Droit de rétractation : décision du 17 janvier 2023 Cour d’appel de Besançon RG n° 20/01742
Droit de rétractation : décision du 17 janvier 2023 Cour d’appel de Besançon RG n° 20/01742
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ARRÊT N°

BM/FA

COUR D’APPEL DE BESANÇON

– 172 501 116 00013 –

ARRÊT DU 17 JANVIER 2023

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

Contradictoire

Audience publique du 15 novembre 2022

N° de rôle : N° RG 20/01742 – N° Portalis DBVG-V-B7E-EKB7

S/appel d’une décision du TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE BESANCON en date du 03 novembre 2020 [RG N° 11-1900511]

Code affaire : 53A Prêt – Demande en nullité du contrat ou d’une clause du contrat

S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE C/ [X] [K], [C] [S] épouse [K]

PARTIES EN CAUSE :

S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE Venant aux droits de la Société SYGMA BANQUE

Sise [Adresse 1]

Représentée par Me Valérie GIACOMONI de la SCP MAYER-BLONDEAU GIACOMONI DICHAMP MARTINVAL, avocat au barreau de BESANCON,avocat postulant,

Représentée par Me Renaud ROCHE de la SCP LEVY & ROCHE, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant

APPELANTE

ET :

Monsieur [X] [K]

né le [Date naissance 3] 1978 à [Localité 5], de nationalité française, responsable technique

demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Jessica BRACCO, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant

Représenté par Me Samuel HABIB, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

Madame [C] [S] épouse [K]

née le [Date naissance 4] 1983 à [Localité 5], de nationalité française, sans profession, demeurant [Adresse 2]

Représentée par Me Jessica BRACCO, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant

Représentée par Me Samuel HABIB, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

INTIMÉS

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, président de chambre.

ASSESSEURS : Madame Bénédicte MANTEAUX et Monsieur Cédric SAUNIER, conseillers.

GREFFIER : Madame Fabienne ARNOUX, Greffier

Lors du délibéré :

PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, président de chambre,

ASSESSEURS : Madame Bénédicte MANTEAUX, magistrat rédacteur et Monsieur Cédric SAUNIER, conseiller.

L’affaire, plaidée à l’audience du 15 novembre 2022 a été mise en délibéré au 17 janvier 2023. Les parties ont été avisées qu’à cette date l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

**************

Exposé des faits et de la procédure

Le 3 août 2015, dans le cadre d’un démarchage à domicile, Mme [C] [S] épouse [K] et M. [X] [K] ont signé, avec la SARL Sungold, exerçant sous l’enseigne Institut des Nouvelles Energies (la SARL), un contrat d’achat et d’installation d’une centrale composée de douze panneaux photovoltaïques pour le prix de 21500 euros. Le même jour, ils ont également souscrit une offre de contrat affecté à l’achat de ce matériel et à son installation auprès de la SA Sygma Banque pour un montant de 21500 euros remboursable en 120 mensualités de 283,31 euros.

Saisi par assignation délivrée par les époux [K] en date du 10 mai 2019 aux fins que soit prononcée l’annulation du contrat de vente souscrit auprès de la SARL et l’annulation du contrat de crédit affecté souscrit auprès de la SA Sygma Banque, et, à titre subsidiaire et en tout état de cause, que leur soient accordés des dommages-intérêts, le tribunal judiciaire de Besançon a, par jugement rendu le 3 novembre 2020 :

– rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la SA Bnp Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Sygma Banque (la banque);

– déclaré l’action des époux [K] recevable ;

– prononcé la nullité du contrat de vente de panneaux souscrit entre les époux [K] et la SARL ;

– constaté la nullité subséquente du contrat de crédit souscrit entre les époux [K] et la banque ;

– débouté la banque de sa demande de condamnation des époux [K] à poursuivre l’exécution du contrat par le paiement des échéances mensuelles jusqu’à son terme ;

– ordonné que les parties soient replacées dans leur état originel ;

– dit que les panneaux photovoltaïques et les équipements annexes devront être tenus à la disposition de Mme [L] [E], ès qualité de mandataire judiciaire de la SARL, à charge pour elle de les reprendre au domicile des époux [K] et de remettre l’ouvrage dans son état initial et dit que si cette récupération n’a pas eu lieu dans le délai de 6 mois, les époux [K] pourront en disposer ;

– débouté la banque de sa demande de remboursement du capital emprunté vu ses fautes lors de la souscription du contrat et lors de la libération des fonds ;

– condamné la banque à payer aux époux [K] la somme de 11 020,62 euros correspondant aux échéances de prêt réglées entre septembre 2016 et novembre 2019, somme à parfaire au vu des échéances payées ultérieurement, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

– débouté les époux [K] de leur demande de dommages-intérêts à l’encontre de la banque ;

– fixé la créance de la banque au passif de la SARL à la somme de 21 500 euros ;

– condamné la banque à verser aux époux [K] la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Pour parvenir à cette décision, le premier juge a considéré :

– pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de l’absence de déclaration de créance des époux [K] dans la procédure collective de la SARL : que les époux [K] ne sollicitant ni sa condamnation, ni la résolution du contrat souscrit avec elle pour défaut de paiement d’une somme d’argent, ni même l’exécution d’une obligation de faire, il importait peu que l’annulation du contrat entraîne la remise des parties dans leur état antérieur ;

– pour prononcer la nullité du contrat principal de vente et d’installation des panneaux photovoltaïques : que le contrat n’était pas conforme aux exigences prévues à peine de nullité par le code de la consommation en ce qui concerne le bon de commande (défaut de précision des caractéristiques essentielles des fournitures et prestations) et le formulaire de rétractation (version des articles antérieure au 14 juin 2014), et que le fait de laisser les travaux s’exécuter jusqu’à la signature de l’attestation de fin de travaux ne constitue pas une volonté non équivoque de confirmer le contrat ;

– pour rejeter la demande de la banque de restitution par les époux [K] du capital qu’elle leur avait versé : qu’elle a commis une faute lors de la délivrance des fonds en ne vérifiant pas la régularité de l’opération financée et notamment le bon de commande, en libérant les fonds avant la livraison effective du bien et de la prestation de service qui comprenait le raccordement en mairie et les démarches administratives ;

– sur le rejet des dommages-intérêts sollicités par les époux [K] au titre de leur préjudice financier et de jouissance : qu’ils ne justifient pas d’un préjudice financier qui ne soit déjà indemnisé par la remise en état des parties en leur état antérieur et qu’ils ne sauraient invoquer un préjudice esthétique de leur maison alors qu’ils avaient fait le choix de poser des panneaux photovoltaïques sur le toit ;

– sur le rejet des dommages-intérêts sollicités par les époux [K] au titre de leur préjudice moral : qu’ils n’en justifient pas.

Par déclaration parvenue au greffe le 16 décembre 2020, la banque a régulièrement interjeté appel de ce jugement. Par conclusions transmises le 11 juin 2021, les époux [K] ont formé appel incident.

Par ordonnance de mise en état du 22 novembre 2021, le conseiller de la mise en état a :

– prononcé la caducité de la déclaration d’appel formée le 16 décembre 2020 par la banque en ce qu’elle est dirigée à l’égard de la SARL ;

– déclaré éteinte l’instance d’appel à l’égard de la SARL ;

– dit que l’instance enrôlée sous le n° 20-1742 se poursuit entre la banque et les époux [K] ;

– débouté les parties de leurs demandes de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile et dit n’y avoir lieu à liquidation des dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 25 octobre 2022 et l’affaire a été appelée à l’audience du 15 novembre 2022 et mise en délibéré au 10 janvier 2023.

Exposé des prétentions et moyens des parties

Selon conclusions transmises le 8 septembre 2021 antérieurement à l’ordonnance de mise en état du 22 novembre 2021 ayant déclaré caduque la déclaration d’appel à l’égard de la SARL, la banque demande à la cour d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté les époux [K] de leurs demandes de dommages et intérêts formées à son encontre et, statuant à nouveau et y ajoutant, de :

> à titre principal :

– dire les époux [K] irrecevables en leurs demandes en l’absence de déclaration de créances,

– débouter les époux [K] de l’ensemble de leurs demandes et dire qu’ils seront tenus d’exécuter les contrats jusqu’à leur terme ;

> à titre subsidiaire dans l’hypothèse où la nullité des contrats serait prononcée ;

– condamner solidairement les époux [K] à lui payer la somme de 21 500 euros ;

– fixer au passif de la liquidation de la SARL, prise en la personne de son liquidateur, Me Bertrand, la somme de 8 429,20 euros au titre des intérêts perdus ;

> à titre infiniment subsidiaire dans l’hypothèse où la nullité des contrats serait prononcée et une faute des établissements de crédit retenue :

– débouter les époux [K] de l’ensemble de leurs demandes ;

– fixer au passif de la liquidation de la SARL, prise en la personne de son liquidateur, Me Bertrand, la somme de 19 929,20 euros au titre du capital et des intérêts ;

> en tout état de cause :

– condamner solidairement les époux [K] à lui payer une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

– condamner les mêmes aux entiers dépens de l’appel.

Sur sa demande principale, elle fait valoir que :

– les époux [K] sont irrecevables en toutes leurs demandes en l’absence de déclaration de créances dans le cadre de la procédure collective affectant la SARL ;

– les conditions de nullité des contrats de vente et de crédit ne sont pas réunies ;

– ayant exécuté volontairement le contrat de vente, les époux [K] sont irrecevables à invoquer sa nullité et donc celle du contrat de prêt.

Sur sa demande subsidiaire, si la nullité était prononcée, elle soutient que :

– elle n’a commis aucune faute exclusive du remboursement du capital puisqu’elle n’a pas l’obligation de détenir un exemplaire du bon de commande pour accorder le crédit et qu’une éventuelle nullité aurait été couverte par l’attestation de fin de travaux et la demande de paiement des époux [K] remise avant le déblocage des fonds, pas plus qu’elle n’était tenue d’un devoir de conseil et d’information sur le contrat de vente ;

– les éventuelles manoeuvres ou mensonges du vendeur ne peuvent lui être reprochés ;

– elle-même a rempli son obligation de vérification de la solvabilité des emprunteurs au vu de la fiche de dialogue qu’ils ont remplie et des documents annexes qu’elle a sollicités ;

– les époux [K] ne démontrent pas le préjudice qu’ils allèguent puisque le matériel financé a été livré, installé et est fonctionnel et que les époux [K] bénéficient des fruits générés par l’installation.

Les époux [K] ont répliqué en dernier lieu par conclusions transmises le 19 octobre 2022 pour demander à la cour de confirmer le jugement entrepris sauf en ses dispositions ayant rejeté ou diminué leurs demandes d’indemnisation de leurs préjudices.

Ils demandent à la cour de :

– condamner la banque à leur verser les sommes de :

1 285 euros au titre de leur préjudice financier ;

4 000 euros au titre de leur préjudice économique et du trouble de jouissance ;

3 000 euros au titre de leur préjudice moral ;

– condamner la banque à payer à M. [K] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile d’appel.

Ils soutiennent que :

– la banque a commis une faute, constituée par une négligence fautive, en leur accordant un crédit accessoire à un contrat nul sans vérifier la régularité du bon de commande, ce qui la prive nécessairement de son droit à remboursement du capital emprunté sans qu’il soit besoin de démontrer l’existence du préjudice qu’ils ont subi ;

– en tout état de cause, leur préjudice est constitué du prêt lui même qui les contraint au remboursement des mensualités et au paiement d’intérêts exorbitants au titre d’un contrat qui finance une installation qui ne pouvait pas être rentable ;

– la faute de la banque confine au dol en ce qu’elle a accordé son concours à des opérations nécessairement ruineuses alors qu’elle a déjà été condamnée à de nombreuses reprises pour des contrats similaires pouvant être qualifiés de pratiques commerciales trompeuses et doit répondre des manoeuvres frauduleuses imputées à l’installateur, s’agissant de la conclusion d’une opération économique unique, indivisible conclue avec l’intermédiaire d’un mandataire unique ;

– la banque a également commis une faute dans la libération des fonds en ne vérifiant pas la faisabilité du projet et sa viabilité économique et en le faisant avant que ne soient réalisés le raccordement au réseau ERDF, les démarches administratives et l’obtention de l’autorisation de la commune ;

– la remise du certificat de fin de travaux (qui n’en est pas un puisqu’il indique seulement, au titre des travaux effectué « kit photovoltaïque ») et de l’ordre de paiement ne l’exonère pas de son obligation de vérifier que la prestation de service était achevée ;

– la banque a manqué à son devoir d’information et de mise en garde en accordant aux époux [K] ce crédit au vu de leur situation d’endettement de 73 % existant avant la souscription de ce nouveau contrat de crédit et en ne les avertissant pas du risque lié à l’absence de garantie de la rentabilité de l’opération au vu de leur budget ;

– leur préjudice financier imputable à la banque résultant du défaut d’avertissement est constitué par la perte financière due au crédit qu’ils doivent rembourser à hauteur de 3 400 euros par an pour des revenus énergétiques ne dépassant pas 800 euros annuels en moyenne ;

– ils subissent également un préjudice financier né de l’obligation de remboursement d’un capital qu’ils n’ont pas perçu du fait de la liquidation judiciaire de la SARL laquelle n’est pas en mesure de le restituer à la banque ;

– ils subissent également un préjudice résultant des frais de désinstallation de la centrale et de remise en état de la toiture, un préjudice de jouissance et moral en ayant dû renoncer à différents projets personnels par manque de trésorerie s’expliquant par le poids de ce crédit, résultant des désagréments liés à la réalisation d’important travaux pour une installation inutile et inesthétique qui leur a en outre fait perdre beaucoup de temps en démarches administratives et causé l’angoisse d’avoir à supporter de très longues années le remboursement d’un crédit ruineux.

Pour l’exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

Motifs de la décision

– Sur la fin de non-recevoir tirée de l’absence de déclaration de créance des époux [K] dans la procédure collective de la SARL :

Après avoir relevé que les époux [K] ne sollicitaient ni la condamnation de la SARL, dont le jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire date du 6 septembre 2016, ni la résolution du contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent ou d’exécution d’une obligation de faire, et après avoir noté qu’il importait peu que l’annulation du contrat de vente entraîne la remise des parties dans leur état antérieur, le juge de première instance a, à bon droit, considéré que l’interdiction de toute action en justice de l’article L. 622-21 du code de commerce ne s’appliquait pas au cas d’espèce.

La cour confirme le rejet de la fin de non-recevoir prononcé par le jugement entrepris.

– Sur la nullité des contrats de vente et de crédit et ses conséquences :

En exécution de l’ordonnance de mise en état du 22 novembre 2021 devenue définitive, les appels, principal ou incident, à l’égard de la SARL ayant été déclarés caduques, toute demande maintenue devant la cour concernant cette société sont irrecevables. Il en est ainsi des demandes subsidiaires de la banque de voir fixer au passif de la liquidation de la SARL toute nouvelle somme.

La cour constate également que les dispositions du jugement entrepris, qui ont prononcé la nullité du contrat de vente de panneaux entre les époux [K] et la SARL, fixé la créance de la banque au passif de cette dernière à la somme de 21 500 euros et ordonné la remise en état antérieur entre la SARL et les époux [K], sont devenues définitives.

En conséquence de la nullité du contrat principal, qui a, de plein droit, par application des dispositions de l’article L. 311-32 code de la consommation, entraîné la nullité subséquente du contrat de crédit affecté souscrit entre les époux [K] et la banque, la cour ne peut que confirmer les dispositions du jugement qui ont :

– débouté la banque de sa demande en condamnation des époux [K] à poursuivre l’exécution du contrat par le paiement des échéances mensuelles jusqu’à son terme ;

– ordonné que les parties soient replacées dans leur état originel.

– Sur la demande de restitution par les époux [K] du capital du prêt annulé :

La nullité du contrat de financement, comme conséquence de plein droit de l’annulation du contrat de vente, ayant été définitivement prononcée par le jugement aux termes d’une disposition qui n’est pas soumise à la cour, le moyen relatif au dol maintenu par les époux [K] à hauteur de cour pour fonder la nullité est inopérant.

Concernant les manquements invoqués par les époux [K] au regard de l’obligation de conseil de la banque tirée de l’article L.311-8 du code de la consommation dans sa version applicable à ce crédit souscrit en 2015, aux termes duquel la banque doit fournir à l’emprunteur les explications lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à sa situation financière et à ses besoins, il y a lieu au préalable de rappeler que la sanction d’une telle méconnaissance conduit à prononcer la déchéance du droit aux intérêts au profit de la banque défaillante ; dans le cas d’espèces, la banque subit cette sanction puisqu’elle doit rembourser aux époux [K] l’intégralité des sommes qu’ils lui ont versées au titre du crédit.

En outre, les époux [K] ont rempli, avec l’offre de crédit du 3 août 2015, une fiche de renseignements sur la situation de leurs revenus et de leurs charges qui faisait apparaître un taux d’endettement de 42 %. Le nouveau crédit litigieux dont les mensualités de 283 euros ne commençaient à devoir être remboursées qu’en septembre 2016, une fois la vente d’électricité à EDF en place, ne pouvait être considéré, du point de vue du prêteur comme une charge mensuelle de ce montant et la banque n’avait ni les moyens ni le droit de pousser ses investigations jusqu’à évaluer le taux de rentabilité de l’installation pour vérifier le poids financier du crédit.

La faute de la banque, au regard de son devoir d’information, n’est donc pas établie.

Il résulte de l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, et des articles L. 311-31 et L. 311-32, devenus L. 312-48 et L. 312-55, du code de la consommation que l’annulation ou la résolution du contrat de vente ou de prestation de service emporte celle du contrat de crédit accessoire et que l’emprunteur est alors tenu de restituer le capital emprunté, sauf si l’emprunteur établit l’existence d’une faute du prêteur et d’un préjudice consécutif à cette faute.

Cette exception au devoir de remboursement du capital nécessite donc que l’emprunteur apporte la preuve de deux conditions cumulatives, la faute et le préjudice en résultant ; en conséquence, contrairement à ce que soutiennent les époux [K], une faute de la banque, qu’elle soit commise lors de la souscription du contrat de crédit ou lors de la libération des fonds, ne la prive pas nécessairement de son droit à remboursement du capital emprunté. Il leur revient en outre d’administrer la preuve de leur préjudice actuel et certain découlant de cette faute.

En l’espèce, comme l’a justement relevé le premier juge, le bon de commande intitulé « contrat d’achat » du 3 août 2015 ne précise ni les références des produits vendus, ni leur puissance unitaire, ni les caractéristiques de l’onduleur, ni le prix unitaire de chaque équipement, caractéristiques essentielles des fournitures et prestations qui auraient dû figurer dans le contrat afin d’assurer l’information complète du client en vue de lui permettre de comparer, en connaissance de cause, dans le délai de rétractation, le prix des équipements et leur performance par rapport à ceux proposés par d’autres sociétés sur le marché. De même, le formulaire de rétractation intitulé « annulation de commande » figurant au bas du bon de commande vise des articles du code de la consommation dans leur version antérieure à 2014 et qui ne sont donc pas applicables à cette vente ; il est en conséquence donné aux consommateurs une information imparfaite sur leur droit de rétractation. Ces irrégularités sont la cause de la nullité du contrat principal prononcée définitivement en première instance.

La banque, professionnelle spécialement aguerrie en matière de financement de ce type d’opération, se devait de vérifier la régularité du contrat principal et de relever que ce dernier était affecté de plusieurs irrégularités apparentes sanctionnées par la nullité, ce dont il résulte que la banque a commis une faute en finançant un contrat dont la nullité était apparente et en rendant ainsi possible, sans en avertir les emprunteurs, une opération qui aurait pu ne pas recevoir exécution.

Par ailleurs, par des motifs toujours pertinents que la cour reprend à son compte, le jugement querellé a également retenu que la banque avait commis une faute en libérant les fonds avant la réalisation complète de la prestation qu’elle finançait, celle-ci comprenant non seulement l’installation des panneaux photovoltaïques et l’installation électrique au domicile des époux [K] mais également l’exécution des démarches administratives et le raccordement ERDF.

La cour relève que le bon de commande a été souscrit le 3 août 2015, que le crédit a été accepté par la banque le 11 août 2015, dans un courrier qui précisait que les fonds ne seraient débloqués qu’après la livraison effective des biens ou des prestations de service, et que les fonds ont été versés dès le 26 août 2015 à réception du certificat de livraison en date du 19 août 2015 qui ne comportait pourtant que la mention « Kit photovoltaïque » sur la ligne « désignation précise du bien ou de la prestation de services financé par le crédit » du bon de commande. Or, l’envoi de la demande complète de raccordement au réseau public n’a été réalisé que le 30 septembre 2015, l’arrêté de non opposition de la commune n’est intervenu que le 25 septembre 2015 et la mise en service du raccordement de l’installation date du 3 novembre 2015.

Au vu de ces constatations, la cour, comme l’a fait le tribunal, retient que la banque a commis des fautes susceptibles de la priver en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que les emprunteurs justifient avoir subi un préjudice en lien avec ces fautes (Civ. 1ère, 25 nov. 2020, n°19-14.908).

Cependant, il ne saurait être question de faire supporter à la banque autre chose que l’indemnisation des préjudices résultant de ses propres fautes ; ainsi les préjudices invoqués par les époux [K] résultant d’une installation photovoltaïque non rentable ou de l’absence de remboursement par la SARL, du fait de la clôture de sa liquidation judiciaire pour insuffisance d’actifs, de la somme de 21 500 euros que la banque lui a versée pour leur compte, ne résultent pas des fautes de la banque mais de celles de la SARL voire, en ce qui concerne la rentabilité de l’installation, de leur propre légèreté dans les vérifications qu’ils auraient dû effectuer.

Le préjudice qu’ils invoquent tenant au poids financier du crédit n’existe pas puisque la banque a été condamnée à leur rembourser l’ensemble des mensualités qu’ils lui ont versés, mensualités incluant les intérêts et les frais.

Le préjudice de jouissance consistant en un renoncement à différents projets personnels du fait de cette charge financière de 283 euros par mois (sur un budget de 2300 euros par mois pour la famille en 2016) n’est pas prouvé.

Concernant les dommages-intérêts de 1285 euros qu’ils réclament pour les frais de démontage de l’installation et la remise en état de leur toiture, ce préjudice n’est pas réel et certain puisqu’ils ne justifient, ni que l’installation ne fonctionne plus et ne leur rapporte plus de revenus, ni qu’ils ont entrepris de la démonter.

Quant aux pertes de temps résultant des démarches liées à ce projet et au préjudice esthétique, ces préjudices soit ne sont pas constitués puisqu’ils avaient pris la décision de les mener à bien soit ne résultent pas des manquements de la banque mais de ceux de la SARL.

Enfin, les pièces versées aux débats établissent que le premier prélèvement du contrat de crédit, ainsi que cela résulte de la pièce n°6 des époux [K], n’a été opéré qu’à la date du 10 septembre 2016, soit postérieurement à la mise en service de l’installation dont les époux [K] ne rapportent pas la preuve de la défectuosité. Les pièces produites démontrent au contraire que les emprunteurs ont reçu un ouvrage en bon état de fonctionnement puisqu’ils justifient avoir bénéficié d’achat par EDF de leur électricité ainsi produite pour la période allant de novembre 2015 à novembre 2018 et qu’ils ne prétendent pas l’avoir déposé depuis. Les époux [K] se trouvent ainsi être propriétaires d’une installation dont ils ne démontrent pas la défectuosité, qui a été financée au moyen du capital emprunté à la banque ; ils conservent l’installation litigieuse grâce à laquelle ils revendent de l’électricité.

En conséquence, la cour retient que les époux [K] n’établissent pas la réalité de préjudices actuels découlant des fautes de l’organisme de prêt dans la vérification du bon de commande ou le processus de déblocage des fonds.

Il y a lieu, sur les effets de la nullité du contrat de crédit affecté, d’infirmer le jugement qui a débouté la banque de sa demande en restitution du capital emprunté et de condamner les époux [K] à verser à la banque la somme de 21 500 euros outre les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, sauf à déduire, par le jeu de la compensation, la somme de 11 020,62 euros que la banque doit leur rembourser au titre des échéances versées entre septembre 2016 et novembre 2019.

Dispositif :

Par ces motifs,

La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique :

Dit la SA Bnp Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Sygma Banque irrecevable en ses demandes de voir fixer des sommes au passif de la SARL Sungold en liquidation judiciaire ;

Confirme, dans les limites de l’appel, le jugement rendu entre les parties le 3 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Besançon sauf en ce qu’il a débouté la SA Bnp Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Sygma Banque de sa demande de restitution du capital emprunté ;

Sur ce chef infirmé et y ajoutant :

Condamne solidairement Mme [C] [S] épouse [K] et M. [X] [K] à verser à la SA Bnp Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Sygma Banque la somme de 21 500 euros en remboursement du capital prêté au titre du crédit affecté souscrit le 3 août 2015 ;

Condamne la SA Bnp Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Sygma Banque aux dépens :

Et, vu l’article 700 du code de procédure civile, déboute la SA Bnp Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Sygma Banque de sa demande et la condamne à payer à Mme [C] [S] épouse [K] et M. [X] [K], ensemble, la somme de 2 000 euros.

Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Fabienne Arnoux, greffier.

Le greffier, Le président de chambre,

 


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