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République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 23/06/2022
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N° de MINUTE : 22/
N° RG 20/04203 – N° Portalis DBVT-V-B7E-THW4
Jugement n°2019000981 rendu le 29 septembre 2020 par le tribunal de commerce de Valenciennes
APPELANTE
SARL Indépendant [U] Plus (I Day Plus) agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège social 18 rue Saint Senoch – 75017 Paris
représentée par Me Nathalie Garbuio, avocat au barreau de Valenciennes
assistée de Me Yoni Weizman, avocat au barreau de Paris
INTIMÉE
SAS Diables Rouges Holding, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège social Stade du Hainaut – 1 avenue de Reims – 59300 Valenciennes
assistée et représentée par Me Pierre-Jean Coquelet, avocat au barreau de Valenciennes
DÉBATS à l’audience publique du 06 avril 2022 tenue par Pauline Mimiague magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Véronique Renard, présidente de chambre
Dominique Gilles, président
Pauline Mimiague, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 23 juin 2022 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Véronique Renard, présidente et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 16 mars 2022
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EXPOSÉ DU LITIGE
En 2017 et 2018 la société Financière [S] a procédé à des opérations d’investissement dans la société ‘Diables Rouges Holding’ (‘DRH’), présidée par M. [H] [C] et société actionnaire principal du club de football professionnel de Valenciennes (la société ‘VAFC’, présidée par M. [B] [C]).
Soutenant être intervenue comme intermédiaire et conseil dans lesdites opérations, la société ‘Indépendant [U] Plus’ (en abrégé ‘I Day Plus’), dont le gérant est M. [M] [U], a adressé à la société DRH deux factures de ‘commission sur apport financier de Financière [S]’ , une facture du 6 juillet 2017 d’un montant de 180 000 euros TTC et une facture du 10 septembre 2018 d’un montant de 25 536 euros TTC. Le10 juin 2020 elle émettra une troisième facture pour un montant de 63 833,52 euros TTC.
Par lettre du 16 octobre 2018, la société I Day Plus a mis en demeure la société DRH de régler le solde qui resterait dû au titre des deux premières factures à hauteur de 115 536 euros, suite à des versements intervenus à hauteur de 90 000 euros, puis l’a assignée en paiement devant le tribunal de commerce de Valenciennes par acte du 21 décembre 2018. La société DRH a contesté l’existence d’un contrat d’assistance liant les parties et sollicité reconventionnellement, sur le fondement de la répétition de l’indu, le remboursement de la somme de 90 000 euros.
Par jugement contradictoire du 29 septembre 2020 le tribunal a :
– débouté la société I Day Plus de l’ensemble de ses demandes,
– débouté la société DRH de sa demande reconventionnelle,
– dit n’y avoir lieu d’allouer une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la décision,
– condamné la société I Day Plus aux entiers frais et dépens de l’instance, dont frais de greffe liquidés à la somme de 74,50 euros.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 19 octobre 2020 la société I Day Plus a relevé appel du jugement en ce qu’il l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes, dit n’y avoir lieu à allouer une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamnée aux dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 21 juin 2021, l’appelante demande à la cour de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société DRH de sa demande reconventionnelle,
– pour le surplus, infirmer le jugement entrepris,
– statuant à nouveau, la dire et juger recevable et bien fondée en l’ensemble de ses demandes,
– débouter la société DRH de l’ensemble de ses demandes,
– la condamner à lui payer la somme de 179 369,52 euros au titre des factures impayées, majorée de l’intérêt légal à compter du courrier de mise en demeure du 16 octobre 2018, avec capitalisation des intérêts au-delà d’une année,
– la condamner à lui payer la somme de 30 000 euros pour résistance abusive,
– ordonner l’attribution à son profit de la somme de 84 211,50 euros saisie le 28 juin 2019 sur le compte bancaire de la société DRH ouvert dans les livres de la BNP Paribas,
– condamner la société DRH au paiement de la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamner aux entiers dépens.
Aux termes de ses conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 10 septembre 2021 l’intimée demande à la cour de :
Sur la demande principale :
– confirmer le jugement,
– débouter la société I Day Plus de ses demandes,
A titre reconventionnel :
– infirmer le jugement,
– condamner la société I Day Plus au paiement de la somme de 90 000 euros au titre de la répétition de l’indu,
Subsidiairement :
– infirmer le jugement,
– dire et juger satisfactoire le règlement de 90 000 euros intervenu,
– débouter la société I Day Plus de sa demande en paiement du solde chiffré à la somme de 115 536 euros,
En tout état de cause :
– condamner la société I Day Plus au paiement de la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles en sus des entiers frais et dépens de première instance et d’appel.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l’exposé de leurs moyens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 16 mars 2022 et l’affaire a été appelée à l’audience de plaidoiries du 6 avril suivant.
MOTIFS
Sur la demande principale
Vu les articles 1101, 1134 et 1154 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celles issues de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, les articles 1985 et 1998 du code civil.
Il peut être relevé qu’il ressort des pièces versées aux débats que, le 15 avril 2015, la société VAFC Sport Développement, représentée par M. [B] [C], actionnaire principal et président, et la société I Day Plus ont signé un contrat d’assistance donnant mission à celle-ci, notamment, d’engager des pourparlers avec des investisseurs intéressés dans une augmentation du capital du club et de l’assister dans les négociations avec les investisseurs, contrat auquel la société VAFC a mis fin par lettre du 16 mai 2016 ; contrairement à ce que laisse entendre la société DRH dans ses conclusions, la société I Day Plus, si elle verse aux débats ce contrat qui n’avait pas été communiqué en première instance, n’indique pas agir contre la holding en vertu de celui-ci.
Le premier juge a rejeté la demande de la société I Day Plus considérant que le courrier électronique en date du 13 juillet 2016 sur lequel elle s’appuyait ne constituait pas un contrat et qu’il ne pouvait en être tiré, en raison de son manque de précision, des droits et obligations des parties, sans tenir compte cependant des autres pièces versées aux débats.
La cour constate néanmoins que :
– ce courrier électronique du 13 juillet 2016 adressé par M. [B] [C] à M. [U] fait état d’un accord du premier ‘pour 7,5 % sur l’investissement de [J]’ et ‘pour 10 % sur investisseurs nouveaux que tu amènerais (sans exclusivité)’ et peut se rapporter à une rémunération liée à l’apport d’investisseurs,
– l’appelante justifie d’échanges de courriers électroniques intervenus entre le 19 avril et le 10 juillet 2017 concernant l’investissement de la société Financière [S] démontrant la participation de la société I Day Plus à la négociation (pièce n° 32 de l’appelante) ; notamment dans un courriel du 2 juin 2017 M. [U] confirme à M. [B] [C] que M. [F] [S] a accepté les termes de sa proposition transmise par mail,
– l’existence d’une relation contractuelle entre les parties ressort des termes d’un protocole d’accord intervenu le 8 juin 2017 entre les sociétés I Day Plus et DRH, dans le cadre d’un litige concernant le paiement de deux factures relatives à une mission de ‘consulting et assistance’ et à une ‘commission sur apport financier, en rémunération de l’investissement de M. [J] [D]’, que la société DRH s’engage à payer, et dans lequel il est mentionné que celle-ci ‘a recouru aux services de la société I Day Plus dans le cadre de deux missions : (i) une mission de recherche de nouveaux investisseurs et (ii) une mission de conseil et d’assistance’,
– il est justifié de messages écrits téléphoniques (entre juillet 2017 et mai 2018) échangés entre M. [B] [C] et M. [U] concernant le paiement des échéances d’une facture, M. [B] [C] annonçant des paiements ; dans un courrier électronique du 3 juillet 2018 M. [U] lui réclamait le règlement ‘des sommes dues à ID+ au titre de la facture en annexe’ auquel M. [B] [C] répondait ‘un règlement sera fait cette semaine’ (pièce n° 23 de l’appelante) ; la société DRH ne donne aucune explication sur ces échanges et il n’apparaît pas qu’elle ait jamais formulé de contestation contre les deux factures de 2017 et 2018, même après la mise en demeure du 16 octobre 2018,
– la société I Day Plus verse aux débats une attestation de M. [S] aux termes de laquelle il affirme que c’est par l’intermédiaire de la société I Day Plus et son gérant M. [U] que sa société a investi dans la société DRH la somme de 1 500 000 euros en juin 2017 par un apport en capital et un apport en compte courant puis par deux apports successifs en 2018 et 2020 et qu’il ne connaissait pas MM. [B] et [H] [C] avant que M. [U] ne les lui présente et qu’il était informé du fait que la société DRH rémunérait la société I Day Plus en tant qu’apporteur d’affaire,
– la société I Day Plus était par ailleurs liée à la société Financière [S] par une ‘convention d’assistance et de conseil’ du 1er juin 2017 lui donnant une mission de conseil et d’assistance notamment ‘dans la prise de participation au capital d’entités sportives’ et il n’apparaît pas qu’elle aurait perçu, dans ce cadre, de commission, commission spécifiquement exclue dans le contrat ‘dans l’hypothèse où la cible rémunérerait le prestataire en tant qu’apporteur d’affaires’ (la société I Day Plus justifie avoir perçu uniquement la rémunération fixe prévue dans ce contrat),
– aucun élément ne vient corroborer l’explication donnée par la société DRH quant au versement d’une somme de 90 000 euros à la société I Day Plus, qui serait intervenue pour le compte de M. [S] et aurait dû se compenser avec une inscription au compte courant d’associé à laquelle M. [S] se serait finalement opposée, et ce dernier, dans son attestation communiquée aux débats, affirme qu’il n’a ‘jamais demandé à DRH de rémunérer ID+ par imputation sur son compte courant’.
L’ensemble de ces éléments met en évidence, d’une part, l’existence d’une relation contractuelle entre les sociétés DRH et I Day Plus, d’autre part, celle de l’intervention de la société I Day Plus comme intermédiaire dans les investissements réalisés par la société Financière [S].
De son côté la société DRH ne vient pas démontrer que la participation financière de la société Financière [S] résulterait de l’activation d’un autre ‘réseau’ ; à cet égard, les éléments qu’elle communique quant à ses liens avec M. [S], directement ou par l’intermédiaire du maire de Valenciennes, ne remettent pas en cause les éléments mis en évidence par ailleurs quant à l’intervention de la société I Day Plus. Elle ne peut en outre soutenir que les échanges entre M. [B] [C] et la société I Day Plus seraient intervenus dans le cadre du contrat signé avec la société VAFC le 15 mai 2015 puisqu’ils sont postérieurs à sa dénonciation intervenue en mai 2016.
La société DRH soutient que si une relation contractuelle était mise en évidence, elle serait sans effet dans la mesure où M. [B] [C] n’a pas le pouvoir de la représenter. La société I Day Plus est toutefois bien fondée à se prévaloir d’un mandant apparent au profit de M. [B] [C], compte tenu de son implication dans les négociations concernant la participation de la société Financière [S], de son statut de membre du comité de direction de la société DRH et de président de la société VAFC, éléments qui ont pu lui laisser légitimement croire qu’il avait le pouvoir de contracter au nom de la société DRH, sans qu’il y ait lieu de le vérifier.
La société I Day Plus sollicite le paiement de trois factures, la dernière, datée du 19 juin 2020, quelques jours avant l’audience devant le tribunal de commerce, n’ayant pu faire l’objet d’une demande en première instance :
– facture n° 17 G 001 du 6 juillet 2017, intitulée ‘commission sur apport financier (capital et cc) de Financière [S]’ d’un montant de 180 000 euros, correspondant, hors taxe, à 10 % d’un investissement à hauteur de 1 500 000 euros (apport en capital de 375 000 euros et avance en compte courant d’associé de 1 125000 euros),
– facture n° 18 I 001/S du 10 septembre 2018, intitulée ‘commission sur apport financier (augmentation de capital) de Financière [S]’, d’un montant de 25 536 euros correspondant, hors taxe, à 10 % d’un nouvel apport en capital à hauteur de 218 800 euros intervenu le 20 juillet 2017,
– facture n° 20 F 002/S du 19 juin 2020 intitulée ‘commission sur apport financier (augmentation de capital du 27 mai 2020) de Financière [S]’ d’un montant de 63 833,52 euros TTC correspondant à 10 % d’un nouvel apport en capital intervenue pour un montant de 531 946 euros.
Si la société DRH a contesté cette dernière facture par deux lettres des 28 septembre 2020 et 15 janvier 2021, c’est uniquement à raison de l’absence de lien contractuel avec la société I Day Plus lequel a été toutefois démontré.
Si le courriel du 16 juillet 2016 fixe une rémunération à hauteur de 10 % sans préciser si elle s’entend hors taxe, les prix entre commerçants s’entendent selon les usages, c’est-à-dire hors taxe. De plus, il peut se déduire des informations contenues dans l’assignation en référé et le protocole d’accord relatifs à l’investissement de M. [J] [D] que les parties ont évoqué des commissions hors taxe (il était en effet prévu pour ce dossier une commission de 7,5 % et il est mentionné un investissement de 200 000 euros pour une rémunération à hauteur de 18 000 euros TTC).
Il convient en conséquence de faire droit à l’intégralité des demandes de la société I Day Plus au titre des factures, sauf à faire courir les intérêts sur la somme facturée le 19 juin 2020 à compter de la date de la mise en demeure de payer adressée par la société I Day Plus, le 14 janvier 2021. Le jugement sera en conséquenc infirmé sur ce point.
Sur la demande reconventionnelle de la société DRH
Non seulement il n’est justifié d’aucun élément attestant la version de la société DRH quant aux circonstances dans lesquelles elle aurait été amenée à régler la somme de 90 000 euros à l’appelante, mais en plus il a été mis en évidence que ce paiement avait été effectué pour le règlement des factures litigieuses.
Il convient dès lors de confirmer le jugement qui a rejeté la demande de la société DRH.
Sur la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive
La société I Day Plus n’allègue, ni ne justifie du préjudice qu’elle subirait à raison de la résistance de la société DRH qui ne serait déjà réparé par l’octroi des intérêts courant sur les sommes octroyées ou dans le cadre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.
Sur la demande d’attribution de la somme saisie le 28 juin 2019
Il n’y a pas lieu d’ordonner l’attribution au profit de la société I Day Plus de la somme saisie à titre conservatoire le 28 juin 2019 sur le compte bancaire de la société DRH, l’appelante pouvant se la faire attribuer en faisant procéder à la conversion de la saisie conservatoire en application des articles L. 523-2 et R. 523-7 et suivants du code des procédures civiles d’exécution.
Sur les demandes accessoires
Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile, le sens de l’arrêt conduit à infirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens, à mettre les dépens de première instance et d’appel à la charge de la société DRH et à allouer à la société I Day Plus une indemnité procédurale de 10 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement en ce qu’il a débouté la société Diables Rouges Holding de sa demande reconventionnelle et à débouté la société Independant [U] Plus de sa demande de dommages-intérêts ;
Infirme le jugement pour le surplus ;
Statuant sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Condamne la société Diables Rouges Holding à payer à la société Independant [U] Plus la somme de 179 369,52 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2018 sur la somme de 115 536 euros et à compter du 14 janvier 2021 sur la somme de 63 833,52 euros ;
Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière ;
Dit n’y avoir lieu à ordonner l’attribution à la société Independant [U] Plus de la somme de 84 211,50 euros saisie le 28 juin 2019 ;
Condamne la société Diables Rouges Holding aux dépens de première instance et d’appel ;
Condamne la société Diables Rouges Holding à payer à la société Independant [U] Plus la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le greffierLa présidente
Valérie RoelofsVéronique Renard