Droit de rétractation : décision du 13 octobre 2023 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 22/00007
Droit de rétractation : décision du 13 octobre 2023 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 22/00007
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ARRÊT N°23/380

EF

N° RG 22/00007 – N° Portalis DBWB-V-B7G-FUYG

S.A. LA BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE ‘LBPCF (EX SA BANQUE POSTALE FINANCEMENT

C/

[H]

COUR D’APPEL DE SAINT – DENIS

ARRÊT DU 13 OCTOBRE 2023

Chambre civile TGI

Appel d’une décision rendue par le JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE SAINT-BENOIT en date du 22 NOVEMBRE 2021 suivant déclaration d’appel en date du 03 JANVIER 2022 RG n° 21/000272

APPELANTE :

S.A. LA BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE ‘LBPCF (EX SA BANQUE POSTALE FINANCEMENT

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Pierre HOARAU, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMÉ :

Monsieur [E] [W] [H]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Caroline BOBTCHEFF de la SELARL CAROLINE BOBTCHEFF, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

DATE DE CLÔTURE : 9 février 2023.

DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 16 Juin 2023 devant Monsieur FOURNIE Eric, Conseiller, qui en a fait un rapport, assisté de Madame Marina BOYER, Greffière, les parties ne s’y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué, à l’issue des débats, que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 13 Octobre 2023.

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre

Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère

Conseiller : Monsieur Eric FOURNIE, Conseiller

Qui en ont délibéré

Greffier présent lors des débats et du prononcé :Madame Marina BOYER, greffière.

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 13 Octobre 2023.

* * * *

LA COUR :

Selon offre préalable acceptée le 6 août 2013, la Banque Postale Consumer Finance, anciennement dénommée la SA Banque Postale Financement a consenti à Monsieur [H] [E] un prêt personnel sous le numéro 00050260493734 d’un montant de trente-trois mille neuf cent deux Euros (33.902€) avec un taux d’intérêt annuel fixe de 5,84%, remboursable sous forme de 84 mensualités d’un montant de 513,85, hors assurance.

Le contrat a été réaménagé le 31 août 2018, la somme restant due, soit 10.871,58€, devant être remboursée sous forme de 63 mensualités d’un montant de 260,25€ à compter du 20 décembre 2018.

Par courrier en date du 5 mars 2020, la banque a adressé une première mise en demeure de payer à Monsieur [H] [E] d’un montant de 1.420,27€ dans un délai de quinze jours soit avant le 20 mars 2020.

Par courrier en date du 2 juillet 2020, la banque a adressé une deuxième mise en demeure de payer à Monsieur [H] [E] d’un montant de 2.577,47 € dans un délai de quinze jours, soit avant le 17 juillet 2020.

Par exploit d’huissier en date du 1er octobre 2020, une sommation de payer a été délivrée à Monsieur [H] d’avoir à régler la somme de 13.159,71 Euros dont la somme de 9.745,30€ au titre du capital restant dû.

L’huissier adressera un décompte des sommes dues à Monsieur [H] le 22 juillet 2021, soit la somme de 13.412,70€.

Par acte d’huissier du 26 août 2021, la banque a fait assigner Monsieur [H] [E] devant le juge des contentieux de la protection de SAINT BENOIT aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 13.412,70 Euros au titre des sommes restant dues après déchéance du terme du prêt personnel souscrit le 30 novembre 2012, outre les intérêts de droit et la somme de 1.500€ sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du tribunal de proximité de Saint Benoît du 22 novembre 2021, le juge a :

Déclaré la banque recevable en son action.

Condamné Monsieur [H] [E] à payer à la Banque Postale Consumer Finance la somme de mille neuf cent quatre-vingt-quinze Euros et trente-cinq centimes (1.995,35€)

Dit que cette somme ne produira aucun intérêt, y compris au taux légal

Accordé des délais de paiement à Monsieur [H] [E]

Dit que Monsieur [H] [E] devra s’acquitter des sommes dues dans les conditions suivantes :

Par 7 versements mensuels de 250€ et un dernier versement d’un montant de 245,35€ avant le 10 de chaque mois et pour la première fois le 10 du mois suivant la signification du présent jugement

Dit que le solde sera versé lors de la dernière échéance

Dit qu’à défaut de paiement d’une seule échéance, la totalité de la dette restant à recouvrir sera immédiatement exigible et de plein droit

Condamné Monsieur [H] [E] aux dépens.

Débouté la banque de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Rappelé que la décision est exécutoire de plein droit.

Par déclaration du 3 janvier 2022 au greffe de la cour, la Banque Postale Consumer Finance a formé appel du jugement.

Par voie de conclusions déposées via le RPVA le 29 septembre 2022, elle sollicite de la cour de :

Juger que son appel contre le jugement du 22 novembre 2021 est parfaitement recevable.

Juger que l’encadré du contrat de prêt du 6 août 2013 comporte bien tous les éléments obligatoires prévus par l’article R. 312-10 du code de la consommation,

Juger que la preuve est rapportée de ce que l’offre de crédit faite à Monsieur [H] comportait bien un bordereau de rétractation conforme à la loi,

Juger en conséquence que la Banque Postale Consumer Finance ne peut être sanctionnée par la déchéance de son droit aux intérêts conventionnels.

Réformer le jugement entrepris,

Statuant de nouveau,

Condamner Monsieur [H] [E] à verser à la Banque Postale Consumer Finance :

-la somme de 13.412,70 €, outre les intérêts de droit

– la somme de 1500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par voie de concluions en réponse déposées via le RPVA le 12 juillet 2022, Monsieur [H] demande à la cour de :

Débouter la Banque Postale Consumer Finance de toutes ses demandes.

Confirmer le jugement du 22 novembre 2011 dans toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

Condamner la Banque Postale Consumer Finance à lui verser la somme de 2.500€ sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Vu les conclusions des parties auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des prétentions et moyens ;

Vu la clôture fixée au 9 février 2023 par ordonnance en date du 27 octobre 2022

Sur la régularité du contrat de prêt

Monsieur [H] [E] soutient d’une part que la banque n’a pas mentionné le coût de l’assurance facultative contrairement aux dispositions de l’article R. 312-10 du code des Assurances, d’autre part qu’elle ne démontre pas lui avoir remis le formulaire de rétractation prévu par les dispositions de l’article L 311-12 du code de la consommation et qu’elle doit en conséquence être déchue du droit aux intérêts contractuels.

La Banque soutient avoir rempli son obligation de délivrance du formulaire de rétractation dans le cadre du dossier de prêt, aucune disposition légale n’imposant au banquier de produire lui-même un exemplaire du bordereau de rétractation qu’il a joint à l’offre préalable. Concernant l’assurance, elle souligne que l’obligation invoquée ne concerne que les assurances obligatoires, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Sur quoi,

Sur la communication du formulaire de rétractation

En vertu des dispositions de l’article L. 311-12 du code de la consommation, l’emprunteur peut se rétracter sans motifs dans un délai de quatorze jours calendaires révolus à compter du jour de l’acceptation de l’offre du contrat de crédit comprenant les informations prévues à l’article L. 311-18. Afin de permettre l’exercice de ce droit de rétractation, un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit. L’exercice par l’emprunteur de son droit de rétractation ne peut donner lieu à l’enregistrement sur un fichier.

En vertu des dispositions de l’article L 341-23 du code de la consommation le préteur qui accorde un crédit sans saisir l’emprunteur d’une offre préalable satisfaisant aux conditions précitées est déchu du droit aux intérêts et l’emprunteur n’est tenu qu’au remboursement du capital suivant l’échéancier prévu. Les sommes perçues au titre des intérêts qui sont productives d’intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement seront restituées par le préteur ou imputées sur le capital restant dû.

Il appartient au banquier professionnel de démontrer que le contrat de prêt respecte les dispositions du code de la consommation.

En l’espèce la lecture du contrat de prêt litigieux démontre que Monsieur [H] [E] a signé le document comportant la mention «je reconnais rester en possession d’un exemplaire de cette offre doté d’un formulaire de rétractation. »

Monsieur [H] [E] soutient qu’il est admis en droit que cette reconnaissance est désormais insuffisante et qu’il appartient à la banque de la corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires (Cf Cassation 1er chambre 21 octobre 2020 numéro 19-18971).

En réponse, la Banque invoque des jurisprudences de cour d’appel antérieures à l’arrêt sus-évoqué et communique un exemplaire vierge d’un contrat de prêt (exemplaire emprunteur) pour démontrer qu’il comporte réellement le dit formulaire de rétractation. Elle ajoute que ledit formulaire n’a pas à être joint à l’exemplaire du préteur mais uniquement de l’emprunteur et souligne que l’intimé a reconnu dans le cadre de la procédure de première instance être détenteur du formulaire litigieux.

Si la banque n’a pas l’obligation légale de conserver un exemplaire original du contrat de prêt identique à celui remis à l’emprunteur contenant le formulaire de rétractation, la production d’un tel document aux débats serait de nature à constituer un élément complémentaire venant corroborer le contenu de l’exemplaire remis et signé par l’emprunteur.

La communication d’un exemplaire type de contrat de prêt ne peut constituer cet élément complémentaire de preuve.

Il ne ressort nullement des notes d’audience du tribunal en date du 25 octobre 2021 que Monsieur [H] [E] aurait reconnu être en possession du formulaire de rétractation. Il est en effet noté, alors qu’il a comparu en personne, qu’il est d’accord sur le principe, sans autre précision. L’absence de contestation de sa part ne peut s’analyser comme un aveu explicite de reconnaissance de la détention du document.

En conséquence, la Banque doit être déchue du droit aux intérêts contractuels, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le deuxième moyen soulevé, relatif aux mentions sur l’assurance du prêt.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les intérêts applicables

En vertu des dispositions de l’article 1153 du code civil devenu l’article 1231-6 le prêteur demeure fondé malgré la déchéance du droit aux intérêts conventionnels à réclamer le paiement des intérêts au taux légal.

Le tribunal a écarté l’application de ces dispositions se fondant sur l’arrêt rendu par la cour de justice de l’union européenne en date du 27 mars 2014 en vertu duquel les dispositions sus-évoquées doivent être écartées s’il en résulte pour le préteur la perception de montants équivalents ou proches de ceux qu’il aurait perçus si la déchéance du droit aux intérêts n’avait pas été prononcée, sauf à faire perdre à cette sanction ses caractères de dissuasion et d’efficacité.

L’intimé a sollicité la confirmation de ce chef.

L’appelante n’a pas critiqué ce chef de décision dans le cadre de son appel.

C’est en vertu d’une juste appréciation des éléments du dossier, que le premier juge a considéré que les montants susceptibles d’être perçus par le prêteur au titre de l’intérêt au taux légal n’étaient pas significativement inférieurs au taux conventionnel de 5,84%.

La décision du tribunal de ce chef sera donc confirmée.

Sur la somme restant due

Sur ce point, le tribunal a retenu une somme restant due de 1.995,35 Euros au regard des pièces versées aux débats qui démontrent que l’intimé a versé une somme de 31.906,65 Euros sur un capital initial versé de 33.902 Euros.

Ce décompte effectué par le tribunal n’a pas été contesté par les parties.

Le jugement entrepris doit ainsi être confirmé.

Sur la demande de délais de paiement.

En vertu des dispositions de l’article 1343-5 du code civil, le juge peut compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier reporter ou échelonner dans la limite de deux années le paiement des sommes dues.

En l’espèce, l’octroi des délais de paiement par le tribunal de première instance n’a pas été contesté en cause d’appel.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef

Sur les frais irrépétibles

Il n’est pas inéquitable de laisser supporter aux parties les frais irrépétibles exposés devant la cour.

En conséquence leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

Sur les dépens

Vu l’article 696 du code de procédure civile.

Chaque partie supportera la charge de ses propres dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort,en matière civile, par voie de mise à disposition au greffe ;

Confirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions.

Y ajoutant

Rejette les demandes au titre des frais irrépétibles devant la cour.

Dit que chaque partie supportera ses propres dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Madame Marina BOYER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE signé LE PRÉSIDENT

 


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