Droit de rétractation : décision du 22 novembre 2023 Cour d’appel d’Agen RG n° 22/00623
Droit de rétractation : décision du 22 novembre 2023 Cour d’appel d’Agen RG n° 22/00623
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ARRÊT DU

22 Novembre 2023

JYS / NC

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N° RG 22/00623

N° Portalis DBVO-V-B7G -DAVF

——————–

[H] [Y]

C/

SA GROUPAMA D’OC

CPAM 47

CPAM DU VAL DE MARNE

CPAM DE [Localité 15]-PYRÉNÉES

——————-

GROSSES le

aux avocats

ARRÊT n° 410-2023

COUR D’APPEL D’AGEN

Chambre Civile

LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère chambre dans l’affaire,

ENTRE :

Monsieur [H] [Y]

né le [Date naissance 5] 1996 à [Localité 7] (47)

de nationalité française, expert comptable

domicilié : [Adresse 14]

[Localité 8]

représenté par Me Hélène GUILHOT, avocate associée de la SCP TANDONNET ET ASSOCIES, avocate postulante au barreau d’AGEN

et Me Servan KERDONCUFF, SELARL KERDONCUFF AVOCATS, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX

APPELANT d’un jugement du tribunal judiciaire d’AGEN en date du 07 juin 2022, RG 20/00157

D’une part,

ET :

SA GROUPAMA D’OC pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

RCS TOULOUSE 391 851 557

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée par Me Erwan VIMONT, substitué à l’audience par Me Maxime VIMONT, membre de la SCP LEX ALLIANCE, avocat postulant au barreau d’AGEN

et Me Bénédicte BOUSSAC-DI PACE, AARPI CB2P AVOCATS, avocate plaidante au barreau de BORDEAUX

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE (CPAM) DE LOT ET GARONNE (N° SS : [XXXXXXXXXXX02])

[Adresse 3]

[Localité 7]

n’ayant pas constitué avocat

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE (CPAM) DU VAL DE MARNE (N° SS : [XXXXXXXXXXX02])

[Adresse 9]

[Localité 10]

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE (CPAM) DE [Localité 15] – PYRÉNÉES

[Adresse 4]

[Localité 15]

n’ayant pas constitué avocat

INTIMÉES

D’autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

l’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 06 septembre 2023, sans opposition des parties, devant la cour composée de :

Président : Dominique BENON, Conseiller

Assesseur : Jean-Yves SEGONNES, Conseiller qui a fait un rapport oral à l’audience, rédacteur

qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée outre eux-mêmes de :

Marianne DOUCHEZ-BOUCARD, Présidente de chambre

en application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, et après qu’il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés,

Greffière : Nathalie CAILHETON

ARRÊT : prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

‘ ‘

FAITS

Le 9 septembre 2000, [H] [Y], 4 ans, était assis sur les genoux de son grand-père lorsque le tracteur agricole qu’il conduisait a chuté dans un ravin. L’enfant a été admis au service des urgences du CHU de [Localité 11] où le certificat initial suivant a été rédigé : “transféré de l’hôpital de [Localité 13], présente à son entrée un traumatisme du membre supérieur droit avec section presque complète au tiers supérieur moyen de l’avant-bras, partie distale retenue par des lambeaux cutanés. Réimplantation avec suture de l’artère cubitale, pontage de l’artère radiale, sutures veineuses, des tendons fléchisseurs et extenseurs et des nerfs cubital et médian ; intubation, ventilation contrôlée, neuro sédation dès la prise en charge à [Localité 13], polytransfusion”.

Un rapport d’expertise du Dr. [O] pour la société Groupama, assureur de la responsabilité civile familiale, a conclu le 14 novembre 2003 : accident de tracteur du 9 septembre 2000, hospitalisation jusqu’au 4 octobre 2000 puis du 15 au 30 août 2002, incapacité temporaire 4,5 mois, consolidation pas acquise, bilan définitif à la fin de la croissance.

Des procès-verbaux de transactions provisionnelles sont intervenus les 24 octobre 2000, autorisées par le juge des tutelles pour 50 000 frs / 7 623 euros, 26 novembre 2001 pour 7 623 euros, 16 octobre 2002 pour 7 600 euros, 16 septembre 2004 pour 7 000 euros et 29 mars 2010 pour 13 154,55 euros et 1.500 euros non soumises au juge.

Sur le rapport d’expertise amiable du 25 novembre 2014, le Dr. [J] a conclu à des gênes temporaires, 100 % jusqu’au 30 août 2002, 50 % puis 25 % jusqu’au 29 avril 2014 date de la consolidation des blessures à 45 % d’atteinte à l’intégrité physique et psychique avec des souffrances de 4.5/7 endurées, un dommage esthétique de 3/7, des frais de santé futurs de changement de prothèse de vie sociale tous les ans avec gant et prothèse myoélectrique tous les cinq ans ainsi que retentissement sur les activités d’agrément de football.

Un procès-verbal de transaction définitive est intervenu le 22 janvier 2015 à la somme de 199 510 euros, les frais futurs restant réservés.

Le Dr. [U], médecin traitant, a rédigé le 11 juin 2019 un certificat en aggravation des séquelles et troubles compensatoires de l’accident du 9 septembre 2000.

Par ordonnance du 7 novembre 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance d’Agen a ordonné une expertise médicale. Le Dr. [N], médecin désigné, a conclu le 10 août 2020, en l’absence d’état antérieur et après consolidation le 29 mars 2018 au taux de 54 % d’atteinte à l’intégrité physique et psychique par l’amputation au tiers supérieur de l’avant-bras droit, à :

– absence de pertes de gains professionnels actuels,

– déficit fonctionnel temporaire, total du 9 septembre au 4 octobre 2000, le 5 janvier 2001, du 19 au 30 août 2002 et du 21 décembre 2017 au 29 mars 2018, de 55 % le reste du temps jusqu’à consolidation,

– des souffrances de 4,5/7 endurées,

– un préjudice esthétique de 4/7,

– une aide humaine durant l’hospitalisation à raison de 9 heures par jour jusqu’en 2002, à domicile pour les actions de la vie courante 1 h 30 mn par jour jusqu’en 2007, 1 h 15 mn par jour jusqu’en 2016, 1 h par jour ensuite outre les aides aux déplacements, consultations et déménagements,

– des frais divers d’assistante maternelle au-delà de l’âge de 3 ans, des déplacements et consultations hospitalières et suivis pour prothèses,

– des frais futurs de véhicule à adapter,

– une tierce personne pérenne 1 heure par jour,

– un préjudice scolaire de notes très moyennes pour l’obtention d’un baccalauréat tourné vers un emploi seulement administratif,

– des préjudices professionnels en termes de pertes de gains et incidence sur les capacités à trouver un travail sans “plafonner intellectuellement”,

– un préjudice d’agrément pour la pratique complète de toute activité sportive,

– un préjudice esthétique de 4/7,

– un préjudice sexuel possible compte tenu de la gêne concernant l’aspect physique,

– un préjudice permanent exceptionnel pour rencontrer quelqu’un mais également pour une vie familiale avec enfants rendue beaucoup plus difficile par un seul bras fonctionnel.

Suivant actes d’huissier délivrés les 15 et 16 janvier 2020, [H] [Y] a fait assigner la société Groupama d’Oc, les Caisses primaires d’assurance-maladie de Lot-et-Garonne et Val-de-Marne devant le tribunal judiciaire d’Agen sur les fondements des articles 1116 et suivants anciens, 1137 et 1139 nouveaux, 1117 et 1304 anciens , 1178 nouveau, 2044, 2049 et 2052 du code civil, L. 211-9 et L. 211-10, L. 211-15, L. 211-19, R. 211-29 et suivants du code des assurances et la loi du 5 juillet 1985, pour au principal, être condamné à annuler la transaction indemnitaire du 22 janvier 2015 pour violation de la procédure de la loi dite ‘Badinter’, subsidiairement pour le vice du consentement du dol et, en tout état de cause, renvoyer l’affaire après le dépôt du rapport d’expertise médicale judiciaire pour liquider le préjudice corporel.

Par jugement réputé contradictoire en la défaillance aux débats de la Caisse primaire d’assurance-maladie de Lot-et-Garonne (CPAM 47), du 7 juin 2022, le tribunal a :

– rappelé que le droit à indemnisation de [H] [Y] reste entier,

– annulé le procès-verbal de transaction d’indemnisation définitive signé le 22 janvier 2015 par la compagnie d’assurance Groupama d’Oc et [H] [Y],

– condamné [H] [Y] à payer à la compagnie d’assurance Groupama d’Oc la somme de 149 510 euros indûment versée en application du procès-verbal de transaction d’indemnisation définitive,

– débouté [H] [Y] de sa demande d’annulation des procès-verbaux indemnitaires provisionnels signé le 22 janvier 2015,

– fixé le préjudice subi par [H] [Y] suite aux faits dont il a été victime le 9 septembre 2000 à la somme totale de 1 126 840,76 euros selon le détail suivant : dépenses de santé actuelles 2 357,76 euros, frais divers 128 623,87 euros, préjudice scolaire 0 euro, dépenses de santé futures 66 442,57 euros, assistance tierce personne 424 524,20 euros, incidence professionnelle 50 000 euros, pertes des gains professionnels futurs 0 euro, frais de véhicule adapté 16 114,10 euros, déficit fonctionnel temporaire 99 558,20 euros, souffrances endurées 25 000 euros, préjudice esthétique temporaire 10 000 euros, déficit fonctionnel permanent 266 220 euros, préjudice esthétique permanent 20 000 euros, préjudice d’agrément 3 000 euros, préjudice sexuel 15 000 euros, préjudice d’établissement 0 euro,

– réservé les dépenses de santé futures restées à charge,

– condamné la compagnie Groupama d’Oc à payer à [H] [Y] 1 008 044,82 euros en réparation de son préjudice corporel après déduction de la créance du tiers payeur et des provisions versées de 50 000,55 euros,

– ordonné la compensation des condamnations prononcées,

– condamné la compagnie Groupama d’Oc à payer en définitive à [H] [Y] 858 534,82 euros en réparation de son préjudice corporel,

– dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du jugement,

– ordonné la capitalisation des intérêts échus depuis une année,

– débouté [H] [Y] de sa demande de doublement des intérêts au taux légal,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes,

– déclaré la présente décision opposable à la CPAM des Pyrénées-Atlantiques,

– ordonné l’exécution provisoire du jugement à concurrence des deux tiers de l’indemnisation allouée et en totalité concernant les frais irrépétibles,

– condamné la compagnie d’assurance Groupama d’Oc aux dépens en ce compris le coût de l’expertise judiciaire.

Pour annuler la transaction définitive, le tribunal a jugé que l’assureur ne rapporte pas la preuve qui lui incombe, qu’il a présenté avant la signature de la transaction une offre respectant le formalisme de l’article L. 211-16, d’ordre public, du code des assurances, du droit de dénoncer la transaction.

Pour valider les protocoles transactionnels provisoires non soumis au contrôle du juge des tutelles des mineurs préalable, le tribunal a jugé que ces accords, n’ayant pas eu pour effet de fixer l’indemnisation ni renoncer à ce droit, l’autorisation du juge n’était pas requise, de même que l’avertissement du droit de rétractation n’était pas nécessaire.

Pour indemniser les postes ci-après, le tribunal a jugé que les postes concernés s’élèvent : sur les dépenses de santé actuelles restées à charge à 5 euros de franchise, sur les frais divers à 2 745 euros d’assistance à expertise, 1 641,27 de frais de déplacements de changements de prothèse annuellement entre 2014 et 2019 mais non de kinésithérapie ni d’achat de matériel technique, sur l’aide humaine aux données expertales x 15 euros de l’heure travaillée, sur les frais d’adaptation du véhicule au prix d’une facture à son nom, sur l’assistance tierce personne au nombre d’heures indiquées par l’expert x 20 euros, sur l’incidence professionnelle aux données expertales, sur les frais de véhicule adapté à la somme des renouvellements annuels viagers de 1 777,16 euros mais non des bateau et camping-car, sur le déficit fonctionnel temporaire aux données expertales fois la base journalière de 25 euros, sur les souffrances endurées au-dessus du barème, sur le préjudice esthétique temporaire au niveau du barème, sur le déficit fonctionnel permanent au barème, sur le préjudice esthétique permanent au barème, sur le préjudice d’agrément à la pratique de la musculation, sur le préjudice sexuel aux données expertales.

Pour rejeter les postes ci-après, le tribunal a jugé que ne sont pas caractérisés : le préjudice de scolarité en l’état du diplôme obtenu, les pertes de gains professionnels futurs à défaut de preuve de recherche d’emploi, le préjudice d’établissement sans preuve de cause à effet du handicap.

Pour surseoir au poste des dépenses de santé futures, le tribunal a statué en l’état suivant la demande de R. [Y].

PROCÉDURE

Suivant déclaration au greffe de la cour, [H] [Y] a fait appel des chefs de :

– débouté [H] [Y] de sa demande d’annulation des procès-verbaux indemnitaires provisionnels,

– fixé le préjudice subi par [H] [Y] suite aux faits dont il a été victime le 9 septembre 2000 à la somme totale de 1 126 840,76 euros selon le détail suivant : dépenses de santé actuelles 2 357,76 euros, frais divers 128 623,87 euros, préjudice de scolarité 0 euro, dépenses de santé futures 66 442,57 euros, aide tierce personne 424 524,20 euros, incidence professionnelle 50 000 euros, pertes de gains professionnels futurs 0 euro, frais de véhicule adapté 16 114,10 euros, déficit fonctionnel temporaire 99 558,20 euros, souffrances endurées 25 000 euros, préjudice esthétique temporaire 10 000 euros, déficit fonctionnel permanent 266 220 euros, préjudice esthétique permanent 20 000 euros, préjudice d’agrément 3 000 euros, préjudice sexuel 15 000 euros, préjudice d’établissement 0 euro,

– réservé les dépenses de santé futures restées à charge,

– condamné la compagnie Groupama d’Oc à payer à [H] [Y] 1 008 044,82 euros en réparation de son préjudice corporel après déduction de la créance du tiers payeur et des provisions versées de 50 000,55 euros,

– ordonné la compensation des condamnations prononcées,

– condamné la compagnie Groupama d’Oc à payer en définitive à [H] [Y] 858 534,82 euros en réparation de son préjudice corporel,

– dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du jugement,

– ordonné la capitalisation des intérêts échus depuis une année,

– débouté [H] [Y] de sa demande de doublement des intérêts au taux légal,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Il a intimé la société Groupama d’Oc, la CPAM de Lot-et-Garonne (47), la CPAM de Val de Marne (94) et la CPAM de [Localité 15] (64).

R. [Y] a fait signifier sa déclaration d’appel le 1er septembre 2022 à la caisse primaire de Val de Marne, et le 10 novembre 2022 aux organismes sociaux caisses primaires de Lot-et-Garonne et Pyrénées-Atlantiques.

Selon dernières conclusions visées au greffe le 27 juin 2023, [H] [Y] demande :

principalement, de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a constaté l’absence d’offre émise préalablement à la transaction indemnitaire définitive conclue le 22 janvier 2015 avec Groupama d’Oc et, de fait, l’absence de clause rappelant le droit de renonciation, confirmer le jugement en ce qu’il a prononcé l’annulation de la transaction indemnitaire définitive conclue le 22 janvier 2015 entre Groupama d’Oc et R. [Y] pour violation de l’article L. 211-16 du code des assurances,

– réformer le jugement en ce qu’il a débouté R. [Y] de sa demande d’annulation des protocoles transactionnels, et

statuant à nouveau, de :

– annuler les protocoles transactionnels provisionnels pour violation de l’article L. 211-15 du code des assurances, la société Groupama d’Oc n’ayant pas donné avis sans formalité au juge des tutelles au moins quinze jours à l’avance du paiement des sommes versées à titre d’indemnité aux représentants légaux et, en l’absence de soumission des offres provisionnelles au contrôle du juge des tutelles mentionnant un délai de rétractation préalablement à la signature des transactions provisionnelles ;

subsidiairement, si la cour infirme le jugement en ce qu’il a annulé pour violation de l’article L. 211-16 du code des assurances la transaction indemnitaire définitive conclue le 22 janvier 2015, de :

– annuler pour dol, vice du consentement, la transaction indemnitaire conclue le 22 janvier 2015 avec Groupama d’Oc, vu les irrégularités formelles de la procédure d’offre et de l’absence de la transaction non soumise à la loi ‘badinter’ dans son objet,

vu l’absence de contrôle par le juge des tutelles, vu les informations volontairement tronquées données par Groupama d’Oc, vu la connaissance que cette dernière avait de ce que son consentement n’a pas été donné libre et éclairé dans son état de confusion,

– annuler pour dol, vice du consentement, la transaction indemnitaire conclue le 22 janvier 2015 avec Groupama d’Oc,

vu les irrégularités formelles de la procédure d’offre et l’absence de la transaction non soumise à la loi ‘badinter’ dans son objet, vu l’absence de contrôle par le juge des tutelles,

– réformer le jugement s’agissant de la sanction du défaut d’offre,

– réformer le jugement en ce qu’il n’a pas jugé que les nullités des protocoles d’indemnisation prononcées emportent leur inexistence rétroactive impliquant de constater la totale défaillance de l’assurance dans son obligation de respecter la procédure d’offre au sens de la loi ‘badinter’,

– réformer le jugement en ce qu’il n’a pas jugé l’insuffisance des provisions versées et leur caractère incomplet dans le délai de 8 mois de l’accident,

– réformer le jugement en ce qu’il n’a pas jugé l’offre d’indemnisation définitive sur tous les postes indemnisables suffisante à son attention,

– réformer le jugement en ce qu’il n’a pas jugé qu’une transaction ne peut être qualifiée d’offre de transaction au sens de la loi ‘badinter’ qui a instauré une procédure d’offre spécifique en deux temps,

– réformer le jugement s’agissant du défaut d’offre et statuant à nouveau, d’ordonner le doublement du taux d’intérêt des sommes fixées au préjudice avant déduction des provisions et de la créance du tiers payeur avec capitalisation par année entière à compter du 12 mai 2001, date d’expiration du délai de 8 mois de la procédure d’offre suivant l’accident et, à défaut à compter du 26 novembre 2014, date d’expiration du délai de 5 mois de la procédure d’offre suivant la connaissance de la consolidation par la réalisation de l’expertise le 6 juin 2014 (plus de 20 jours) jusqu’au jour de la décision définitive à titre de sanction du défaut d’offre,

– réformer le jugement s’agissant de la fixation des postes de préjudices suivants et fixer le préjudice subi par R. [Y] à 2 248 273,37 euros, condamner Groupama d’Oc à payer 2 129 477,49 euros à titre de réparation du préjudice corporel, provision de 50 000,55 euros déduite, se décomposant comme suit après imputation de la créance du tiers payeur : 5 euros au titre des dépenses de santé actuelles après déduction de la créance de 2 352,76 euros, 176 080,40 euros de frais divers incluant l’aide humaine, réserver les dépenses de santé futures et la créance de 66 442,48 euros de la CPAM 64, 39 250 euros du préjudice scolaire, 23 261,68 euros des frais de véhicule adapté, 570 360,50 euros de l’assistance tierce personne, 684 742,26 euros des pertes de gains professionnels futurs, 200 000 euros de l’incidence professionnelle, 30 000 euros du préjudice d’agrément, et 20 000 euros du préjudice d’établissement outre confirmation du surplus ;

subsidiairement encore en cas de validation de la transaction indemnitaire, de :

– déclarer qu’elle n’indemnise pas intégralement le préjudice connu, condamner Groupama d’Oc à payer 1 639 468,15 euros à titre de réparation de son préjudice corporel se décomposant après imputation de la créance du tiers payeur, vu l’absence d’autorité de la chose jugée attachée à la transaction indemnitaire conclue le 22 janvier 2015 avec Groupama sur les postes suivants : 176 080,40 euros de frais divers incluant l’aide humaine, réserver les demandes sur les dépenses de santé futures, 570 360,50 euros d’assistance tierce personne, 684 742,26 euros de pertes de gains professionnels futurs, 10 000 euros du préjudice esthétique temporaire, 15 000 euros du préjudice sexuel, 20 000 euros du préjudice d’établissement, ordonner le doublement du taux d’intérêt légal des sommes fixées au préjudice avant déduction des provisions et de la créance du tiers payeur, avec capitalisation des intérêts par année entière à compter du 12 mai 2001, date d’expiration du délai de 8 mois de la procédure d’offre suivant l’accident et, à défaut à compter du 26 novembre 2014 date du délai d’expiration de 5 mois suivant la connaissance de la consolidation par la réalisation de l’expertise le 6 juin 2014 (plus 20 jours) jusqu’au jour de la décision devenue définitive à titre de sanction du défaut d’offre ;

en tout état de cause, de :

– débouter Groupama d’Oc de l’ensemble de ses prétentions et de son appel incident,

– condamner Groupama d’Oc à payer 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel outre les entiers dépens qui comprendront les frais d’expertise, de signification de l’arrêt à intervenir et les frais d’exécution éventuels,

– déclarer la décision à intervenir opposable à la CPAM 64.

R. [Y] a fait signifier ses conclusions les 5, 11 et 6 juillet 2023 aux CPAM de Lot-et-Garonne (47), de Val de Marne (94) et de [Localité 15] (64), respectivement.

L’appelant expose que le Dr. [J] s’est dispensé d’évaluer les postes de l’aide humaine, l’assistance tierce personne, les pertes de gains professionnels futurs, l’incidence professionnelle, le préjudice esthétique temporaire, le préjudice sexuel et le préjudice d’établissement, a mal évalué les classes de déficits fonctionnels temporaires ; l’assureur a commis un dol en n’ayant pas adressé d’offre et l’inspectrice a noté la confusion dans l’esprit de la victime à la signature à domicile, tout en lui ayant dit que le médecin-conseil serait à sa charge.

Il fait valoir qu’à l’offre préalable de transaction, la mention du droit de rétractation, l’information du droit d’assistance par un médecin et un avocat ainsi que l’autorisation du juge des tutelles pour le mineur sont des obligations cumulatives sanctionnées par la nullité de l’article L. 211-16 du code des assurances ; les protocoles sont encore viciés par le dol au niveau des incohérences et lacunes à l’expertise, les rétentions d’information, les montants intentionnellement dérisoires de la proposition d’indemnisation. L’annulation équivaut au défaut d’offre, ce qui justifie le doublement du taux des intérêts légaux de l’article L. 211-13 du code et les conclusions de limitation des montants des postes ne vaut pas offre d’indemnisation. Sur la base des conclusions du rapport de l’expertise judiciaire, seul valide : aux frais divers, la pince de préhension droite non prise en charge et les transports pour kinésithérapies doivent être ajoutés, l’aide humaine doit être revalorisée au niveau de l’assistance tierce personne, le préjudice sexuel doit prendre en compte tous les handicaps, les dépenses de santé futures doivent rester réservées dans l’hypothèse du choix ultérieur d’un appareillage différent ; l’assistance tierce personne doit être basée sur un prix horaire de 23 euros, l’incidence professionnelle allouée n’est pas au niveau de la jurisprudence actuelle, les pertes de gains professionnels futurs sont acquises du fait du jeune âge par rapport aux statistiques départementales d’un revenu moyen de 26 130 euros auquel il pourrait prétendre à son niveau de diplômé en comptabilité, les frais de véhicule adapté doivent être actualisés, les déficits fonctionnels temporaires doivent être recalculés sur la base journalière de 32 euros, les souffrances endurées, les préjudices esthétiques, le déficit fonctionnel permanent et le préjudice sexuel sont à confirmer, le préjudice d’établissement est justifié pour la perte de chance de fonder un foyer.

L’indemnisation doit être actualisée et la table de la ‘Gazette du Palais’ la plus récente, de 2022, utilisée ; l’indemnisation en capital doit être préférée.

Subsidiairement en cas de validation de la transaction, tous les dommages n’ont pas été évalués et R. [Y] reste à indemniser de tous ses préjudices, principalement l’aide humaine et l’assistance tierce personne et aussi, le préjudice permanent exceptionnel.

Selon dernières conclusions visées au greffe le 27 juin 2023, Groupama d’Oc demande :

principalement, de :

– confirmer le jugement rendu en ce qu’il a débouté R. [Y] de ses demandes en annulation des procès-verbaux indemnitaires professionnels, doublement des intérêts au taux légal,

– infirmer le jugement en ce qu’il a : annulé le procès-verbal de transaction d’indemnisation définitive signé le 22 janvier 2015 avec [H] [Y], condamné [H] [Y] à rembourser la somme de 149 510 euros indûment versée en application du procès-verbal de transaction d’indemnisation définitive, fixé le préjudice subi par R. [Y] suite aux faits dont il a été victime le 9 septembre 2000 à la somme totale de 1 126 840,76 euros, réservé les dépenses de santé futures restées à charge, l’a condamnée à payer à [H] [Y] 1 008 044,82 euros en réparation de son préjudice corporel après déduction de la créance du tiers payeur et des provisions versées de 50 000,55 euros, ordonné la compensation des condamnations prononcées, l’a condamnée à payer en définitive à R. [Y] 858 534,82 euros en réparation de son préjudice corporel, dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du jugement, ordonné la capitalisation des intérêts échus depuis une année, débouté R. [Y] de sa demande de doublement des intérêts au taux légal, débouté les parties du surplus de leurs demandes, déclaré la présente décision opposable à la CPAM des Pyrénées-Atlantiques, ordonné l’exécution provisoire du jugement à concurrence des deux tiers de l’indemnisation allouée et en totalité concernant les frais irrépétibles, l’a condamnée aux dépens, en ce compris le coût de l’expertise judiciaire ;

statuant à nouveau, de :

– débouter R. [Y] de sa demande en annulation de la transaction conclue le 22 janvier 2015 et de toutes ses demandes de condamnations dirigées contre elle,

– condamner R. [Y] à rembourser la somme de 576 635,84 euros indument perçue en exécution des termes de du jugement rendu le 22 janvier 2015,

– condamner R. [Y] à payer 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais d’expertise ;

subsidiairement, en cas de confirmation de l’annulation de la transaction, de :

– débouter R. [Y] de ses demandes au titre des frais divers, préjudice de scolarité, pertes de gains professionnels futurs, préjudice d’agrément et préjudice d’établissement, appliquant le barème de la ‘Gazette du Palais’ de 2020, fixer le préjudice à la somme de 1 014 230,52 euros décomposée, sauf mémoire des créances des CPAM de Lot-et-Garonne (47) et de Pau (64), suivant : rejet des frais divers, 106 132 euros d’aide humaine, 419 881,82 d’assistance tierce personne, 10 761,44 des frais de véhicule adapté, 88 877,50 du déficit fonctionnel temporaire, rejet du préjudice d’agrément, et confirmation du surplus,

– limiter à 964 229,97 euros déduction faite de 50 000,55 euros de provisions versées, déduire 572 356,55 euros réglés en exécution du jugement et 149 150 de compensation d’indemnisations, limiter définitivement à 242 723,42 euros la somme à sa charge ;

infiniment subsidiairement, en cas d’infirmation pour avoir appliqué le barème de la ‘Gazette du Palais’ de 2020 et appliquant le barème de référence de capitalisation pour l’indemnisation des victimes, BCRIV 2023, de :

– fixer le préjudice à la somme de 1 000 060,49 euros décomposée, sauf mémoire des créances de CPAM de Lot-et-Garonne (47) et de [Localité 15] (64), suivant : rejet des frais divers, 106 132 euros de l’aide humaine, 405 984,24 de l’assistance tierce personne, 10 408,99 euros des frais de véhicule adapté, 88 877,50 du déficit fonctionnel temporaire, rejet du préjudice d’agrément, et confirmation du surplus,

– limiter à 950 059,94 euros déduction faite de 50 000,55 euros de provisions versées,

– déduire 572 356,55 euros réglés en exécution du jugement et 149 150 euros de compensation d’indemnisations,

– limiter définitivement à 228 553,39 euros la somme à sa charge ;

en tout état de cause, de :

– débouter R. [Y] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ou la ramener à de moindres et plus justes proportions.

L’intimée expose et fait valoir : sur la nullité que nulle disposition n’oblige à présenter une offre préalable accompagnée de l’avis du droit de dénonciation de la transaction, puisque la Cour de Cassation admet les offres par conclusions, ni à offrir aucun délai de réflexion et le procès-verbal du 22 janvier 2015 rappelle le droit de rétractation ; l’information n’est pas fausse que le médecin conseil au choix de la victime est à ses frais sauf sa prise en charge par l’assureur dans la négociation de l’indemnité ; sur le dol, l’assureur dit que l’information lui incombe à la première correspondance à la victime, soit en l’espèce avec ses parents en 2004 qui a été complète et n’avait pas à être renouvelée ; elle est étrangère aux aspects critiqués du rapport du Dr. [J] qui peuvent n’être que des erreurs ; les montants des offres par postes sont cohérents avec la jurisprudence du passé et la victime ne rapporte pas la preuve qui lui incombe des man’uvres dolosives ; les provisions ne sont pas soumises au visa du juge des tutelles ni au droit de rétractation en ce qu’elles n’entraînent ni acquiescement ni renoncement à un droit et la transaction définitive a été signée par R. [Y], n’étant plus mineur ; sur la procédure d’offre et ses délais, elle est mieux que respectée depuis 2000, 45 jours après la survenance de l’accident pour les provisions et 2 mois après l’information de la consolidation pour la transaction aux postes retenus par l’expert qu’elle n’a pas à suppléer ; le défaut d’offre n’existe pas, les conclusions du 23 septembre 2021 y ayant pourvu au subsidiaire par des montants précis.

Subsidiairement, elle conclut au rejet total des frais divers tous assumés par les parents, même après l’âge de la majorité civile et le tarif de l’heure de tierce personne de l’époque n’était pas de 20 euros mais de 13 euros ; sur le préjudice de scolarité, les pertes de gains professionnels futurs et l’incidence professionnelle, R. [Y] n’a eu aucune séquelle cognitive et les pertes ne sont pas certaines, sur les dépenses de santé futures, la victime ne s’explique pas sur ses réserves, l’assistance tierce personne ne justifie qu’un taux horaire de 18 euros ; les frais de véhicule adapté doivent s’amortir sur 10 ans ; sur le déficit fonctionnel temporaire, le bon taux journalier sur l’époque entière doit être lissé à 25 euros, sur le préjudice d’agrément, l’activité régulière même seulement de la musculation n’est pas établie ; sur le préjudice sexuel, il n’y a pas d’atteinte organique et le préjudice est suffisamment réparé ; sur le préjudice d’établissement, l’amputation ne démontre pas la perte de chance de se marier. La table de la ‘Gazette du Palais’ de 2022 contient des données arbitraires et critiquables sur les plans économique et démographique ; elle doit être écartée.

En cas de validation de la transaction, tout nouveau poste de préjudice doit être écarté.

Groupama d’Oc a fait signifier les 3 et 4 juillet 2023 ses conclusions aux CPAM de Lot-et-Garonne (47), de Val de Marne (94) et de [Localité 15] (64).

Les CPAM de Lot-et-Garonne (47) et de [Localité 15] (64), citées à personnes habilitées à recevoir les actes, et la CPAM de Val de Marne (94), citée à l’étude d’huissier, n’ont pas constitué avocat.

La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions et moyens des parties, fait expressément référence à la décision entreprise et aux dernières conclusions déposées en application de l’article 455 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 26 juillet 2023, le conseiller de la mise en état a clôturé la procédure pour fixer l’affaire à plaider.

MOTIFS

1 / Sur l’offre et la transaction du 22 janvier 2015 et sa validité :

L’article L 211-16 du code des assurances dispose :

‘La victime peut, par lettre recommandée, ou par envoi recommandé électronique avec demande d’avis de réception, dénoncer la transaction dans les quinze jours de sa conclusion.

Toute clause de la transaction par laquelle la victime abandonne son droit de dénonciation est nulle.

Les dispositions ci-dessus doivent être reproduites en caractères très apparents dans l’offre de transaction et dans la transaction à peine de nullité relative de cette dernière”.

L’article R 211-40 du même code dispose :

‘L’offre d’indemnité doit indiquer, outre les mentions exigées par l’article L. 211-16, l’évaluation de chaque chef de préjudice, les créances de chaque tiers payeur et les sommes qui reviennent au bénéficiaire. Elle est accompagnée de la copie des décomptes produits par les tiers payeurs. L’offre précise, le cas échéant, les limitations ou exclusions d’indemnisation retenues par l’assureur, ainsi que leurs motifs. En cas d’exclusion d’indemnisation, l’assureur n’est pas tenu, dans sa notification, de fournir les indications et documents prévus au premier alinéa”.

L’article L 211-13 du code des assurances dispose :

‘Lorsque l’offre n’a pas été faite dans les délais impartis à l’article L. 211-9, le montant de l’indemnité offerte par l’assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l’intérêt légal à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre ou du jugement devenu définitif. Cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l’assureur”.

En fait, l’assureur Groupama d’Oc a fait diligenter le mois courant du 18ème anniversaire de R. [Y] le 29 avril 2014, une expertise médicale qui a eu lieu le 6 juin suivant et a donné lieu au dernier rapport du Dr. [J] du 25 novembre 2014, concluant principalement à la consolidation de l’état des blessures ; ces conclusions ont été suivies le 22 janvier 2015, soit moins de cinq mois après la connaissance par l’assureur de la consolidation, de l’offre poste par poste de réparation du préjudice corporel des deux sommes globales de 9 091 euros aux deux parents au titre des dépenses de santé restées à leur charge et de 199 510 euros à R. [Y] au titre de ses préjudices patrimoniaux et personnels provisoires et permanents sus-rappelés, sauf la réserve de ses dépenses de santé futures.

En droit, l’offre d’indemnité, doit présenter toutes les caractéristiques pour pouvoir contracter d’être précise, complète et ferme ; aucun délai n’est exigé entre la présentation de l’offre et son acceptation.

En l’espèce, les informations de l’article 211-10 du code des assurances, avertissement d’une offre à venir dans les délais légaux, connaissance du correspondant assurantiel, devoir de communiquer sur les organismes payeurs et droit d’être assisté par un avocat et un expert avaient été dispensées dès le 11 septembre 2000 aux père et mère [G] [Y] et [F] [I] ; celle du droit, à l’expertise médicale, à l’assistance d’un médecin conseil a été re-précisée dans la lettre adressée le 22 avril 2014. Chacun des postes à indemniser est liquidé – sauf les ‘frais futurs’ – et non par globalité, à des sommes précises jamais insignifiantes sur la base de l’expertise médicale régulière. Aucun poste ne peut être affecté d’un recours des organismes sociaux puisque les dépenses de santé actuelles, faisant l’objet d’une autre transaction avec les parents, sont toutes arrêtées à la fin de la minorité, qui coïncide avec la consolidation, où la victime était ayant-droit ; il n’existe pas, pour cause, de pertes de gains professionnels anciens et les dépenses de santé futures sont bien réservées de par les prétentions de la victime et non de son assureur, de sorte que l’offre est bien définitive.

En conséquence, l’avis du droit à dénonciation sur le seul document de l’offre de transaction, valant offre indemnitaire, a pu se suffire à lui-même dans le cadre du règlement du sinistre. Il s’ensuit d’ores et déjà que l’offre de transaction vaut d’abord offre d’indemnité valable et que la sanction du doublement des intérêts des sommes à liquider n’est pas encourue.

Néanmoins, l’issue positive qui s’est fait jour à la proposition d’indemnitaire transactionnelle presqu’immédiatement acceptée, après l’ajout d’une somme au titre du poste de l’incidence professionnelle, a été objectivement altérée par un manque de délai de réflexion et ce défaut est consécutif à l’absence d’un avocat, ce qui n’est pas conforme à la volonté du législateur d’entourer la victime d’un conseil. En l’espèce, la correspondance du 22 avril 2014, 8 jours avant la majorité, n’a pas avisé R. [Y] de son droit personnel à l’assistance d’un avocat suivant la prescription de l’article L. 211-16 du code des assurances. Alors que l’intéressé accédait à la plénitude de ses droits civils, le non-renouvellement de cet avis est une atteinte à ces droits, irrégularité qui n’est pas couverte par le premier avis à ses parents, désormais déchargés de son administration légale. R. [Y] a exprimé au rapport de l’inspectrice d’assurance son désarroi à l’étude des résultats de sa consultation de l’internet sur le sujet, “c’est confus”, avant de signer. Il y a donc en la forme un motif et au-delà un grief, qui font que la convention encourt bien l’annulation à ce titre et la transaction du 22 janvier 2015 doit effectivement être annulée.

Il en résulte que le montant transigé devra être remboursé.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

2 / Sur les transactions provisionnelles :

L’article L 211-15 du code des assurances dispose :

‘L’assureur doit soumettre au juge des tutelles ou au conseil de famille, compétents suivant les cas pour l’autoriser, tout projet de transaction concernant un mineur ou un majeur en tutelle. Il doit également donner avis sans formalité au juge des tutelles, quinze jours au moins à l’avance, du paiement du premier arrérage d’une rente ou de toute somme devant être versée à titre d’indemnité au représentant légal de la personne protégée.

Le paiement qui n’a pas été précédé de l’avis requis ou la transaction qui n’a pas été autorisée peut être annulé à la demande de tout intéressé ou du ministère public à l’exception de l’assureur.

Toute clause par laquelle le représentant légal se porte fort de la ratification par le mineur ou le majeur en tutelle de l’un des actes mentionnés à l’alinéa premier du présent article est nulle”.

En droit, les dispositions de l’article L 211-16 du code des assurances sur le droit de rétractation ne s’appliquent pas aux offres d’indemnités provisoires en ce qu’elles sont distinctes de la transaction définitive. Les dispositions de l’article L 211-15 du même code, sur l’exigence d’une autorisation à cet effet du juge des tutelles aux parents du mineur R. [Y], ne trouvent pas à s’appliquer non plus, ne s’agissant pas encore de terminer une contestation possiblement née du fait du dommage.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

3 / Sur la liquidation :

Le barème de capitalisation employé sera celui de la ‘Gazette du Palais’ de 2020.

La cour dispose aux pièces débattues des éléments nécessaires et suffisants sur la base du rapport du Dr. [N] du 20 septembre 2020 pour évaluer comme suit les postes litigieux du préjudice corporel :

– patrimonial :

– temporaire (jusqu’au 29 mars 2018) :

* pour les dépenses de santé anciennes, le poste répare pour la victime ses restes à charge après les prestations de l’assurance-maladie : l’expert les déclare inexistantes ; le tribunal ne s’est pas prononcé et les parties s’accordent sur une confirmation à 5 euros de franchises restées à charge du montant de 2 357,76 euros pour l’organisme social en 2017 et 2018 ; ce chef du jugement sera confirmé ;

* pour les frais divers : le poste répare toutes les dépenses accessoires aux précédentes ; l’expert retient les déplacements à l’hôpital de [Localité 11] et au centre de rééducation de [Localité 12] (Gironde) avec le père, l’aide humaine 9 heures par jour avec une assistante maternelle jusqu’en 2002, 1 h 30 mn jusqu’en 2007, 1 h 15 mn jusqu’en 2016 et 1 h pérenne ;

le tribunal a accepté la facture de 2 745 euros d’assistance médicale à expertise du 16 juin 2020 au nom de R. [Y] mais elle n’est pas acquittée et le jugement sera infirmé sur ce sous-poste ;

le tribunal a rejeté l’achat à 320,92 euros d’une pince de préhension en 2018 qui n’est pas justifiée sur facture et le jugement sera confirmé sur ce sous-poste ;

le tribunal a alloué la valeur de 1 641,27 euros des kilomètres parcourus entre le 19 août 2014 et le 26 novembre 2019 alors que le poste est limité à la date de la consolidation soit à 546,53 euros dont R. [Y] ne justifie par aucune pièce que c’est lui qui les a avancés et le jugement sera infirmé sur ce sous-poste ;

le tribunal a alloué 128 623,87 euros, au lieu de 122 460 euros, à raison de 15 euros horaires pour 8 164 heures incontestées et, en tout état de cause, le préjudice peut être lissé au taux horaire moyen de 13 euros sur la période de 2000 à 2018 soit 106 132 euros et le jugement sera réformé sur ce sous-poste ;

ce poste répare aussi les frais de véhicule adapté 1 777,60 euros facturés le 12 mars 2015 d’adaptation d’un automobile VW Golf acquise en 2013 et le jugement sera confirmé sur ce sous-poste ;

– permanent (depuis le 29 mars 2018) :

* pour les dépenses de santé futures : le poste répare les mêmes frais que ci-avant et aussi à l’avenir ; l’expert les retient sans précision ; le tribunal a entériné la réserve sans renvoyer la demande à une audience ultérieure et l’assureur conclut au débouté en l’absence de fondement mais l’application du principe dispositif commande de confirmer ce chef du jugement ;

* pour les frais d’adaptation du véhicule : le poste répare le surcoût d’achat du véhicule dont la victime se serait autrement satisfaite ; l’expert le retient , boule au volant, vitesses automatiques, commandes centralisées’ ; le tribunal a alloué 16 114,70 euros capitalisés en retenant un amortissement annuel de 296,19 euros sur six ans et R. [Y] réclame la revalorisation de l’amortissement à 331,76 euros annuels mais l’assureur demande de l’amortir sur dix ans ; en l’espèce, il n’est pas indiqué que le véhicule acquis en 2013 est d’ores et déjà remplacé, le délai moyen de huit ans est encore justifié ; le jugement étant réformé de ce chef, la réparation sera évaluée 222,20 euros x 50,553 l’eurorente viagère d’un homme de 29 ans au premier renouvellement = 11 232,87 euros ;

* pour le préjudice scolaire : le poste répare les pertes d’années d’études et les modifications d’orientation ; l’expert le retient, la victime regrettant son emploi sédentarisé au lieu d’un travail en extérieur ; le tribunal a rejeté au motif que R. [Y] n’a perdu aucune année scolaire et ne prouve pas qu’il aurait fait un meilleur parcours sans l’accident et l’handicap ; R. [Y] expose et fait valoir qu’il a été en difficulté scolaire constante et son choix de la comptabilité gestion a été contraint ; Groupama expose et fait valoir que la victime n’a pas subi de retard scolaire et ne justifie pas d’un défaut d’insertion professionnelle du fait de l’orientation suivie ; c’est avec des motifs que la cour approuve et qu’elle adopte que le tribunal a rejeté ce chef de demande ; il suffira de rappeler que R. [Y] a obtenu le diplôme du baccalauréat à 18 ans et le brevet de technicien supérieur en 2019 ainsi que d’ajouter qu’il ne prouve pas son inadaptation à sa qualification actuelle en comptabilité dont il a commencé à percevoir des revenus professionnels dès l’âge de 23 ans ; le surplus de préjudice invoqué s’impute à l’image de soi et les activités occupationnelles entre jeunes gens, il concerne la réparation de préjudices non patrimoniaux ; le jugement sera confirmé ;

* pour l’assistance tierce personne : le poste répare le besoin d’être assisté définitivement dans son handicap par un tiers professionnel spécialisée ou non ; l’expert le quantifie à 1 heure par jour ‘pérenne’, la vie durant, par une personne non spécialisée pour la vie pratique au quotidien ; la durée de l’assistance passée étant de 2064 jours, le tarif de 18 euros horaire est justifié, soit 37 152 euros d’arrérages échus ; sur les arrérages à échoir, le montant augmentera à 20 euros x 1 heure x 412 jours = 8 240 euros x 52,477 l’eurorente viagère d’un homme de 27 ans = 432 410,48 euros qui ne sera pas versée en rente mais en capital ;

* pour les pertes de gains professionnels futurs : le poste répare la perte des ressources consécutives à l’incapacité définitive et s’apprécie concrètement au vu des pièces produites pour les jeunes victimes qui n’avaient pas encore travaillé avant l’accident ; l’expert les considère ‘probables’ ; le tribunal a jugé que R. [Y] ne le met pas en mesure de juger si c’est l’handicap qui l’empêche de trouver un emploi stable vu qu’il est diplômé ; R. [Y] expose et fait valoir qu’il a travaillé comme assistant comptable d’août 2019 à mars 2020 puis qu’il a été chômeur en fin de droits le 30 septembre 2020 à cause de son handicap, Groupama expose et fait valoir qu’il ne produit aucune preuve de ses recherches d’emploi ni de leur échec à cause de son handicap ; c’est par des motifs que la cour approuve et qu’elle adopte que le tribunal a débouté de ce chef de préjudice ; il convient seulement d’ajouter que l’avis de l’expert n’est pas médical sur ce poste qui peut concerner tous les jeunes entrant sur le marché du travail et il reste hypothétique ; le jugement sera confirmé sur ce poste ;

* pour l’incidence professionnelle : le poste répare les incidences périphériques de l’incapacité définitive suivant les critères de la dévalorisation, la pénibilité et le reversement professionnel subi ; l’expert conclut à une incidence importante avec un rendement plus compliqué et l’aide de personnes dans son travail par suite d’un phénomène de ‘plafonnement intellectuel’ ; le tribunal a jugé que R. [Y] ne prouve pas qu’il a été obligé de renoncer à une orientation professionnelle du fait de son handicap mais subit une dévalorisation et une pénibilité supplémentaire dans son adaptation à son poste de travail ; R. [Y] expose et fait valoir que sa s’ur valide a trouvé un emploi plus performant que le sien, à cause de son handicap ; Groupama le conteste et demande la confirmation de l’indemnisation ; c’est par des motifs que la cour approuve et qu’elle adopte que le tribunal a débouté de ce chef de préjudice ; il convient seulement d’ajouter que la dévalorisation et la pénibilité d’un travail manuel seraient sans commune mesure avec celles d’un travail intellectuel comme celui de R. [Y] qui concerne surtout le clavier et la souris ; le jugement sera confirmé ;

– personnel :

– provisoire :

* pour le déficit fonctionnel temporaire : ce poste répare la perte de qualité de la vie courante ; l’expert retient un déficit global de 55 % entrecoupé des déficits totaux du 9 septembre au 4 octobre 2000, le 5 janvier 2001 en hôpital, du 19 au 30 août 2002 et du 21 décembre 2017 au 29 mars 2018 en rééducation 2 x 2 jours par semaine ; le tribunal a réparé sur la base de 28 euros par jour ; R. [Y] réclame la confirmation ; Groupama offre 25 euros par jour ; l’offre, à lisser sur la longue durée de 6 409 jours, est satisfactoire, son montant s’élève à 88 877,50 euros et le jugement sera réformé ;

* pour les souffrances endurées : le poste répare le prix de la douleur ; l’expert les évalue ‘moyennes’ entre ‘modérées’ et ‘importantes’ ; les parties s’accordent sur la confirmation du jugement sur ce poste, qui sera prononcée ;

* pour l’esthétique : le poste répare l’atteinte à l’image de soi et chez les autres ; l’expert a évalué le dommage ‘moyen’ ; les parties s’accordent sur la confirmation du jugement sur ce poste, qui sera prononcée ;

– permanents :

* pour le déficit fonctionnel : le poste répare la réduction définitive du potentiel physique et psychosensoriel ou intellectuel résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomo-physiologique, à laquelle s’ajoute les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence ; l’expert le fixe à 54 % d’atteinte à l’intégrité physique et psychique ; les parties s’accordent sur la confirmation du jugement du tribunal sur ce poste qui sera prononcée ;

* pour l’inesthétique : le poste répare l’atteinte à l’image de soi et chez les autres ; l’expert a évalué le dommage ‘moyen’ ; les parties s’accordent sur la confirmation du jugement du tribunal sur ce poste qui sera prononcée ;

* pour l’agrément : le poste répare l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs antérieure ; l’expert retient que la victime se trouve limitée dans le choix et dans sa pratique approfondie de toute activité sportive ou autre ; le tribunal a jugé que R. [Y] se retrouve très limité dans la pratique personnelle de la musculation ; R. [Y] expose et fait valoir que la réparation allouée ne répare pas intégralement son préjudice élevé au rang d’un droit de l’homme par les conventions internationales ; Groupama expose et fait valoir que la victime ne démontre pas avoir une quelconque activité dans une discipline sportive même de loisir ; l’intéressé ne justifie d’aucune pratique alors que toute activité ne lui est pas impossible, la demande par rapport à la musculation n’est pas justifiée ; le jugement sera infirmé ;

* pour le préjudice sexuel : le poste répare le préjudice morphologique, celui lié à l’acte et celui issu de la difficulté ou l’impossibilité à procréer ; l’expert le retient dans le manque de confiance en soi du fait de l’apparence de la victime ; les parties s’accordent sur la confirmation du jugement sur ce poste, qui sera prononcée ;

* pour l’établissement : le poste répare la perte d’espoir et de chance normale de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap ; l’expert retient un préjudice permanent exceptionnel par la difficulté à rencontrer quelqu’un compte tenu de la gène de l’aspect physique et également pour la fonctionnalité du seul bras valide dans la prise en charge des enfants ; le tribunal a jugé que cette amputation ne prouve pas la perte de toute chance de fonder un foyer ; R. [Y] soutient que cet espoir est rendu vain par son état ; Groupama soutient que l’amputation à mi-bras n’y fait pas obstacle ; c’est par des motifs que la cour approuve et qu’elle adopte que le tribunal a débouté de ce chef de préjudice ; il convient seulement d’ajouter que ledit préjudice n’est pas exceptionnel et la victime ne peut pas prouver que le dommage n’est pas surmontable pour tout partenaire ; le jugement sera confirmé.

Il s’ensuivra de tout ce qui précède une compensation avec le montant de la transaction annulée.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt par défaut prononcé par mise à disposition et en dernier ressort,

Confirme le jugement sauf la réparation des postes du préjudice corporel de [H] [Y] des frais divers, sauf d’adaptation du véhicule, de la tierce personne, du déficit fonctionnel temporaire et du préjudice d’agrément,

Jugeant à nouveau les postes non confirmés,

Condamne la société Groupama d’Oc à payer à [H] [Y] aux titres :

* des frais divers : 106 132 euros d’aide humaine,

* des frais de véhicule adapté : le capital de 11 232,87 euros,

* de la tierce personne : le capital de 432 410,48 euros,

* du déficit fonctionnel temporaire : 88 877,50 euros,

Ordonne la compensation de ces titres avec le montant de 199 510 euros de la transaction du 22 janvier 2022 ;

Déboute [H] [Y] aux titres :

* du surplus des frais divers d’assistance technique à expertise et des frais de déplacement,

* du préjudice d’agrément,

* du doublement des intérêts,

Condamne la société Groupama d’Oc aux dépens,

Condamne la société Groupama d’Oc à payer à [H] [Y] 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Déclare le présent arrêt commun aux Caisses primaires d’assurance-maladie de Lot-et-Garonne, de Val de Marne et de [Localité 15] (64).

Le présent arrêt a été signé par Marianne DOUCHEZ-BOUCARD, présidente de chambre, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière, La Présidente,

 


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