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délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
1re chambre sociale
ARRET DU 18 JANVIER 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 19/05271 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OIT2
Arrêt n° :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 02 JUILLET 2019 du CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER – N° RG F 18/00637
APPELANTE :
Madame [W] [P] [I] [U]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Jean sébastien DEROULEZ, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEE :
Société LE FOURNIL DES OLIVIERS, prise en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Jérôme PASCAL de la SARL CAP-LEX, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 26 Octobre 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 NOVEMBRE 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre
Madame Caroline CHICLET, Conseiller
Madame Florence FERRANET, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Marie BRUNEL
ARRET :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Marie BRUNEL, Greffière.
*
* *
EXPOSE DU LITIGE :
[W] [P] [I] [U], qui travaillait comme femme de ménage chez les époux [M] depuis décembre 2015, a été engagée à compter du 24 septembre 2016 par la Sas Fournil des Oliviers, dont les époux [M] sont les gérants, en qualité de préparatrice de sandwichs dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à temps complet régi par la convention collective nationale des entreprises artisanales de boulangerie pâtisserie pour lequel elle percevait en dernier lieu une rémunération brute de base de 1565,23 €.
Les parties ont signé une rupture conventionnelle le 24 novembre 2017.
Reprochant à son employeur de lui avoir fait signer le formulaire de rupture conventionnelle sans entretien préalable, sous la pression de conserver son emploi de femme de ménage et sans avoir reçu d’exemplaire lui permettant d’exercer son droit à rétractation, [W] [P] [I] [U], après avoir vainement tenté un rapprochement amiable, a saisi le conseil des prud’hommes de Montpellier pour voir annuler la rupture conventionnelle du 24 novembre 2017, dire que la rupture doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir la réparation de ses préjudices ainsi que l’application de ses droits.
Par jugement du 2 juillet 2019, ce conseil a :
– dit n’y avoir lieu de prononcer la nullité de la rupture conventionnelle ;
– débouté la salariée de l’ensemble de ses demandes ;
– débouté la Sas Fournil des Oliviers de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;
– laissé les dépens à la charge des parties.
Le 24 juillet 2019, [W] [P] [I] [U] a relevé appel de tous les chefs du jugement l’ayant débouté de ses prétentions.
Vu les conclusions n°4 de l’appelante remises au greffe le 15 septembre 2022 ;
Vu les conclusions n°2 de la Sas Fournil des Oliviers remises au greffe le 23 août 2022 ;
Vu l’ordonnance de clôture en date du 26 octobre 2022 ;
MOTIFS :
Sur la demande de nullité de la rupture conventionnelle :
L’appelante conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté sa demande de nullité de la rupture conventionnelle et demande à la cour de faire droit à sa prétention, l’employeur ne lui ayant pas remis d’exemplaire lui permettant d’exercer son droit à rétractation.
La société intimée conclut à la confirmation du jugement sur ce point.
La remise d’un exemplaire de la convention de rupture au salarié étant nécessaire à la fois pour que chacune des parties puisse demander l’homologation de la convention, dans les conditions prévues par l’article L. 1237-14 du code du travail, et pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d’exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause, il s’ensuit qu’à défaut d’une telle remise, la convention de rupture est nulle.
En cas de contestation, il appartient à celui qui invoque cette remise d’en rapporter la preuve.
En l’espèce, aucune mention de la remise d’un exemplaire de la convention n’a été portée sur le formulaire de rupture conventionnelle.
Et l’employeur n’apporte aucun élément de preuve tendant à démontrer l’existence de cette remise contestée.
Le fait que l’appelante ait été en possession d’un exemplaire de la convention au moment d’introduire sa requête prud’homale de juin 2018 (pièce 9 de la requête) ne prouve pas que cet exemplaire lui a été remis le jour de la signature de la convention de rupture, contrairement à ce que soutient la société intimée, puisque [W] [P] [I] [U] justifie avoir réclamé à son employeur la copie de la convention par un SMS du jeudi 21 décembre 2017 à 10h12, ce dont il se déduit qu’elle ne l’avait pas encore en sa possession à cette date.
Il est vain de la part de l’employeur de soutenir que le contenu de ce SMS était énigmatique, ce qui ne lui aurait pas permis d’y répondre, alors que dans ce message, adressé le lendemain du dernier jour travaillé, la salariée lui demandait ‘une photocopie des papiers que vous m’avez fait signer’ ce qui ne laissait aucun doute sur la nature du document réclamé.
L’employeur ne rapportant pas la preuve de la remise à la salariée d’un exemplaire de la convention le jour de la signature de la rupture conventionnelle, cette convention de rupture est nulle et le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.
Sur les conséquences de la nullité :
L’appelante demande à la cour de condamner l’employeur à lui payer les sommes de :
– 1.641,53 € bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés y afférents,
– 5.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en demande à la cour d’écarter les dispositions résultant de l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017 sur le fondement de l’article 24 de la Charte sociale européenne.
La société intimée demande à la cour de rejeter les demandes et subsidiairement, de limiter l’indemnisation réclamée au barème institué par l’ordonnance du 22 septembre 2017.
La nullité de la rupture conventionnelle doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ouvrant droit, au bénéfice de la salariée, qui disposait d’une ancienneté de 15,5 mois, à une indemnité compensatrice de préavis d’un mois d’un montant de 1.598,83 € bruts (soit le salaire qu’elle aurait perçu si elle avait continué à travailler et non le salaire de référence moyen) en application de l’article 32 de la convention collective applicable outre 159,88 € bruts au titre des congés payés y afférents.
S’agissant du préjudice résultant de la perte de l’emploi, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée (1.641,53 € bruts en moyenne sur les 12 derniers mois), de l’âge de l’intéressée (59 ans), de son ancienneté dans l’entreprise (16,5 mois en incluant le préavis), du nombre de salariés habituellement employés dans l’entreprise (au moins 11 selon l’extrait société.com produit par l’intimée), de sa capacité à retrouver un emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard tel que cela résulte des pièces communiquées et des explications fournies à la cour (allocations de retour à l’emploi à compter du 29 janvier 2018 et jusqu’à fin 2018 inclus, ablation d’une tumeur surrénalienne en mai 2020 ayant nécessité une chimiothérapie nécessitant un suivi régulier et ne lui permettant pas de pratiquer une activité professionnelle selon le certificat médical du CHU de Lapeyronie du 27 juillet 2022), la Sas Fournil des Oliviers sera condamnée à lui verser la somme de 3.283,06 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa version issue de l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, l’article 24 de la Charte sociale européenne n’étant pas d’effet direct.
Lorsque le licenciement est indemnisé en application des articles L.1235-3 du code du travail, comme c’est le cas en l’espèce, la juridiction ordonne d’office, même en l’absence de Pôle emploi à l’audience et sur le fondement des dispositions de l’article L.1235-4 du même code, le remboursement par l’employeur de toute ou partie des indemnités de chômage payées au salarié par les organismes concernés, du jour du licenciement au jour du jugement, et ce dans la limite de six mois. En l’espèce au vu des circonstances de la cause il convient de condamner l’employeur à rembourser les indemnités à concurrence de 6 mois.
Le jugement rendu sera infirmé en toutes ses dispositions.
Sur les autres demandes :
Les créances de nature salariale produisent des intérêts au taux légal à compter du jour où l’employeur a eu connaissance de la demande (soit à compter de la date de réception de sa convocation devant le bureau de conciliation), et les sommes à caractère indemnitaire à compter du présent arrêt.
Il sera fait droit à la demande de remise des documents sociaux, sans que l’astreinte soit nécessaire.
La Sas Fournil des Oliviers qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel et à payer à Maître [S] [C] somme de 1.684,80 € sur le fondement de l’article 700-2° du code de procédure civile pour ses frais exposés en première instance et en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement ;
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau ;
Dit que la convention de rupture conventionnelle signée le 24 novembre 2017 est nulle ;
Dit que cette nullité produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la Sas Fournil des Oliviers à payer à [W] [P] [I] [U] les sommes suivantes :
> 1.598,83 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
> 159,88 € bruts au titre des congés payés y afférents,
> 3.283,06 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter du jour où l’employeur a eu connaissance de leur demande, et les sommes à caractère indemnitaire à compter du présent arrêt ;
Dit que la Sas Fournil des Oliviers devra transmettre à [W] [P] [I] [U] dans le délai de deux mois suivant la signification de la présente décision un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes ainsi qu’un bulletin de salaire récapitulatif ;
Ordonne le remboursement par la Sas Fournil des Oliviers au Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à [W] [P] [I] [U] du jour de son licenciement à ce jour, à concurrence de 6 mois ;
Dit que le greffe adressera à la direction générale de Pôle Emploi une copie certifiée conforme de l’arrêt, en application de l’article R.1235-2 du code du travail;
Déboute [W] [P] [I] [U] du surplus de ses prétentions et de sa demande d’astreinte ;
Condamne la Sas Fournil des Oliviers aux entiers dépens de première instance et d’appel, et à payer à Maître Jean-Sébastien Déroulez, avocat associé inscrit au barreau de Montpellier, la somme de 1.684,80 € TTC sur le fondement de l’article 700-2° du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance et en cause d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT