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COUR D’APPEL DE BORDEAUX
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 29 JUIN 2022
N° RG 19/06230 – N° Portalis DBVJ-V-B7D-LKTK
Madame [E] [P] épouse [R]
Monsieur [K] [P]
c/
ADMINISTRATION DES FINANCES PUBLIQUES
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 octobre 2019 (R.G. 17/02852) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 27 novembre 2019
APPELANTS :
Madame [E] [P] épouse [R], née le [Date naissance 4] 1970 à [Localité 10], de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]
Monsieur [K] [P], né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 7], de nationalité Française, demeurant [Adresse 5]
représentés par Maître Annie TAILLARD de la SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX et assistés par Maître Tristan LE SCOUEZEC, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉ :
ADMINISTRATION DES FINANCES PUBLIQUES, prise en la personne de son Directeur Régional des Finances Publiques de Provence-Alpes-Côte d’Azur et du département des Bouches-du-Rhône, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 9]
représentée par Maître Philippe LECONTE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 18 mai 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Nathalie PIGNON, Présidente,
Madame Elisabeth FABRY, Conseiller,
Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
EXPOSE DU LITIGE
M. [J] [P], ingénieur agricole, est décédé le [Date décès 2] 2009 laissant pour lui succéder son épouse Mme [V] [F] et leurs deux enfants, [K] et [E] [P].
Mme [V] [F] épouse [P] est décédée le [Date décès 6] 2011 laissant pour lui succéder ses deux enfants.
Les époux [P] étaient associés dans plusieurs sociétés qu’ils avaient créées ensemble dont le GFV Centre Médoc et le GFA Laborde Mascard.
Suite à une mise en demeure de l’administration fiscale, les héritiers ont déposé la déclaration de succession de leur mère Mme [P] le 3 décembre 2012 puis celle de leur père prédécédé M. [P] le 18 mai 2015.
La déclaration de succession de M.[P], prédécédé, faisait état d’un actif de la communauté de 2 637 146,49 euros et d’un passif de 1 869 303 euros, soit un actif brut revenant à la succession après attribution de sa part au conjoint survivant de 382 921,74 euros et aucun droit de succession à régler.
Ce passif à imputer à la communauté des époux [P] selon la déclaration des héritiers était notamment constitué de :
– la somme de 206 000 euros constitutive d’une dette de la communauté envers le GFV Centre Médoc et résultant d’un protocole d’accord en date du 9 juillet 2012 conclu entre les héritiers et celui-ci,
– la somme de 1.075.200 euros au titre d’une dette due aux souscripteurs de 448 parts du GFA Laborde Mascard .
La déclaration de succession de Mme [P] faisait état, en tenant compte des mêmes dettes, d’un actif brut de 1 839 576 euros, d’un passif de 1 067 526,71 euros, soit un actif net de 772 049 euros, une part de 386 024,94 euros revenant à chacun des deux héritiers et des droits de succession de 43 534 euros chacun.
La Direction générale des finances publiques, brigade de contrôle des revenus et du patrimoine, de Bordeaux a adressé le 1er septembre 2015 puis le 25 novembre 2015 une proposition de rectification aux héritiers, leur indiquant qu’elle entendait modifier la base de calcul des droits dus au titre de la succession après rectification du passif de la succession et notamment des deux dettes susvisées dont l’existence au jour du décès des époux [P] n’était pas établie selon elle.
Malgré les contestations des consorts [P], l’administration fiscale a délivré le 15 mars 2016 un avis de mise en recouvrement de la somme de 149 644 euros au titre des droits d’enregistrement et de succession au paiement duquel les deux héritiers étaient solidairement tenus.
Par courriers des 8 avril et 2 décembre 2016, les consorts [P] ont formé une réclamation contentieuse devant les services fiscaux qui a été rejetée par décision du 16 janvier 2017.
Par actes d’huissier des 14 mars 2017 et 6 avril 2017, les consorts [P] ont chacun pour leur part, fait assigner M. Le directeur de la Direction régionale des Finances publiques de Provence-Alpes- Côtes d’Azur et du Département des bouches du Rhône devant le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins d’obtenir l’annulation de la décision de rejet sur le fondement de l’article 768 du code général des impôts.
Par jugement avant dire droit du tribunal de grande instance de Bordeaux a joint les deux instances et a ordonné une expertise. L’expert a déposé son rapport le 11 janvier 2019.
Par jugement contradictoire du 7 octobre 2019, le tribunal de grande instance de Bordeaux a:
– rejeté les demandes de M. [K] [P] et de Mme [E] [P] épouse [R],
– les a condamnés aux dépens.
Par déclaration du 27 novembre 2019, les consorts [P] ont interjeté appel de cette décision, énonçant les chefs de la décision expressément critiqués, intimant la Direction régionale des Finances publiques de Provence-Alpes- Côtes d’Azur et du Département des bouches du Rhône.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 21 février 2020, auxquelles la cour se réfère expressément, M. [P] et de Mme [P] épouse [R] demandent à la cour de :
– à titre principal,
– réformer le jugement du tribunal de grande instance du 07/10/2019,
– dire et juger que l’actif de la communauté conjugale ayant existé entre M. [J] [P] et Mme [V] [F] doit être diminué de deux dettes de 206 000 euros et 1 075 200 euros, dont les héritiers ont justifié l’existence,
– dire et juger que l’actif de l’indivision successorale ayant existé entre Mme [V] [F] et les consorts [P] à la suite du décès de M. [J] [P] doit être diminué de deux dettes de 206 000 euros et 1 075 200 euros, dont les héritiers ont justifié l’existence,
– en conséquence,
– annuler la décision de rejet de la réclamation contentieuse des consorts [P] prise par la direction régionale des finances publiques de Nouvelle Aquitaine et du département de la Gironde en date du 16/01/2017,
– prononcer le dégrèvement de l’imposition supplémentaire mise en recouvrement par l’avis du 15/03/2016,
– subsidiairement,
– réformer le jugement du tribunal de grande instance du 07/10/2019,
– dire et juger que l’actif de la communauté conjugale ayant existé entre M. [J] [P] et Mme [V] [F] doit être diminué d’au moins 657 321,77 euros, dette dont l’expert en première instance a prouvé l’existence,
– dire et juger que l’actif de l’indivision successorale ayant existé entre Mme [V] [F] et les consorts [P] à la suite du décès de M. [J] [P] doit être diminué d’au moins 657 321,77 euros, dette dont l’expert en première instance a prouvé l’existence,
– en tout état de cause,
– condamner la direction régionale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d’Azur et du département des Bouches du Rhône à verser aux consorts [P] la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Les consorts [P] soutiennent que les dispositions de l’article 768 du code général des impôts ne sont pas applicables, le litige ne portant pas sur une dette à déduire de l’actif d’une succession mais de ‘valorisation d’un droit’, s’agissant de dettes de la communauté des époux [P]. Ils affirment qu’ils n’étaient pas tenus de faire figurer dans la déclaration de succession de leurs parents le détail des dettes de leur communauté, mais seulement le montant de l’actif net de la communauté conjugale d’une part, et de l’indivision successorale, d’autre part.
Ils expliquent que leurs parents ont procédé à l’ouverture du capital de deux de leurs sociétés, le GFV Centre Médoc et le GFV Laborde-Mascard, en proposant à des tiers de souscrire des parts; qu’ils ont fait souscrire, en 2004, 160 parts du GFV Centre Médoc pour un montant total de 368 000 euros et, entre 2005 et 2009, 448 parts du GFV Laborde Mascard pour une somme de 1 075 200 euros; que leurs parents ont cependant appréhendé les sommes ainsi versées pour leurs besoins personnels, notamment pour faire face à d’importants déficits d’autres sociétés dont ils étaient associés; qu’à leur décès, les sommes ainsi détournées ne figuraient plus sur leurs comptes bancaires; qu’ils ont décidé en leur qualité d’héritiers de conclure des protocoles d’accord au début de l’année 2013 avec les souscripteurs des parts de la GFV Laborde Mascard pour leur rembourser partiellement leurs apports, sur la base de 1300 euros la part, un seul souscripteur ayant refusé de signer; qu’un protocole a également été signé avec le GFV Centre Médoc à qui ils ont remboursé une somme forfaitaire de 206 000 euros.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 1er avril 2020, auxquelles la cour se réfère expressément, la Direction régionale des Finances publiques de Provence-Alpes- Côtes d’Azur et du Département des bouches du Rhône demande à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris, en ce qu’il a débouté Monsieur et Madame [P] de l’intégralité de leurs demandes,
– allouer à l’administration des finances publiques une indemnité de 3 000 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamner solidairement Monsieur et Madame[P] au paiement de cette somme,
– condamner solidairement Monsieur et Madame [P] aux entiers dépens.
La Direction régionale des Finances publiques de Provence-Alpes- Côtes d’Azur et du Département des bouches du Rhône fait notamment valoir que les dispositions de l’article 768 du code général des impôts sont applicables puisqu’il s’agit de déterminer si les dettes de 206 000 euros et 1 075 200 euros existaient au jour de l’ouverture des deux successions ; que la déduction est subordonnée à la preuve de l’existence de la dette au jour du décès ; que les héritiers n’apportent pas cette preuve; qu’il convient ainsi de confirmer la décision de première instance.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 27 avril 2022 et le dossier a été fixé à l’audience du 18 mai 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.
MOTIFS
Aux termes de l’article 768 du code général des impôts, pour la liquidation des droits de mutation par décès, les dettes à la charge du défunt sont déduites lorsque leur existence au jour de l’ouverture de la succession est dûment justifiée par tous modes de preuve compatibles avec la procédure écrite.
Aux termes des articles L 20 et suivants du livre des procédures fiscales, l’administration des impôts peut exiger des justifications au sujet de toutes les dettes déduites de l’actif d’une succession.
Elle peut, dans tous les cas, exiger des héritiers et autres ayants droit la production d’une attestation certifiant l’existence d’une dette à l’époque de l’ouverture de la succession. Cette attestation, établie par le créancier et qui doit mentionner la dette de façon précise, ne peut être refusée par ce dernier, sous peine de dommages-intérêts, toutes les fois qu’elle est légitimement réclamée.
Le créancier qui certifie l’existence d’une dette doit déclarer expressément connaître les peines prévues au 4 du V de l’article 1754 du code général des impôts en cas de fausse attestation.
Toute dette constatée par acte authentique et non échue au jour de l’ouverture de la succession ne peut être écartée par l’administration tant que celle-ci n’a pas fait juger qu’elle n’avait pas d’existence réelle.
Si les justifications produites à la suite des demandes prévues à l’article L. 20 sont estimées insuffisantes, l’administration peut rectifier les déclarations de succession en se conformant à la procédure de rectification contradictoire prévue à l’article L. 55.
Contrairement à ce que soutiennent les appelants, il y a bien lieu de faire application de l’article 768 du code général des impôts même s’il s’agit d’une dette de la communauté ayant existé entre leurs parents, la liquidation de leur régime matrimonial étant un préalable indispensable à la liquidation de la succession.
Ils se doivent ainsi de justifier des sommes qu’ils inscrivent au passif de cette liquidation de communauté puisque le résultat vient impacter la succession.
Il appartient donc bien aux héritiers des époux [P] d’apporter la preuve de l’existence des deux dettes revendiquées.
Ces dettes pour être admises n’ont pas besoin d’être liquides mais doivent être certaines au jour de l’ouverture de la succession et être à la charge personnelle du défunt.
Elles peuvent être prouvées par tous modes de preuve compatibles avec la procédure écrite : actes ou écrits, présomptions suffisamment graves et concordantes.
I- sur la demande principale :
* s’agissant de la dette de 206 000 euros contractée auprès du GFC Centre Médoc :
Les appelants produisent aux débats :
– un protocole qu’ils ont signé le 9 juillet 2012 avec le GFV Centre Médoc, soit postérieurement au décès de leurs parents,
– une attestation en date du 22 décembre 2016 des co-gérants actuels du GFV Centre Médoc.
Il ne résulte nullement de la lecture du protocole du 9 juillet 2012 que ce dernier comporte le règlement d’une dette qui aurait existé au jour du décès des défunts. En effet, ce protocole porte sur des échanges de parcelles entre le GFA Mascard et le GFV Centre Médoc, sur une augmentation de capital du GFV Centre Médoc et sur des frais de plantation, [K] et [E] [P] s’engageant à verser une indemnité forfaitaire de 150 000 euros au GFV Centre Médoc ‘afin de clore toutes discussions futures’sans aucune précision sur l’objet de ces ‘discussions’.
Les co-gérants actuels du GFV Centre Médoc attestent cependant de l’existence d’une dette de 368 000 euros de M et Mme [P] à l’égard du GFV Centre Médoc qui a fait l’objet d’une transaction à hauteur de 206 000 euros dans le cadre du protocole (indemnité forfaitaire de 150 000 euros et frais de plantation de 66 000 euros).
Cette attestation ne comporte pas la mention expresse de la reconnaissance des dispositions du 4 du V de l’article 1754 du Code général des Impôts relative aux peines en cas de fausse attestation.
Elle n’est en outre et surtout corroborée par aucun élément comptable. L’experte commis par le tribunal pour analyser les pièces produites par les parties relève qu’elle n’a pu obtenir aucune pièce justificative, aucune comptabilité n’ayant été tenue par ladite société.
Si elle retient qu’il a existé effectivement une confusion de patrimoine entre le patrimoine des époux [P] et le patrimoine des nombreuses sociétés qu’ils détenaient, elle indique qu’il ne lui a pas été possible de déterminer si des fonds avaient été prélevés par les époux [P] sur les comptes bancaires du GFV Centre Médoc et si les époux [P] étaient débiteurs au jour de leur décès de sommes envers le GFV Centre Médoc.
Or, l’existence d’une dette personnelle à l’égard d’une société ne peut être démontrée dans les conditions exigées par l’ article 768 du code général des impôts, que par la production du bilan complet de cette dernière, permettant de vérifier la manière dont elle a été imputée.
Le juge de première instance a pu ainsi à bon droit juger que les consorts [P] ne démontraient pas l’existence d’une dette de la succession née au jour de l’ouverture de celle-ci.
*s’agissant de la dette de 1 075 200 euros contractée auprès du GFV Laborde Mascard :
Les appelants produisent :
– des engagements d’achats de parts,
– les relevés du compte courant du GFV Laborde Mascard entre 2006 et 2009,
– les relevés du compte courant de M. [P] entre 2006 et 2008,
– le bilan du GFV Laborde Mascard au 31 août 2009,
– les protocoles d’accord signés avec les souscripteurs des parts du GFV Laborde Mascard durant l’année 2013,
– le jugement du tribunal d’instance de Bordeaux du 15 février 2016.
Ces pièces ont été analysées par l’experte.
La pièce intitulée ‘bilan comptable’ n’est qu’une reconstitution de la situation comptable du GFV Laborde Mascard au 31 décembre 2009 qui selon l’experte est trop succincte et partielle pour être retenue. Elle n’est étayée en outre par aucun document financier et l’experte l’a ainsi écartée.
L’experte, comme pour la première dette, a indiqué qu’il ne lui avait pas été possible de déterminer si des fonds avaient été prélevés par les époux [P] sur les comptes bancaires du GFV Laborde Mascard et si les époux [P] étaient débiteurs au jour de leur décès de sommes envers le GFV Laborde Mascard.
Il ressort des opérations d’expertise que les sommes versées par les souscripteurs en vue d’augmenter le capital social du GFV Laborde Mascard ont été versées sur les comptes de différentes sociétés à la place du compte du GFV concerné. Les appelants soutiennent que ces sommes ont ensuite été prélevées par leurs parents et qu’il s’agit donc d’une dette qui leur est personnelle et qui existait au jour de leur décès.
Outre le fait que ces prélèvements ne sont pas tous justifiés en l’absence de comptabilité fiable, la dette n’est pas directement celle des époux [P] mais en premier lieu celles des sociétés qui ont encaissé les fonds destinés à l’augmentation de capital d’une autre société, les époux [P] étant eux débiteurs, via leur compte associé, de ces sociétés et non du GFV Laborde Mascard.
Dès lors, même si les héritiers ont d’eux même accepté de prendre à leur charge l’indemnisation des souscripteurs du GFV Laborde Mascard dans le cadre de protocoles d’accord signés en février 2013, soit postérieurement aux décès des époux [P] survenus les [Date décès 2] 2009 et [Date décès 6] 2011, il n’est pas justifié d’une dette personnelle des époux [P] envers le GFV Laborde Mascard existant au jour de leur décès.
La décision du tribunal du tribunal d’instance de Bordeaux du 15 février 2016. rendue postérieurement aux décès des époux [P], n’établit pas plus l’existence de la dette au jour du décès.
Dès lors, l’administration fiscale a pu à bon droit considéré que la somme 1 075 200 euros de devait être exclue du passif déductible en application des dispositions de l’article 768 du code général des impôts.
La décision de première instance sera confirmée.
II- sur la demande subsidiaire :
Les appelants demandent à la cour à titre subsidiaire de juger :
– que l’actif de la communauté conjugale ayant existé entre M. [J] [P] et Mme [V] [F] doit être diminué d’au moins 657 321,77 euros,
– que l’actif de l’indivision successorale ayant existé entre Mme [V] [F] et les consorts [P] à la suite du décès de M. [J] [P] doit être diminué d’au moins 657 321,77 euros, dette dont l’expert en première instance a prouvé l’existence.
Ils s’appuient sur les conclusions de l’experte judiciaire qui indique qu’il ressort de l’examen des pièces que les époux [P] étaient redevables envers leurs différentes sociétés d’a minima 657 321,17 euros qu’ils ont prélevés sur divers comptes pour leurs dépenses personnelles.
L’intimée soutient que la demande n’est pas recevable puisqu’elle ne porte pas sur l’objet de la réclamation initiale.
En vertu des dispositions de l’article L 199 C du livre des procédures fiscales, l’administration, ainsi que le contribuable dans la limite du dégrèvement ou de la restitution sollicités, peuvent faire valoir tout moyen nouveau, tant devant le tribunal administratif que devant la cour administrative d’appel, jusqu’à la clôture de l’instruction. Il en est de même devant le tribunal judiciaire et la cour d’appel .
Les appelants ont formé une réclamation contentieuse le 8 avril 2016, complétée le 2 décembre 2016, aux termes de laquelle ils contestent l’avis de mise en recouvrement en date du 15 mars 2016 d’un montant de 227 175 euros faisant suite aux propositions de rectification du 1er septembre 2015 et du 25 novembre 2015.
Leur demande subsidiaire reste ‘dans la limite du dégrèvement’ sollicité. La demande est donc recevable.
Il ressort effectivement des opérations d’expertise, après examen des comptes bancaires et des bilans, que les époux [P] ont prélevé pour leurs dépenses personnelles la somme de 657 321,77 euros des comptes de leurs différentes sociétés.
Cette somme constitue une dette qui leur est personnelle et qui existait au jour de leur décès.
Il n’est pas établi que les sociétés ont entendu abandonner leur créance ou que cette dette soit prescrite.
Elle est donc bien déductible du passif de la liquidation de la communauté ayant existé entre les époux [P].
La décision de première instance sera ainsi infirmée mais uniquement sur ce point.
Il sera ainsi jugé que l’actif de la communauté conjugale ayant existé entre M. [J] [P] et Mme [V] [F] doit être diminué de 657 321,77 euros, et par voie de conséquence que l’actif de l’indivision successorale ayant existé entre Mme [V] [F] et les consorts [P] à la suite du décès de M. [J] [P] doit être diminué de 657 321,77 euros.
La décision de rejet de la réclamation contentieuse des consorts [P] prise par la direction régionale des finances publiques de Nouvelle Aquitaine et du département de la Gironde en date du 16/01/2017 sera annulée.
***
Les parties succombent chacune partiellement.
Il n’y a pas lieu de prononcer de condamnation au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Il convient de partager par moitié entre les parties, d’une part les appelants, d’autre part l’intimée, les dépens qui comprendront le coût de l’expertise judiciaire.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort
Confirme la décision rendue le 7 octobre 2019 par le tribunal de grande instance de Bordeaux en ce qu’elle a jugé que les sommes de 206 000 euros et 1 075 200 euros n’étaient pas des dettes déductibles au sens de l’article 768 du code général des impôts,
Infirme pour le surplus les dispositions soumises à la cour,
et statuant à nouveau,
Dit que la demande formée par [E] [P] et [K] [P] visant à voir juger que la somme de 657 321,77 euros est déductible, d’une part, de l’actif de la communauté conjugale ayant existé entre [J] [P] et [V] [F] et , d’autre part, de l’actif de l’indivision successorale ayant existé entre [V] [F] et [E] [P] et [K] [P], est recevable,
Dit que l’actif de la communauté conjugale ayant existé entre M. [J] [P] et Mme [V] [F] doit être diminué de 657 321,77 euros, et par voie de conséquence que l’actif de l’indivision successorale ayant existé entre Mme [V] [F] et les consorts [P] à la suite du décès de M. [J] [P] doit être diminué de 657 321,77 euros.
Annule la décision de rejet de la Direction générale des finances publiques, brigade de contrôle des revenus et du patrimoine, de [Localité 8], du 16 janvier 2017,
Dit qu’il appartiendra aux services fiscaux d’adresser à [E] [P] et à [K] [P] un nouvel avis de mise en recouvrement prenant en compte la somme de 657 321,77 euros au titre du passif déductible de droits de succession,
Partage par moitié les dépens entre les parties qui comprendront les frais d’expertise judiciaire,
Déboute les parties des demandes formées au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Le présent arrêt a été signé par Mme Pignon, présidente, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.