Augmentation de capital : décision du 6 juillet 2022 Cour d’appel d’Agen RG n° 20/00790
Augmentation de capital : décision du 6 juillet 2022 Cour d’appel d’Agen RG n° 20/00790
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ARRÊT DU

06 Juillet 2022

DB/CR

———————

N° RG 20/00790

N° Portalis

DBVO-V-B7E-C2KH

———————

[S] [Y]

[K] [U]

veuve [Y]

C/

S.A.S. BOSSAN

PARTICIPATIONS

FRANCE INDUSTRIES

ISLP

S.A. BPIFRANCE

S.A. BPCE LEASE IMMO,

S.A.S. ARKEA

CREDIT-BAIL

ET DE RECHERCHES

S.A. BPCE LEASE

REGION NOUVELLE AQUITAINE

S.E.L.A.R.L. [O] [I],

S.A.R.L. FERGY HOLDING

S.A.S.

PRUDENTIA CAPITAL

S.A.S. [Y] INDUSTRIES

S.A.R.L. [Y] FRERES

S.A.S. [Y] PVC

——————

GROSSES le

à

ARRÊT n°

COUR D’APPEL D’AGEN

Chambre Civile

Section commerciale

LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère chambre dans l’affaire,

ENTRE :

Madame [S] [Y]

née le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 22] (47)

de nationalité Française

[Adresse 13]

[Localité 11]

Madame [K], [H] [U] épouse [Y]

née le [Date naissance 5] 1954 à [Localité 26] (47)

de nationalité Française

[Adresse 24]

[Localité 15]

Représentées par Me Laurence BOUTITIE, avocate postulante inscrite au barreau d’AGEN et par Me Franck DE SERMET, avocat plaidant inscrit au barreau de BORDEAUX

APPELANTE d’un Jugement du Tribunal de Commerce d’AGEN en date du 02 Septembre 2020, RG 20/002914

D’une part,

ET :

S.A.S. BOSSAN PARTICIPATIONS

[Adresse 25]

[Localité 6]

SLP FRANCE INDUSTRIES

[Adresse 17]

[Localité 20]

S.A.R.L. FERGY HOLDING

[Adresse 18]

[Localité 19]

S.A.S. PRUDENTIA CAPITAL

[Adresse 4]

[Localité 20]

S.A.S. [Y] INDUSTRIES

[Adresse 14]

[Localité 20]

Représentées par Me Erwan VIMONT, avocat postulant inscrit au barreau d’AGEN

et par Me Alexandre MERVEILLE, avocat plaidant inscrit au barreau de PARIS

S.A. BPIFRANCE

[Adresse 7]

[Localité 21]

S.A. BPCE LEASE IMMO

[Adresse 16]

[Localité 20]

S.A.S. ARKEA CREDIT-BAIL

[Adresse 8]

[Localité 12]

Représentée par Me Hélène GUILHOT, avocate postulante inscrite au barreau d’AGEN et par Me Stéphanie LEMARCHAND-MOREAU, avocate plaidante inscrite au barreau de PARIS

S.A.R.L. SOCIETE D’ÉTUDES ET DE RECHERCHES

[Adresse 27]

[Localité 23]

S.A.R.L. [Y] FRERES

[Adresse 27]

[Localité 23]

S.A.S. [Y] PVC

[Adresse 27]

[Localité 23]

Représentées par Me Erwan VIMONT, avocat postulant inscrit au barreau d’AGEN

et par Me Renaud THOMINETTE, avocat plaidant inscrit au barreau de PARIS

S.A. BPCE LEASE

[Adresse 16]

[Localité 20]

Représentée par Me Hélène GUILHOT, avocate postulante inscrite au barreau d’AGEN et par Me Stéphane BONIN, avocat plaidant inscrit au barreau de PARIS

REGION NOUVELLE AQUITAINE

Hôtel de Région

[Adresse 3]

[Localité 10]

Représentée par Me Hélène GUILHOT, avocate postulante inscrite au barreau d’AGEN et par Me Antoine MAMERI, avocat plaidant inscrit au barreau de NANTES

INTIMEES

S.E.L.A.R.L. [O] [I]

[Adresse 2]

[Localité 9]

INTIMÉE n’ayant pas constitué avocat

D’autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 07 Mars 2022 devant la cour composée de :

Présidente : Claude GATÉ, Présidente de Chambre

Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller qui a fait un rapport oral à l’audience

Cyril VIDALIE, Conseiller

Greffières : Lors des débats : Nathalie CAILHETON

Lors de la mise à disposition : Charlotte ROSA, adjoint administratif faisant fonction de greffier

ARRÊT : prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

‘ ‘

FAITS :

Le Groupe [Y], qui conçoit et produit des menuiseries en aluminium et en PVC à [Localité 23] (47) a été créé en 1985 par [Z] et [P] [Y].

Il est composé des sociétés suivantes :

– la SARL [Y] Frères, créée en 1990, qui emploie 40 personnes et fabrique des fenêtres en aluminium,

– la SAS [Y] PVC, créée en 2000, qui emploie 13 personnes, et fabrique des fenêtres en PVC,

– la SARL Société d’Etudes et de Recherches (Ster) qui réalise des prestations administratives,

– la SEP STA2 qui centralise la trésorerie.

Le Groupe [Y] a bénéficié :

– d’un crédit bail immobilier accordé en 2011 d’un montant de 10 500 000 Euros permettant l’acquisition d’un terrain et d’une construction à [Localité 23], financé par les SA Bpifrance Financement (anciennement Oséo), la SAS Arkéa Crédit Bail (anciennement Bail Entreprise), la SA BPCE Lease Immo (anciennement Natixis Lease Immo), et la SA BPCE Lease (anciennement Natixis Lease),

– de deux prêts à moyen terme de 1 500 000 Euros chacun accordé par la SA Bpifrance,

– de contrats de crédits bail mobilier d’un montant de 7 095 000 Euros financés par les SA BPCE Lease et la SAS Arkéa Crédit Bail.

Au milieu des années 2000 suite à des difficultés financières du groupe, les crédits bailleurs ont accepté des réductions de loyers sans allongement de la durée des contrats avec report du capital amorti sur la durée résiduelle.

Les difficultés du Groupe [Y] ont perduré :

– pertes de la SARL [Y] Frères :

– 2 784 493 Euros en 2016,

– 83 976 Euros en 2017,

– 2 234 918 Euros en 2018.

– pertes de la SAS [Y] PVC :

– 824 313 Euros en 2016,

– 614 018 Euros en 2017,

– 276 855 Euros en 2018.

Sur requête de [Z] [Y], par ordonnance du 2 mars 2016, le président du tribunal de commerce d’Agen a désigné la Selarl [O] [I] en qualité de mandataire ad hoc des sociétés du groupe fin d’entamer des négociations pour réaménager les contrats en cours.

La mission du mandataire a été prorogée à plusieurs reprises.

A défaut de mise en place d’un accord, les sociétés ayant accordé le crédit bail immobilier ont obtenu une ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Paris du 27 mars 2019 constatant la résiliation du contrat de crédit bail immobilier et ordonnant l’expulsion des sociétés du groupe.

En parallèle, la SA Bpifrance Financement a saisi le tribunal de commerce d’Agen pour obtenir condamnation des sociétés à lui payer les sommes restant dues.

Le 12 février 2019, le président du tribunal de commerce d’Agen a désigné la Selarl [O] [I] en qualité de conciliateur.

Des repreneurs de l’activité se sont présentés : la SAS Bossan Participations, la SARL Fergy Holding, la SLP France Industries, la SAS Prudentia Capital (les repreneurs) avec lesquels un protocole d’investissement a été signé le 17 juillet 2019 prévoyant les dispositions suivantes :

– la création d’une société [Y] Industries acquérant pour 1 Euro la totalité des titres de la SARL [Y] Frères, 40 % des titres de la SAS [Y] PVC, et la totalité des titres de la SARL Ster.

– l’apport par les repreneurs de 500 000 Euros en capital, et de 4 500 000 Euros sous forme d’obligations convertibles.

– l’abandon, avec certaines modalités, des comptes courants d’associés détenus par la famille [Y].

En exécution de ces accords, le 19 juillet 2019, un ‘protocole d’accord de conciliation [Y] Frères /[Y] PVC articles L. 611-4 et suivants R. 611-22 et suivants du code de commerce’ a été établi entre les personnes suivantes :

– SARL [Y] Frères représentée par [S] [Y],

– SAS [Y] PVC représentée par [S] [Y],

– [S] [Y],

– [K] [Y],

– la SAS Bossan Participations,

– la SARL Fergy Holding,

– la SLP France Industries représentée par la SAS Prudentia Capital

– la SA Bpifrance Financement,

– la SAS Arkéa Crédit Bail,

– la SA BPCE Lease Immo,

– la SA BPCE Lease,

– la Région Nouvelle Aquitaine (qui a prêté à la SAS [Y] Industries, société devant recueillir les activités, la somme de 750 000 Euros sans intérêts).

– la Selarl [O] [I].

Ce protocole contient les dispositions essentielles suivantes :

– cession par Mmes [Y] de l’intégralité de leurs parts à la nouvelle société SAS [Y] Industries et intégration au capital de cette nouvelle société à hauteur de 20 % avec gouvernance à directoire et conseil de surveillance,

– apport de 5 000 000 Euros par les repreneurs,

– abandon de créance par les crédits bailleurs immobilier et mobilier et par la Bpifrance Financement, et ce à hauteur de 11 000 000 Euros,

– acquisition des immeubles par la SAS [Y] Industries auprès des crédits bailleurs immobilier pour 4 150 000 Euros, des machines outils auprès des crédits bailleurs mobiliers pour 1 150 000 Euros,

– création d’une société immobilière pour acquérir les immeubles,

– paiement de 350 000 Euros à la SA Bpifrance Financement pour solde de tous comptes.

Il a été stipulé à cet acte que les cessions des machines outils et des immeubles devaient intervenir au plus tard le 31 décembre 2019, à peine de caducité du protocole.

Ce protocole d’accord a été homologué par le tribunal de commerce le 24 juillet 2019.

En fin d’année 2019, les repreneurs ont fait assigner [S] et [K] [Y] devant le tribunal de commerce en leur reprochant des attitudes dilatoires dans la signature de la cession des titres, avec obstacle à l’exécution du protocole, emportant impossibilité de signer les actes notariés de cessions des immeubles dans le délai prévu.

Le 27 novembre 2019, [S] et [K] [Y] ont signé l’acte de cession de la totalité de leurs parts dans la SARL [Y] Frères, la SAS [Y] PVC et la SARL Ster.

Les actes de cession des titres ont été adressés aux repreneurs qui se sont désistés de leur action devant le tribunal de commerce.

Les repreneurs et les crédits bailleurs ont convenu :

– de réaliser les ventes immobilières le 31 mars 2020,

– de réaliser les ventes mobilières sans délai en contrepartie du versement d’une indemnité d’occupation.

Le 18 décembre 2019, [A] [L] a été désigné en qualité de co-gérant des SARL [Y] Frères et Ster.

Le 10 janvier 2020, [S][Y] a déclarer s’opposer à la présence de M. [L] dans l’entreprise.

Le 14 janvier 2020, [S] [Y] a été révoquée de ses mandats dans la SARL [Y] Frères et la SAS [Y] PVC.

Par acte du 22 janvier 2020, [S] et [K] [Y] ont fait assigner les repreneurs et les crédits bailleurs à jour fixe devant le tribunal de commerce d’Agen, afin de voir prononcer la résolution de l’accord homologué.

Suite à la situation sanitaire, le confinement du pays a été ordonné le 17 mars 2020, interrompant l’activité de la SARL [Y] Frères et de la SAS [Y] PVC.

Par jugement du 24 mars 2020, le tribunal de commerce a déclaré irrecevables les demandes présentées par [S] et [K] [Y] au motif que la Région Nouvelle Aquitaine, partie prenante au protocole, n’avait pas été appelée à l’instance.

Les crédits bailleurs ont indiqué accepter le report de la réalisation des ventes au 30 septembre 2020.

Par courriel du 15 avril 2020, Mmes [Y] ont indiqué s’opposer à ce report.

Tout un ensemble de vains échanges sont intervenus entre, d’une part, Mmes [Y] et, d’autre part, les crédits-bailleurs et les repreneurs.

Par actes du 22 juin 2020, [S] et [K] [Y] ont fait assigner la SARL [Y] Frères, la SAS [Y] PVC, la SAS Bossan Participations, la SARL Fergy Holding, la SLP France Industries, la SA Bpifrance Financement, la SAS Arkéa Crédit Bail, la SA BPCE Lease Immo, la SA BPCE Lease, la Région Nouvelle Aquitaine, la SAS Prudentia Capital, la SAS [Y] Industries, la SARL Société d’Etudes et de Recherches,la Selarl [O] [I] et le Procureur de la République d’Agen devant le tribunal de commerce d’Agen afin que les décisions de prorogation du délai prenant fin le 31 décembre 2019 leurs soient déclarées inopposables et que la résolution, ou la caducité, du protocole d’accord soit prononcée.

Par jugement rendu le 2 septembre 2020, le tribunal de commerce d’Agen a :

– débouté Mmes [Y] [S] et [K] de leurs demandes, fins et conclusions,

– condamné solidairement Mme [Y] [S] et [K] à payer aux sociétés Bossan, Fergy, Fonds France Industrie SLP, Prudentia capital, [Y] Industrie, la somme de 1 Euro pour avoir abusivement esté en justice,

– condamné Mmes [Y] à payer aux sociétés BPI Financement, BPCE Lease Immo et Arkéa Crédit Bail la somme de 1 500 Euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Mmes [Y] à payer à la société BPCE Lease la somme de 500 Euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Mmes [Y] à payer aux sociétés Bossan Participations, Fergy Holding, Fonds France Industries SLP, Prudentia capital, [Y] Industries, la somme 2 000 Euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Mmes [Y] à payer aux sociétés [Y] Frères, [Y] PVC, Ster la somme de 1 000 Euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les parties de leurs autres demandes,

– condamné Mmes [Y] aux entiers dépens,

– liquidé les dépens à la somme de 168,96 Euros.

Le tribunal a estimé que la prorogation au 31 mars 2020 avait recueilli l’accord de toutes les parties ; que suite à la survenance de la crise sanitaire et du confinement, il avait été sage de prévoir une nouvelle date butoir au 30 septembre 2020 ; que Mmes [Y] agissaient à l’encontre de l’intérêt de la SAS [Y] Industrie dont elles sont pourtant actionnaires ; et qu’il convenait de s’interroger sur leurs intentions réelles dans l’exercice de l’action.

Par acte du 21 octobre 2020, [S] [Y] et [K] [Y] ont régulièrement déclaré former appel du jugement en désignant la SAS Bossan Participations, la SARL Fergy Holding, la SLP France Industries, la SAS Prudentia Capital, la SAS [Y] Industries, la SARL [Y] Frères, la SARL Société d’Etudes et de Recherches Ster, la SA Bpifrance Financement, la SAS Arkéa Crédit-bail, la SA BPCE Lease Immo, la SA BPCE Lease, la Région Nouvelle Aquitaine, la Selarl [O] [I], le Procureur de la République d’Agen, et le Procureur Général, en qualité de parties intimées et en indiquant que l’appel porte sur la totalité du dispositif du jugement, qu’elles citent dans leur acte d’appel, et sur le rejet de leurs demandes, en citant certaines motivations du tribunal.

Dans cet acte, elles ont déclaré agir également en qualité d’appelantes pour le compte de la SAS [Y] PVC.

Le 30 octobre 2020, les repreneurs et les crédits bailleurs ont convenu d’une nouvelle prorogation de délai jusqu’au 28 février 2021.

Par acte du 9 février 2021, Mmes [Y] ont réitéré leur déclaration d’appel en désignant la SAS [Y] PVC en qualité de partie intimée.

Les 25 et 29 janvier 2021, les repreneurs ont acquis et payé les machines outils objets du crédit bail mobilier.

Le 29 avril 2021, la société [Y] Murs a acquis les immeubles.

Le 30 juin 2021, une augmentation de capital de la SAS [Y] Industries a été votée, à laquelle [S] [Y] n’a pas souscrit, diminuant sa part de capital social à 4,1 %.

La jonction des instances d’appel a été prononcée le 2 février 2022.

La clôture a été prononcée le 14 février 2022 et l’affaire fixée à l’audience de la Cour du 7 mars 2022.

PRETENTIONS ET MOYENS :

Par dernières conclusions notifiées le 10 février 2022, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l’argumentation, [S] [Y] et [K] [U] épouse [Y] présentent l’argumentation suivante :

– Les repreneurs n’ont pas respecté leurs obligations :

* ils ont fait une présentation inexacte des fonds dont ils prétendaient disposer, et même des comptes courants, et [S] [Y] n’a pas été associée à la composition de la nouvelle direction, en violation du protocole d’investissement.

* ainsi, en fin d’année 2019, les repreneurs se sont vus refuser les financements sollicités, et sont devenus particulièrement pressants pour qu’elles leur cèdent leurs parts, mettant même en exergue le risque d’abandon du soutien de la région, Me [I] ayant fait part de ses craintes sur ce point le 19 novembre 2019.

* elles ont remis tous les documents signés dont Me [I] avait besoin le 27 novembre 2019, aucun délai ne leur étant imposé sur ce point, et il leur en a donné décharge, ce qui a permis de procéder aux cessions des parts.

* [S] [Y] a été inutilement expulsée par un huissier avec l’aide des gendarmes aussitôt après sa révocation, alors qu’elle s’est toujours battue pour assurer la pérennité d’un groupe créé par son père, aujourd’hui décédé.

– Les accords de prorogation leur sont inopposables :

* le protocole stipulait la passation des actes de cession au plus tard le 31 décembre 2019 en excluant toute possibilité de prorogation et, à cette date, les repreneurs n’avaient pas obtenu leur financement.

* à aucun moment elles n’ont été parties aux accords de prorogation, qu’elles n’ont jamais acceptés, leur silence ne pouvant valoir accord.

* les engagements n’étaient toujours pas respectés au 31 mars 2020.

– Les conventions de prorogation de l’accord de conciliation homologué sont nulles :

* le protocole ayant été homologué, ses délais s’imposent aux parties et la caducité prévue contractuellement à l’article 6.9 doit jouer de plein droit, comme le stipule cet article qui permet à toutes les parties signataires de s’en prévaloir.

* aucune prorogation ne peut être décidée en dehors d’un recours légal contre le jugement d’homologation et sauf faculté de modification de l’accord lui-même.

* le confinement de mars 2020 n’a pas eu d’incidence réelle dans la mesure où à la mi-mars, les repreneurs n’avaient toujours pas obtenu leur financement, les paiements n’étant intervenus qu’en 2021 après la cessation de la période d’urgence sanitaire.

* l’existence du contentieux et du jugement du 2 septembre 2020 n’empêchait pas les repreneurs de procéder aux cessions.

– Les engagements sont caducs :

* en violation du protocole d’investissement, [S] [Y] n’a été nommée ni première directrice opérationnelle, ni membre du directoire de la SAS [Y] Industries et a été démise de ses fonctions de gérante en début d’année 2020.

* le non-respect des dispositions du protocole d’investissement entraîne la résolution du protocole, les deux documents constituant un tout dans une opération indivisible.

* en conséquence, les titres qu’elles ont cédés doivent leur être restitués et aucune action abusive ne peut leur être imputée.

– Le protocole encourt également la résolution en application de l’article L. 611-10-3 du code de commerce :

* dès qu’une inexécution des engagements est constatée, la résolution doit être prononcée.

* au 31 décembre 2010, l’apport de 5 000 000 Euros, l’augmentation de capital, la cession des machines, le prêt de la région, la création de la société chargée d’acquérir les murs, la mise en place de la gouvernance, et l’acquisition des bâtiments n’avaient pas été réalisées.

Au terme de leurs conclusions, elles demandent à la Cour de :

– déclarer leurs demandes recevables,

– réformer le jugement,

– leur déclarer inopposables les prorogations au 31 mars 2020 puis au 30 septembre 2020 décidées par les repreneurs et les établissements de crédit, parties à l’accord de conciliation,

– juger nuls et de nuls effets les accords de prorogation au 31 mars 2020 puis au 30 septembre 2020, puis au 28 février 2021, décidées par les repreneurs et les établissements de crédit parties à l’accord de conciliation,

– prononcer la résolution de l’accord de conciliation homologué, ou subsidiairement sa caducité,

– en tout état de cause, prononcer la caducité de l’ensemble des engagements des parties consacrés par le protocole de conciliation et le protocole d’investissement,

– enjoindre, sous astreinte, à la société [Y] Industries de restituer les titres des sociétés [Y] Frères, [Y] PVC et Ster, à [S] [Y],

– condamner les sociétés France Industries SLP, Prudentia Capital, Bossan Participations, Fergy Holding et [Y] Industries in solidum à leur verser chacune la somme de 15 000 Euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et à supporter les dépens.

*

**

Par dernières conclusions notifiées le 8 février 2022, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l’argumentation, la Région Nouvelle Aquitaine présente l’argumentation suivante :

– Elle a accepté la prorogation du délai de réalisation au-delà du 31 décembre 2019, compte tenu que les repreneurs ont eu des difficultés avec Mmes [Y] qui ont refusé de communiquer des documents nécessaires aux cessions des biens mobiliers et immobiliers, obstruction qui n’a été levée que par saisine du tribunal de commerce.

– Après avoir remis les actes de cessions de leurs parts, Mmes [Y] ont prétendu se les voir restituer en janvier 2020.

– Les dossiers de financement n’ont pu être finalisés pour le 31 mars 2020 compte tenu du confinement du pays.

– En droit, la prorogation d’un délai est libre lorsqu’il est stipulé dans l’intérêt exclusif de son bénéficiaire, c’est à dire des crédits bailleurs.

– Elle a finalement prêté les fonds le 10 décembre 2020, ce qui a permis le paiement des crédits bailleurs.

– Les appelantes présentent des demandes qui auraient des conséquences graves, immédiates et irréversibles pour les sociétés, et emportaient en outre restitution de la somme qu’elle a prêtée.

Au terme de ses conclusions, elle demande à la Cour de :

– confirmer le jugement,

– débouter Mmes [Y] de leurs demandes,

– les condamner à lui payer la somme de 4 000 Euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

*

**

Par dernières conclusions notifiées le 7 février 2022, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l’argumentation, la SAS Bossan Participations, la SARL Fergy Holding, la SLP France Industries, la SAS Prudentia Capital, et la SAS [Y] Industries présentent l’argumentation suivante :

– Mmes [Y] n’ont pas d’intérêt légitime à agir :

* le délai pour procéder aux cessions n’a été institué que dans l’intérêt exclusif des crédits bailleurs mobilier et immobilier, de sorte que ce délai, et ses prorogations, ne peuvent être invoqués par les appelantes.

* leur action aboutirait à la cessation des paiements du Groupe [Y] et à sa liquidation judiciaire, ce qui est contradictoire avec la qualité d’actionnaires de la SAS [Y] Industries des appelantes.

– Leurs demandes relatives au protocole de conciliation ne sont pas fondées :

* les délais de cession ont été convenus avec les crédits bailleurs mobilier et immobilier et ont été volontairement prorogés par leurs bénéficiaires exclusifs.

* le report au 31 mars 2020 était licite et, informées de cette prorogation, Mmes [Y] ne s’y sont alors pas opposées

* toute nouvelle prorogation pouvait librement être décidée par les seules parties intéressées et a été rendu indispensable par la période de confinement, constitutive d’une situation de force majeure au sens de l’article 1218 du code civil, qui ne permettait alors pas d’en prévoir le terme, alors que des dossiers de financement devaient être montés.

– Leurs demandes relatives à l’accord d’investissement ne sont pas fondées :

* cet accord n’est ni une annexe, ni un acte subséquent du protocole de conciliation au sens des clauses d’indivisibilité qui y sont stipulées.

* il n’a été établi qu’entre les repreneurs et Mmes [Y], contient une clause d’arbitrage, et ses modalités d’exécution n’ont pas d’incidence sur le protocole.

* cet accord a été respecté :

– apport de 8 190 000 Euros,

– augmentation de capital le 27 mai 2020 permettant à [S] [Y] de disposer de 20 % du capital.

– constitution d’une société [Y] Murs pour l’acquisition des immeubles.

– acquisition des machines outils et de l’immobilier.

* seule la gouvernance avec Mmes [Y] n’a pu être mise en place compte tenu de leurs obstructions.

* Mmes [Y] oublient que la résolution du protocole entraînera l’annulation des abandons de créance de 11 000 000 Euros, ce qui provoquera la liquidation judiciaire, et qu'[S] [Y] devra alors restituer ses parts de la SAS [Y] Industries.

– Les appelantes sont de mauvaise foi : elles ont procédé à des confusions volontaires et des dissimulations, formant appel au nom d’une société qu’elles ne dirigent pas, et mentant en prétendant que les machines outils d’une valeur de 600 000 Euros avaient été démontées et mises au rebut, alors que les salariés attestent que cette allégation concerne des machines hors d’usage depuis 2012.

Au terme de leurs conclusions, elles demandent à la Cour de :

– infirmer le jugement,

– déclarer les demandes de Mmes [Y] irrecevables pour défaut d’intérêt à agir,

– subsidiairement :

– confirmer le jugement,

– en tout état de cause :

– condamner les appelantes à leur payer la somme de 15 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

*

**

Par dernières conclusions notifiées le 22 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l’argumentation, la SA Bpifrance, la SA BPCE Lease Immo et la SAS Arkéa Crédit-bail présentent l’argumentation suivante :

– Elles ne sont pas concernées par le protocole d’investissement auquel elles ne sont pas parties.

– Le délai a été régulièrement prorogé :

* un retard a été pris du fait d'[S] [Y] qui a refusé de remettre certains documents aux repreneurs.

* à la demande de la Selarl [I], elles ont convenu avec les repreneurs de proroger le délai de cession au 31 mars 2020, avec signature de la promesse de vente le 31 janvier 2020, effectivement signée.

* ces prorogations relèvent de la liberté de discussion des conditions suspensives ou résolutoires, qui ont été stipulées dans l’intérêt exclusif de leurs bénéficiaires, les crédits bailleurs, lesquels étaient libres d’y renoncer ou de proroger les délais, ce qu’ils ont fait explicitement par courriel du 11 décembre 2019, accepté le 23 décembre 2019, puis compte tenu de la crise sanitaire jusqu’en septembre 2020 et finalement jusqu’en 2021.

* Mmes [Y] n’ont pas été tenues à l’écart des discussions et, au contraire, ont toujours été associées aux discussions sur la prorogation, et même aux conférences téléphoniques organisées par la Selarl [I], sans jamais émettre d’objection à la première prorogation.

* elles ne sont pas parties aux ventes et leur opposition participe d’une volonté d’obstruction.

– Subsidiairement, en cas de résolution ou de caducité, elles reprendraient leurs droits :

* l’expulsion des immeubles serait encourue et l’ordonnance de référé du 27 mars 2019 serait mise à exécution.

* la SARL [Y] Frères leur devrait 2 687 286,43 Euros et elles disposent de l’acte notarié du 29 novembre 2011 constituant un titre exécutoire.

* la SARL [Y] Frères se trouverait immédiatement en cessation de paiements avec liquidation judiciaire.

Au terme de leurs conclusions, (abstraction faite des multiples ‘constater’ qui constituent un rappel des moyens et non des prétentions) elles demandent à la Cour de :

– rejeter les demandes présentées par les appelantes et confirmer le jugement,

– à titre subsidiaire, en cas de résolution du protocole :

– dire qu’elles sont bien fondées à se prévaloir des effets de la caducité,

– dire qu’elles seront fondées à procéder à l’expulsion de la SARL [Y] et de tout occupant de son chef de l’immeuble qu’elle occupe à [Localité 23] et à procéder à l’exécution forcée et immédiate à l’encontre de cette société des sommes suivantes :

– 2 687 286,43 Euros avec intérêts au taux contractuel à compter de la date d’exigibilité de chacune des factures impayées,

– 3 206 512,82 Euros par mois à titre d’indemnité de résiliation,

– 24 000 Euros par mois au titre des indemnités d’occupation depuis le 31 décembre 2018,

– en tout état de cause :

– condamner in solidum Mmes [Y] à leur payer la somme de 8 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et mettre les dépens à leur charge.

*

**

Par conclusions d’intimées notifiées le 19 février 2021, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l’argumentation, la SARL [Y] Frères, la SAS [Y] PVC et la SARL Société d’Etudes et de Recherches présentent l’argumentation suivante :

– Les demandes présentées par les appelantes sont irrecevables :

* les appelantes invoquent l’article L. 611-10-3 du code de commerce qui permet la résolution d’un protocole homologué.

* elles se fondent sur le non-respect du délai du 31 décembre 2019 stipulé comme étant le délai butoir de réalisation des cessions, mais la clause en question ne joue qu’entre les crédits bailleurs et les repreneurs dont elles ne font pas partie.

* Mmes [Y] n’ont aucun intérêt direct et personnel au respect du délai et leur action n’est pas légitime car elle est fondée sur le but, inavoué, de revenir sur leurs engagements au détriment de l’ensemble des autres parties.

– Les demandes ne sont pas justifiées :

* les crédit bailleurs et repreneurs ont justifié avoir respecté leurs obligations.

* s’il y était fait droit à l’action, la SAS [Y] PVC devrait décaisser 1 764 350,92 Euros et la SARL [Y] Frères celle de 1 902 141,06 Euros, restituer les matériels et payer en sus diverses indemnités, et les locaux devraient être libérés, ce qui entraînerait une cessation immédiate des paiements.

* Mmes [Y] essayent de reprendre le contrôle des sociétés au détriment du groupe et des salariés.

* il n’a jamais existé de démantèlement des machines-outils : Me [I] a fait intervenir Me [W], huissier de justice, qui a constaté que les installations fonctionnent normalement, les seules machines sorties étant obsolètes.

Au terme de leurs conclusions, elles demandent à la Cour de :

– infirmer le jugement et déclarer Mmes [Y] irrecevables en leurs demandes,

– à titre subsidiaire :

– rejeter leurs demandes et confirmer le jugement,

– en tout état de cause :

– les condamner solidairement à verser à chacune d’elle la somme de 5 000 Euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et à supporter les dépens.

*

**

Par conclusions d’intimées notifiées le 17 février 2021, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l’argumentation, la SAS BPCE Lease présente l’argumentation suivante :

– La SARL [Y] Frères et la SAS [Y] PVC se sont engagées à acquérir les biens mobiliers, ce qu’elle a accepté, acceptant également la demande de prolongation du délai pour y procéder, ce dont Mmes [Y] ont été informées.

– Le protocole n’interdisait pas de proroger les délais pour acquérir les biens.

– Cette cession a eu lieu et le prix a été payé.

– En cas de résolution ou de caducité, elle devrait être payée de sa créance et obtenir restitution des les matériels financés compte tenu de la résiliation des contrats, définitivement acquise.

Au terme de ses conclusions, elle demande à la Cour de :

– confirmer le jugement,

– à titre subsidiaire :

– constater la résiliation de plein droit des contrats de crédit bail n° 841020, 841021 et 911780 à la date du 24 janvier 2019,

– en conséquence, condamner la SARL [Y] Frères à lui payer :

– au titre du contrat n° 841021 : 1 267 867,75 Euros avec intérêts au taux de 1,5 % par mois sur chacune des échéances de loyers impayées, et au taux légal sur l’indemnité de résiliation à compter du 24 janvier 2019,

– au titre du contrat n° 911780 : 496 483,17 Euros ave intérêts au taux contractuel de 1,5 % par mois sur chacune des échéances de loyer impayées et au taux légal à compter du 24 janvier 2019,

– 1 902 141,06 Euros avec intérêts au taux contractuel de 1,5 % par mois sur chacune des échéances de loyer impayées, et au taux légal sur l’indemnité de résiliation à compter du 24 janvier 2019,

– dire qu’elle a déjà perçu de la SARL [Y] Frères 345 004,43 Euros au titre des contrats de crédit bail n° 841021 et 911780 et de la SAS [Y] PVC la somme de 374 995,57 Euros au titre du contrat de crédit bail n° 841020,

– condamner la SARL [Y] Frères à lui restituer les matériels objets des contrats de crédit bail n° 841020 et l’autoriser à en reprendre possession, au besoin avec recours à la force publique,

– condamner la SARL [Y] Frères à payer deux indemnités mensuelles d’utilisation jusqu’à la restitution effective des matériels d’un montant de :

– 4 947,38 Euros correspondant à un tiers du montant de la dernière échéance de loyer impayée pour le contrat n° 841021 et ce à compter du 24 janvier 2019

– 1 863,33 Euros correspondant à un tiers du montant de la dernière échéance de loyer impayée pour le contrat n° 911780 et ce à compter du 24 janvier 2019,

– condamner la SAS [Y] PVC à lui payer une indemnité mensuelle d’utilisation d’un montant de 29 618,04 Euros au titre du contrat n° 841020 correspondant au tiers des loyers trimestriels à compter du 24 janvier 2019,

– en toutes hypothèses :

– condamner les appelantes, chacune, à lui payer la somme de 8 000 Euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

——————-

La Selarl [O] [I] n’a pas constitué avocat.

Mmes [Y] lui ont fait signifier leur déclaration d’appel dans le délai de l’article 902 du code de procédure civile par acte remis le 18 décembre 2020 à une personne présente à l’étude se déclarant habilitée à le recevoir.

Elles lui ont fait signifier leurs conclusions le 7 juin 2021 et leurs dernières conclusions le 17 février 2022.

La Région Nouvelle Aquitaine lui a fait signifier ses premières conclusions le 4 mars 2021 et ses dernières conclusions le 8 février 2021,

La SAS Bpifrance Financement, la SA BPCE Lease Immo et la SAS Arkéa Crédit-Bail lui ont fait signifier leurs premières conclusions le 19 février 2021 et leurs dernières conclusions le 27 janvier 2022.

La SAS Bossan Participations, la SARL Fergy Holding, la SLP France Industries, la SAS Prudentia Capital, et la SAS [Y] Industries lui ont fait signifier leurs premières conclusions le 24 février 2021.

La SAS BPCE Lease ne lui a pas fait signifier ses conclusions, mais ne présente aucune demande à son encontre.

Le Procureur de la République n’a pas déposé de conclusions.

Les appelantes lui ont fait signifier leur déclaration d’appel par acte remis le 21 décembre 2020.

Le Procureur général n’a pas déposé de conclusions.

Les appelantes lui ont fait signifier leur déclaration d’appel par acte remis le 19 janvier 2021.

———————

MOTIFS :

L’argumentation des appelantes est basée sur le fait que le ‘protocole d’accord de conciliation [Y] Frères /[Y] PVC articles L. 611-4 et suivants R. 611-22 et suivants du code de commerce’, homologué par le tribunal de commerce le 24 juillet 2019, serait caduc du fait que les actes de cession de l’immeuble nécessaire à l’exploitation n’étaient pas signés à la date du 31 décembre 2019, non susceptible de prorogation.

La clause de caducité invoquée est la suivante :

‘En contrepartie des engagements des partenaires décrits à l’article 4 ci-dessous, les repreneurs s’engagent à acquérir, avec faculté de substitution, le bien immobilier et à régler à Bpifrance Financement, Arkéa Crédit Bail et BPCE Lease Immo un prix de 4 150 000 Euros HT, majoré de la TVA, le cas échéant (…).

Ladite somme sera versée lors de la passation de l’acte de cession du bien immobilier chez le notaire instrumentaire qui devra intervenir au plus tard le 31 décembre 2019.

Le Groupe [Y] et les repreneurs s’engagent, sous peine de caducité du présent protocole, à régulariser l’acte notarié de vente au plus tard le 31 décembre 2019, sans aucune possibilité de prorogation du délai sous réserve des stipulations de l’article 6.9 ci-dessous.

En contre partie des accords visés au présent protocole, le Groupe [Y] renonce irrévocablement à l’égard des crédits bailleurs immobiliers, à toute action, réclamation au titre du contrat de crédit bail immobilier et s’engage à ce titre à se désister de la procédure d’appel mis en oeuvre devant la cour d’appel de Paris (…).

(…)

Il est précisé que, d’une part, en cas de non-réalisation des conditions suspensives prévues à l’article 3.1 et de seconde part à défaut pour l’ensemble des parties de respecter l’intégralité des termes du présent protocole, nonobstant la réalisation des conditions suspensives, le présent protocole d’accord sera de plein droit caduc et non avenu, sous réserve de ce qui suit.

En revanche, un tel cas de figure ne remettrait pas en cause le principe de résiliation des contrats de crédit bail immobilier et mobilier définitivement et irrévocablement acquise. Il ne remettrait pas davantage en cause la compensation de la créance des crédit bailleurs immobilier avec le solde non amorti de l’avance preneur.’

En premier lieu, Mmes [Y] disposent d’un intérêt à agir au sens de l’article 31 du code de procédure civile, dès lors qu’elles invoquent la caducité d’un acte auquel elles étaient parties, indépendamment du fait que, si leur action était admise, la liquidation judiciaire des sociétés de leur groupe familial serait encourue.

Ainsi, les explications des intimées selon lesquelles Mmes [Y] exercent une action qui aboutirait à la ruine des entreprises fondées par leur famille, ne recouvrent pas un défaut d’intérêt à agir au sens de l’article 31 du code de procédure civile.

Le jugement qui a estimé les demandes recevables dans leur principe doit être confirmé.

En deuxième lieu, la réalisation de l’acte de cession de l’ensemble immobilier où se trouve l’exploitation, supposait que le notaire soit en possession de plusieurs documents.

Il était également indispensable que soit communiqué aux repreneurs tout un ensemble de documents, comme les rapports des commissaires aux comptes et les actes de cession de titres antérieurement intervenus dans les sociétés du groupe.

Or, il est établi que peu de temps après la signature du protocole d’accord, Mmes [Y] se sont livrées à des manoeuvres d’obstruction à la réalisation de la vente en tergiversant au lieu de remettre immédiatement ces documents.

Ainsi :

– elles ont annulé des réunions et se sont abstenues de participer à certaines conférences.

– [S] [Y] a initialement refusé de communiquer les actes de cession des parts détenues par [P] [Y] et [K] [Y], ainsi que des actes de cession de créances démembrées et les rapports des commissaires aux comptes, alors pourtant qu’elle détenait ces documents.

– elle a également, initialement, purement et simplement refusé de signer les actes de cession des titres des sociétés du groupe [Y] à la nouvelle société créée, la SAS [Y] Industries, malgré demande du 15 octobre 2019.

– elle n’a pas donné suite aux demandes du cabinet chargé de procéder aux diagnostics de l’ensemble immobilier avant la vente, qui n’a pu la joindre que le 4 décembre 2019.

– elle a annulé une réunion tenue sous l’égide de Me [I] prévue le 2 décembre 2019.

– ce n’est que sur intervention de l’autorité administrative qu'[S] [Y] a donné son accord pour signer les cessions de titres, mais a annulé la réunion prévue à cette fin à la préfecture le 22 novembre 2019, provoquant la réaction du Commissaire aux restructurations qui lui a écrit dans les termes suivants ‘En l’état des séquences intervenues la semaine dernière et notamment l’annulation de la réunion en préfecture, sur la base des engagements que vous avez pris, je vous saurais gré de définitivement notifier la signature des actes à l’étude [I] qui, comme cela a pu être évoqué, assurera la mise sous séquestre jusqu’au recueil de l’avis du CAC. Compte tenu de nos échanges de jeudi soir dernier, je m’étonne que cela ne soit pas encore intervenu et j’espère que vous saurez corriger la situation dans le courant de la journée.’

Les prétextes avancés pour différer ces communications se sont révélés fallacieux.

Ainsi, [S] [Y] a reproché au repreneur d’empêcher l’entreprise de fonctionner en retirant des machines outils alors qu’il est désormais acquis, notamment au vu de témoignages de salariés ([B] [X], [D] [M], [N] [R], [V] [C]) et d’un constat d’huissier établi le 18 février 2020, que les machines en question n’étaient plus en fonctionnement depuis plusieurs années, ce que les appelantes ne pouvaient de bonne foi ignorer, et que toutes les machines permettant l’activité normale des entreprises étaient en place.

Cet élément a été confirmé par Me [I] dans une note établie le 18 février 2020 à l’attention du tribunal de commerce d’Agen dans laquelle il a indiqué que ‘toutes les machines qui ont été sorties sont des machines obsolètes’, que l’activité avait progressé (la production pouvant aller jusqu’à 350 pièces par jour contre 100 sous la direction de la famille [Y]) avec l’utilisation de machines révisées et entretenues.

Elles ont également mis en cause la possibilité, pour les repreneurs, de financer les acquisitions, alors qu’elles n’avaient pas à s’immiscer dans les relations entre ceux-ci et leurs banquiers, que le protocole d’accord ne mettait aucune obligation d’information des modalités de financement, par les repreneurs à Mmes [Y], et qu’il n’existait aucune condition suspensive sur ce point.

En tout état de cause, si les repreneurs n’avaient pas obtenu de financement, par hypothèse les cessions n’auraient pas eu lieu.

En se comportant ainsi, Mmes [Y] ont contraint les repreneurs à saisir le tribunal de commerce d’Agen afin qu’il leur soit ordonné de remettre les documents nécessaires à l’établissement de l’acte authentique.

Ce n’est que tardivement que les repreneurs ont fini par être destinataires des documents nécessaires à l’établissement de l’acte notarié de cession, et ils se sont alors désistés de leur action devant le tribunal de commerce.

Ce comportement d’obstruction, sans aucun motif légitime, quelles que soient leurs interrogations sur l’avenir de leurs sociétés familiales après leur reprise, fait obstacle à ce qu’elles invoquent une caducité contractuelle au 31 décembre 2019, qu’elles ont elles-même provoqué, et par suite les prorogations suivantes, d’ailleurs imposées par le confinement et l’arrêt de toute activité dans le pays.

En outre, il convient de remarquer que dès début janvier 2020, Mmes [Y] ont revendiqué la caducité du protocole et exigé la restitution des titres qu’elles avaient cédés par acte du 27 novembre 2019, démontrant ainsi le but de leur attitude, à savoir empêcher la réalisation de la vente avant la date convenue pour ensuite se prévaloir de la caducité, regrettant de toute évidence avoir signé le protocole d’accord.

En troisième lieu, la résiliation de ce protocole ne saurait être prononcée alors que les repreneurs ont respecté leurs obligations.

Ainsi :

– selon l’attestation établie le 2 juillet 2020 par M. [T], expert-comptable, les repreneurs ont fait des apports d’un total de 5 000 000 d’Euros à la SA [Y] Industries.

– l’augmentation de capital a été votée le 17 mai 2020.

– [S] [Y] a été propriétaire de 20 % des titres avant l’augmentation de capital à laquelle elle a refusé de souscrire.

– la société [Y] Murs a été constituée et a acquis l’ensemble immobilier.

– les matériels et immeubles ont été acquis et payés.

Le fait qu’il a régulièrement été mis fin aux fonctions dirigeantes d'[S] [Y] découle de son choix d’entrer en conflit avec les repreneurs.

Il en est de même du protocole d’investissement qui n’était qu’un accord cadre préalable au protocole d’accord, lequel s’est substitué au premier après discussions entre les parties intéressées.

En quatrième lieu, comme indiqué plus haut, le protocole d’accord stipule :

‘Le Groupe [Y] et les repreneurs s’engagent, sous peine de caducité du présent protocole, à régulariser l’acte notarié de vente au plus tard le 31 décembre 2019, sans aucune possibilité de prorogation du délai sous réserve des stipulations de l’article 6.9 ci-dessous.’

Cette clause est exclusivement stipulée entre les repreneurs et le ‘Groupe [Y]’, lequel est composé de la SARL [Y] Frères et de la SAS [Y] PVC selon les termes de la page 2 du protocole qui présentent les parties et leurs dénominations.

[S] [Y] et [K] [Y] ne font pas partie du ‘Groupe [Y]’ et y sont désignées sous le nom ‘Groupe Familial [Y]’.

La clause ci-dessus rappelée ne concerne que la reprise des matériels et immeubles objets des contrats de crédit bail devant être rachetés par les nouvelles sociétés SAS [Y] Industries et [Y] Murs, et est étrangère aux obligations souscrites par et envers Mmes [Y].

L’acte de cession à établir avant le 31 décembre 2019 est étranger au patrimoine des appelantes qui, par suite, ne peuvent invoquer une clause de caducité qui n’est stipulée qu’entre la SARL [Y] Frères et la SAS [Y] PVC, d’une part, et les repreneurs d’autre part, étant rappelé qu’à la date à laquelle elles ont intenté la présente action, Mmes [Y] n’étaient plus dirigeantes des sociétés du ‘Groupe [Y]’.

Pour l’ensemble de ces motifs, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes présentées par Mmes [Y].

C’est ensuite à juste titre que le tribunal les a condamnées à payer aux sociétés Bossan Participations, Fergy Holding, SLP France Industrie, Prudentia capital, [Y] Industries, la somme de 1 Euro compte tenu de la légèreté blâmable avec laquelle la présente action a été intentée.

En effet, Mmes [Y] ont invoqué en justice une caducité qu’elles ont intentionnellement provoquée dans le cadre d’une action qui, si elle avait été admise, aurait abouti à la liquidation judiciaire pure et simple de sociétés employant de nombreux salariés.

Elles n’ont également eu de cesse de remettre en cause un protocole de cession qu’elles ont signé de leur plein gré, après discussions et négociations, permettant de sauver le groupe créé par leur famille, pour des motifs qu’elles n’ont pas expliqués.

Enfin, l’équité nécessite de les condamner à payer, en cause d’appel, à la Région Nouvelle Aquitaine, la somme de 4 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, aux repreneurs la somme de 10 000 Euros, aux crédit bailleurs la somme de 8 000 Euros, et aux sociétés du Groupe [Y] la somme de 5 000 Euros.

PAR CES MOTIFS :

– la Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt réputé contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

– CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

– Y ajoutant,

– CONDAMNE in solidum [S] [Y] et [K] [U] épouse [Y] à payer, en cause d’appel, en application de l’article 700 du code de procédure civile :

1) 4 000 Euros à la Région Nouvelle Aquitaine,

2) 10 000 Euros (au total) à la SAS Bossan Participations, la SARL Fergy Holding, la SLP France Industries, la SAS Prudentia Capital, et la SAS [Y] Industries,

3) 8 000 Euros (au total) à la SA Bpifrance, la SA BPCE Lease Immo et la SAS Arkéa Crédit-bail,

4) 8 000 Euros (au total) à la SARL [Y] Frères, la SAS [Y] PVC et à la SARL Société d’Etudes et de Recherches,

5) 8 000 Euros à la SAS BPCE Lease,

– CONDAMNE [S] [Y] et [K] [U] épouse [Y] aux dépens de l’appel dans la proportion de la moitié chacune.

Vu l’article 456 du code de procédure civile, le présent arrêt a été signé par Dominique BENON, Conseiller ayant participé au délibéré en l’absence de Mme la présidente de chambre empêchée, et par Charlotte ROSA, adjoint administratif faisant fonction de greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIERLE CONSEILLER

 


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