Droit de rétractation : décision du 6 janvier 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/06957
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2

ARRÊT AU FOND

DU 06 JANVIER 2023

N° 2023/011

Rôle N° RG 19/06957 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEFYO

[H] [K]

C/

SAS JOHNSON CONTROLS INDUSTRIES

Copie exécutoire délivrée

le : 06 janier 2023

à :

Me Dominique LEDUC, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, (vestiaire : 228)

Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

(Vestiaire 352)

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARTIGUES – section E – en date du 28 Février 2019, enregistré au répertoire général sous le n° 17/00697.

APPELANT

Monsieur [H] [K], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Dominique LEDUC, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, vestiaire : 228 substitué par Me Guy WIGGINGHAUS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, vestiaire : 74

INTIMEE

SAS JOHNSON CONTROLS INDUSTRIES prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités au siège, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Rachid CHENIGUER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 09 Novembre 2022 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre

Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante

Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Janvier 2023..

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Janvier 2023.

Signé par Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre et Mme Cyrielle GOUNAUD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Monsieur [H] [K] a été embauché par la société JOHNSON CONTROLS INDUSTRIES (JCI) par contrat à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2011.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective des entreprises d’installation sans fabrication, y compris entretien, réparation, dépannage de matériel aéraulique, thermique, frigorifique et connexes du 21 janvier 1986, dite SNEFCCA.

En dernier lieu, Monsieur [H] [K] exerçait des fonctions de responsable de secteur, statut cadre, coefficient 390.

Le 9 mars 2017, les parties ont conclu une convention de rupture du contrat de travail, qui a été homologuée par la DIRECCTE le 19 avril 2017.

Le 2 mai 2017, Monsieur [K] a contesté la rupture de son contrat de travail évoquant des pressions exercées sur lui pour souscrire une rupture conventionnelle.

Le 9 mai 2017, les parties ont conclu une transaction prévoyant le versement d’une indemnité transactionnelle de 25’000,00 euros.

Monsieur [K] a saisi, par requête réceptionnée au greffe le 11 septembre 2017, le conseil de prud’hommes de Martigues pour voir juger que la société JCI n’a pas négocié et exécuté le contrat de bonne foi, et la condamner à lui verser 60’000,00 euros à titre de dommages et intérêts et 3’000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il a saisi une nouvelle fois le 14 décembre 2017, le conseil de prud’hommes de Martigues afin d’obtenir l’annulation de la convention de rupture conventionnelle du 9 mars 2017, sa réintégration au sein de la société JCI et la condamnation de la société au paiement de 43’103,88 euros à titre de rappel de salaire pour les mois d’avril 2017 à décembre 2017, outre 4’310,39 euros et 3’000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 28 février 2019 notifié le 26 mars 2019, le conseil de prud’hommes de Martigues, section encadrement, a’:

– ordonné la jonction de deux instances RG 16/00697 et RG 17/00917 sous le seul numéro du répertoire général RG 16/00697,

– dit et jugé les demandes de Monsieur [K] non fondées,

– dit et jugé ne pas devoir prononcer de non négociation ni de mauvaise foi pour ce qui relève de l’exécution du contrat de Monsieur [K],

– dit et jugé ne pas reprocher à la société JOHNSON CONTROLS la production de déclarations à Pôle Emploi,

– débouté Monsieur [K] de sa demande de réparation de préjudice en l’absence de manquements avérés de la part de la société JOHNSON,

– débouté Monsieur [K] de sa demande d’indemnisation à titre de dommages et intérêts,

– débouté Monsieur [K] de sa demande d’indemnisation au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit et jugé qu’il appartient à Monsieur [K] de restituer à la société JOHNSON CONTROLS l’intégralité des sommes versées au titre de la transaction avant l’engagement de toutes autres actions qui lui plairait,

– dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire du présent jugement,

– débouté la société JOHNSON CONTROLS de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

– condamné Monsieur [K] aux dépens de l’instance.

Par déclaration du 24 avril 2019 notifiée par voie électronique, Monsieur [K] a interjeté appel du jugement dont il a sollicité l’infirmation pour chacun des chefs du dispositif.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Dans ses dernières conclusions notifiées au greffe par voie électronique le 8 janvier 2020, Monsieur [H] [K], appelant, demande à la cour de :

– le recevoir en son appel, justifié en la forme,

– infirmer le jugement querellé en ce qu’il l’a :

– débouté de sa demande d’indemnisation à titre de dommages et intérêts,

– débouté de sa demande d’indemnisation au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit et jugé qu’il lui appartient de restituer à la société JOHNSON CONTROLS l’intégralité des sommes versées au titre de la transaction avant l’engagement de toutes autres actions qui lui plairait,

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

– condamné aux dépens de l’instance,

faisant droit à l’appel :

– dire que l’employeur n’a pas négocié et exécuté le contrat de bonne foi, a manqué à son devoir d’information,

– dire que l’employeur devra réparer le préjudice consécutif à ses manquements,

– condamner l’employeur à verser la somme de 60’000,00 euros à titre de dommages et intérêts,

– condamner l’employeur sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à 3 000,00 euros,

– condamner l’employeur aux entiers dépens.

L’appelant soutient que’:

– la société a commis une faute dans la rédaction de l’attestation Pôle Emploi en renseignant la somme de 30’400,00 euros dans la rubrique «’total de sommes ou indemnités légale, conventionnelles ou transactionnelles inhérentes à la rupture »’;

– il dit avoir subi un préjudice dès lors que le différé d’indemnisation par Pôle Emploi, qui aurait dû normalement expirer au 19 juin 2017, s’est prolongé jusqu’au 13 décembre 2017′;

son consentement a été surpris en ce qu’il n’aurait jamais transigé à de telles conditions, compte-tenu de son âge et son statut de travailleur handicapé’;

– la société JCI a manqué à son devoir d’information en violation des dispositions de l’article 1112-1 du code civil’;

– la société JCI a initié un montage « douteux » de versement de l’indemnité en 2 temps sans l’informer des conséquences, alors que lui-même avait proposé un versement d’une prime de ventes dont il aurait assumé les charges et impôts, en toute légalité’;

– il est tombé dans un guet-apens’: il a été menacé de licenciement pour faute grave, au motif qu’il aurait signé des documents en lieu et place d’une autre personne, et a été acculé pour solliciter et signer une rupture conventionnelle’;

Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 14 octobre 2019, la société JCI demande à la cour de’:

– confirmer le jugement déféré,

– débouter Monsieur [K] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

à titre subsidiaire,

– condamner Monsieur [K] à lui restituer l’indemnité transactionnelle qui lui a été versée,

en tout état de cause,

– condamner Monsieur [K] à lui verser la somme de 3’000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens d’instance, ceux d’appel distraits au profit de Maître Romain CHERFILS, membre de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, Avocats associés, aux offres de droit.

L’intimée réplique que’:

– elle a informé Monsieur [K] s’agissant du différé d’indemnisation Pôle Emploi à deux reprises à l’occasion du versement de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle du contrat de travail et du versement de l’indemnité transactionnelle’;

– s’agissant des accusations de guet-apens, Monsieur [K] n’a jamais fait valoir son droit de rétractation’;

– la rayure de la mention de «’Pôle Emploi’» dans le protocole transactionnel est assortie des seules initiales’de Monsieur [K] et pas de la DRH ;

– Monsieur [K] avait donc parfaitement conscience des conséquences d’une telle communication à Pôle Emploi’;

– en dissimulant cette indemnité transactionnelle au Pôle Emploi, la société JCI se serait rendue complice d’une fraude susceptible de sanctions pénales’;

– Monsieur [K] ne justifie pas le montant des dommages et intérêts réclamés,

si le vice de consentement était retenu, il conviendrait d’en tirer les conséquences et prononcer la nullité de la transaction conclue entre les parties et condamner Monsieur [K] à restituer l’indemnité transactionnelle qui lui a été versée.

Une ordonnance de clôture est intervenue le 31 octobre 2022, renvoyant la cause et les parties à l’audience des plaidoiries du 9 novembre suivant.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties et au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il convient de relever que Monsieur [K], bien qu’il évoque un vice de consentement, ne sollicite pas la nullité de la transaction pour vice du consentement ce qui aboutirait à replacer les parties dans la situation où elles se trouvaient avant la signature de l’acte et impliquerait le remboursement par le salarié des sommes qui lui ayant été versées en exécution de la transaction. Il remet en cause uniquement l’exécution loyale du protocole transactionnel par la société JOHNSON CONTROLS INDUSTRIES.

Le jugement entrepris est donc infirmé en ce qu’il a dit et jugé qu’il appartenait à Monsieur [K] de restituer à la société JOHNSON CONTROLS INDUSTRIES l’intégralité des sommes versées au titre de la transaction avant l’engagement de toutes autres actions qui lui plairait.

Sur la demande de dommages et intérêts’pour exécution déloyale de la transaction’:

L’article 1134 devenu 1103 du code civil dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, qu’elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel et qu’elles doivent être exécutées de bonne foi.

L’arrêté du 4 mai 2017 portant agrément de la convention du 14 avril 2017 relative à l’assurance chômage et de ses textes associés, dans sa version applicable au présent litige, rend obligatoires, pour tous les employeurs et tous les salariés mentionnés à l’article L. 5422-13 du code du travail, les dispositions de la convention du 14 avril 2017 relative à l’assurance chômage et de ses textes associés.

Selon l’article 21 paragraphe 2 du règlement général Règlement général annexé à la convention du 14 avril 2017 relative à l’assurance chômage, «’Le différé visé au § 1er est augmenté d’un différé spécifique en cas de prise en charge consécutive à une cessation de contrat de travail ayant donné lieu au versement d’indemnités ou de toute autre somme inhérente à cette rupture, quelle que soit leur nature.

Il est tenu compte pour le calcul de ce différé, des indemnités ou de toute autre somme inhérente à cette rupture, quelle que soit leur nature, dès lors que leur montant ou leurs modalités de calcul ne résultent pas directement de l’application d’une disposition législative.

Il n’est pas tenu compte, pour le calcul de ce différé, des autres indemnités et sommes inhérentes à cette rupture dès lors qu’elles sont allouées par le juge.

a) Ce différé spécifique correspond à un nombre de jours calendaires égal au nombre entier obtenu en divisant le montant total des indemnités et sommes définies ci-dessus, par 91,4. La valeur de ce diviseur est indexée sur l’évolution du plafond du régime d’assurance vieillesse de la sécurité sociale visé à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale en vigueur. Ce différé spécifique est limité à 150 jours calendaires.

b) En cas de rupture de contrat de travail résultant de l’une des causes énoncées à l’article L. 1233-3 du code du travail, ce différé spécifique, calculé dans les mêmes conditions qu’au a), est limité à 75 jours calendaires.

c) Si tout ou partie de ces sommes est versé postérieurement à la fin du contrat de travail ayant ouvert des droits, le bénéficiaire et l’employeur sont dans l’obligation d’en faire la déclaration. Les allocations qui, de ce fait, n’auraient pas dû être perçues par l’intéressé, doivent être remboursées.

Si tout ou partie de ces sommes est versé postérieurement à la fin du contrat de travail ayant ouvert des droits, le bénéficiaire et l’employeur sont dans l’obligation d’en faire la déclaration. Les allocations qui, de ce fait, n’auraient pas dû être perçues par l’intéressé, doivent être remboursées.’»

Monsieur [K] reproche d’abord à la société JOHNSON CONTROLS INDUSTRIES une faute dans la rédaction de l’attestation Pôle emploi en raison de la déclaration de l’indemnité transactionnelle de 25’000,00 euros. Il expose que le terme « Pôle Emploi » avait pourtant été rayé de telle sorte que la société ne devait pas communiquer la transaction à l’organisme Pôle emploi.

Il est relevé que la déclaration d’une indemnité transactionnelle n’est pas seulement une obligation de l’employeur mais aussi du salarié. La société JOHNSON CONTROLS INDUSTRIES n’a dès lors pas commis de faute en déclarant l’indemnité transactionnelle.

Monsieur [K] ne saurait ensuite reprocher à la société JOHNSON CONTROLS INDUSTRIES un défaut d’information des conséquences du versement de l’indemnité transactionnelle sur l’indemnisation chômage et notamment de l’existence d’un différé d’indemnisation. D’une part, aux termes de l’article 5 du protocole transactionnel, «’Monsieur [K] déclare’: (‘) être informé que le versement de l’indemnité transactionnelle visées aux présentes peut entraîner un différé d’indemnisation au titre du régime général d’assurance chômage’». D’autre part, le protocole transactionnel mentionne à l’article 3.4 alinéa 2 que «’les parties conviennent de ne le communiquer qu’aux organismes et administrations habilités, tels que l’URSSAF, l’Administration Fiscale et Pôle Emploi sur demande écrite de leur part’». Il est relevé que les termes «’Pôle Emploi’» de la phrase ont été rayés manuellement et qu’à côté de la mention rayée est apposé le paraphe de Monsieur [K] («’MD’») uniquement. Le paraphe de la Responsable des ressources humaines est quant à lui absent. Il apparaît ainsi que le salarié, en rayant les termes «’Pôle Emploi’», ne souhaitait pas que le protocole transactionnel soit communiqué à l’organisme Pôle Emploi. Il avait donc manifestement conscience que la communication de l’indemnité transactionnelle à Pôle emploi emportait des conséquences, comme le différé d’indemnisation par Pôle Emploi.

Il n’est par conséquent pas justifié non plus un manquement de l’employeur à son obligation d’information.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts de dommages et intérêts’de ce chef.

Sur les demandes accessoires :

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a mis à la charge de Monsieur [K] les dépens de première instance.

Il y a lieu de condamner Monsieur [K], partie perdante, aux dépens d’appel et à payer à la société JOHNSON CONTROLS INDUSTRIES la somme de 500,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Sa demande en paiement d’une indemnité de procédure sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement,

CONFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu’il a dit et jugé qu’il appartenait à Monsieur [H] [K] de restituer à la société JOHNSON CONTROLS INDUSTRIES l’intégralité des sommes versées au titre de la transaction avant l’engagement de toutes autres actions qui lui plairait,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE Monsieur [H] [K] aux dépens d’appel,

CONDAMNE Monsieur [H] [K] à payer à la société JOHNSON CONTROLS INDUSTRIES la somme de 500,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE Monsieur [H] [K] de sa demande en de paiement d’une indemnité de procédure sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Le président

 


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