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7ème Ch Prud’homale
ARRÊT N°24/2023
N° RG 19/07851 – N° Portalis DBVL-V-B7D-QJVF
SARL [I] HOLDING
C/
Mme [C] [N]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 19 JANVIER 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,
Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,
Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 15 Novembre 2022 devant Madame Isabelle CHARPENTIER, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
En présence de Monsieur [D], médiateur judiciaire
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 19 Janvier 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTE :
SARL [I] HOLDING
[Adresse 10]
[Localité 2]
Représentée par Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me DELACOURT, Plaidant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
Madame [C] [N]
née le 06 Décembre 1978 à [Localité 4]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Dominique MORIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC
EXPOSÉ DU LITIGE
Le groupe [I], dont fait partie la SARL [I] holding, spécialisé dans la découpe, la transformation, le conditionnement et l’expédition des fruits et légumes, a une clientèle de grandes et moyennes surfaces de détaillantes en France et en Europe.
Mme [C] [N] a été engagée le 6 septembre par la SARL [I] holding dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de Responsable commerciale, statut cadre.
Il était convenu d’une rémunération composée d’une part fixe mensuelle de 3 495,60 euros pour 169 heures par mois, outre une part variable. Il était prévu une clause de non concurrence pour une durée de 24 mois sur les départements 22,29, 35, 44 et 56 avec une contrepartie pécuniaire égale à 20% du salaire moyen brut des trois derniers mois.
La relation de travail était régie par la convention collective du commerce de gros.
Lors d’un entretien le 6 avril 2018, le dirigeant de la société [I] a évoqué avec Mme [N], en présence de son supérieur hiérarchique M.[L], la dégradation persistante des relations de travail avec le personnel dont elle assurait l’encadrement. Les parties ont convenu à l’issue de cet entretien que la salariée renonçait à son poste de Responsable et qu’elle occuperait un poste de commerciale.
Le 9 avril 2018, Mme [N], souffrant sur le lieu de travail d’une réaction allergique après un traitement médical pris lors de sa pause déjeuner, a bénéficié d’un arrêt de travail jusqu’au 11 avril 2018.
Lors de sa reprise le 12 avril 2018, Mme [N] a annoncé à l’équipe qu’elle n’occuperait plus les fonctions de Responsable mais de commerciale.
La salariée ayant refusé de conclure un avenant comportant la régularisation de ses fonctions et une diminution de son salaire, l’employeur lui a indiqué qu’il envisageait soit une rupture conventionnelle soit un licenciement de Mme [N] en raison des difficultés de comportement et de management avec son équipe.
Par courrier remis en mains propres le 18 avril 2018, Mme [N]
‘souhaitant se consacrer à d’autres projets professionnels’ a sollicité l’organisation d’un entretien en vue d’une rupture conventionnelle de son contrat de travail.
Le lendemain, la société [I] holding lui a proposé un entretien pour le 26 avril 2018 afin d’évoquer les modalités de la rupture.
Le 26 avril 2018, les parties ont signé une convention de rupture de contrat de travail et le formulaire Cerfa correspondant, avec demande d’homologation à la Direccte.
A partir du 28 avril 2018, l’employeur a dispensé Mme [N] de travailler dans l’attente de la fin du contrat de travail fixé au 9 juin 2018 ‘ compte tenu du comportement négatif de la salariée auprès des clients et irrespectueux auprès de ses collègues de travail et de la société’. La salariée a bénéficié du maintien de sa rémunération jusqu’au 9 juin 2018, date prévue de la rupture du contrat de travail, après une période de congés payés entre le 22 mai et le 9 juin 2018 inclus.
A l’issue du délai de rétractation l’employeur a transmis à la Direccte la convention de rupture aux fins d’homologation suivant courrier du 14 mai 2018 réceptionné le 16 mai 2018.
La rupture du contrat de travail est intervenue à l’échéance prévue le 9 juin 2018 au soir.
Dans un courrier recommandé du 12 septembre 2018, le conseil de Mme [N] a contesté les circonstances de la rupture de son contrat de travail, invoquant des actes de violence morale imputables à son employeur depuis le 6 avril 2018 ayant pour conséquence d’invalider son consentement donné lors de la signature de la convention de rupture du 26 avril 2018. Elle a sollicité à titre amiable l’indemnisation de ses divers préjudices et le versement de la contrepartie de la clause de non concurrence.
Par requête en date du 16 janvier 2019, Mme [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Guingamp afin de voir :
– Prononcer la nullité de la rupture conventionnelle ayant mis fin à son contrat de travail,
– Condamner la société [I] holding au paiement des sommes suivantes :
– 10 486,80 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 1 048,68 euros pour les congés payés correspondants,
– 582, 60 euros à titre d’indemnité de licenciement,
– 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
– Constater que la société [I] holding n’a pas dispensé la salariée de son obligation de non concurrence et la condamner au paiement de la contrepartie pécuniaire soit la somme de 703,23 euros pendant vingt-quatre mois, et ce à dater de la fin du contrat de travail
– Condamner la société [I] holding au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de perception de la prime annuelle,
– Ordonner la rectification de l’attestation Pôle Emploi,
– Dire que la société [I] holding devra verser à Madame [N] la somme de 348,54 euros au titre de la garantie de salaire due pendant la durée du travail du 9 au 11 avril inclus, déduction faite des indemnités journalières perçues,
– Dire que les sommes ci-dessus produiront intérêts avec anatocisme à compter de la saisine du conseil en application de l’article 1343-2 du code civil,
– Condamner la société [I] holding au versement de 3 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,
– Ordonner l’exécution provisoire du présent jugement en application de l’article 515 du code de procédure civile,
– Condamner la société [I] holding en tous les dépens.
La SARL [I] holding a demandé au conseil de prud’hommes de débouter Mme [N] de l’intégralité de ses demandes.
Par jugement en date du 12 novembre 2019, le conseil de prud’hommes de Guingamp a :
– Prononcé la nullité de la rupture conventionnelle ayant mis fin au contrat de travail et dit que le licenciement a été prononcé pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse,
– Condamné la société [I] holding à payer à Mme [N] les sommes suivantes :
– 10 486,80 euros au titre d’indemnité compensatrice de préavis correspondant à trois mois de salaire,
– 1 048,68 euros au titre d’indemnité compensatrice de congés payés y afférente,
– 1 758,20 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 16 877,23 euros au titre de la contrepartie financière due au titre de la non dénonciation dans le temps de la clause de non concurrence,
– 750 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Dit que toutes les condamnations prononcées produiront des intérêts légaux à compter du 19 janvier 2019 pour toutes les condamnations à caractère salarial y compris l’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à la date du présent jugement pour le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– Fixé à la somme de 3 516,40 euros le salaire brut moyen mensuel de Mme [N],
– Condamné la société [I] holding à remettre à la salariée une attestation Pôle Emploi conforme au présent jugement,
– Débouté les parties de toutes leurs autres demandes,
– Ordonné l’exécution provisoire en application de l’article 515 du code de procédure civile du présent jugement,
– Laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.
***
La SARL [I] holding a interjeté appel de la décision par déclaration au greffe le 5 décembre 2019.
En l’état de ses conclusions transmises par RPVA le 20 novembre 2020, la SARL [I] holding demande à la cour de :
– Réformer le jugement entrepris en ce qu’il a :
‘ Prononcé la nullité de la rupture conventionnelle et dit que le licenciement a été prononcé pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse,
‘ Condamné la société [I] holding à payer à Mme [N] les sommes suivantes :
– 10 486,80 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 1 048,68 euros pour les congés payés y afférents,
– 1 758,20 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 750 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Dit que toutes les condamnations prononcées produiront des intérêts légaux à compter du 19 janvier 2019 pour toutes les condamnations à caractère salarial y compris l’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à la date du présent jugement pour le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
‘ Fixé à la somme de 3 516, 40 euros le salaire brut moyen mensuel de Mme [N],
‘ Condamné la société [I] holding à remettre à Mme [N] une attestation Pôle Emploi conforme
‘ Ordonné l’exécution provisoire en application de l’article 515 du code de procédure civile,
‘ Laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.
-En conséquence, débouter Mme [N] de toutes ses demandes.
-Pour le surplus, confirmer le jugement entrepris,
-Y Additant, condamner Mme [N] au paiement de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
En l’état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 19 février 2021, Mme [N] demande à la cour de :
– Constater qu’elle n’est pas saisie du chef de demande relatif à l’indemnité pour clause de non-concurrence, le jugement étant définitif de ce chef.
– Prononcer la nullité de la rupture conventionnelle ayant mis fin à son contrat de travail.
– Condamner la société [I] holding au paiement des sommes suivantes :
– indemnité compensatrice de préavis : 10 486,80 euros (confirmation)
– indemnité compensatrice de congés payés correspondante : 1 048,68 euros (confirmation)
– dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse: 1 758,20 euros (confirmation)
– Condamner la société [I] holding au paiement de :
– la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral.
– la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de perception de la prime annuelle.
– Ordonner la rectification de l’attestation Pôle Emploi.
– Condamner la société [I] holding à payer des intérêts avec anatocisme en vertu de l’article 1343-2 du code civil sur les condamnations prononcées.
– Condamner la SARL [I] holding au paiement de la somme de 2 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 25 octobre 2022 avec fixation de l’affaire à l’audience du 15 novembre 2022.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l’exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions qu’elles ont déposées et soutenues à l’audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la nullité pour non-respect de la procédure de la rupture conventionnelle
La société [I] Holding demande l’infirmation du jugement qui a prononcé la nullité de la convention de rupture au motif que l’employeur ne rapportait pas la preuve de la remise de la convention entre les mains de la salariée avant le 11 mai 2018, à la fin du délai de rétractation. La société appelante fait valoir que l’exemplaire de la convention a bien été remis à la salariée lors de la signature, ce qui ressortait du témoignage de M.[L] et de la convention accompagnant l’imprimé Cerfa; que l’enveloppe produite portant la date du 24 mai 2018 correspondait à un autre document -demande acceptée de congés – et non pas à un exemplaire de la convention. L’employeur ajoute que la salariée qui s’est vue remettre un exemplaire du formulaire le jour de sa signature ne l’a jamais réclamé dans ses courriers ultérieurs avant de s’en prévaloir devant la juridiction. Le moyen, nouveau en appel concernant l’absence de date du formulaire Cerfa, n’est pas pertinent, la date de sa signature étant certaine au regard de la convention par acte distinct et du message de la salariée du 27 avril 2018.
Mme [N] rétorque que l’employeur lui a adressé la convention postérieurement au délai de rétractation, soit le 24 mai 2018 par voie postale, sur sa demande téléphonique ; qu’il appartient à l’employeur de prouver que cette remise a eu lieu ; qu’elle ne se présume pas ; que le défaut de remise de l’exemplaire à la salariée le jour de la signature entraîne la nullité de la convention de rupture, s’agissant de la violation d’une formalité substantielle ; que le témoignage de M. [L] n’est pas recevable s’agissant d’un mandataire de l’employeur ; qu’enfin, le formulaire de la convention de rupture dépourvu de date ne permet pas de situer le point de départ du délai de rétractation, que la nullité sera prononcée sur ce second moyen.
Sur le défaut de remise d’un exemplaire
La remise d’un exemplaire de la convention de rupture au salarié étant nécessaire à la fois pour que chacune des parties puisse demander l’homologation de la convention dans les conditions prévues par l’article L 1237-14 et pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d’exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause, il s’ensuit qu’à défaut d’une telle remise, la convention de rupture est nulle. Il appartient à celui qui invoque cette remise d’en rapporter la preuve.
La société [I] pour justifier de la remise à la salariée de la convention de rupture le 26 avril 2018, verse aux débats:
– la convention de rupture du contrat portant la date du 26 avril 2018 et la mention ‘ Fait en deux exemplaires’, mentionnant de manière expresse que le délai de rétractation de 15 jours à compter du lendemain de la signature de la convention, soit jusqu’au 11 mai 2018 au soir.
– l’imprimé cerfa intitulé ‘ Rupture conventionnelle d’un contrat de travail à durée indéterminée et formulaire de demande d’homologation ‘. Cet imprimé non daté est signé par les parties qui ont apposé la mention manuscrite ‘ Lu et approuvé’ . La date de fin du délai de rétractation est fixée au 11 mai 2018 et la date envisagée du contrat de travail au 9 juin 2018.
– un courriel du 27 avril 2018 par Mme [N] à l’employeur aux termes duquel, après la signature la convention de rupture le 26 avril 2018, l’employeur lui a demandé de ne plus se présenter sur le lieu de travail jusqu’à la fin du contrat, le 9 juin 2018.
– l’envoi de l’exemplaire de la convention de rupture transmis le 14 mai 2018 à la Direccte, réceptionné le 16 mai 2018,
– le témoignage de M.[L], supérieur hiérarchique de la salariée, affirmant avoir reçu Mme [N] lors de l’entretien de la rupture conventionnelle le 26 avril 2018 et lui avoir remis l’exemplaire Cerfa ainsi que la convention de rupture destinés à la salariée. Il maintient que les documents, préalablement signés par M.[I], avaient été préparés par le service comptabilité avec un exemplaire pour la salariée, un autre pour l’employeur et un autre pour l’administration.
L’attestation de M.[L], dont le lien de subordination avec l’employeur ne suffit pas à l’écarter des débats, doit être prise en compte en ce qu’elle rapporte des faits précis et circonstanciés, qu’elle est confortée par les autres éléments du dossier dont il s’évince que Mme [N] n’aurait pas manqué, si elle n’avait pas été destinataire de ce document, de réclamer l’exemplaire de la convention après avoir apposé sa signature sous la mention ‘Fait en deux exemplaires’. La version de Mme [N], retenue à tort par les premiers juges, selon laquelle elle aurait réceptionné la convention de rupture transmise par voie postale le 24 mai 2018 au-delà du délai de rétractation du 11 mai 2018 est peu cohérente et n’est surtout étayée par aucun élément objectif.
Il s’ensuit que l’employeur rapporte la preuve qu’il a procédé effectivement le 26 avril 2018 à la remise entre les mains de la salariée de la convention de rupture et de l’imprimé Cerfa de la rupture conventionnelle.
Sur l’absence de date sur l’imprimé cerfa de la rupture conventionnelle
Il ne fait pas débat que la date de la signature n’est pas mentionnée sur le formulaire Cerfa de la rupture conventionnelle. Toutefois, cette date est déterminée de manière certaine et non équivoque tant par la date figurant sur la convention de rupture du 26 avril 2018 que par le courriel de la salariée du 27 avril faisant référence à la signature intervenue la veille. Les éléments ainsi fournis permettent d’en déduire que les parties avaient parfaite connaissance du point de départ du délai de rétractation de la convention de rupture, selon les conditions rappelées dans la convention.
Dans ces conditions, Mme [N] n’est pas fondée à soulever les moyens de nullité fondés sur la procédure de rupture conventionnelle.
Sur la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral
Mme [N], soutenant avoir fait l’objet d’un harcèlement moral à compter du 6 avril 2018 de la part du dirigeant et de M. [L] pour modifier son contrat de travail puis se séparer d’elle jusqu’à la signature de la rupture conventionnelle, critique le jugement qui a rejeté sa demande d’indemnisation au titre du harcèlement moral, alors qu’elle avait fourni des éléments laissant présumer l’existence d’un tel harcèlement, retenus par les premiers juges, et que les attestations produites par l’employeur émanaient de deux salariés dont les témoignages sont contestables, s’agissant de son supérieur hiérarchique
‘ collaborateur docile et zélé’et de la compagne du gérant. Mme [N] réfute la version des faits de l’employeur sur le déroulement de la rupture et sur ses relations dégradées avec ses subordonnés.
La société [I] Holding excluant tout acte de harcèlement moral, explique que le gérant a reçu la salariée en entretien le 6 avril 2018, en présence de son supérieur hiérarchique et de la responsable marketing en raison des difficultés relationnelles persistantes avec ses subordonnés et des clients ; que durant cette réunion, Mme [N] admettant ses difficultés à manager une équipe au quotidien, a proposé d’occuper un poste de commercial et de renoncer à celui de manager, ce qui a été accepté par l’employeur ; que la salariée ayant refusé une diminution de salaire en lien avec son nouveau poste, a opté en pleine connaissance de cause par écrit pour une rupture conventionnelle à l’issue d’un délai de réflexion; qu’elle n’établit pas les éléments de faits suffisamment précis et concordants de nature à penser qu’elle a été victime d’un harcèlement moral.
Selon l’article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L’article L 1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L1152-1 du code civil. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
En l’espèce, Mme [N] se borne à invoquer ‘une attitude inadmissible, décrite dans l’exposé des faits ci-dessus auquel la cour est invitée à se reporter, dont ont fait preuve le gérant et M.[L], cadre responsable commercial, à compter du 6 avril 2018 pour modifier le contrat de travail puis se séparer de la salariée jusqu’à la signature de la rupture conventionnelle, constituant des agissements répétés de harcèlement moral’.
Mme [N] produit :
– les documents établis par la CPAM faisant apparaître qu’après une première décision de refus, l’arrêt de travail du 9 au 11 avril 2018 a été pris en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels selon courrier du 3 août 2018.
– un échange de courriels les 27 et 28 avril 2018 aux termes duquel la salariée demande au dirigeant de lui confirmer les modalités de la fin des relations de travail suite à l’entretien du 27 avril dans le bureau, qu’il lui est demandé jusqu’au 9 juin 2018 de rester chez elle et rémunérée par la société. M.[I] lui a confirmé qu’il lui a demandé de ne plus se présenter à son travail ‘ compte tenu de son comportement négatif auprès des tiers et irrespectueux auprès de vos collègues de travail et de la société.
– le courrier de son conseil du 12 septembre 2018, évoquant pour la première fois des agissements répétés de harcèlement moral au motif que ‘le 6 avril 2018 le dirigeant a souhaité la rencontrer séance tenante pour organiser son départ le soir même, avec une rupture conventionnelle immédiate et une mise en arrêt de travail, ou avec un licenciement pour motif personne à déterminer(..) Que très émue, en pleurs, elle a alors évoqué la possibilité de renoncer à son poste de responsable et d’occuper un poste de commerciale sur le terrain, ce qui a été accepté dès le lundi suivant 9 avril ; que manifestement satisfait et malgré les circonstances et l’état psychologique de Mme [N] que vous n’avez pu ignorer, vous avez exigé qu’elle vous accompagne dans un pub à [Localité 5] pour célébrer cet accord ; que Mme [N] a pu se libérer vers 21h30.(..) Que le 9 avril dans l’après -midi, elle a été soudainement victime d’un oedème de Quincke, s’est rendue elle-même aux urgences de l’hôpital et s’est vue prescrire un arrêt de travail de trois jours avec un certificat d’accident de travail ; que l’employeur a négligé d’établir une déclaration de travail ce qui n’a été fait que plusieurs semaines plus tard sur la demande de la CPAM ; que cette dernière après un premier refus a finalement reconnu que cet accident relevait bien des risques professionnels. ; que le 12 avril lors de la reprise de travail, vous avez exigé de Mme [N] qu’elle annonce elle-même à l’équipe qu’elle n’était plus responsable et qu’elle présente des excuses pour sa mauvaise humeur passée ; que Mme [N] contrainte s’est excusée ; qu’au moment de répartir les secteurs en vue de la modification envisagée du contrat, M.[L] il a fait savoir qu’il fallait signer un avenant prévoyant une diminution de son salaire de 500 euros net par mois, ce que Mme [N] a refusé. , ce à quoi M.[L] a répondu qu’elle ne pourrait pas demeurer dans l’entreprise et qu’il fallait revenir à la rupture conventionnelle (..) Que l’exemplaire revenant à la salariée a été conservé à l’entreprise ; qu’elle ne l’a obtenur par envoi postal que le 24 mai 2018 suite à sa demande, cette date étant postérieure au délai de rétractation; que dès le lendemain de la signature, vous avez demandé à Mme [N] de rentrer chez elle en précisant que vous ne vouliez plus la voir ; qu’elle a dû appeler un tiers pour regagner son domicile. ( ..) Que la rupture conventionnelle a été implicitement homologuée et le contrat a pris fin le 10 juin.
– différents courriels et courriers de la salariée reprochant à la société [I] de n’avoir pas renvoyé à la CPAM les documents nécessaires dans les délais pour la prise en charge de l’accident de travail, de ne pas avoir reçu sa dernière paye ( courriel du 4 juillet 2018) retardant son indemnisation par Pôle Emploi.
– une attestation de Mme [S], ancienne salariée indiquant avoir quitté son emploi pour rejoindre Mme [N] chez son nouvel employeur Celtigel en raison des compétences professionnelles et des qualités humaines de celle-ci.
Mme [N], tout en se gardant d’articuler dans ses conclusions des faits précis, se réfère aux faits laissant présumer l’existence d’un harcèlement moral, retenus par les premiers juges, à savoir :
– l’entretien du 6 avril 2018 avec son employeur au terme duquel les parties ont convenu de retirer les fonctions de manager à la salariée et de lui confier les fonctions de simple commerciale, ce que Mme [N] a proposé par peur de se faire licencier. Selon la salariée, le dirigeant et M.[L] auraient exigé d’elle qu’elle les accompagne pour ‘célébrer’ leur accord dans un pub à [Localité 5].
– la survenance d’un oedème de Quincke le 9 avril 2018 sur son lieu de travail, nécessitant un arrêt de travail de trois jours et pris en charge au titre d’un accident de travail,
– une négligence de son employeur d’établir une déclaration d’accident de travail,
– l’annonce faite par la salariée le 12 avril 2018 ‘sous la contrainte de son employeur’ d’annoncer à son équipe qu’elle n’occupait plus les fonctions de responsable et qu’elle devait présenter ses excuses,
– le refus de signer un avenant en vue de la diminution de son salaire de 500 euros net par mois compte tenu du retrait de ses fonctions de Responsable.
Il ne fait pas débat que la salariée s’est vue retirer à l’issue d’un entretien avec son employeur le 6 avril 2018 des responsabilités, qu’elle a refusé la diminution du salaire afférente à cette modification lors d’un second entretien avec son supérieur hiérarchique ; qu’elle a rencontré un problème de santé le 9 avril sur son lieu de travail, pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.
La matérialité des autres faits, contestés par l’employeur, n’est pas établie par la salariée. Il résulte en effet des pièces que l’employeur a régularisé dès le 10 avril 2018 la déclaration d’un accident de travail concernant les faits de la veille ; que cette réaction allergique en lien avec un traitement prescrit par le médecin traitant et absorbé au moment du déjeuner sur le lieu de travail, n’est pas en lien avec des agissements de son employeur. Le fait que la salariée se soit rendue le soir au pub avec ses collègues le vendredi 6 avril 2018 est inopérant, s’agissant d’un moment de convivialité passé de manière habituelle par les salariés en dehors du lieu et du temps de travail ( Mme [B], M.[L]). Rien ne permet d’établir que la salariée aurait présenté, sur la pression de M.[L], ‘des excuses’ auprès de ses collaborateurs lors d’une réunion le 9 avril 2018. Il s’ensuit que la salariée est défaillante à établir la réalité de ces faits.
Les premiers juges ayant tenu compte à juste titre du retrait des responsabilités de la salariée et de son refus de baisse de salaire, la salariée établit la matérialité de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral.
Toutefois, les agissements de l’employeur étaient justifiés par des éléments et circonstances objectifs , étrangers à tout harcèlement. En effet, il est établi que Mme [N] adoptait depuis plusieurs mois un comportement inadapté, agressif et humiliant envers ses subordonnés nécessitant une réaction de son employeur tenu de préserver la santé physique et morale de ses salariés.
Ainsi, plusieurs salariés ont témoigné de manière précise et circonstanciée en ce sens :
– Mme [Y], commerciale depuis 2010 qui a craqué sous la pression de Mme [N] fin mars 2018 ‘ au début, cela se passait bien puis elle a commencé à mettre la pression au niveau des acheteurs, régulièrement elle faisait un tour de dépôt avec moi et je devais justifier de chaque fruit ou légume abîmé dans les colis(..) elle confondait la qualité avec la variété d’une pomme rustique; une de mes collègues commerciales s’est plainte à moi et m’a montré un sms envoyé très tard plus de 23 heures pour se défausser de l’attitude qu’elle avait eu lors de la réunion du jour, Son attitude a perduré jusqu’à me faire craquer fin mars 2018.’
– M.[V], commercial d’une autre société du groupe [I] ‘ Mme [N] faisait preuve d’incompréhension par rapport au commerce. Elle pouvait demander la lune et ne comprenait pas qu’on ne puisse pas lui décrocher. A partir delà, elle faisait preuve d’agressivité. Ses humeurs lunatiques nuisaient au bon fonctionnement du bureau commercial et logistique.’
– M.[L], responsable commercial négoce, son supérieur hiérarchique ‘ la situation s’est dégradée au fur et à mesure des semaines à l’issue de la période d’essai avec les différentes équipes. Cela a commencé par des critiques virulentes et moqueries sur l’équipe de préparateurs qui parfois mettaient des produits un peu avancés en maturité, (..). Par la suite, c’était vis-à -vis des acheteurs ( Mme [B], Mme [Y] et moi-même) où elle a commencé à être agressive, car on n’avait jamais le bon produit à l’offre (pourtant un cadencier de plus de 400 références). Et pour finir l’équipe commerciale devait subir sa mauvaise humeur et son agressivité quasi au quotidien. L’équipe a subi trois départs (le hasard’) dont des personnes avec de l’ancienneté dans l’entreprise. Cette agressivité était subie par certains clients qui me l’ont rapporté par la suite ( Intermarché [Localité 8], Leclerc [Localité 6], Promocash [Localité 7]) pour qu’ils commandent des références supplémentaires ou des volumes conséquence et des clients prospects pour ouvrir des comptes. (..) J’ai convoqué à plusieurs reprises Mme [N] pour lui demander de changer de management et d’attitude vis-àvis des équipes . A chaque entretien, Mme [N] était réceptive et validait pour un changement de management et de comportement. (..) Lors d’un ultime entretien Mme [N] m’a proposé de ne plus avoir la responsabilité de l’équipe et de passer commerciale car elle m’a confié qu’elle n’avait pas la compétence de manager l’équipe. Je lui ai émis mon scepticisme à pouvoir travailler avec une équipe qu’elle avait eu à manager auparavant. Après un long échange le vendredi ( 6 avril) nous sommes tombés d’accord ( Mme [N], M.[I], Mme [B] et moi-même) pour que je prenne la responsabilité directe de l’équipe commerciale et que Mme [N] change de fonction commerciale. (..) Suite à ça, j’ai reçu Mme [N] seule pour faire le point de sa nouvelle fonction et son futur salaire revu à la baisse pour être aligné sur le salaire de la plus ancienne commerciale. Mme [N] a répondu qu’elle acceptait le changement de statut mais pas la baisse de salaire. Ne trouvant pas de terrain d’entente, M.[I] lui a proposé deux choix : un licenciement ou une rupture conventionnelle. Elle a choisi la seconde proposition.(..)’
– Mme [B] responsable marketing et ventes, et compagne du dirigeant M.[I] : ‘ si dans les deux premiers mois dans l’entreprise, les débuts de Mme [N] se sont bien passés , elle découvrait l’univers des fruits et légumes, cela a assez rapidement évolué vers un comportement vindicatif. Malgré plus de 400 réferences, il n’y avait jamais l’assortiment qui lui convenait. Elle s’est d’ailleurs improvisée acheteuse sur des produits transformés comme des frites précuites dans des quantités trop importables et qui ont généré de la casse. Sur la fin de l’année 2017, nous avons commencé à avoir des clients se plaignant de son comportement insistant pour finalement en avoir qui ne voulaient plus l’avoir en ligne et encore moins être visité par Mme [N] comme l’Intermarché de saint Agathon ou celui de [Localité 9], clients(..) Les relations avec ses équipes se sont plutôt bien déroulées au début pour rapidement se dégrader. C’était des remarques désagréables et non constructives sur le travail des préparateurs, sur les achats . Cela a été jusqu’à pousser Mme [Y] commerciale et acheteuse depuis 8 ans et très compétente à pleurer ; à plusieurs reprises, M.[L] a dû recevoir Mme [N] pour lui demander de revoir ses méthodes managériales et son comportement vis-à-vis des clients.(..) Il arrivait régulièrement à Mme [N] d’arriver au travail en faisant la tête sans raison particulière ce qui impactait le comportement de son équipe. Son comportement individualiste et toujours très critique a fait que son équipe ne lui faisait plus confiance.(..) Le 6 avril, dans un nouveau point avec M.[L], Mme [N] lui a proposé de passer commerciale et de ne plus avoir de relation hiérarchique avec le reste de l’équipe. A l’issue de cet entretien, nous nous sommes réunis pour échanger sur cette proposition et Mme [N] a elle-même fait le constat qu’elle n’était pas parvenue à prendre son équipe en main, qu’elle ne savait pas manager une équipe au quotidien. Dans les fonctions qu’elle occupait auparavant, elle ne manageait pas au quotidien les équipes dont elle avait la charge, son équipe de commerciaux de terrain fonctionnaient en autonomie.(…) Le comportement général de Mme [N] qui n’avait visiblement pas accepté son changement de statut n’a pas évolué.
Le contact vis à vis de la clientèle posait de plus en plus de problème et son mauvais état d’esprit nuisait à l’ambiance générale de l’équipe. Une rupture de contrat devenait inévitable, rupture qu’elle a acceptée.’
Mme [N], rappelée à l’ordre à plusieurs reprises par son supérieur hiérarchique sur son mode de management inadapté ne conteste pas qu’elle est à l’origine de la proposition faite le 6 avril 2018 à son employeur de renoncer à son poste de Responsable et d’occuper un simple poste de commerciale ( page 2 courrier du 12 septembre 2018 pièce 13). Le fait pour l’employeur de lui proposer de réduire le montant de son salaire en lien direct avec ses nouvelles fonctions et le retrait de ses responsabilités était justifié par des éléments et circonstances objectifs, étrangers à tout harcèlement. Cette proposition ne permet pas en tout état de cause de caractériser des agissements répétés de harcèlement moral de la part de l’employeur.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a écarté le harcèlement moral et a rejeté la demande de dommages-intérêts correspondante.
Sur la demande de nullité de la rupture en raison d’un vice du consentement
Selon l’article L 1237-11 du code du travail, l’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. La rupture conventionnelle exclusive du licenciement ou de la démission ne peut être imposée par l’une ou l’autre partie. Le salarié peut remettre en cause la rupture conventionnelle à condition qu’il établisse que son consentement a été vicié lors de la négociation et de la conclusion de la convention.
Au cas présent, Mme [N] fait valoir qu’elle a vécu une situation de contrainte et de violence morale de la part de sa hiérarchie à compter du 6 avril 2018 pour modifier son contrat puis se séparer d’elle jusqu’à la signature de la rupture conventionnelle ; que son consentement a été vicié par la violence et l’erreur dans un processus de harcèlement moral.
Mme [N] est en premier lieu défaillante à prouver qu’elle ne disposait pas des informations qui l’auraient empêchée de signer la rupture conventionnelle si elle en avait eu connaissance et qu’elle a donné son consentement par erreur. Les documents remis par l’employeur détaillaient de manière précise les modalités de la procédure d’une rupture conventionnelle , notamment le point de départ du délai de rétractation, le montant de l’indemnité . A aucun moment dans les courriels transmis à son employeur, la salariée n’a remis en cause la fiabilité des informations fournies et du processus de la rupture conventionnelle.
En second lieu, la salariée a échoué pour les motifs développés précédemment, à établir les agissements de harcèlement moral dont elle aurait été victime de la part de son employeur et qui l’auraient déterminée à accepter la proposition d’une rupture conventionnelle.
Faute de prouver que son consentementa a été vicié lors de la conclusion de la convention, Mme [N] n’est pas fondée en sa demande en nullité de la convention et tendant à ce que la rupture produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Dans ces conditions, il convient d’infirmer le jugement en ce qu’il a alloué à la salariée l’indemnité compensatrice de préavis, l’indemnité de licenciement et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la perte de chance de percevoir la prime annuelle
Mme [N] maintient sa demande de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour perte de chance de perception de la prime annuelle de 10 000 euros figurant sur son contrat de travail, demande dont elle a été déboutée par le conseil, alors que la fin anticipée et prématurée de son contrat de travail ne lui a pas permis d’augmenter son chiffre d’affaires.
La société [I] Holding s’oppose à cette demande en rappelant que les résultats obtenus durant l’exercice 2017-2018 et durant l’exercice suivant, le cumul des marges brutes était inférieur au seuil déclenchant le droit à la prime annuelle au profit des salariés dont Mme [N].
L’article 5 du contrat de travail de Mme [N] dispose que la salariée percevra une prime annuelle d’un montant brut de 10 000 euros versé sur le salaire de novembre. Cette prime sera calculée d’après les cahiers de marge tenu par la société [I] Tergor Légumes Atelier Negoc. Elle est acquise pour la réalisation de 450 000 euros de cumul de marge brute- salaires des exercices comptables pour la société [I] Tregor Legumes Atelier Negoc du 1er octobre au 30 septembre.
Comme l’a retenu le conseil, les pièces produites par l’employeur au titre de l’exercice 2017-2018 démontrent que le cumul des marges brutes ( 254 000 euros ) était bien inférieur au seuil de déclenchement de la prime annuelle. La salariée n’établissant pas la réalité de sa perte de chance sera donc déboutée de sa demande de dommages-intérêts de ce chef par voie de confirmation du jugement.
Sur l’attestation destinée à Pôle Emploi
Mme [N] sollicite la rectification de l’attestation Pôle Emploi délivrée par l’employeur en ce qu’elle mentionne à tort le 9 juin 2018 comme le dernier jour travaillé et payé alors qu’il s’agit en réalité du 27 avril 2018.
L’employeur estimant que la salariée a été remplie de ses droits conclut au rejet de cette demande.
L’attestation Pôle Emploi délivrée le 26 juillet 2018 par la société [I] Holding mentionnant le 9 juin 2018 comme le dernier jour payé de la relation de travail, la salariée n’est pas fondée en sa demande de rectification dont elle doit être déboutée.
Sur l’indemnité de procédure et les dépens
Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais non compris dans les dépens en cause d’appel. Les parties seront en conséquence déboutées de leurs demandes respectives fondées sur l’article 700 du code de procédure civile, le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile
L’employeur sera condamné aux entiers dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant dans la limite des chefs déférés,
– Confirme le jugement en ses dispositions relatives aux dommages-intérêts pour perte de chance de percevoir une prime annuelle et à l’article 700 du code de procédure civile,
– Infirme les autres dispositions du jugement entrepris.
Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
– Déboute Mme [N] de sa demande en nullité de la convention de rupture conclue le 26 avril 2018 et de ses demandes subséquentes en paiement d’une indemnité compensatrice de préavis, d’une indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– Rejette la demande de rectification de l’attestation Pôle Emploi,
– Deboute les parties de leurs demandes respectives fondées en cause d’appel sur l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamne la société [I] Holding aux dépens de première instance et d’appel.
Le Greffier Le Président