Augmentation de capital : décision du 16 juin 2022 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/00070
Augmentation de capital : décision du 16 juin 2022 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/00070
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FV/IC

[X] [T]-[I]

C/

S.A.S. WEBDRONE

expédition et copie exécutoire

délivrées aux avocats le

COUR D’APPEL DE DIJON

2ème chambre civile

ARRÊT DU 16 JUIN 2022

N° RG 21/00070 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FTK2

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : au fond du 10 décembre 2020,

rendue par le tribunal de commerce de Dijon – RG : 19/00897

APPELANT :

Monsieur [X] [T]-[I]

né le [Date naissance 1] 1988 à [Localité 4]

domicilié :

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représenté par Me Vincent CUISINIER, membre de la SCP SCP du PARC – CURTIL – HUGUENIN – DECAUX – GESLAIN – CUNIN – CUISINIER – BECHE – GARINOT, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 91

INTIMÉE :

S.A.S. WEBDRONE représentée par son Président [L] [T] domicilié au siège social sis :

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Claire GERBAY, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 126

assistée de Me Jérôme DELIRY, membre de JOUFFROY & FILEAS AVOCATS, avocat au barreau de DIJON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 avril 2022 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, chargée du rapport et Michel WACHTER, Conseiller. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :

Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, Président,

Michel WACHTER, Conseiller,

Sophie DUMURGIER, Conseiller,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier

DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 16 Juin 2022,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La Société Webdrone est constituée sous forme de Sarl aux termes d’un acte sous seing privé régularisé le 19 juillet 2011. Elle a pour activité la conception et la commercialisation de services informatiques.

Elle est transformée en SAS aux termes d’une décision unanime des associés en assemblée générale extraordinaire le 24 juillet 2013.

Monsieur [L] [T] en est le président et Monsieur [X] [T]-[I], associé titulaire de 23 950 actions représentant 13,48 % du capital social, en était le directeur général jusqu’à sa révocation lors de l’assemblée générale du 30 mai 2016.

Par courrier recommandé du 20 avril 2018, Monsieur [X] [T]- [I] est convoqué à une assemblée générale de la société Webdrone devant se tenir le 22 mai 2018.

L’ordre du jour ne prévoit qu’un seul point : son exclusion de la société Webdrone.

Invoquant une obligation de se rendre à l’étranger pour raisons professionnelles, Monsieur

[X] [T]-[I] fait part de son absence à cette assemblée par courrier officiel de son conseil, sollicitant que l’assemblée générale soit convoquée pour une date ultérieure. L’assemblée se tient en conséquence le 1er juin 2018 et Monsieur [X] [T] – [I] ne s’y présente pas.

L’assemblée vote l’exclusion de Monsieur [X] [T]- [I] en tant qu’associé de la société Webdrone.

Par courrier du même jour, la société Webdrone informe Monsieur [X] [T] – [I] de cette décision, et lui propose, conformément aux statuts, le rachat de ses parts pour la somme totale de 67.359 euros.

Monsieur [X] [T]-[I] conteste cette délibération en assignant la société devant le tribunal de commerce de Dijon par acte d’huissier du 12 juin 2018. Par jugement du 2 mai 2019, le tribunal le déboute de l’ensemble de ses prétentions et le condamne à verser à la société 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Ce jugement est confirmé en toutes ses dispositions par arrêt du 24 juin 2021, et Monsieur [T]-[I] est condamné à verser 2 000 euros à la société Webdrone sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Parallèlement, dans la mesure où Monsieur [T]-[I] conteste la somme proposée pour le rachat de ses parts, la société Webdrone obtient du président du tribunal de commerce de Dijon la désignation de Monsieur [G] [R] en qualité d’expert avec la mission de ‘déterminer la valeur de 23 950 actions de la SAS Webdrone appartenant à Monsieur [X] [T] [I], au jour de son exclusion à savoir le 01 juin 2018″ conformément aux dispositions de l’article 1843- 4 du code civil dans sa rédaction applicable au litige par ordonnance du 11 juillet 2018.

L’expert dépose son rapport le 22 octobre 2018 et conclut ainsi : ‘la valeur de la participation de Monsieur [X] [T]- [I], représentant 23 950 actions, soit 13,48% du capital, doit donc être considérée comme nulle, ou, par commodité, égale à 1 euro (un euro)’.

La Société Webdrone, par la voie de son conseil, adresse un chèque de 1 euro à Monsieur

[X] [T]- [I] qui le refuse et le retourne, invoquant la vileté manifeste du prix de cession proposé et l’erreur grossière affectant le rapport de l’expert.

Par acte d’huissier du 8 février 2019, Monsieur [X] [T]-[I] assigne la SAS Webdrone devant le tribunal de commerce de Dijon aux fins de voir reconnaître cette erreur grossière.

Dans ses dernières écritures, il demande au tribunal, au visa des articles 1169 et 1843- 4 du code civil, L235- 1, L235- 2- 1 et L 227- 1 et suivant du code du commerce, de :

– déclarer inopposable pour erreur grossière le prix de cession tel que fixé dans son rapport par Monsieur [R], expert désigné par l’ordonnance de président du tribunal de commerce de Dijon du 11 juillet 2018,

– déclarer nulle la cession à la société Webdrone des 23 950 actions de ladite société détenues par Monsieur [X] [T]- [I] pour vileté du prix,

– condamner la société Webdrone au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Webdrone aux entiers dépens.

La société Webdrone, au visa des articles 1353 et 1843- 4 du code civil, demande au tribunal de :

– écarter des débats les pièces adverses n° 14, 15, 17 et 18 faute de traduction produite,

– débouter Monsieur [X] [T]- [I] de l’intégralité de ses demandes,

– condamner Monsieur [X] [T]- [I] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Monsieur [X] [T] [I] aux entiers dépens.

Par jugement du 10 décembre 2020, le tribunal de commerce

– Rejette la demande de Monsieur [X] [T]-[I] d’inopposabilité au titre de l’erreur grossière,

– Déboute Monsieur [X] [T]-[I] de sa demande de déclarer nulle la cession pour vileté du prix,

– Dit toutes autres demandes de Monsieur [T]-[I], fins et conclusions injustifiées et en tous cas mal fondées, l’en déboute,

– Condamne Monsieur [X] [T]-[I] au paiement de la somme de 1 200 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 61,02 euros HT, TVA : 12,20 euros, soit 73,22 euros TTC.

Pour statuer ainsi, le tribunal retient :

– que l’expert désigné en application de l’article 1843-4 du code civil est libre dans la conduite de sa mission, du choix et de la mise en ‘uvre des modalités de calcul et des choix des dates,

– que Monsieur [T]-[I] n’apporte pas la preuve que la date retenue pour l’estimation du prix des actions n’est pas le fait du choix de l’expert, et que si la date de l’assemblée générale, soit le 1er juin 2018, a été retenue par lui pour fixer l’évaluation des titres, c’est qu’elle était selon lui la plus appropriée à sa mission,

– que l’expert ne peut méconnaître ses droits, devoirs et obligations au regard de ses missions, que son rapport a été rendu dans un temps très court, sans qu’il ne soit démontré qu’un événement substantiel ait pu affecter la société Webdrone et donc provoquer une évolution significative de la valeur de ses titres entre le 1er juin et le 22 octobre 2018 ; qu’il y a donc lieu de considérer que la valeur des titres déterminée par l’expert au 1er juin 2018 est bien la même au 22 octobre 2018,

– qu’en conséquence la demande d’inopposabilité au titre de l’erreur grossière n’est pas

recevable et qu’ il n’appartient donc pas au juge de remettre en cause le caractère définitif du rapport d’expertise rendu le 22 octobre 2018. (Cass. 1ère civ., 25 janvier 2005, n° 01 10.395).

– qu’au soutient de sa demande de nullité de la cession des titres pour vileté du prix, Monsieur [T]-[I] n’apporte aucun élément à l’appui de ses allégations, alors que, dès lors que l’expert a fixé le prix, celui ci devient définitif ;

– que l’expert précise dans son rapport en partie II, chapitre 3 ‘ Analyse du bilan au 31 mai 2018″ que ‘ La situation financière de la société Webdrone est donc très dégradée’ (page 10) et que ‘ Les résultats imposent un apport de liquidité externe pour maintenir la pérennité de l’entreprise.’ (partie II, chapitre 4, page 11),

– que selon les deux approches différentes utilisées par l’expert pour déterminer la valeur de l’entreprise, celle-ci s’avérait ‘nulle, ou, par commodité, égale à 1 euro’ et par conséquent,la valeur de la participation de Monsieur [X] [T] [I] doit donc être considérée comme ‘nulle, ou, par commodité, égale à l euro’ (pages 11 et 12 du rapport).

******

Monsieur [X] [T] – [I] fait appel par déclaration reçue au greffe de la cour d’appel le 18 janvier 2021

Par conclusions récapitulatives déposées le 7 mars 2022, il demande à la cour d’appel de :

‘ Vu les articles 1169, 1843-4 du code civil ;

Vu les articles L. 235-1, L. 235-2-1 et L. 227-1 et suivants du code de commerce ;

Vu les statuts ;

Vu la jurisprudence ;

Vu les pièces.

(…)

– Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 10 décembre 2020 par le tribunal de commerce de Dijon,

Statuant à nouveau,

– Déclarer nul pour erreur grossière le rapport rendu par Monsieur [R], expert désigné par l’ordonnance du président du tribunal de commerce de Dijon du 11 juillet 2018 et fixant le prix de cession des actions détenues par Monsieur [X] [T]-[I] dans le capital de la société Webdrone ;

– Déclarer nulle la cession, à la société Webdrone, des 23.950 actions de ladite société détenues par Monsieur [X] [T]-[I] pour vileté du prix ;

– Condamner la société Webdrone au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner la société Webdrone aux entiers dépens.’

Par conclusions d’intimée déposées le 24 juin 2021, la SAS Webdrone demande à la cour de :

‘ Vu le rapport de l’expert-judiciaire,

Vu les pièces versées,

Vu l’article 1353 du code civil,

Vu l’article 1843-4 du code civil,

Vu la jurisprudence citée,

– Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Dijon du 10 décembre 2020

– Condamner M. [T] – [I] à payer une somme de 5.000 euros à la société Webdrone au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– Condamner M. [T] – [I] aux entiers dépens.’

L’ordonnance de clôture est rendue le 22 mars 2022.

En application des articles 455 et 634 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIVATION :

Sur l’erreur grossière :

Pour contester les conclusions de l’expert désigné par le président du tribunal de commerce de Dijon, Monsieur [X] [T]-[I], après avoir rappelé les dispositions de l’article 1843-4 du code civil, ajoute qu’en dehors des hypothèses où un mode de détermination du prix est fixé dans les statuts ou un acte extra-statutaire, l’expert bénéficie d’une grande liberté dans la conduite de sa mission et le choix et la mise en oeuvre des modalités de calcul, y compris vis-à- vis du juge qui l’a désigné, et que commet un excès de pouvoir le juge qui imposerait une méthode d’évaluation ou une date à prendre en compte pour le calcul ; qu’en l’espèce, dans l’ordonnance du 11 juillet 2018, le juge a fixé la date d’évaluation ‘au jour de l’exclusion, à savoir le 1er juin 2018″, date qui a été expressément respectée par l’expert.

Il expose que la jurisprudence a déjà retenu que la cour d’appel a pu déduire du fait que l’expert avait évalué les droits sociaux à la date indiquée par le président du tribunal que le-dit expert n’avait pas une entière liberté d’évaluation des droits cédés et que le rapport était en conséquence affecté d’une erreur grossière.

Il souligne que c’est au jour où la société rembourse la valeur des parts de l’associé qu’il faut se placer pour les évaluer, puisque c’est à cette date que l’associé perd sa qualité d’associé, et que retenir la date de l’assemblée générale qui a prononcé l’exclusion constitue une première erreur grossière ; que considérer que cette date était imposée à l’expert en constitue une seconde, et que le tribunal sur ce point a estimé que si l’expert avait retenu cette date, c’est qu’elle était la plus appropriée à sa mission, alors que l’expert dit lui-même qu’il effectuera sa mission dans le cadre fixé par l’ordonnance.

Il reproche au tribunal d’avoir estimé que cela avait peu d’importance compte-tenu du délai bref entre l’ordonnance et le rapport, alors que selon lui, 5 mois suffisent pour que la situation de la société évolue.

Il expose que ce point que la technologie développée par Webdrone permet de protéger la e-réputation d’une marque ou d’un produit en laissant de manière permanente une analyse active sur les éléments clés d’identification d’une personne ou d’une entreprise présents sur le web, et de déceler les tentatives de piratage des logiciels en analysant les zones spécifiques du web et les fuites d’informations stratégiques ou sensibles ; que son marché est gigantesque puisque 100 % des entreprises dans le monde peuvent avoir besoin d’un système comme le sien ; que le marché dans lequel Webdrone intervient est ‘un marché mouvant’ et connaissant une expansion rapide.

Il ajoute que, selon son site internet, elle a plus de 150 clients dans 17 pays ; que dans le Bien Public du 6 juin 2019, elle s’est enorgueillie d’avoir reçu le trophée de l’innovation économique, en précisant que l’entreprise se diversifiait dans le domaine bancaire et que sa solution séduisait les grands comptes, et que ses dirigeants avouaient avoir au moins 8 entreprises du CAC 40 parmi leurs clients ; que l’expert s’est trompé en retenant la date du 1er juin 2018 alors que la situation de Webdrone a favorablement évolué dans l’intermède eu égard au développement rapide des technologies informatiques, de l’accroissement de la demande du fait de la hausse de la cyber-criminalité ; que son estimation ne prend pas en compte l’existence de la société Check &Trust, clairement présentée comme filiale de Webdrone à Singapour, et qui semble particulièrement dynamique et prospère selon une interview donnée par la directrice générale de cette société à la chambre de commerce française de Singapour.

Il ajoute que pour déprécier la production immobilisée – soit les logiciels – l’expert a retenu une absence de fiabilité technique et de rentabilité économique de la solution logicielle développée par l’entreprise, alors que cette analyse est en contradiction avec les faits puisque, de l’aveu même des dirigeants de Webdrone dans un article paru dans Le Parisien le 21 octobre 2018 , l’outil informatique fonctionne et est rentable ; que Webdrone dit que ces articles sont purement promotionnels alors que, même s’il s’agit de publicité, elle repose sur un descriptif de la réalité de l’entreprise, sauf à considérer que les propos qui y sont tenus sont mensongers et constitutifs d’une pratique commerciale trompeuse.

Il souligne que le 1er juin 2018, la société a elle même offert 67 359 euros, et qu’ainsi le prix de 1 euro résulte d’une erreur grossière.

La société Webdrone pour sa part rappelle que dès que l’expert a fixé le prix, celui-ci devient définitif et s’impose aux parties même si l’expert, en raison des pertes subies par la société, estime que les actions cédées sont sans valeur et fixe le prix à 0 ; que la seule limite est l’erreur grossière dans son appréciation.

Elle ajoute que Monsieur [T]-[I] soutient que l’expert a commis une erreur grossière en évaluant les parts au jour de la décision d’exclusion et non pas à la date de son rapport en invoquant une jurisprudence qui a été rendue dans une hypothèse où l’expert désigné avait rendu son rapport 5 ans après la décision de révocation ; qu’en l’espèce il ne s’est passé que 5 mois et l’expert a évalué les parts au regard des comptes clos au 31 décembre 2017, d’une situation au 31 mai 2018, d’une projection de résultat au 31 décembre 2018, et d’un prévisionnel pour les années à venir ; qu’il en conclut que, ‘sauf intervention d’un soutien externe significatif, les données prévisionnelles ne laissent pas espérer un redressement significatif et rapide de la situation de la société. Les résultats imposent un apport de liquidité externe pour maintenir la pérennité de l’entreprise.’.

Elle souligne que si Monsieur [T] – [I] a adressé un dire à l’expert pour lui faire part de ses observations suite à son pré-rapport, il n’y a pas critiqué la date retenue pour l’évaluation.

Elle soutient que l’arrêt de la cour de cassation cité par l’appelant selon lequel il faudrait se placer à la date à laquelle l’associé perd cette qualité pour évaluer ses parts, répondait en fait à la question de savoir à quelle date l’associé perd cette qualité.

Elle ajoute que l’article du Bien Public cité est en fait un article publicitaire qui ne donne aucun éclairage sur la valeur financière de Webdrone.

Elle souligne que l’expert a établi son rapport au vu des comptes clos aux 31 décembre 2014, 2015 et 2017, de la situation au 31 mai 2018, d’une projection des résultats au 31 décembre 2018 et d’un prévisionnel pour les années à venir ; qu’il en ressort qu’au 31 mai 2018, les comptes font apparaître un total de dettes supérieur à l’actif et des capitaux propres négatifs de – 119 000 euros et que la situation financière est très dégradée ; que pour contester cette analyse, Monsieur [T]-[I] produit des pièces n° 14, 15, 17 et 18 en langue anglaise non accompagnées d’une ‘traduction assermentée’ qui doivent être écartées par application de la jurisprudence de la cour de cassation, et que par ailleurs il fait état d’une augmentation de capital qui concerne la société Check and Trust et non pas la société Webdrone.

Il sera liminairement rappelé qu’aux termes de l’article 954 du code de procédure civile alinéa 3, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

La société Webdrone ne reprenant pas dans le dispositif de ses écritures la demande tendant à ce que des pièces produites par l’appelant soient écartées des débats, la cour n’est pas saisie de cette prétention.

D’autre part, si Monsieur [T]-[I] conclut à la nullité du rapport déposé par Monsieur [R] pour erreur grossière lors de l’estimation des actions de l’associé exclu, il n’invoque aucune disposition légale ou réglementaire au soutien de cette demande, et précise lui-même dans le corps de ses écritures que, dans une telle hypothèse, la jurisprudence retient que le rapport est inopposable au juge et aux parties.

En se remettant en cas de désaccord sur le prix de cession d’actions à l’estimation de l’expert désigné conformément à l’article 1843-5 du code civil , les contractants font de la décision de celui-ci leur loi et, à défaut d’erreur grossière, il n’appartient pas au juge, en modifiant le prix, d’imposer aux parties une convention différente de celle qu’elles ont entendu établir.

A défaut de dispositions statutaires ou conventionnelle entre les parties prévoyant les modalités d’évaluation des droits sociaux, seul l’expert détermine les critères qu’il juge les plus appropriés pour fixer la valeur des droits.

Par ailleurs, la cour de cassation retient que si les statuts de la société ne précisent pas la date à laquelle la valeur des titres de l’associé exclu doit être déterminée, c’est à bon droit que le tiers estimateur fixe celle-ci à la date la plus proche de la cession future. Toutefois, il ne s’agit pas d’une obligation, le principe de la liberté de l’expert primant.

En l’espèce, il est exact que dans son ordonnance, le président du tribunal de commerce de Dijon a précisé que la valeur des actions appartenant à Monsieur [X] [T]-[I] devait être évaluée au jour de son exclusion, soit le 1er juin 2018 date de l’assemblée générale ayant pris cette décision) alors même qu’aucune disposition statutaire ni aucune convention entre les parties ne prévoyait une telle modalité d’évaluation des parts de l’associé exclu.

Il est également exact que l’expert a mentionné dans son rapport la mission telle que le magistrat la lui avait confiée.

La société Webdrone souligne à juste titre que l’appelant, qui a adressé un dire à l’expert, n’a dans ce cadre formé aucune critique concernant à date à laquelle il convenait de se placer.

Surtout, il ressort du dossier que les statuts de la société Webdrone prévoient dans l’hypothèse d’une exclusion, que la cession des parts de l’associé exclu doit intervenir dans les 6 mois de la décision d’exclusion, soit en l’espèce au plus tard le 1er décembre 2018.

L’expert ayant déposé son rapport le 22 octobre 2018, après une réunion d’ouverture de ses opérations le 4 septembre 2018, il ne pouvait pas se placer postérieurement au 22 octobre pour évaluer les parts de l’appelant.

D’autre part, il ressort de la lecture du rapport que Monsieur [R] a pris en compte non seulement les comptes clos aux 31 décembre 2014, 2015 et 2017 et une situation au 31 mai 2018, mais également une projection au 31 décembre 2018 et un prévisionnel pour les années suivantes.

A la lecture des comptes de résultat de la société, l’expert conclut ‘le résultat économique d’exploitation et le résultat net de la société Webdrone sont donc ainsi structurellement déficitaires. De même, l’excédent brut d’exploitation, qui correspond à la trésorerie générée par l’activité, est lui aussi structurellement déficitaire. Sans apport de trésorerie, la société ne peut survivre.’

Il a par ailleurs constaté qu’au 31 mai 2018, les dettes de la société étaient supérieures à l’actif et que les capitaux propres étaient négatifs de plus de 100 000 euros.

Après avoir relevé qu’aucune provision relative aux instances en cours entre la société et Monsieur [T]-[I] n’avait été constatée dans les comptes, et souligné que ce risque latent, s’il s’avérait se confirmer, entraînerait une dégradation de cette situation, Monsieur [R] souligne qu’entre le 31 décembre 2017 et le 31 mai 2018, la trésorerie nette s’est dégradée, passant de – 28 keuros à – 184 keuros, sans que l’endettement à moyen terme et à long terme se réduise significativement malgré un apport en compte-courant des associés à hauteur de 100 keuros, et conclut qu’ainsi la situation financière de la société au 31 mai 2018 est très dégradée.

Aucune contestation n’est formulée par Monsieur [X] [T]-[I] concernant ces constatations.

Etudiant ensuite la projection de résultats au 31 décembre 2018 et les prévisionnels, l’expert conclut ‘ Ainsi à la lecture de ces éléments, sauf intervention d’un soutien externe significatif, les données prévisionnelles ne laissent pas espérer un redressement significatif et rapide de la situation de la société. Les résultats imposent un apport de liquidité externe pour maintenir la pérennité de l’entreprise.’

Si l’appelant affirme que 5 mois constituent un délai suffisant pour que la situation de Webdrone et donc la valeur des titres évoluent, il ne rapporte pas la preuve de l’existence d’un apport de trésorerie extérieure entre le 31 mai et le 22 octobre 2018.

Enfin, l’expert ne s’est pas contenté d’une seule approche pour évaluer la valeur de l’entreprise, mais a appliqué deux méthodes traditionnelles, l’approche par les flux de trésorerie et l’approche patrimoniale, lesquelles aboutissent toutes deux au même résultat, soit une valeur nulle.

Le fait que la société Webdrone intervienne dans un marché gigantesque et en pleine croissance ainsi que l’affirme l’appelant ne signifie pas qu’ipso facto elle ne peut qu’être florissante.

Il ne peut pas plus être déduit d’articles de presse promotionnels que l’expert-comptable, qui a étudié les pièces comptables de la société, a commis une erreur grossière dans leur analyse.

Monsieur [T]-[I] ne démontre d’autre part pas en quoi l’ ‘apparente rentabilité’ selon ses propres termes de la société Chek&trust, qui serait une filiale de la société Webdrone à Singapour; aurait une influence positive sur la santé financière de la société mère, alors même que là aussi, il ne fait état que d’articles de presse.

Au surplus, il ressort du rapport de Monsieur [R] que, si au cours de ses premières années, d’existence la société avait pour objectif de développer un outil informatique exploitable par ses clients potentiels, en mode SAAS, afin que ceux-ci bénéficient d’un logiciel efficace dans leur politique de lutte contre la contrefaçon, les difficultés techniques rencontrées n’ont pas permis d’atteindre les objectifs fixés, et la société n’a pas réussi à commercialiser l’outil envisagé ; qu’elle s’est transformée peu à peu en société de services classiques offrant des prestations dans le cadre de la lutte anti-contrefaçon.(rapp. p. 4).

L’expert relève ensuite que chaque année l’entreprise comptabilise en produit d’importants montants en ‘production immobilisée’ qui correspondent au coût de production de l’outil développé dans le cadre du projet d’entreprise, mais outil qui s’avère inexploitable, et que dans les comptes intermédiaires arrêtés au 31 mai 2018, une provision correspondant à la totalité de la valeur immobilisés a été comptabilisée, ce qui démontre que les dirigeants estiment que cet investissement a perdu toute valeur (rapp. p. 8).

Le conseil de Monsieur [T]-[I] ayant contesté cette analyse dans le dire adressé à l’expert, ce dernier a clairement maintenu en réponse que ‘la production immobilisée doit effectivement être considérée comme une non-valeur et ainsi dépréciée’ en page 11 de son rapport.

L’appelant ne remet pas en question ce point qui explique que, contrairement à ce qu’il soutient, la société Webdrone ne bénéficie pas totalement de sa position dans un marché porteur.

Enfin, il ne peut être tiré aucune conclusion de la proposition de prix que les associés avaient formulée, laquelle correspondait à la volonté d’aboutir rapidement à la cession des parts sur une base amiable puisqu’elle était conditionnée par une acceptation dans les 10 jours du vote de la résolution.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de Monsieur [T]-[I] aux fins d’inopposabilité du rapport de Monsieur [R] pour erreur grossière ne peut qu’être confirmé.

Sur la demande de nullité de la cession pour vileté de prix :

Monsieur [X] [T]-[I] demande l’annulation de la cession des parts pour vileté du prix en exposant que la jurisprudence considère que la vileté du prix est assimilable à une absence de cause qui doit être sanctionnée par la nullité du contrat, et cette jurisprudence a été reprise dans 1169 du nouveau du code civil.

Il reproche au tribunal d’avoir écarter cette demande en se référant aux conclusions de l’expert.

La société Webdrone conteste l’existence d’une vileté du prix au regard de l’évaluation de sa situation financière et économique faite par l’expert.

Aux termes de l’article 1169 du code civil, un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s’engage est illusoire ou dérisoire.

Il sera relevé d’une part que Monsieur [T]-[I] demande d’annuler une cession dont il dit lui même qu’elle n’est pas encore intervenue.

D’autre part, dès lors que pour la fixation du prix de vente il est fait application des dispositions de l’article 1843-4 du code civil, et que les parties ont donc décidé de s’en remettre à l’évaluation des parts sociales par un expert, l’appelant n’explique pas en quoi le prix fixé par cet expert pourrait être illusoire ou dérisoire.

Surtout, les dispositions légales sus-rappelées ont pour objectif d’assurer un juste équilibre entre les engagements respectifs des parties au contrat. Un prix de vente n’est illusoire ou inexistant qu’en comparaison avec la valeur du bien vendu. Or l’appelant ne démontre pas que les parts sociales de la société qu’il détient ont une valeur supérieure au prix de 1 euro retenu.

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Dijon du 10 décembre 2020 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute Monsieur [X] [T]-[I] de sa demande d’annulation du rapport d’expertise de Monsieur [G] [R],

Condamne Monsieur [X] [T]-[I] aux entiers dépens d’appel,

Vu les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [X] [T]-[I] à verser à la SAS Webdrone 1 500 euros pour ses frais liés à l’appel.

Le Greffier,Le Président,

 


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