Droit de rétractation : décision du 13 octobre 2023 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 21/02152
Droit de rétractation : décision du 13 octobre 2023 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 21/02152
Ce point juridique est utile ?

ARRÊT N°23/379

EF

N° RG 21/02152 – N° Portalis DBWB-V-B7F-FUUA

[F]

C/

S.A. LA BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE (EX LA BANQUE P OSTALE FINANCEMENT)

COUR D’APPEL DE SAINT – DENIS

ARRÊT DU 13 OCTOBRE 2023

Chambre civile TGI

Appel d’une décision rendue par le JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE SAINT-DENIS (REUNION) en date du 22 NOVEMBRE 2021 suivant déclaration d’appel en date du 21 DECEMBRE 2021

APPELANTE :

Madame [Y] [M] [F]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Marius henri RAKOTONIRINA, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMÉE :

S.A. LA BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE (EX LA BANQUE P OSTALE FINANCEMENT)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Pierre HOARAU, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DATE DE CLÔTURE : 09 février 2023

DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 16 Juin 2023 devant Monsieur FOURNIE Eric, Conseiller, qui en a fait un rapport, assisté de Madame Marina BOYER, Greffière, les parties ne s’y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué, à l’issue des débats, que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 13 Octobre 2023.

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre

Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère

Conseiller : Monsieur Eric FOURNIE, Conseiller

Qui en ont délibéré

greffier présent lors des débats et du prononcé : Madame Marina BOYER, Greffière.

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 13 Octobre 2023.

* * * *

LA COUR :

Selon offre préalable acceptée le 30 novembre 2012, la Banque Postale Consumer Finance, anciennement dénommée la SA Banque Postale Financement a consenti à Mme [F] [Y] [M] un prêt personnel sous le numéro 50168409774 d’un montant de cinquante trois mille euros (53.000€) avec un taux d’intérêt annuel fixe de 7,72%, remboursable sous forme de 144 mensualités d’un montant de 565,59€ hors assurance.

Par lettre recommandée en date du 11 décembre 2019, la banque a mis en demeure Mme [F] [Y] [M] d’avoir à lui régler la somme de 3.230,32 Euros dans le délai de 15 jours sous peine de déchéance du terme.

Par exploit d’huissier en date du 9 juillet 2020, la banque a fait sommation à Mme [F] [Y] [M] d’avoir à lui régler la somme de 39.830,27 Euros, dont la somme de 31.830,27€ correspond au capital restant dû.

Par acte d’huissier du 27 mai 2021, la banque a fait assigner Madame [F] [Y] [M] devant le juge des contentieux de la protection de SAINT DENIS aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 38.236,78 Euros au titre des sommes restant dues après déchéance du terme du prêt personnel, souscrit le 30 novembre 2012, outre les intérêts de droit et la somme de 2500€ sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement réputé contradictoire du 22 novembre 2021, le juge a :

– déclaré la banque recevable en son action ;

– condamné Mme [F] [Y] [M] à payer à la Banque Postale Consumer Finance la somme de vingt huit mille quatre cent vingt et un Euros et six centimes (28.421,06€) selon décompte arrêté à la date du 12 avril 2021, avec les intérêts au taux contractuel de 7,72% à compter du 27 mai 2021.

– condamné Mme [F] aux dépens.

– débouté les parties de leurs prétentions plus amples ou contraires.

– rappelé que la décision est exécutoire de plein droit.

Par déclaration du 21 décembre 2021 au greffe de la cour, Mme [F] [Y] [M] a formé appel du jugement.

Par voie de conclusions déposées via le RPVA le 21 mars 2022, elle sollicite de la Cour de:

Juger que son appel contre le jugement du 22 novembre 2021 est parfaitement recevable.

Réformer le jugement entrepris,

Statuant de nouveau:

Déclarer que la dette de Mme [F] à l’égard de la Banque Postale Consumer Finance s’élève à la somme de 25.906,40€.

Accorder à l’appelante les plus larges délais de paiement sous forme de mensualités de 650€ par mois, le solde étant versé lors de la dernière échéance,

Condamner la Banque Postale Consumer Finance, au paiement de la somme de 2.500,00€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par voie de concluions en réponse déposées via le RPVA le 25 mai 2022, la Banque Postale Consumer Finance demande à la Cour de :

Juger que le contrat dont l’exécution est réclamée est parfaitement conforme aux exigences de la loi.

Confirmer le jugement du 22 novembre 2011 dans toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

Condamner Mme [F] à verser à la Banque Postale Consumer Finance la somme de 1500€ sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Vu les conclusions des parties auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des prétentions et moyens;

Vu la clôture fixée au 9 février 2023 suite à l’avis de clôture en date du 27 octobre 2022

Sur la régularité du contrat de prêt

Mme [F] soutient que le banque ne démontre pas lui avoir remis le formulaire de rétractation prévu par les dispositions de l’article L 311-12 du Code de la consommation et qu’elle doit en conséquence être déchue du droit aux intérêts contractuels.

La Banque développe un unique moyen pour soutenir ne pouvoir être déchue aux intérêts contractuels du prêt litigieux en affirmant qu’elle a bien rempli son obligation de délivrance du formulaire de rétractation dans le cadre du dossier de Mme [F] [Y] [M].

Sur quoi,

En vertu des dispositions de l’article L 311-12 du Code de la consommation, l’emprunteur peut se rétracter sans motifs dans un délai de quatorze jours calendaires révolus à compter du jour de l’acceptation de l’offre du contrat de crédit comprenant les informations prévues à l’article L311-18. Afin de permettre l’exercice de ce droit de rétractation, un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit. L’exercice par l’emprunteur de son droit de rétractation ne peut donner lieu à l’enregistrement sur un fichier.

Il appartient au banquier professionnel de démontrer que le contrat de prêt respecte les dispositions du Code de la Consommation.

En l’espèce, la lecture du contrat de prêt litigieux démontre que Mme [F] a signé le document comportant la mention « je reconnais rester en possession d’un exemplaire de cette offre doté d’un formulaire de rétractation ».

Mme [F] soutient qu’il est admis en droit que cette reconnaissance est désormais insuffisante et qu’il appartient à la banque de la corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires. (Cf Cassation 1er chambre 21 octobre 2020 numéro 19-18971).

En réponse, la Banque communique un exemplaire vierge d’un contrat de prêt (exemplaire emprunteur) pour démontrer qu’il comporte réellement le dit formulaire de rétractation. Elle ajoute que le dit formulaire n’a pas à être joint à l’exemplaire du préteur, mais uniquement de l’emprunteur et souligne que l’appelante a reconnu dans ses conclusions être détentrice du formulaire litigieux.

Si la banque n’a pas l’obligation légale de conserver un exemplaire original du contrat de prêt identique à celui remis à l’emprunteur contenant le formulaire de rétractation, la production d’un tel document aux débats serait de nature à constituer un élément complémentaire venant corroborer le contenu de l’exemplaire remis et signé par Mme [F].

La communication d’un exemplaire type de contrat de prêt ne peut constituer cet élément complémentaire de preuve.

Il ne ressort nullement des conclusions de Mme [F] qu’elle ait reconnu être en possession du formulaire de rétractation. Elle ne conteste pas uniquement avoir signé l’offre de prêt avec la mention qu’elle reconnaît rester en possession d’un exemplaire de l’offre doté d’un formulaire de rétractation.

En conséquence, conformément aux dispositions des articles L341-1 à L 341-7 du Code de la consommation, la Banque doit être déchue du droit aux intérêts contractuels depuis l’origine du prêt souscrit.

En vertu des dispositions de l’article L 341-8 du même Code, lorsque le prêteur est déchu de son droit aux intérêts dans les conditions prévues aux articles L341-1 à L 341-7, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu.

Seul le capital restant dû est exigible à la date de déchéance du terme qui a été fixée au 26 décembre 2019, par le tribunal, soit quinze jours après la lettre recommandée en date du 11 décembre 2019.

A cette date, le capital restant dû était de 28.080,01€.

Il convient donc de déduire de cette somme les intérêts contractuels versés depuis le mois de janvier 2013, soit la somme de 22.590,57€, au regard du tableau d’amortissement communiqué par la banque.

Le solde restant dû s’élève donc en réalité à la somme de 5.489,44€.

A la date de la sommation de payer du 9 juillet 2020, l’appelante devait la somme de 4.191,05€ au titre des échéances impayées, soit un total dû de 9.680,49€.

Elle est également débitrice de l’indemnité légale que le tribunal a réduit à la somme de cinquante euros, décision non contestée en appel par les parties.

La somme due est donc de 9.730,49 €.

Mme [F] justifie avoir versé entre les mains de la SCP MORVILLE CHANE KY une somme mensuelle de 650€ par mois dans le cadre de virements mensuels, soit la somme de 5.850€ entre le 15 décembre 2020 et le mois de février 2022, qu’il convient de déduire, soit une solde restant dû de 3.880,49 €.

L’appelante demande à ce que cette somme ne soit assortie d’aucun intérêt, y compris l’intérêt au taux légal. Elle ne motive pas sa demande de suppression de l’intérêt au taux légal.

Cette demande ne peut prospérer. En effet, si l’article 1343-5 du Code civil permet de réduire le taux d’intérêt, il ne peut être inférieur au taux légal.

Le jugement entrepris doit ainsi être infirmé.

Sur la demande de délais de paiement.

En vertu des dispositions de l’article 1343-5 du Code civil, le juge peut compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier reporter ou échelonner dans la limite de deux années le paiement des sommes dues.

En l’espèce, Mme [F] justifie qu’elle perçoit un salaire de l’ordre de 4.200€ en qualité d’enseignante, outre 382€ de pension alimentaire pour l’entretien d’un enfant majeur.

Au titre des charges, elle supporte le remboursement de plusieurs prêts à savoir :

800€ au titre d’un prêt contracté auprès du Crédit Moderne

115€ au titre d’un prêt contracté auprès de la SOFINCO

99,00€ au titre d’une prêt contracté auprès du crédit foncier de Bourbon

650€ au titre du prêt litigieux proposé.

1.179€ au titre d’un prêt immobilier contracté auprès de la CASDEN qui fait l’objet d’une procédure judiciaire en cours

Soit un total de charges fixes de l’ordre de 2.850€ environ, outre les charges courantes ( impôts, EDF téléphone etc…)

Elle précise que l’enfant majeure n’est désormais plus totalement à charge et qu’elle ne supporte plus seule les frais d’entretien de sa mère.

Au regard de l’ensemble de ces éléments et en l’état du montant réduit de la dette restant due, malgré le taux d’endettement très élevé de l’appelante, il convient de faire droit à sa demande de délais de paiement, dont les modalités seront détaillées dans le dispositif de la décision.

Sur les frais irrépétibles

Il n’est pas inéquitable de laisser supporter aux parties les frais irrépétibles exposés devant la cour.

En conséquence leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile seront rejetées.

Sur les dépens

Vu l’article 696 du Code de procédure civile.

Chaque partie supportera la charge de ses propres dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort,en matière civile par voie de mise à disposition au greffe ;

Infirme le jugement entrepris dans toutes des dispositions ;

Statuant à nouveau,

Dit qu’il convient de déchoir la banque postale Consumer Finance de son droit aux intérêts contractuels depuis l’origine du prêt ;

Condamne Mme [F] [Y] [M] à payer à la Banque Postale Consumer Finance :

la somme de trois mille huit cent quatre vingt euros et quarante neuf centimes (3.880,49€) arrêtée au mois de février 2022, outre les intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision, décomposée comme suit:

Capital restant dû: 28.080,01€ ( décembre 2019)

intérêts contractuels déduits depuis janvier 2013: 22.590,57€

indemnité légale: 50€

versements effectués à déduire: 5.850€ (arrêtés au mois de février 2022)

Dit que Mme [F] [Y] [M] pourra s’acquitter du montant de la dette sous forme de 24 mensualités d’un montant de cent soixante et un euros et soixante huit centimes (161,68€) ;

Dit qu’à défaut de règlement d’une seule mensualité, la banque sera fondée à lui réclamer l’intégralité du solde restant dû sans nouvelle mise en demeure.

Déboute les parties de leurs demandes de frais irrépétibles;

Dit que chaque partie supportera ses propres dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Madame Marina BOYER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE signé LE PRÉSIDENT

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x