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La société Dachser conteste le refus opposé par la juridiction consulaire à sa demande de poser au Conseil d’État une question préjudicielle sur la légalité de l’arrêté du 25 juin 1997 portant extension sans réserve des accords du 28 mars 1997 et de surseoir à statuer dans l’attente de la réponse, et réitère cette demande devant la cour en lui demandant de poser cette question et de surseoir à statuer dans l’attente de la réponse de la Haute juridiction administrative.
Selon l’article 954, alinéa 4, du code de procédure civil, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion. La cour n’a ainsi pas à statuer de ce chef.
La cour n’a pas à statuer sur les prétentions et moyens articulés par la société Dachser au soutien de la question préjudicielle qu’elle demande à titre principal de poser. Sont ici examinés les demandes, moyens et prétentions formulés dans les pages 16 à 24 de ses écritures, sous la rubrique ‘ 2. Au fond’.
La société Dachser France n’a pas satisfait à son obligation de contrepartie d’embauche, prévue à l’article VI de l’accord. Le Fongecfa Transport est ainsi en droit d’invoquer l’article VI.4 de l’accord et de réclamer une pénalité financière à Dachser France.
La cour estime que l’obligation de contrepartie d’embauche n’est ni injustifiée ni disproportionnée par rapport au manquement de la société Dachser France.
La cour rejette le moyen de la société Dachser France, estimant qu’il n’existe aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations respectives des parties.
La cour considère que la pénalité imposée à la société Dachser France n’est pas disproportionnée par rapport au manquement commis.
La société Dachser France supportera les dépens d’appel et versera une indemnité de procédure au Fongecfa Transport en application de l’article 700 du code de procédure civile. Les dispositions du jugement afférentes aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile seront confirmées.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRET N°90
N° RG 21/01293 – N° Portalis DBV5-V-B7F-GIBW
S.A.S. DACHSER FRANCE
C/
Association FONGECFA-TRANSPORT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 28 FEVRIER 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/01293 – N° Portalis DBV5-V-B7F-GIBW
Décision déférée à la Cour : jugement du 23 mars 2021 rendu par le Tribunal de Commerce de LA ROCHE-SUR-YON.
APPELANTE :
S.A.S. DACHSER FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 4]
ayant pour avocat Me Alexis BAUDOUIN de la SCP TEN FRANCE, avocat au barreau de POITIERS substitué par Me Paul COEFFARD, avocat au barreau de POITIERS
INTIMEE :
Association FONGECFA-TRANSPORT
[Adresse 2]
[Localité 3]
ayant pour avocat postulant Me Fatiha NOURI de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me My-Kim YANG PAYA, avocat au barreau de PARIS, substituée par Me Fatiha NOURI, avocat au barreau de POITIERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 05 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :
M. Thierry MONGE, Président de Chambre
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Thierry MONGE, Président de Chambre
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,
ARRÊT :
– Contradictoire
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ :
Créé par un accord du 11 avril 1997 en application de l’article VII de l’accord de branche du 28 mars 1997 sur le congé de fin d’activité des conducteurs routiers de transport de marchandises et du transport de déménagement, le Fonds national de gestion paritaire du congé de fin d’activité -dénommé association Fongecfa Transport- a pour mission de gérer le financement du régime conventionnel de départ anticipé à la retraite des conducteurs routiers.
La société Dachser France ayant employé en qualité de chauffeur routier un salarié, [K] [X], qui a bénéficié d’un congé de fin d’activité (CFA) à compter du 1er juillet 2017, l’association Fongecfa Transport lui a rappelé son obligation de recruter un nouveau salarié en contrat à durée indéterminée dans les trois mois de ce congé sous peine d’être tenue de lui verser une somme égale aux allocations qu’elle-même verserait au bénéficiaire. La société Dachser France lui a alors transmis une attestation employeur justifiant de l’embauche d’un salarié en CDD pendant trois mois pour remplacer un chauffeur en arrêt, puis de l’embauche de cette personne en CDI à compter du 30 décembre 2017 en remplacement de M. [X].
L’association Fongecfa Transport lui a répondu considérer qu’elle n’avait pas satisfait à son obligation de recruter un nouveau salarié dans le délai de trois mois et, après vaines mise en demeures, l’a fait assigner, par acte du 5 septembre 2019, devant le tribunal de commerce de La-Roche-sur-Yon pour la voir condamner en application de l’accord du 28 mars 1997 et de l’accord du 11 mars 2014 à lui payer la somme de 5.631,91 euros correspondant aux allocations versées à M. [X] pour la période du 1er octobre au 29 décembre 2017, avec intérêts au taux légal à compter du 24 septembre 2018, date de la mise en demeure, outre 2.000 euros d’indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Dachser France a demandé à la juridiction consulaire de poser avant dire droit au Conseil d’État une question préjudicielle sur la légalité de l’arrêté du 25 juin 1997 portant extension sans réserve des accords du 28 mars 1997 et de surseoir à statuer dans l’attente de la réponse ; subsidiairement, elle a argué l’action adverse d’irrecevabilité faute de preuve de la qualité pour agir en justice du président de l’association ; encore plus subsidiairement, sur le fond, elle a conclu au rejet des prétentions adverses en objectant que la clause de l’accord invoquée, en l’occurrence son article VI.4, créait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, et que la demanderesse ne démontrait en tout état de cause pas avoir effectivement versé au salarié les allocations dont elle lui réclame le remboursement. Elle a infiniment subsidiairement contesté que les intérêts moratoires sur la somme qui serait jugée due puissent avoir couru à compter de la mise en demeure, délivrée non par l’association mais par une société tierce dont la délégation n’est pas démontrée. Elle a sollicité 3.000 euros d’indemnité de procédure.
Par jugement du 23 mars 2021, le tribunal de commerce de La-Roche-sur-Yon a :
* dit que l’association Fongecfa Transport était pour partie recevable et bien fondée en ses demandes
* débouté Dachser France de l’ensemble de ses demandes et prétentions, y compris de celles faites à titre liminaire
* condamné Dachser France à payer 5.631,91 euros à Fongecfa Transport avec intérêts au taux légal à compter du 5 septembre 2019, date de l’assignation
* ordonné l’exécution provisoire de la décision
* condamné Dachser France aux dépens de l’instance et à payer à l’association Fongecfa Transport 1.000 euros d’indemnité de procédure.
Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu, en substance :
-que la question préjudicielle qu’il lui était demandé de poser ne présentait pas de caractère sérieux, en ce que l’adhésion obligatoire à l’association Fongecfa Transport poursuit un objectif de mutualisation des risques et une mission de service public
-que la demanderesse était recevable à agir, l’article 10 des statuts de l’association stipulant que son président la représente en justice
-que Fongecfa Transport justifiait avoir versé à M [X] les sommes litigieuses
-qu’en l’absence de preuve d’une délégation de l’auteur de la mise en demeure, les intérêts ne couraient qu’à compter de l’assignation.
L’association Fongecfa France a relevé appel le 20 avril 2021.
Les dernières écritures prises en compte par la cour au titre de l’article 954 du code de procédure civile ont été transmises par la voie électronique
* le 2 novembre 2022 par la société Dachser France
* le 21 novembre 2022 par l’association Fongecfa Transport.
La société Dachser France demande à la cour de réformer le jugement entrepris, et :
¿ à titre principal de soumettre au Conseil d’État une question préjudicielle sur la légalité de l’arrêté du 25 juin 1997 portant extension sans réserve des accords du 28 mars 1997 portant création du Fongecfa Transport à fin de savoir s’il ne méconnaît pas
.les dispositions de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association, et notamment celles de ses articles 2 et 4, en ce qu’il rend obligatoire à tous les employeurs compris dans le champ d’application de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires de transport, et employant des conducteurs de véhicules de plus de 3,5 tonnes de PTAC affectés au transport de marchandises, une adhésion à l’association dénommée Fongecfa Transport ainsi que le versement à titre obligatoire au Fongecfa d’une cotisation assise sur la masse des salaires bruts des personnels concernés
.les article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958, 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, 1102 du code civil et L.1221-1 du code du travail, en ce qu’il impose une obligation d’embauche à tous les employeurs compris dans le champ d’application de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport et employant des conducteurs de véhicules de plus de 3,5 tonnes de PTAC affectés au transport de marchandises, y compris ceux qui n’ont pas adhéré au texte conventionnel ou à une organisation patronale signataire du texte.
Elle demande à la cour surseoir à statuer dans l’attente de la réponse
¿ à titre subsidiaire : de débouter Fongecfa Transport de l’ensemble de ses demandes et de la condamner à lui verser 5.000euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle maintient que la question préjudicielle qu’elle demande de poser est sérieuse en ce l’adhésion obligatoire au Fongecfa, qui n’est pas investi d’une mission de service public, de toutes les entreprises entrant dans le champ d’application des accords de 1997 viole le principe constitutionnel de liberté d’adhérer ou de ne pas adhérer à une association, particulièrement pour les entreprises qui, comme elle, n’adhèrent pas directement ou indirectement à l’une des organisations patronales signataires. Elle soutient au surplus que seul le législateur peut déroger au principe de la liberté contractuelle et imposer la passation d’un contrat, et que l’article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 a été violé puisqu’aucun texte législatif n’a autorisé le pouvoir réglementaire ou les partenaires sociaux à déroger aux principes fondamentaux du droit du travail et du droit des obligations.
Elle déclare persister à considérer qu’en l’absence de production du procès-verbal du conseil d’administration autorisant le président à ester en justice à son encontre, l’action est irrecevable, ce qu’elle demande dans les motifs de ses conclusions à la cour de juger.
Subsidiairement, sur le fond, elle soutient que même s’il fut à l’origine recruté en CDD pour remplacer un autre chauffeur, absent, que M. [X], M [H], qu’elle a ensuite embauché en CDI, est légalement réputé avoir été recruté le 25 septembre 2017 date du CDD soit donc dans le délai de trois mois.
Elle demande à la cour de débouter l’association Fongecfa Transport de toutes ses demandes en faisant usage de son pouvoir de contrôle de proportionnalité, en jugeant que les dispositions des accords du 28 mars 1997 et du 11 avril 1997, tant obligation d’adhérer au Fonds qu’obligation de contrepartie d’embauche, portent une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre, laquelle implique, notamment, la liberté de recruter ou pas, de contracter ou pas, d’organiser le travail dans l’entreprise.
Elle maintient que la clause de l’accord invoquée, en l’occurrence son article VI.4, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, en ce que le départ en CFA s’effectue à la seule initiative du salarié, et que l’entreprise se trouve dans la situation d’avoir à lui trouver un remplaçant dans les trois mois ou d’acquitter une pénalité démesurée.
Elle soutient aussi au visa de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 que la cour ne peut appliquer de façon automatique la sanction pécuniaire prévue à l’article 6 de l’accord collectif qu’invoque Fongecfa, mais doit considérer la gravité du manquement allégué.
Elle soutient que la sanction est en l’occurrence totalement disproportionnée.
Plus subsidiairement, elle maintient que la demanderesse ne prouve pas avoir effectivement versé à M. [X] les sommes réclamées.
Elle conteste la demande afférente aux intérêts en objectant que l’avis avant poursuite du 24 septembre 2016 ne peut en être le point de départ puisqu’il n’émane pas de l’appelante.
L’association Fongecfa Transport maintient que la demande de sursis à statuer est irrecevable faute de caractère sérieux de la question préjudicielle que l’intimée demande à la cour de poser au Conseil d’État, répondant, en substance, à l’argumentation adverse
.que le Conseil d’État comme la Cour de cassation ont déjà jugé à de nombreuses reprises que le principe de liberté d’association souffre de certains tempéraments, notamment lorsque l’adhésion obligatoire se fait auprès d’une association unique chargée d’une mission de service public, comme en l’espèce Fongecfa Transport
.que la demande est dilatoire, la Cour de cassation ayant dit dans son arrêt, publié, du 29.06.2022 P n°21-14271 qu’il n’y a pas lieu de transmettre au Conseil d’État une telle question.
Elle redit que son président est parfaitement habilité par l’article 10 des statuts à ester en justice.
Sur le fond, elle fait valoir que la société Dachser n’a pas satisfait à ses obligations en n’ayant pas embauché de salarié en CDI dans les trois mois de la date du départ effectif du bénéficiaire du congé de fin d’activité, M. [X].
Elle indique verser les justificatifs du paiement effectif des allocations.
Elle fait valoir que la mise en demeure comporte bien son nom en en-tête.
Elle réclame 2.000 euros d’indemnité de procédure.
L’ordonnance de clôture est en date du 5 décembre 2022..
L’affaire a été évoquée à l’audience du 5 décembre 2022, où l’appelante a soutenu in limine litis son exception de procédure.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
* sur la question préjudicielle et la demande de sursis à statuer
La société Dachser conteste le refus opposé par la juridiction consulaire à sa demande de poser au Conseil d’État une question préjudicielle sur la légalité de l’arrêté du 25 juin 1997 portant extension sans réserve des accords du 28 mars 1997 et de surseoir à statuer dans l’attente de la réponse, et réitère cette demande devant la cour en lui demandant de poser cette question et de surseoir à statuer dans l’attente de la réponse de la Haute juridiction administrative.
Ainsi que le fait valoir en réponse l’association Fongecfa Transport en citant, pour s’en prévaloir, les termes de l’arrêt rendu le 22 juin 2022 par la chambre sociale de la Cour de cassation dans une précédente instance ayant opposé les mêmes parties devant la cour de céans, si, en cas de contestation sérieuse portant sur la légalité d’un acte administratif, les tribunaux de l’ordre judiciaire statuant en matière civile doivent surseoir à statuer jusqu’à ce que la question préjudicielle de la légalité de cet acte soit tranchée par la juridiction administrative, il en va autrement lorsqu’il apparaît manifestement, au vu d’une jurisprudence établie, que la contestation ne peut être accueillie par le juge saisi au principal.
Or, il résulte de l’arrêt rendu le 8 juin 2020 (n°C4182) par le Tribunal des conflits, que la question préjudicielle qui ne porte que sur la validité d’un accord collectif et de ses avenants sans qu’aucun vice propre ne soit invoqué contre les arrêtés d’extension de cet accord et de ses avenants, relève de la compétence de la juridiction judiciaire.
Il ressort des termes de la question préjudicielle que la société Dachser demande de poser au Conseil d’État qu’elle n’invoque aucun vice propre à l’arrêté du 25 juin 1997 portant extension de l’accord du 28 mars 1997.
Il n’y a donc, pour ce motif, pas lieu de poser au Conseil d’État une question qui ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative mais de celle de la juridiction judiciaire.
* sur le moyen d’irrecevabilité de l’action de Fongecfa Transport
Selon l’article 954, alinéa 4, du code de procédure civil, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.
Si la société Dachser France reprend certes dans la partie de ses écritures consacrée à la discussion son moyen, rejeté par les premiers juges, d’irrecevabilité de l’action du Fongecfa Transport tiré du défaut de preuve de la qualité pour agir en justice de son président, elle ne demande pas à la cour de déclarer irrecevable l’action dans le dispositif de ses conclusions, dont l’énonciation subsidiaire formulée après la question préjudicielle consiste à voir ‘débouter le Fongecfa Transport de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions’, ce qui relève du fond et ne peut être regardé comme incluant un moyen d’irrecevabilité.
La cour n’a ainsi pas à statuer de ce chef.
* sur le fond
La cour n’a pas à statuer sur les prétentions et moyens articulés par la société Dachser au soutien de la question préjudicielle qu’elle demande à titre principal de poser.
Sont ici examinés les demandes, moyens et prétentions formulés dans les pages 16 à 24 de ses écritures, sous la rubrique ‘ 2. Au fond’.
¿ sur la créance invoquée par Fongecfa Transport contre Dachser France
Selon l’article VI.1 de l’accord du 28 mars 1997 modifié par l’accord du 11 mars 2014, toute cessation d’activité d’un salarié dans les conditions prévues au présent accord doit donner lieu dans l’entreprise qui employait le bénéficiaire du congé de fin d’activité (CFA) à l’embauche, dans les trois mois du départ effectif dudit bénéficiaire, d’un salarié cotisant au dispositif CFA dans le cadre d’un contrat de travail à temps plein.
Il ressort des productions, et il est au demeurant constant aux débats, que [K] [X], salarié de la société Dachser France du 21 avril 1981 au 30 juin 2017, conducteur livreur dans le dernier état de ses fonctions (cf pièce n°4), a bénéficié d’un congé de fin d’activité à compter du 1er juillet 2017.
La société Dachser France ne prouve ni ne prétend avoir embauché dans les trois mois du départ effectif de M. [X] un salarié cotisant au dispositif CFA dans le cadre d’un contrat de travail à temps plein.
Son recrutement, le 25 septembre 2017, de M. [N] [H] ne peut être regardé comme conforme à son obligation de contrepartie d’embauche, puisqu’il ressort de ses propres indications (cf ses explications manuscrites avec son cachet sur la fiche ‘contrepartie d’embauche’ de M. [X] : (pièce n°7 de l’intimée) qu’elle l’embaucha sous contrat de travail à durée déterminée, et non pas pour compenser le départ de M. [X] mais pour remplacer un autre chauffeur absent pour cause de maladie.
L’appelante n’est nullement fondée à prétendre qu’elle aurait néanmoins satisfait à la contrepartie d’embauche en ayant recruté en définitive M. [H] en CDI à compter du 30 décembre 2017 motif pris que son CDI s’en trouverait réputé avoir débuté à la date d’effet de son CDD soit dans les trois mois de la cessation d’activité de M. [X], cette affirmation n’étant pas fondée, et procédant d’une confusion avec la situation, totalement étrangère à la cause, où un CDD irrégulier est requalifié par une décision de justice en un CDI qui est alors réputé conclu à la date du CDD.
La société Dachser France n’a donc pas satisfait à son obligation de contrepartie d’embauche, prévue à l’article VI de l’accord.
Le Fongecfa Transport est ainsi en droit d’invoquer l’article VI.4 de l’accord selon lequel en cas de non-respect de l’obligation de contrepartie d’embauche dans les conditions prévues aux articles VI.1 et VI.2., l’entreprise est tenue de verser au Fonds une somme égale au montant des allocations perçues par le bénéficiaire du CFA pour toute la période correspondant au non-respect de son obligation d’embauche.
Le manquement à son obligation commis par Dachser ayant pris fin le 30 décembre 2017 et ayant ainsi duré trois mois, Fongecfa Transport est fondée à lui réclamer une pénalité financière d’un montant égal aux allocations versées à M. [X] pendant cette période.
Il résulte suffisamment de l’état qu’elle a produit en date du 4 avril 2019 (sa pièce n°11), de son attestation du 9 mars 2020 et des pièces comptables y annexées (virements de son service gestion : sa pièce n°15), que l’association Fongecfa Transport a effectivement versé à M. [X] pour les mois d’octobre, novembre et décembre 2017 des allocations totalisant (1.898,21 + 1.898,21 + 1.835,49) = 5.631 euros.
Les mises en demeure adressées à Dachser France le 31 mai 2018, 24 septembre 2018 puis le 18 janvier 2019 pour ce qui est du ‘dernier avis avant poursuites’, chacune par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, mentionnent toutes Fongecfa Transport dans leur en-tête et visent clairement le non-respect de la contrepartie d’embauche au départ en CFA, la dénomination ‘Carcept prev’ qui y apparaît aussi désignant le service contentieux du fonds, ainsi qu’expressément indiqué en partie gauche de ce document.
En tout état de cause, le Fongecfa ne forme pas appel incident du chef de décision fixant le point de départ des intérêts à la date de son assignation et non de la mise en demeure.
¿ sur le moyen de rejet de la demande tiré d’une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté d’entreprendre
La société Dachser n’est pas fondée à soutenir que l’obligation de contre partie d’embauche porte une atteinte injustifiée et disproportionnées à la liberté d’entreprendre, notamment en ce que celle-ci implique de liberté d’organiser le travail dans l’entreprise et de contracter ou non, alors qu’elle n’est pas légalement contrainte d’embaucher un conducteur pour remplacer celui qui part en CFA, et que le montant de la pénalité financière encourue en cas de manquement n’est pas d’une importance telle qu’il ait de fait pour effet de l’y contraindre.
Cette pénalité n’est ni injustifiée ni disproportionnée par rapport au manquement, alors que le régime du CFA est financé avec une cotisation assise sur la masse des salaires bruts des conducteurs de véhicules de plus de 3,5 tonnes de PTAC affectés au transport de marchandises et/ou de déménagement incombant à proportion de 60% aux employeurs et de 40% aux salariés, et qu’ainsi, dans la mesure où l’importance de la masse des salaires bruts des chauffeurs affecte directement le financement du régime du CFA, l’obligation d’embauche assure l’équilibre financier du système, en alimentant la masse salariale.
¿ sur le moyen tiré de l’existence d’un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties justifiant de déclarer non écrite la clause de l’article VI.4 de l’accord
La société Dachser France soutient que la pénalité pesant sur l’entreprise qui n’a pas satisfait dans le délai à l’obligation de contrepartie d’embauche crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations de celle-ci et le Fongecfa.
Elle voit ce déséquilibre dans la situation respective de l’employeur qu’elle est et du chauffeur qui rompt son contrat de travail pour bénéficier du congé de fin d’activité, mais les rapports qui sont à considérer dans le cadre du présent litige sont ceux qui l’unissent à l’association Fongecfa Transport, puisque l’objet du litige est son obligation de payer à celle-ci une pénalité financière à titre de sanction de son manquement à l’obligation d’embauche.
Dans ce cadre, il n’existe aucun déséquilibre, a fortiori significatif, entre les droits et obligations respectives de la société Dachser France et du Fongecfa, dans la mesure où celui-ci supporte lui-même une charge substantielle en tant qu’il est chargé de gérer le régime de congé de fin d’activité des chauffeurs routiers, et qu’il sert les allocations aux bénéficiaires de ce congé.
¿ sur le moyen tiré du caractère disproportionné de la sanction
N’a rien de disproportionné la pénalité du montant de l’allocation versée par le Fongecfa Transport au chauffeur en CFA mise à la charge de l’employeur qui ne satisfait pas à son obligation d’embauche, puisque le financement du système repose sur une cotisation assise à proportion de 40% sur la masse des salaires bruts des conducteurs de véhicules de plus de 3,5 tonnes de PTAC affectés au transport de marchandises et/ou de déménagement, et que l’absence d’embauche d’un nouveau chauffeur cotisant au CFA prive le régime de cette cotisation et donc de la ressource nécessaire, étant observé que le Fongecfa ne peut être regardé comme profitant personnellement de la prise du congé de fin d’activité par le salarié, alors qu’à plusieurs égards, l’employeur y trouve profit quant à lui.
* sur les dépens et l’indemnité de procédure
La société Dachser France succombe en son appel et supportera donc les dépens d’appel.
Elle versera une indemnité de procédure au Fongecfa Transport en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Les dispositions du jugement afférentes aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile, pertinentes et adaptées, seront confirmées.
PAR CES MOTIFS
la cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement déféré
ajoutant :
DÉBOUTE les parties de leurs prétentions autres ou contraires
CONDAMNE la société Dachser France aux dépens d’appel
LA CONDAMNE à payer à l’association Fongecfa Transport 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,