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délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre civile
ARRET DU 05 JANVIER 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 19/00096 – N° Portalis DBVK-V-B7D-N6YV
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 10 DECEMBRE 2018
TRIBUNAL D’INSTANCE DE NARBONNE
N° RG 1118000019
APPELANTE :
SARL Cometik
Prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualité au siège
Immatriculée au RCS de LILLE METROPOLE, sous le n°484 598 180 – capital social 700’000 €
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représentée par Me Jean-Luc VINCKEL de la SELARL VINCKEL SOCIETE D’AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant ayant plaidé pour Me Eric DELFLY, avocat au barreau de LILLE
INTIMES :
Monsieur [G] [U]
né le [Date naissance 4] 1967 à [Localité 8] (69)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me Nathalie TRAGUET de la SELARL NATHALIE TRAGUET, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant ayant plaidé pour Me Christopher CASSAVETTI, avocat au barreau de LYON
SAS Leasecom
Prise en la personne de son représentant en exercice domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentée par Me Olivier MENUT, avocat au barreau de BEZIERS et par Me Laurent CAUWEL, avocat au barreau de PARIS, avocats non plaidants
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 NOVEMBRE 2022,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marianne FEBVRE, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre
Mme Cécile YOUL-PAILHES, Conseillère
Madame Marianne FEBVRE, Conseillère
Greffier lors des débats : Henriane MILOT
ARRET :
– contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.
*
* *
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Suite au démarchage d’un commercial de la société Cométik, Monsieur [U] a signé le 5 juillet 2016 un bon de commande pour la création d’un site Internet présentant son activité professionnelle de praticien en shiatsu.
Le même jour, il a également signé avec cette société un contrat de licence d’exploitation de site Internet pour la réalisation de prestations et services listés, en particulier la conception, la création, la réalisation d’un site internet vitrine, l’hébergement professionnel du site internet, le suivi du référencement, le suivi et la modification du site pour une durée de 48 mois moyennant le paiement de mensualités de 240 € TTC.
Le site a fait l’objet d’un procès-verbal de réception le 7 octobre 2016.
Mécontent de la prestation et invoquant le caractère trompeur des promesses faites, Monsieur [U] a manifesté le souhait de se rétracter de ses engagements par un courrier recommandé avec demande d’avis de réception en date du 26 janvier 2017. Son conseil a réitéré sa demande par un courrier du 7 février suivant.
Le 31 juillet 2017, la société Leasecom – subrogée dans les droits de la société Cométik – l’a mis en demeure de régler les échéances qu’il avait cessé de payer à partir du mois de février 2017 et ce, sous peine de résiliation du contrat.
Puis le 26 décembre 2016, elle l’a fait assigner en résiliation judiciaire et en paiement des loyers échus ainsi que d’une indemnité de résiliation.
De son côté, Monsieur [U] a fait assigner la société Cométik le 2 mars 2018 pour demander à voir valider sa rétractation ou, à défaut, prononcer la nullité du contrat pour dol et obtenir le remboursement de la somme de 1.279,99 €. A titre subsidiaire, il a sollicité la résiliation judiciaire, la réduction de la clause pénale et l’octroi de délais de paiement.
La société Leasecom a alors demandé, à titre subsidiaire, la condamnation de la société Cométik à lui restituer le prix de cession.
Vu le jugement contradictoire en date du 10 décembre 2018 par lequel – après avoir ordonné la jonction des deux procédures et dit que Monsieur [U] avait régulièrement exercé son droit de rétractation dans le cadre du contrat conclu le 5 juillet 2016 avec la société Cométik dont les droits avaient été cédés à la société Leasecom, le tribunal d’instance de Narbonne :
– a débouté cette dernière de ses demandes à l’encontre de Monsieur [U] et l’a condamnée à lui payer la somme de 1.279,99 € en restitution des mensualités payées, outre une indemnité de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– a condamné la société Cométik à payer à la société Leasecom la somme de 7.718,98 € au titre de la restitution du prix de cession et à Monsieur [U] une autre indemnité de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné les deux sociétés Leasecom et Cométik aux dépens,
Vu la déclaration d’appel de la société Cométik en date du 7 janvier 2019 à l’encontre de Monsieur [U] et de la société Leasecom,
Vu les conclusions de désistement d’incident (sursis à statuer) de l’appelante,
Vu les dernières conclusions au fond en date du 12 mai 2021 par lesquelles elle demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, après avoir constaté que le contrat de licence d’exploitation de site Internet signé le 5 juillet 2016 avec Monsieur [U] ne pouvait faire l’objet d’un droit de rétractation par ce dernier et que le contrat litigieux n’est pas entaché de nullité et devait continuer à s’appliquer jusqu’à son terme à défaut de démontration d’une quelconque faute dans son exécution, de débouter Monsieur [U] de l’ensemble de ses demandes et le condamner à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
Vu les dernières conclusions en date du 17 mai 2019 pour le compte de Monsieur [U] qui demande :
– à titre principal, la confimation pure et simple du jugement,
– à titre subsidiaire, le prononcé de la nullité du contrat, le rejet des demandes de Leasecom et le remboursement de la somme de 1.279,99 €,
– à titre très subsidiaire, la résiliation du contrat et le rejet des demandes de Leasecom,
– à titre infiniement subsidiaire, une réduction du montant de la clause pénale et l’octroi de délai de paiement pendant une année concernant toute condamnation pouvant être prononcée à son encontre,
– en tout état de cause, condamner les deux sociétés à lui verser une indemnité de 1.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de l’instance, en ce compris les frais d’exécution à venir,
Vu les dernières conclusions déposée le 21 mai 2019 pour la société Leasecom, aux fins de voir réformer le jugement entrepris en ce qu’il a admis le droit de rétractation de Monsieur [U] et, pour l’essentiel,
– constater la résiliation du contrat de licence d’exploitation du site internet avec condamnation de Monsieur [U] à lui payer une somme de 9.384 € correspondant au loyers échus et à l’indemnité de résiliation, avec intérêts au taux d’escompte de la banque de France majoré de 5 points à compter du 23 juin 2017,
– subsidiairement, confirmer le jugement sur la résolution du contrat de licence ou son anéantissement par voie rétractation et sur la restitution de la somme de 7.718,98 € TTC,
– dans tous les cas condamner toute partie succombante à lui payer une indemnité de 2.000 € ainsi qu’aux entiers dépens,
Vu l’ordonnance de clôture en date du 17 octobre 2017,
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère au jugement ainsi qu’aux conclusions écrites susvisées.
MOTIFS
La société Cométik appelante – et, avec elle, la société Leasecom qu’elle a subrogée dans ses droits – font valoir que le contrat de licence d’exploitation de site internet signé le 5 juillet 2016 ne pouvait faire l’objet d’une rétractation de la part de Monsieur [U].
Elles soutiennent d’une part que ce dernier ne justifie pas de l’ampleur de ses effectifs au moment de la signature du contrat et d’autre part que la vente d’un site web (vitrine ou marchand) entre nécessairement dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité, le site web n’étant que la version moderne de ce qui était anciennement la publicité.
Selon l’article L.121-16-1 devenu L.221-3 du code de la consommation par l’effet de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et résultant de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite « loi Hamon » :
« les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq ».
Antérieurement et sous l’empire de l’ancien article L. 121-22 4° du code de la consommation, étaient exclues de la législation sur le démarchage à domicile les ventes, locations, ou locations ventes de biens ou les prestations de services lorsqu’elles avaient « un rapport direct » avec les activités exercées dans le cadre d’une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession.
Le droit applicable au contrat passé par Monsieur [U] est celui issu de la loi 17 mars 2014, dont l’article 34 précise que la loi s’applique aux contrats conclus après le 13 juin 2014 et qui offre ainsi un droit de rétractation aux entreprises concernées.
Il résulte des débats parlementaires et il est admis par la doctrine que la réforme de 2014 était animée par une volonté de protéger les petits entrepreneurs démarchés dans des domaines où ils ne sont pas compétents – tels que précisément la création de portails Internet -, la notion de ‘rapport direct’ étant apparue trop restrictive.
C’est un critère matériel objectif – le lien avec l’activité principale – qui a été retenu plutôt qu’un critère subjectif : un professionnel doit être considéré comme un simple consommateur à partir du moment où il contracte dans un champ de compétence qui n’est pas le sien.
Après avoir commencé par maintenir une conception restrictive de l’exclusion (Cass. 1ère civ., 29 mars 2017, n°16-11207, au sujet d’une sophrologue démarchée dans le cadre de son activité professionnelle pour souscrire un contrat d’insertion publicitaire dans l’annuaire), la Cour de cassation a fait évoluer sa jurisprudence – et ce, par un arrêt publié dans lequel elle a énoncé que, ‘ayant souverainement estimé que la communication commerciale et la publicité via un site Internet n’entraient pas dans le champ de l’activité principale (de l’architecte concernée), la cour d’appel n’a(vait) pu qu’en déduire que celle-ci bénéficiait du droit de rétractation prévu par l’article L.121-21 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016″ (Cass. 1ère civ., 12 septembre 2018, 17-17319).
En l’espèce, la cour constate que Monsieur [U] produit une attestation du directeur de l’Urssaf Languedoc-Roussillon certifiant qu’il avait créé une ‘société sans personnel’ le 6 août 2015, ce dont il se déduit qu’il remplissait la condition liée au nombre des salariés employés ( ‘inférieur ou égal à cinq’).
Elle relève par ailleurs que – comme justement observé par le premier juge – la création d’un site internet n’entrait pas dans le champ de l’activité principale – de praticien en shiatsu – exercée à l’époque par Monsieur [U].
C’est donc à juste titre que le tribunal en a déduit qu’il avait régulièrement exercé son droit de rétractation, cela après avoir également relevé que le délai était toujours en cours au 26 janvier 2017 faute pour ce professionnel d’avoir été informé de ce droit dans les conditions légales.
Le jugement sera donc confirmé dans son intégralité, les autres dispositions n’étant que la conséquence de cette première décision et aucune demande subsidiaire n’étant formulée par la partie appelante ou par la société Leasecom, à l’exception s’agissant de cette dernière d’une demande de réformation sur sa condamnation fondée sur l’article 700 du code de procédure civile, laquelle était parfaitement justifiée du fait qu’elle était la partie initialement demanderesse et qu’elle avait été déboutée de ses prétentions à l’égard du défendeur principal.
Partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile, la société Cométik supportera les dépens et sera condamnée à payer à Monsieur [U] une indemnité au titre des frais qu’il a dû exposés en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt contradictoire et mis à la disposition des parties au greffe,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la société Cométik à payer à Monsieur [U] la somme de 1.500 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Cométik aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT