brutale du contrat

L’appelante soutient que la demande subsidiaire d’indemnisation de la SAS Bourgey Montreuil Normandie est irrecevable, car nouvelle en cause d’appel, au sens de l’article 564 du code de procédure civile.

En retour, l’intimée fait valoir que sa demande subsidiaire d’indemnisation est recevable en application des articles 565 et 566 du code de procédure civile.

Selon l’article 564 du code de procédure civile à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait’.

Toutefois selon l’article 565 du code de procédure civile les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

Il résulte de l’examen des prétentions de la SAS Bourgey Montreuil Normandie en première instance, qu’elle sollicitait la condamnation de la SAS Stef Transport Paris Plessis-Belleville au paiement des quatre factures litigieuses (33.983,72 euros en principal).

Quoique nouvelle en cause d’appel et basée sur un fondement juridique différent (délictuel et non contractuel), la demande subsidiaire de l’intimée visant à être indemnisée, au titre de la rupture brutale des relations commerciales, du montant cumulé des quatre factures litigieuses (33.983,72 euros), est recevable en vertu de l’article 565 précité du code de procédure civile, dès lors qu’elle tend à une même fin que sa demande principale de première instance, savoir de condamner l’appelante à lui payer lesdites factures, non pas en application du contrat d’espèce, mais sous la forme de dommages et intérêts, suivant l’article 1240 du code civil.

Sur la demande principale de l’intimée tendant à confirmer la condamnation de l’appelante au paiement des factures litigieuses

La SAS Bourgey Montreuil Normandie fait valoir qu’elle n’a réalisé aucune prestation de transport pendant le délai de préavis de trois mois, si bien qu’elle n’a pu en facturer aucune.

Elle soutient que l’appelante, qui avait contracté avec un prestataire tiers dès la notification de sa décision de rompre le contrat, ne lui a confié aucune mission lors de la période de préavis fixée par elle à trois mois, ce qui l’a empêchée de réaliser pendant cette période les prestations qui lui étaient habituellement confiées de sorte qu’elle était bien fondée à lui facturer des prestations qu’elle aurait du réaliser au cours du délai de préavis si le contrat s’était normalement poursuivi;

Elle fait valoir que les factures litigieuses correspondent uniquement aux charges liées aux véhicules qui n’étaient plus mis en circulation, à défaut d’ordre de mission, conformément à ce qui était annoncé dans sa lettre du 12 octobre 2017, savoir l’équivalent de deux ensembles double poste, étant souligné que la SAS Stef Transport Paris Plessis-Belleville n’a pas contesté lesdites factures lors de leur envoi, ou à l’occasion des plusieurs relances;

Elle soutient qu’à défaut d’exécuter le contrat qui les liait pendant la durée de préavis, la SAS Stef Transport Paris Plessis-Belleville, à l’initiative de la rupture contractuelle et de la fixation du délai de 3 mois, se devait de l’indemniser selon les termes de la lettre du 12 octobre 2017, soit à hauteur de l’équivalent forfaitaire de deux ensembles double postes pendant trois mois.

La SAS Stef Transport Paris Plessis-Belleville soutient que l’intimée n’a pas exécuté les prestations de transport prévues dans le cadre de leurs relations commerciales pendant le délai de préavis de 3 mois et qu’elle n’a pas confié de missions de transport à l’intimée pendant le délai de préavis de trois mois, sachant que cette dernière n’était plus en mesure de les exécuter depuis le mois de juillet 2017 si bien que la SAS Bourgey Montreuil Normandie a facturé des prestations de transport qui ne lui ont pas été confiées et qu’elle n’a donc pas exécuté durant le préavis de 3 mois.

Selon l’article 12 du code de procédure civile le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.

Comme il sera établi ci-après, la demande en paiement de factures impayées de l’intimée doit être requalifiée en demande de dommages et intérêts à hauteur du montant desdites factures au motif de l’inexécution fautive par l’appelante du contrat d’espèce durant la période de préavis, sur le terrain de la responsabilité contractuelle.

Selon l’article 1104 du code civil : ‘Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public’.

Selon l’article 1211 du code civil : ‘Lorsque le contrat est conclu pour une durée indéterminée, chaque partie peut y mettre fin à tout moment, sous réserve de respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, un délai raisonnable’.

Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.

Les parties ne contestent pas que le contrat d’espèce a été conclu pour une durée indéterminée, ni qu’aucune prestation n’a été exécutée par la SAS Bourgey Montreuil Normandie pour la SAS Stef Transport Paris Plessis-Belleville durant la période couverte par les quatre factures litigieuses, soit entre les mois de septembre et décembre 2017.

Il est constant que par LRAR du 3 octobre 2017, l’appelante a décidé de mettre fin aux relations commerciales qu’elle entretenait avec l’intimée moyennant l’observation d’un délai de préavis de trois mois.

Par ailleurs, l’intimée a pris acte (LRAR du 12 octobre 2017) de la fixation par l’appelante de ce délai de préavis de trois mois, sans émettre d’objection sur la durée retenue, si bien que ce délai peut être tenue pour raisonnable, étant souligné que la durée de la relation commerciale des parties, bien que longue de ‘plusieurs années’, n’est pas déterminée avec précision.

Il ressort également des pièces versées aux débats par l’appelante en particulier d’échanges de courriels entre les parties des 27 juillet, 2 août, 4 août et 16 août 2017, que la SAS Montreuil Bourgey Normandie n’a pas été en mesure de réaliser plusieurs des tournées régulières d’après-midi que la SAS Stef Transport Paris Plessis-Belleville lui avait confiées, faute de chauffeur disponible, lors des semaines 31 à 35, soit entre le 31 juillet et le 3 septembre 2017 et que par LRAR du 16 août 2017, la SAS Stef Transport Paris Plessis-Belleville a informé la SAS Montreuil Bourgey Normandie qu’elle lui devait, au titre de manquements répétés à son obligation de mise à disposition de chauffeurs, une réparation à hauteur de 70 euros par jour et par tournée non effectuée, étant précisé que sur les trois tournées régulières d’après-midi prévues lors des semaines 31 à 33, seules deux tournées régulières ont été assurées en semaine 31 et seule une tournée régulière a été assurée en semaines 32 et 33.

L’intimée ne s’explique pas sur les manquements contractuels ci-dessus allégués par l’appelante, laquelle ne répond pas en retour à l’affirmation adverse selon laquelle elle aurait contracté avec un prestataire tiers dès la notification de sa décision de rompre le contrat par LRAR du 3 octobre 2017.

Dès lors la SAS Stef Transport Paris Plessis-Belleville s’est engagée à exécuter de bonne foi le contrat litigieux jusqu’au terme du préavis fixé au 3 janvier 2018, et ne pouvait se prévaloir d’une exception d’inexécution au titre de manquements contractuels de la SAS Bourgey Montreuil Normandie qui seraient antérieurs au 3 octobre 2017 et dont elle avait connaissance à cette date.

En effet les dispositions précitées du second alinéa de l’article 1211 du code civil laissaient à l’appelante une faculté de résiliation sans préavis pour cause d’inexécution par l’intimée de ses obligations contractuelles. En renonçant à se prévaloir de cette faculté par la fixation d’un délai de préavis de trois mois, la SAS Stef Transport Paris Plessis-Belleville a entendu poursuivre l’exécution du contrat d’espèce jusqu’au 3 janvier 2018.

Or, tel n’a pas été le cas, dès lors que pendant la durée de ce préavis, soit entre le 3 octobre 2017 et le 3 janvier 2018, l’appelante n’a passé aucune commande auprès de l’intimée. Elle n’a dès lors pas exécuté de bonne foi le contrat en cause pendant le délai de préavis.

La société a facturé dès lors le montant de prestations sur la base forfaitaire de la mise à disposition de deux ensembles double poste pour un coût équivalent à celui pratiqué les mois précédents.

Les quatre factures litigieuses ont été émises par l’intimée en guise de dédommagement d’un défaut de commande, soit en contrepartie de l’inexécution du contrat d’espèce par l’appelante pendant le délai de préavis, outre le mois de septembre 2017.

Leur montant respectif, calculé sur une base forfaitaire similaire au montant des prestations de mise à disposition de véhicule avec conducteur facturées par la SAS Bourgey Montreuil Normandie au titre de la tournée journalière ‘AM3″ pour les mois de janvier (facture n° RO7A0216), février (facture n° RO7B0158) et mars 2021 (facture n° RO7C0203), est justifié au vu du préjudice subi par l’intimée du fait de l’inexécution contractuelle.

Selon l’article L441-6.I du code de commerce, dans sa version applicable au litige :

‘I. […] Les conditions de règlement doivent obligatoirement préciser les conditions d’application et le taux d’intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture ainsi que le montant de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement due au créancier dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date. Sauf disposition contraire qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à trois fois le taux d’intérêt légal, ce taux est égal au taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage. Dans ce cas, le taux applicable pendant le premier semestre de l’année concernée est le taux en vigueur au 1er janvier de l’année en question. Pour le second semestre de l’année concernée, il est le taux en vigueur au 1er juillet de l’année en question. Les pénalités de retard sont exigibles sans qu’un rappel soit nécessaire. Tout professionnel en situation de retard de paiement est de plein droit débiteur, à l’égard du créancier, d’une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par décret. Lorsque les frais de recouvrement exposés sont supérieurs au montant de cette indemnité forfaitaire, le créancier peut demander une indemnisation complémentaire, sur justification. Toutefois, le créancier ne peut invoquer le bénéfice de ces indemnités lorsque l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire interdit le paiement à son échéance de la créance qui lui est due’.

La SAS Bourgey Montreuil Normandie ne justifie pas du fondement de ses demandes indemnitaires au-delà des sommes facturées en principal pour un montant de 33.983,72 euros, étant observé que les dispositions précitées de l’article L441-6 du code de commerce relatives aux conditions de réglement du prix entre professionnels n’ont pas vocation à s’appliquer au paiement de factures de dédommagement qui ne correspondent à l’exécution d’aucune prestation réelle.

Dès lors, il convient de condamner la SAS Stef Transport Paris Plessis-Belleville, au titre de sa responsabilité contractuelle, à payer à la SAS Bourgey Montreuil Normandie la somme de 33.983,72 euros, assortie d’intérêts au taux légal à compter de la présente décision et de débouter la SAS Bourgey Montreuil Normandie du surplus de ses demandes indemnitaires au principal.

En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a condamné la SAS Stef Transport Paris Plessis-Belleville à payer à la SAS Bourgey Montreuil Normandie la somme de 33.983,72 euros, au titre des quatre factures litigieuses, ainsi que les sommes de 3.398,37 euros, au titre des intérêts contractuels de retard, et de 160 euros, au titre des indemnités forfaitaires de l’article L441-6 du code de commerce, le tout avec intérêt au taux légal à compter du 26 février 2019, date de première mise en demeure par LRAR.

Il n’y a pas lieu dès lors de statuer sur la demande subsidiaire de la SAS Bourgey Montreuil Normandie de condamnation sur le fondement de la responsabilité délictuelle de l’appelante.

Sur les demandes accessoires

La SAS Stef Transport Paris Plessis-Belleville, qui succombe pour l’essentiel, sera condamnée aux dépens d’appel, dont distraction au profit de maître Eric Kramer, qui le demande.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a condamné la SAS Stef Transport Paris Plessis-Belleville aux dépens, comprenant le coût de la procédure d’injonction de payer.

Enfin, il ne parait pas inéquitable de condamner l’appelante à payer à la SAS Bourgey Montreuil Normandie une somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

Confime le jugement entrepris excepté en ce qu’il a condamné la SAS Stef Transport Paris Plessis-Belleville à payer à la SAS Bourgey Montreuil Normandie les sommes de 33.983,72 euros, au titre des factures impayées, de 3.398,37 euros, au titre des intérêts contractuels de retard et de 160 euros, au titre des indemnités forfaitaires de l’article L441-6 du code de commerce, le tout avec intérêt au taux légal à dater du 26 février 2019;

statuant à nouveau sur le chef infirmé,

Condamne la SAS Stef Transport Paris Plessis-Belleville, au titre de sa responsabilité contractuelle, à verser à la SAS Bourgey Montreuil Normandie des dommages et intérêts à hauteur d’une somme de 33.983,72 euros, assortie d’intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Déboute la SAS Bourgey Montreuil Normandie de sa demande de condamnation de la SAS Stef Transport Paris Plessis-Belleville à lui payer les sommes de 3.398,37 euros, au titre d’intérêts contractuels de retard et de 160 euros, au titre d’indemnités forfaitaires de l’article L441-6 du code de commerce, le tout avec intérêt au taux légal à dater du 26 février 2019;

Y ajoutant,

Condamne la SAS Stef Transport Paris Plessis-Belleville à payer la somme de 1.000 euros à la SAS Bourgey Montreuil Normandie en application de l’article 700 du code de procédure civile’;

Condamne la SAS Stef Transport Paris Plessis-Belleville aux dépens d’appel, dont distraction au profit de maître Eric Kramer, qui le demande, sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, La Présidente,

 


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