Licenciement abusif et non-respect des obligations de l’employeur

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Licenciement abusif et non-respect des obligations de l’employeur
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Licenciement abusif et non-respect des obligations de l’employeur

Sur les demandes relatives à l’exécution du contrat de travail

Le salarié réclame des dommages-intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité et d’exécution loyale du contrat de travail. L’employeur conteste les griefs et invoque la prescription de l’action ainsi que l’absence de préjudice. Le tribunal reconnaît un manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur et accorde une somme de 10 000 euros de dommages-intérêts.

Sur le licenciement

Le salarié est licencié pour faute grave, mais le tribunal estime que les griefs invoqués ne sont pas suffisamment prouvés. Les propos tenus par le salarié ne sont pas jugés injurieux ou diffamatoires, et les autres griefs ne sont pas établis. Le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, et le salarié obtient une indemnité de 51 000 euros.

Sur les demandes accessoires

En vertu de l’article L 1235-4 du code du travail, l’employeur est condamné à rembourser les indemnités de chômage versées au salarié. La société Dyneff supporte les dépens et est condamnée à verser une somme de 2500 euros au salarié au titre des frais engagés pour faire valoir ses droits.

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REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre sociale

ARRET DU 17 MAI 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 19/07259 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OMNH

Arrêt n° :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 14 OCTOBRE 2019 du CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER

N° RG F 18/00346

APPELANTE :

SAS DYNEFF

[Adresse 11]

[Adresse 11]

Représentée par Me Audrey DUBOURDIEU, avocat au barreau de MONTPELLIER (postulant) et par Me Anaïs COHEN, avocate au barreau de MARSEILLE (plaidant)

INTIME :

Monsieur [N] [C]

né le 11 Juillet 1962 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Cyrille AUCHE de la SCP VERBATEAM MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER (postulant) et par Me Hedwige MURE de l’AARPI GLM AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX, substituée par Me NABUCET, avocate au barreau de BORDEAUX (plaidant)

Ordonnance de clôture du 27 Février 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 MARS 2023,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

Madame Caroline CHICLET, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Marie BRUNEL

ARRET :

– contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Marie BRUNEL, Greffière.

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EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [N] [C] a été engagé à compter du 16 juillet 2007 par la société Dyneff aux termes d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet en qualité de responsable logistique, statut cadre, coefficient 380, selon les dispositions de la convention collective des entreprises du négoce et de la distribution de combustibles solides, liquide, gazeux et produits pétroliers moyennant un salaire mensuel brut de 4598,30 euros pour un temps de travail de trente-cinq heures par semaine.

Le 10 mai 2008, Monsieur [C] a été victime d’un accident vasculaire cérébral nécessitant un arrêt de travail de six mois et demi et il a repris son activité durant dix mois en mi-temps thérapeutique.

À compter de décembre 2009 il a repris son activité à temps complet.

Le 27 septembre 2010, Monsieur [C] a été victime d’un décollement de la rétine qui a nécessité une intervention chirurgicale et un arrêt de travail jusqu’au 20 décembre 2010.

Selon avenant du 29 mars 2013, Monsieur [C] a été élevé au coefficient 500 avec effet au 1er avril 2013 moyennant une rémunération mensuelle brute de 5100,08 euros.

Selon avenant du 5 juin 2013 à effet du 1er juin 2013 le salarié était soumis à un forfait annuel en jours.

En novembre 2014 le salarié subissait une intervention chirurgicale pour une hernie discale et il était placé en arrêt de travail jusqu’au 20 février 2015.

Le 25 septembre 2017, Monsieur [C] a été convoqué à un entretien préalable à une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement assorti d’une mise à pied conservatoire, prévu au 4 octobre 2017.

Le 20 octobre 2017, l’employeur maintenait la mise à pied conservatoire et convoquait le salarié à un nouvel entretien préalable à une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement au motif qu’il avait découvert de nouveaux faits le concernant.

Le 16 novembre 2017 la société Dyneff notifiait à Monsieur [C] son licenciement pour faute grave.

Contestant le bien-fondé de la rupture du contrat de travail, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Montpellier par requête du 11 avril 2018.

Par jugement du 14 octobre 2019, le conseil de prud’hommes de Montpellier a condamné la société Dyneff à verser à Monsieur [N] [C] les sommes suivantes :

’51’080 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

‘8434,69 euros à titre de rappel de rémunération pendant la mise à pied conservatoire à compter du 25 septembre 2017, outre 843,46 euros au titre des congés payés afférents,

’15’300,24 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 1530 euros au titre des congés payés afférents,

’18’530,27 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

’30’000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité,

‘2000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation d’exécution loyale du contrat de travail,

‘1000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes du même jugement le conseil de prud’hommes ordonnait le remboursement par l’employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite d’un mois d’indemnités.

La société Dyneff a relevé appel de la décision du conseil de prud’hommes le 4 novembre 2019.

Dans ses dernières écritures notifiées par RPVA le 17 janvier 2023, la société Dyneff conclut à la réformation du jugement rendu par le conseil de prud’hommes, et considérant que le licenciement pour faute grave était justifié, elle revendique le débouté du salarié de l’ensemble de ses demandes ainsi que sa condamnation à lui payer une somme de 2000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes d’écritures notifiées par RPVA le 21 septembre 2021, Monsieur [N] [C] conclut à la confirmation du jugement entrepris sauf quant au montant alloué à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation d’exécution loyale du contrat de travail et quant au montant des frais irrépétibles, chefs de demandes pour lesquels il sollicite respectivement les sommes de 20’000 euros et de 4000 euros.

Pour l’exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé conformément à l’article 455 du code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 27 février 2023 notifiée par RPVA à 10 heures 01.

Le 27 février 2023 à 11h43, Monsieur [N] [C] notifiait de nouvelles écritures par RPVA.

SUR QUOI

En application de l’article 445 du code de procédure civile, les écritures et pièces notifiées après la clôture seront écartées des débats.

> Sur les demandes relatives à l’exécution du contrat de travail

– S’agissant de la demande de dommages-intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité

Le salarié expose que dans le cadre de son activité il était soumis à de nombreux déplacements dans le sud de la France et que, bien que disposant d’un appartement à [Localité 6], il se rendait souvent à [Localité 3] où demeurait son épouse qui suivait une chimiothérapie avant de décéder en 2009. Il expliquait que par la suite il avait continué à retourner régulièrement dans cette ville pour rejoindre sa fille.

Il expose que dans son avis de février 2015, le médecin du travail avait préconisé de privilégier le télétravail et les déplacements en transport en commun ainsi que de programmer une nouvelle visite en février 2017. Il fait valoir que l’avis du médecin du travail est resté sans effet auprès de l’employeur.

Il expose ensuite qu’il s’est vu imposer de travailler pendant ses périodes d’arrêt de travail entre le mois d’octobre et le mois de novembre 2008 alors qu’il avait été victime d’un AVC, que pendant le mi-temps thérapeutique il avait travaillé 106 jours au lieu de 97 et avait en outre réalisé de nombreux déplacements, qu’il en avait été de même pendant les périodes d’arrêt de travail consécutives à l’intervention induite par le décollement de la rétine ainsi qu’au cours de l’arrêt de travail consécutif à son hernie discale, et que ces sollicitations multiples se sont inscrites dans un contexte de dégradation progressive des conditions de travail puisqu’à partir de 2015 les effectifs du service de [Localité 6] ont été réduits de cinq à deux personnes si bien qu’au mois de juillet 2016 il avait lui-même pris le poste d’une personne de son équipe pour pallier le manque de personnel pendant les vacances.

Il fait enfin valoir que tandis qu’il était soumis à un forfait annuel en jours aucun suivi du temps de travail n’était réalisé.

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L’employeur qui conteste le grief oppose la prescription de l’action et fait valoir que le salarié ne justifie d’aucun préjudice à cet égard.

Il ajoute qu’il avait seulement connaissance des avis médicaux du médecin du travail, que les faits dénoncés pour les années 2008, 2010 et 2013 sont prescrits, qu’en 2015 le médecin du travail le déclarait apte à son poste même s’il préconisait du télétravail et des déplacements en transport en commun sans pour autant en faire une obligation.

Il indique avoir souscrit une carte de réduction SNCF afin de permettre au salarié de privilégier au maximum les déplacements en train et il fait valoir que ce dernier se rendait régulièrement à côté de [Localité 3] où se trouvait son domicile, n’hésitant pas à faire près de 500 km en voiture depuis son lieu de travail. Enfin, il fait valoir que pendant les congés les adresses mails étaient coupées comme il en justifie par un échange de courriels du 7 août 2015.

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S’il est constant que l’action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit, et si par conséquent, les manquements imputables à l’employeur au cours des années 2008 et 2009 dont le salarié avait immédiatement connaissance sont couverts par la prescription à la date de saisine du conseil de prud’hommes intervenue le 11 avril 2018, il ressort des pièces produites qu’en dépit des préconisations du médecin du travail au cours de la visite de reprise du 26 février 2015 préconisant d’éviter au maximum les trajets en voiture et de privilégier de préférence le télétravail et les transports en commun, l’employeur ne justifie d’aucune initiative autre que la production d’un bon de réduction d’abonnement SNCF concernant le salarié pour la période du 13 mars 2017 au 12 mars 2018, ce qui ne suffit pas à démontrer qu’il ait pris en temps utile l’ensemble des mesures nécessaires pour prévenir les risques et qu’il ait notamment respecté les préconisations du médecin du travail au cours de la période non prescrite précédant la rupture de la relation contractuelle alors qu’il avait connaissance d’une récurrence d’arrêts de travail liée aux problèmes de santé rencontrés par le salarié.

Ensuite, et alors que le salarié était soumis à une convention de forfait en jours depuis le 5 juin 2013, l’employeur ne justifie d’aucune mesure susceptible d’éviter que la charge de travail de l’intéressé ne puisse être déraisonnable dans un contexte de réduction des coûts et de contraintes d’effectif, dénoncé par le salarié en janvier 2016, autrement que par une une instruction isolée donnée le 7 août 2015 par le nouvel administrateur systèmes et réseaux de l’entreprise à une collaboratrice afin de désactiver le compte du salarié à compter du lundi suivant pendant les congés estivaux.

L’absence de prise en compte de dispositions et de méthodes de travail essentielles pour la préservation de la santé par l’employeur est à l’origine d’un préjudice pour le salarié. Toutefois, le salarié ne justifie pas de son état à concurrence du montant réclamé. Aussi y a-t-il lieu de former le jugement entrepris à cet égard et de fixer à la somme de 10’000 euros le montant des dommages-intérêts réparant le préjudice subi par monsieur [C] en raison du manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur.

– S’agissant de la demande de dommages-intérêts pour non-respect de l’obligation d’exécution loyale du contrat de travail

Monsieur [C] fait valoir à cet égard qu’il alertait la direction à plusieurs reprises sur des questions relatives au transport et distribution de matières dangereuses notamment au sein des agences de [Localité 3], de [Localité 4], de [Localité 9], de [Localité 5], de [Localité 13] mais également de [Localité 6] et de [Localité 8] sans qu’il ne trouve d’écho aux faits exposés auprès de sa direction.

Il fait ensuite valoir qu’au mois de septembre 2016 a été publiée une annonce relative à son poste dans la presse et en interne sans qu’il en ait été informé et que si l’employeur prétend qu’il s’agissait d’une erreur au motif que le poste concerné aurait été le poste de responsable dispatch, cette situation a contribué à le déstabiliser et la société ne s’en est jamais excusée auprès de lui.

Il ajoute enfin qu’il a sollicité à plusieurs reprises des formations de sécurité qui lui ont été refusées et qu’il en a assumé seul le coût pour l’obtention du diplôme de conseiller à la sécurité en dépit des préconisations de la convention collective cet égard.

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L’employeur qui conteste les griefs expose que le 5 septembre 2016 il était informé de ce qu’un recrutement de responsable dispatch était envisagé et qu’il apparaît clairement que la diffusion de recrutement d’un responsable logistique n’était qu’une erreur sur l’intitulé du poste, et qu’à aucun moment le salarié n’a cru que le poste qu’il occupait était ouvert à un recrutement.

Il fait valoir par ailleurs qu’il est décisionnaire des formations qu’il est susceptible de financer et que Monsieur [C] a bénéficié de manière régulière de formations pendant la relation contractuelle.

Il ajoute que Monsieur [C] ne peut prétendre que ses remarques n’ont pas été prises en compte puisqu’il a reçu l’approbation du responsable hygiène et sécurité relativement à la question des pré-chargements de matières dangereuses.

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En l’espèce, le salarié justifie avoir alerté l’employeur de manière régulière sur des questions majeures de prévention relative à la sécurité des personnes depuis 2010. Par la suite il justifie avoir dénoncé ces situations à ses responsables hiérarchiques par courriel mais également à l’occasion de l’entretien d’évaluation de l’année 2014 réalisé le 26 mars 2015 au cours duquel il sollicitait le soutien de l’employeur sur les questions de sécurité et de sûreté, indiquant que le reporting hebdomadaire faisait apparaître systématiquement les mêmes dérives, que le fonctionnement en dégradé était devenu le fonctionnement normal, et que la non-réponse se généralisant, il constatait une inquiétude grandissante des équipes. Aux termes d’un courriel du 19 janvier 2016 il faisait également part à la directrice commerciale des difficultés générées par cette situation pour lui permettre d’exercer son activité sereinement et il verse aux débats un courriel par lequel celle-ci lui transférait une invitation à une réunion sur les enjeux de la sûreté dans le transport de marchandises dangereuses accompagnée du commentaire suivant « pas de possibilité de mon côté, en plus je ne sais pas si grand intérêt pour nous », qui même si la réponse n’est qu’anecdotique, ne permet pas d’infirmer les éléments avancés par le salarié dans la mesure où la seule pièce à laquelle l’employeur se réfère afin de contester l’absence de prise en compte des difficultés que lui reproche le salarié, est un échange de courriels accompagnant le plan de sûreté produit par son adversaire, et dont il ressort qu’il s’agit en réalité d’une fin de non-recevoir à sa suggestion de prohibition des pré- chargements. Monsieur [C] s’inquiétant de l’autorisation par le plan de sûreté des pré-chargements de matières dangereuses susceptibles d’impliquer un stationnement de plus de douze heures en agglomération alors que les règlements en vigueur imposaient un stationnement dans un dépôt soumis à la réglementation sur les installations classées ou dans un parc surveillé.

Si l’employeur justifie du recrutement d’un responsable dispatch à l’automne 2016 et justifie également avoir rendu le salarié destinataire de courriels à ce sujet, il ressort également des pièces produites que l’offre d’emploi qui a été diffusée comportait, outre l’intitulé du poste de responsable logistique, un descriptif des missions correspondant très exactement à celles concernant l’emploi occupé par Monsieur [C] et à celles également décrites dans l’annonce ayant précédé son recrutement en 2007, si bien que les éléments produits par l’employeur ne permettent pas d’écarter l’hypothèse d’une recherche de recrutement distinct à la même période.

Si l’employeur n’est pas dans l’obligation d’accorder le bénéfice d’une formation à un salarié qui le sollicite et si l’employeur justifie avoir fait suivre au salarié au cours de la relation contractuelle des formations en 2008, 2009, 2011, 2013, 2014, 2015 et 2017, celles-ci ne dépassaient pas une journée pour les deux dernières formations suivies, et ce tandis que Monsieur [C] établit qu’il s’est vu refuser à plusieurs reprises une formation de conseiller à la sécurité notamment au motif que cette formation ne faisait pas partie des thèmes prioritaires déterminés par l’entreprise. Or, compte tenu de la nature de ses attributions elle favorisait son adaptation à son poste de travail en lui permettant d’acquérir une qualification plus élevée conformément aux dispositions légales, alors que la convention collective précise que, pour permettre leur évolution de carrière, les cadres doivent pouvoir bénéficier sans restriction des dispositions légales en matière de formation, si bien que l’employeur ne justifie pas d’éléments objectifs à ce refus réitéré.

C’est pourquoi, ces manquements à l’exécution loyale du contrat de travail, étant distincts de ceux retenus au titre de l’obligation de sécurité, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a fait une exacte appréciation des éléments de la cause en octroyant au salarié une somme de 2000 € à titre de dommages-intérêts sur ce fondement.

> Sur le licenciement

Il ressort de l’article L. 1235-1 du Code du travail qu’en cas de litige, le juge à qui il appartient d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ; si un doute subsiste il profite au salarié.

Quand le licenciement est prononcé pour faute grave, il incombe à l’employeur de prouver la réalité de la faute grave, c’est à dire de prouver non seulement la réalité de la violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail mais aussi que cette faute est telle qu’elle empêche la poursuite du contrat de travail.

Pour apprécier la gravité de la faute, les juges doivent tenir compte des circonstances qui l’ont entourée et qui peuvent atténuer la faute et la transformer en faute légère.

Si un doute subsiste sur la gravité de la faute reprochée, il doit profiter au salarié.

Il ressort de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige et à laquelle il convient de se reporter pour plus ample exposé des motifs que l’employeur fait grief au salarié :

‘En premier lieu, d’avoir indiqué que la responsable de l’agence de [Localité 10] était « incompétente, pas à sa place », inférieure à la responsable de l’agence commerciale de [Localité 12], et par ailleurs qu’elle était « en train de virer » une salariée de l’agence commerciale de [Localité 10] expressément nommée, qu’il avait de surcroît qualifié la direction de la société « d’imposture » et précisait qu’on lui avait imposé « une supérieure qui ne connaissait rien à son métier ».

‘En deuxième lieu lieu, d’avoir régulièrement tenu à l’encontre de la société des propos comparant celle-ci a un « bateau (qui) coule à plat » ainsi que des propos dénigrants la société devant l’agence commerciale de [Localité 13], en indiquant que le directeur général, la directrice commerciale, la responsable de l’agence commerciale de [Localité 8] et celle de l’agence de [Localité 5] étaient tous des « imposteurs », et répété que « le bateau coule à plat ». Il est encore reproché au salarié d’avoir, en présence de la responsable de l’agence commerciale de [Localité 8], affirmé de façon péremptoire que les salariés de la société Dyneff étaient « tous des branleurs », et d’avoir ensuite, en présence de la responsable de l’agence commerciale de [Localité 5], tenu des propos dénigrants à l’encontre de la direction de l’entreprise, du service ressources humaines et de plusieurs salariés, ces éléments témoignant d’une dégradation progressive de sa communication interne sur laquelle il avait été sensibilisé à plusieurs reprises au travers des entretiens annuels d’activité et de plusieurs échanges par courriel, cette situation conduisant à une prise de distance des autres services de l’entreprise à son égard, ses remarques étant généralement perçues comme négatives, ce qui pouvait « bloquer la communication », « provoquer des frustrations » et in fine aboutir à une rupture du dialogue, ce que son manager lui rappelait dans un courriel du 16 février 2017. L’aggravation des tensions amenant à une véritable rupture du dialogue entre son service et ses interlocuteurs, ce qui était par extension source de dysfonctionnement de l’entreprise.

‘En troisième lieu, d’avoir refusé d’exécuter certaines tâches confiées par son supérieur hiérarchique et régulièrement rappelées, telles que l’instauration d’indicateurs de performance et de réunions trimestrielles à l’échelle du service logistique qui figurait parmi ses objectifs prioritaires depuis 2014 et réitérée jusqu’au 16 février 2017 sans qu’aucune démarche en ce sens n’ait été jusqu’alors amorcée, qu’il en était de même s’agissant de la mise en place d’une nouvelle organisation logistique pour les véhicules gros-porteurs.

‘En quatrième lieu, d’avoir immatriculé à son nom le 1er juin 2017 une société dédiée à la formation continue pour adultes alors que l’article 9 de son contrat de travail stipulait : « vous nous réserverez l’exclusivité de vos services et vous interdirez d’entreprendre une activité professionnelle, de quelque nature que ce soit, avec une société concurrente ou non, sans avoir au préalable recueilli l’accord écrit de la direction » et dans le même sens de ne pas avoir informé la société d’autres activités exercées en qualité de salarié ou de travailleur indépendant tel que l’exercice d’une activité de consultant en formation dans le cadre de contrats de travail en portage salarial en juin 2016 ou de son inscription comme expert judiciaire près la cour d’appel de Bordeaux le 10 février 2016 de surcroît complétée par une formation effectuée à ce titre durant la semaine du 21 au 25 mars 2016 et de sa certification comme conseiller à la sécurité le 11 juillet 2017 précédée d’une formation de février à avril 2017.

‘En cinquième lieu, de s’être fait rémunérer simultanément par la société Dyneff et par d’autres organismes dans le cadre des activités externes précitées les 13,15 et 30 juin 2016 ainsi que le 1er juillet suivant, outre les 9 et 10 mars 2017 alors que ces journées étaient déclarées travaillées auprès de la société Dyneff. L’employeur relevant par ailleurs l’existence de plusieurs interventions programmées in futuro le 28 septembre 2017 à Arctigues, outre douze demi-journées d’intervention prévue au mois d’octobre et de décembre 2017 puis aux mois de janvier et de février 2018.

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‘S’agissant du premier grief, il ressort du dossier que l’employeur engageait initialement la procédure à la suite des propos dénoncés par la responsable de l’agence commerciale de [Localité 10] à la responsable des ressources humaines et à la directrice commerciale le 18 septembre 2017. Il résulte ensuite d’un courriel du 11 septembre 2017 que Monsieur [C] envisageait de tenir une réunion dans les locaux de la société de transports Aquitrans au cours de la semaine suivante. Il n’a été cependant procédé par l’employeur à aucune vérification sur la tenue de cette réunion, si bien qu’elle n’est pas précisément datable et que la teneur des propos dénoncés tant à l’égard de la responsable d’agence de [Localité 10] qu’éventuellement au sein des locaux de la société Aquitrans n’est corroborée par aucun autre élément, l’employeur ne justifiant en définitive d’aucune enquête ou vérification à ce titre. La preuve que le salarié a tenu en public des propos excessifs, injurieux ou diffamatoires ou qu’il ait pu tenir les propos dénoncés par la responsable de l’agence de [Localité 10] n’est par conséquent pas rapportée et le grief n’est pas établi.

‘S’agissant du deuxième grief et si la lettre de licenciement se réfère à des révélations que la directrice commerciale aurait eu des responsables du centre de profit de [Localité 13], du centre de profit de [Localité 2]-[Localité 12], du centre de profit de [Localité 5], le seul témoignage direct en définitive recueilli est celui de la responsable des centres de profit de [Localité 8] et de [Localité 4] dont l’attestation reprise par l’employeur dans ses écritures révèle que « lors de réunions transport, auxquelles j’assistais pour mes agences, Monsieur [C] racontait au restaurant lors des déjeuners professionnels avec les transporteurs que les salariés Dyneff sont tous des branleurs ». Toutefois cette seule attestation qui ne permet pas davantage de dater les propos prêtés au salarié et a fortiori d’établir ni les circonstances exactes dans lesquelles les propos litigieux auraient été tenus, ni l’étendue éventuelle de leur diffusion, ne suffit pas à caractériser le grief dans le contexte d’un repas entre professionnels au cours duquel les propos échangés n’ont pas nécessairement un caractère injurieux ou diffamatoire.

Ensuite, la lettre de licenciement relève une dégradation progressive de la communication interne du salarié source de dysfonctionnements dans l’entreprise. Si les documents produits aux débats démontrent qu’en réalité Monsieur [C] avait une expression entière depuis l’origine de la relation contractuelle, celle-ci ne heurtait pas d’anciens salariés comme il en justifie par les attestations qu’il verse aux débats. C’est pourquoi, alors que l’employeur avait connaissance des propos abrupts parfois tenus par le salarié tout au long de la relation contractuelle, il lui appartenait dès lors qu’il les avait tolérés, d’adapter le salarié à l’emploi, et partant, aux évolutions de la sociologie de l’entreprise, en lui proposant à cet effet toute formation utile, ce dont il s’est abstenu, si bien que l’employeur ne pouvait valablement fonder sa décision sur une situation qu’il tolérait depuis de nombreuses années et qui n’avait jamais donné lieu à aucune sanction antérieure.

‘S’agissant du troisième grief, et si la société reproche au salarié de ne pas avoir instauré d’indicateurs de performance et de réunions trimestrielles à l’échelon du service logistique, le salarié avait fait connaître par courriel adressé à sa directrice commerciale la nécessité d’affecter un personnel pendant trois mois à des saisies dans cette perspective. L’analyse des pièces produites et en particulier de l’organigramme du service logistique aux périodes concernées caractérise les difficultés rencontrées auxquelles il n’était pas apporté de réponses, l’employeur ayant en définitive recours à une société d’audit en 2019 afin d’examiner les pistes de diminution du coût des transports au sein de l’entreprise. Il en résulte que l’objectif assigné n’était pas proportionné aux moyens dont disposait le salarié pour ce faire.

Si la société reproche ensuite au salarié de n’avoir pas respecté l’objectif prioritaire de mise en place d’une nouvelle organisation logistique qu’elle lui avait fixé le 16 février 2017, la simple lecture du compte rendu d’entretien annuel d’évaluation révèle en premier lieu que le terme fixé était l’année 2017 et que le salarié a été licencié avant la fin de cette année, qu’en second lieu cet objectif était ainsi libellé : « mise en place d’une nouvelle organisation logistique GP : diversification des transports, réduction des coûts de transport, réciprocité, analyser parc existants, évolutions outils A.S. 400, extranet transporteur’ etc. Suivi des coûts PP’». Il s’inscrivait donc très précisément dans la mission de l’audit que l’employeur confiait par la suite à un partenaire tiers sans en imputer la charge au successeur de Monsieur [C], si bien que le grief n’est pas établi.

‘S’agissant du quatrième grief, l’employeur reproche au salarié d’avoir exercé une activité de consultant en formation du 10 au 30 juin 2016, de s’être inscrit comme expert judiciaire près la cour d’appel de Bordeaux le 10 février 2016 et d’avoir effectué des formations en mars 2016 ainsi que de février à avril 2017 au mépris de la clause d’exclusivité contenue à son contrat de travail stipulant : « vous nous réserverez l’exclusivité de vos services et vous interdirez d’entreprendre une activité professionnelle, de quelque nature que ce soit, avec une société concurrente dont, sans avoir au préalable recueilli l’accord écrit de la direction ».

Toutefois, pour être valable, la clause d’exclusivité doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, justifiée par la nature de la tâche à accomplir, et proportionnée au but recherché. Or, la clause d’exclusivité rédigée en termes généraux et imprécis ne spécifiant pas les contours de l’activité complémentaire qui serait envisagée par le salarié ne permet pas de limiter son champ d’application ni de vérifier si la restriction à la liberté du travail ainsi imposée au salarié était justifiée et proportionnée. Partant, le grief n’est pas établi.

‘S’agissant du cinquième grief, il est reproché au salarié d’être intervenu en qualité de consultant formation pour une entreprise extérieure les 13,15 et 30 juin 2016 ainsi que le 1er juillet en déclarant ces journées comme étant travaillées auprès de la société Dyneff et d’avoir travaillé les 9 et 10 mars 2017 alors qu’il suivait une formation de conseiller à la sécurité à [Localité 7].

Si l’employeur concède que le salarié ne s’est en définitive pas rendu à [Localité 7] les 9 et 10 mars 2017 si bien qu’il n’en résulte aucun comportement fautif, il ressort des pièces produites que le salarié est intervenu en qualité de consultant formation pour une entreprise extérieure, les 13,15, 30 juin et 1er juillet 2016. Or, quand bien même monsieur [C] disposait-t-il d’une large autonomie dans l’organisation de son travail et qu’il ne soit pas démontré qu’en dépit de la durée des formations dispensées il n’ait pu effectuer son travail au profit de la société Dyneff compte tenu de la proximité du site ou les formations ont été dispensées et du lieu de travail stipulé au contrat conclu avec la société Dyneff, l’obligation de loyauté à laquelle il était tenu envers celle-ci lui imposait d’en faire état l’employeur.

Toutefois, alors que le salarié n’a jamais été sanctionné à l’occasion d’une relation contractuelle de travail de plus de dix ans, la rupture du contrat de travail de ce seul fait était disproportionnée à la faute commise.

Aussi convient-il de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit le licenciement de Monsieur [C] par la société Dyneff sans cause réelle et sérieuse.

À la date de la rupture du contrat de travail, le salarié était âgé de cinquante-cinq ans et il avait une ancienneté de dix années révolues dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés. Il bénéficiait d’un salaire mensuel brut non discuté de 5100,08 euros. Il convient par conséquent de faire droit à la demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse formée par le salarié dans la limite de 51’000 euros en brut.

Il convient par ailleurs de confirmer le jugement entrepris quant aux montants alloués tant à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et de congés payés afférents, qu’au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement ainsi qu’à titre d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents.

> Sur les demandes accessoires

En application de l’article L 1235-4 du code du travail, il y a lieu d’ordonner le remboursement par l’employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois d’indemnités de chômage.

Compte tenu de la solution apportée au litige, la société Dyneff supportera la charge des dépens ainsi que de ses propres frais irrépétibles et elle sera également condamnée à payer au salarié qui a dû exposer des frais pour faire valoir ses droits, une somme de 2500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition greffe,

Écarte des débats les écritures notifiées postérieurement à la clôture;

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Montpellier le 14 octobre 2019, sauf quant au montant alloué à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité, et en ce qu’il a limité à un mois d’indemnités de chômage le montant des indemnités de chômage susceptible d’être alloué aux organismes intéressés,

Et statuant à nouveau des seuls chefs infirmés,

Condamne la société Dyneff à payer à Monsieur [N] [C] une somme de 51’000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

Condamne la société Dyneff à payer à Monsieur [N] [C] une somme de 10’000 euros à titre de dommages-intérêts réparant le préjudice subi en raison du manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur;

Ordonne le remboursement par la société Dyneff aux organismes intéressés, des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois d’indemnités de chômage;

Condamne la société Dyneff à payer à Monsieur [N] [C] une somme de 2500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

Condamne la société Dyneff aux dépens;

La greffière, Le président,

 


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