Augmentation de capital : décision du 6 juillet 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/12684
Augmentation de capital : décision du 6 juillet 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/12684
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Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 6

ARRÊT DU 06 JUILLET 2022

(n° , 16 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/12684 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCKEG

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Juillet 2020 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2017042397

APPELANTE

S.A.R.L. WIS

Ayant son siège socail 10/12 rue de Campo-Formio

75013 PARIS

Représentée par Me Pascal WILHELM de la SAS WILHELM & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0024

INTIMEE

S.A. LE CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL

Ayant son siège social 6 Avenue de Provence

75009 PARIS

Représentée par Me Isabelle SIMONNEAU de la SELEURL IS AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D0578 substituée à l’audience par Me Simon DESCLAUX, avocat au barreau de PARIS, toque : D0578

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 23 Mai 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Marc BAILLY, Président de chambre

Madame Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère

Mme Fabienne BUTIN, Conseillère

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Yulia TREFILOVA

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marc BAILLY, Président de chambre et par Anaïs DECEBAL,Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*

* *

Par contrat du 4 octobre 2016, le Crédit Industriel et Commercial (« CIC »), dans les livres duquel la société Les Tables d'[F] [I] (« société THD ») ont ouvert un compte le 14 octobre 2015, accorde à cette société un prêt professionnel n°30066 10947 21226202 d’un montant de 850 000 euros, d’une durée de 6 ans, au taux de 2,50% remboursable en 72 mensualités de 12 725,37 euros, prêt ayant pour objet le refinancement des équipements de la grande cuisine [F] [I] Restauration, initialement payés par sa maison-mère la société Boucherie and Cow (« société BAC ») grâce à deux prêts que le CIC lui avait accordés l’année précédente.

Ce même jour, la société WIS, dont la société THD est la filiale indirecte, s’est portée caution solidaire de celle-ci envers le CIC, à concurrence de 850 000 euros en principal.

Par jugement du 22 décembre 2016, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la société THD, désignant la SELARL [A] Yang-Ting, en la personne de Maître [B] [A], mandataire judiciaire de cette société.

Le 4 janvier 2017, le CIC a déclaré sa créance d’un montant de 829 046,68 euros à Maître [A].

A partir de janvier 2017, la société THD a cessé de payer les mensualités du prêt.

Le 7 mars 2017, le CIC a mis la société WIS, en sa qualité de caution de la société THD, en demeure de se substituer à celle-ci dans le paiement des mensualités du prêt, et de lui payer la somme de 38 176,11 euros correspondant aux trois échéances impayées depuis l’ouverture de la procédure. La société WIS ne s’en est pas acquittée.

Le 25 avril 2017, le CIC a informé la société WIS qu’il a prononcé la déchéance du terme du prêt, et qu’il l’a mise en demeure de lui payer la somme de 876 801,31 euros. La société WIS ne s’en est pas acquittée.

Par assignation du 4 juillet 2017, le CIC a assigné la société WIS en paiement devant le tribunal de commerce de Paris.

Par jugement du 5 avril 2018, le tribunal de commerce de Paris a converti la procédure ouverte à l’encontre de la société THD en liquidation judiciaire.

Par ordonnance du 26 septembre 2018, le juge de l’exécution près le tribunal de grande instance de Paris a autorisé le CIC à prendre une inscription d’hypothèque provisoire sur un bien appartenant à la société WIS, pour une sûreté de la somme de 880 801 euros.

Par jugement contradictoire en date du 16 juillet 2020, le tribunal de commerce de Paris a déchu le CIC, dans ses rapports avec la société WIS, de tous les intérêts échus, a réduit le montant de la créance du CIC sur la société WIS à 869 471,50 euros, a condamné la société WIS, en qualité de caution de la société THD, à payer la somme de 850 000 euros , limite de son engagement, avec intérêts au taux légal à compter du 2 mai 2017 et capitalisation de ces intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil à compter du 4 juillet 2017, a condamné la société WIS à payer au CIC la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens, a ordonné l’exécution provisoire du jugement, et a débouté les parties de toutes leurs demandes autres, plus amples ou contraires.

ce, aux motifs que :

-concernant la créance du CIC sur la société WIS : la société WIS ne conteste pas que le CIC, qui a déclaré sa créance d’un montant de 829 046,68 euros, sur celle-ci ;

-concernant l’annulation de la garantie du CIC prise en contrepartie de son concours : au vu des documents versés aux débats, la situation des sociétés WIS et BAC n’était pas irrémédiablement compromise, et la société WIS ne prouve pas que le prêt litigieux était ruineux ;

-concernant la créance de la société WIS sur le CIC : tout d’abord, la société WIS, dont la qualité s’apprécie en la personne de son gérant M. [E] [X], ne saurait prétendre être une caution profane, et n’allègue pas que le CIC disposait d’informations dont elle-même n’avait pas connaissance sur sa propre situation financière ; ensuite, la lettre du 7 mars 2017 du CIC à la société WIS et la déclaration de créance de ce dernier du 4 janvier 2017 ne valent pas information annuelle de la caution, ne lui faisant pas connaitre le terme de son engagement ni sa faculté de révocation, toutefois cette omission ne peut avoir fait perdre à la société WIS un droit préférentiel ou l’avoir empêché de déclarer sa créance à temps ;

-concernant le montant de la créance du CIC sur la société WIS : la société WIS ne prouve pas que le montant de l’indemnité de recouvrement de 5% constitue une clause pénale ; par ailleurs, la preuve n’est pas rapportée que le CIC a procédé à la compensation de sa dette d’un montant de 12 906,66 euros envers la société THD avec celles de cette société envers lui, cette somme restant constituer le solde créditeur du compte qu’elle avait ouvert dans ses livres ;

-concernant l’échelonnement du paiement par la société WIS : la société WIS ne produit aucune pièce à l’appui de sa demande.

****

Par déclaration en date du 3 septembre 2020, la société WIS a formé appel de ce jugement en critiquant chacun de ses chefs.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 28 mars 2022, la société WIS demande à la Cour de :

DECLARER la société WIS recevable et bien fondée en ses demandes ;

CONFIRMER le jugement du tribunal de commerce de Paris du 16 juillet 2020 en ce qu’il a déchu le CIC, dans les rapports entre la société WIS et lui, de tous les intérêts échus ;

Sur le surplus,

INFIRMER le jugement du tribunal de commerce de Paris du 16 juillet 2020

Statuant à nouveau,

A titre principal :

ANNULER le cautionnement de la société WIS au profit de la société CIC, en garantie du prêt n°30066 10947 00020126202 souscrit par la société THD, sur le fondement de l’article L.650-1 du code de commerce ;

A titre subsidiaire :

JUGER que le CIC a manqué à son obligation d’information, de conseil et de mise en garde ainsi qu’à son obligation de bonne foi et de loyauté ;

En conséquence, CONDAMNER le CIC à payer à la société WIS la somme de 850.000

euros (outre les intérêts courus sur le montant du capital exigible au titre du prêt du 4

octobre 2016 soit la somme de 880 039,26 euros), à titre de dommages et intérêts ;

A titre très subsidiaire :

JUGER que la société WIS a subi un préjudice du fait du manquement du CIC à son obligation d’information annuelle prévue à l’article L 313-22 du code monétaire et financier ;

En conséquence, CONDAMNER le CIC à payer à la société WIS la somme de 850 000 euros (outre les intérêts courus sur le montant du capital exigible au titre du prêt du 4 octobre 2016 soit la somme de 880 039,26 euros) au titre de la perte de chance au titre de la perte de chance de n’avoir pu déclarer sa créance au passif de la société THD ;

En tout état de cause :

ORDONNER la compensation des sommes réclamées par le CIC avec tout montant dû par celle-ci à la société WIS ;

REDUIRE le cautionnement de la société WIS au profit du CIC, en garantie du prêt n°30066 10947 00020126202 souscrit par la société THD, du montant des intérêts échus, pénalités et accessoires et du montant de toutes compensations effectuées par le CIC ;

CONDAMNER le CIC à payer à la société WIS la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER le CIC aux entiers dépens de première instance et d’appel ;

faisant valoir pour l’essentiel que :

S’agissant de l’annulation du cautionnement du 4 octobre 2016, et plus précisément sur le caractère frauduleux du montage du CIC. Le CIC a octroyé deux prêts à la société BAC sans prise de garantie, puis a mis en place un montage afin de transférer son risque sur une autre société, la société THD, en exigeant cette fois-ci des garanties, dont le cautionnement solidaire de la société WIS.

Ainsi, le CIC n’avait aucun motif légitime de mettre en place un tel montage impliquant un changement de débiteur, qui est intervenu au seul avantage du CIC et au détriment des intérêts de la société THD. En effet, les conditions financières applicables à ce nouveau prêt du 4 octobre 2016 se sont révélées plus onéreuses que celles des prêts précédents, et ce prêt a permis au CIC d’obtenir des garanties dont il n’aurait pu bénéficier et ainsi échapper à son rang de créancier chirographaire. Par ailleurs, le prêt litigieux n’a pas permis à la société THD de démarrer et de poursuivre son activité et de poursuivre, puisque celle-ci a déposé le bilan moins de 3 mois plus tard, en raison de l’état de son endettement.

De plus, la déloyauté dont a fait preuve le CIC dans la mise en place de son montage pour obtenir un changement de la personne du débiteur et le cautionnement est évidente, la présence de la société WIS en tant que caution n’étant intervenue que très tardivement dans les échanges avec le CIC.

S’agissant de l’annulation du cautionnement du 4 octobre 2016, et plus précisément sur la connaissance par le CIC de la situation irrémédiablement compromise de la société THD. Tout d’abord, le tribunal a méconnu les faits de l’espèce en ne relevant pas les difficultés structurelles et conjoncturelles de la société THD, et notamment les déficits très importants de sa société mère, la société BAC, présentant elle-même un ratio dettes financières / fonds propres alarmant.

Ensuite, le tribunal n’a pas tenu compte des privilèges inscrits à l’encontre de THD à la date du crédit litigieux pour constater que ce dernier avait été consenti en période suspecte, alors même que ces éléments sont de nature à caractériser une cessation des paiements. Par ailleurs, quelques jours après ce prêt du 4 octobre 2016, de nouvelles inscriptions ont été prises, notamment par l’URSAFF.

Enfin, les découverts des comptes de la société THD ouverts dans les livres du CIC étaient connus de ce dernier. Ainsi, c’est parfaitement conscient que la société WIS et la société BAC allaient déposer le bilan que le CIC a exigé des garanties, s’assurant le statut de créancier privilégié dont celui-ci n’aurait pu bénéficier au titre des premiers prêts accordés au groupe et des découverts des deux sociétés.

S’agissant de l’annulation du cautionnement du 4 octobre 2016, et plus précisément sur la politique de crédit ruineux qui a conduit THD à la liquidation. Le prêt litigieux a été souscrit 2 mois avant la cessation des paiements, et doit donc nécessairement être considéré comme ruineux, dès lors au surplus que le CIC ne pouvait ignorer la situation obérée de la société WIS et de la société BAC, ce prêt n’ayant été accordé que dans le but de consolider frauduleusement la position de créancier du CIC. Par ailleurs, le prêt du 4 octobre 2016 a maintenu la société THD dans une apparence de solvabilité qui l’a empêché de prendre des mesures adéquates qui auraient pu sauver l’entreprise, et a empêché celle-ci de trouver un repreneur.

S’agissant de l’annulation du cautionnement du 4 octobre 2016, et plus précisément sur la disproportion du cautionnement. Pour un même crédit, le CIC s’est fait consentir trois sûretés différentes, à savoir un nantissement de comptes bancaires, un nantissement sur le fonds de commerce de la société THD pour un montant de 1 020 000 euros, soit une somme plus élevée que le concours lui-même, et un cautionnement de la société WIS pour la totalité du montant du prêt, soit 850 000 euros outre les intérêts, commissions, frais et accessoires.

De plus, le CIC a exigé le remboursement par la société WIS, par lettre du 25 avril 2017, de la somme de 876 801,38 euros, majorée des intérêts à un taux de de 2,5% à compter du 14 avril 2017, alors que le taux d’intérêt applicable aux professionnels s’élevait à 0,90% à cette période.

Ainsi, il est manifeste que le CIC a accordé à la société THD un prêt que cette dernière n’était pas en mesure de rembourser, en contrepartie de garanties disproportionnées.

La Cour infirmera le jugement dont appel en ce qu’il a débouté la société WIS de sa demande d’annulation du cautionnement, manifestement fautif et entaché de fraude, souscrit par la celle-ci à hauteur du montant du prêt de 850 000 euros, outre les intérêts, frais et accessoires.

S’agissant du manquement du CIC à ses obligations, et plus précisément sur le manquement à son obligation d’information, de conseil et de mise en garde. Le tribunal ne pouvait déduire la qualité de caution avertie du dirigeant de la société WIS au regard du seul business plan communiqué par le CIC, celui-ci étant designer et n’ayant eu aucune expérience dans la gestion de restaurant-boucherie avant la création de la société BAC.

En tout état de cause, le CIC a manqué à son devoir de conseil indépendamment de la qualité de la caution, du fait de la disproportion du cautionnement au regard des facultés financières de la caution, ce montant couvrant 100% du concours octroyé à la société THD, outre les intérêts, commissions, frais et accessoires, et qui était doublé d’un nantissement de fonds de commerce de plus d’un million d’euros, excédant largement les capacités de paiement de la société WIS qui avait injecté quelques mois avant l’octroi du prêt litigieux 6 millions d’euros dans la société BAC afin de sauvegarder celui-ci. De plus, le cautionnement exigé par le CIC garantissait un crédit voué à l’échec dès l’origine.

La Cour infirmera le jugement dont appel en ce qu’il a débouté la société WIS de sa demande de dommages et intérêts pour manquement du CIC à son devoir de mise en garde. Statuant à nouveau, la Cour ordonnera au CIC de verser à la société WIS la somme de

850 000 euros, outre les intérêts courus sur le montant du capital exigible au titre du prêt du 4 octobre 2016, soit la somme de 880 039,26 euros, à titre de dommages et intérêts et ordonnera la compensation de cette somme avec le montant du prêt, tel que réclamé à la société WIS.

S’agissant du manquement du CIC à ses obligations, et plus précisément sur le manquement à son obligation de bonne foi et de loyauté. Le CIC avait le devoir d’alerter la société WIS et son dirigeant sur les risques encourus par l’engagement de caution. De plus, les formulations utilisées dans le contrat de prêt litigieux sont particulièrement équivoques, et le CIC n’avait soumis aucun projet d’acte de cautionnement préalablement à la souscription du prêt.

Ensuite, la déloyauté du CIC ressort incontestablement du montage frauduleux consistant à donner l’apparence d’un prêt alors qu’il s’agissait de prendre de nouvelles garanties sur le premier financement souscrit par la société BAC en 2015. En tout état de cause, le CIC a violé son obligation de bonne foi à l’égard de la société THD en soutenant artificiellement cette dernière, alors que celui-ci connaissait sa situation financière.

Si par extraordinaire la Cour décidait de ne pas annuler l’acte de cautionnement, elle jugera que le CIC a manqué à son obligation de bonne foi, de conseil et de loyauté et ordonnera le versement par le CIC de la somme de 850.000 euros (outre les intérêts courus sur le montant du capital exigible au titre du prêt du 4 octobre 2016 soit la somme de 880 039,26 euros) à titre de dommages et intérêts, ainsi que la compensation de cette somme avec le montant du prêt, tel que réclamé à la société WIS.

S’agissant du manquement du CIC à son devoir d’information annuelle. Le CIC a manqué à son obligation de communiquer l’ensemble des informations obligatoires prévues à l’article L. 313-22 du code monétaire et financier, ce que le tribunal a relevé en considérant que la lettre du 7 mars 2017 ne valait pas information de la caution. En outre, le CIC n’a pas pris la peine d’informer la caution dans le délai de 2 mois prévu à l’article R. 622-24 du code de commerce.

La Cour déchoira le CIC des intérêts en raison du comportement négligent de celui-ci. Si la Cour décidait par extraordinaire de ne pas condamner le CIC à réparer le préjudice subi par la société WIS du fait des manquements de celui-ci à son obligation de conseil et de mise en garde, et à son obligation de bonne foi et de loyauté, à hauteur de 850 000 euros (outre les intérêts courus sur le montant du capital exigible au titre du prêt du 4 octobre 2016), elle jugera que le manquement du CIC à son devoir d’information annuelle a causé un préjudice à la société WIS qui n’a pas pu déclarer sa créance au passif de la société THD, lequel préjudice sera évalué à la somme de 850 000 euros (outre les intérêts courus sur le montant du capital exigible au titre du prêt du 4 octobre 2016 soit la somme de 880 039,26 euros) correspondant à la perte de chance de ne pas avoir pu déclarer sa créance à temps.

S’agissant du caractère excessif de la pénalité prévue au contrat litigieux. La clause intitulée « Indemnité de recouvrement » insérée en page 9 du contrat de prêt du 4 octobre 2016 prévoit le versement d’une indemnité de recouvrement dans le cas où THD manquerait à l’accomplissement de son obligation et que « le prêteur se retrouve dans la nécessité de recouvrer sa créance par les voies judicaires ou autre », en versant une indemnité de 5% des montants dus. Ainsi, cette disposition revêt la qualification de clause pénale.

Si la Cour devait par extraordinaire confirmer le jugement dont appel et considérer que la société WIS est redevable d’une somme en sa qualité de caution au profit du CIC, elle jugera que l’indemnité de recouvrement revendiquée par ce dernier, qui revêt la qualification de clause pénale, est manifestement excessive et la réduira à 1 euro symbolique.

S’agissant de la prétendue disponibilité du montant correspondant au solde créditeur figurant sur le compte courant ouvert par THD dans les livres du CIC. Par courrier en date du 4 janvier 2017 adressé aux mandataires judiciaires, le CIC a annoncé qu’il entendait faire jouer la compensation selon les termes du contrat de prêt du 4 octobre 2016. Par courrier en date du 5 janvier 2017, l’administrateur judiciaire de THD a écrit au CIC afin que celui-ci ne bloque pas le compte bancaire et le maintienne actif provisoirement. Ainsi, le CIC devra apporter les éléments permettant de retracer les mouvements effectués sur ce compte depuis le 4 janvier 2017, et ce jusqu’à sa fermeture, et devra apporter les éléments relatifs à tout versement perçu à la suite de sa déclaration de créance, notamment à la suite de la vente du fonds de commerce du restaurant.

Si la Cour devait considérer par extraordinaire que la société WIS était redevable d’une somme en sa qualité de caution au profit du CIC, elle décidera que toute compensation effectuée par le CIC, d’un montant minimal de 12 906,66 euros, devra venir en déduction de ladite somme.

S’agissant de l’article 700 du code de procédure civile. La Cour condamner le CIC au paiement de la somme de 20 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 31 mars 2022, le CIC demande à la Cour de :

CONFIRMER le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 16 juillet 2020 à l’exception du prononcé de la déchéance des intérêts sur la créance de la société THD cautionnée par la société WIS ;

INFIRMER le jugement sur la déchéance des intérêts sur la somme de 828 068,10 euros en principal ;

En conséquence,

DECLARER la société WIS irrecevable et mal fondée à soulever que le prêt du 4 octobre 2016 constitue un soutien abusif par le CIC de la société THD ;

CONSTATER que la preuve du caractère fautif de l’octroi du prêt du 4 octobre 2016, qui ne constitue pas un crédit ruineux ni excessif, n’est pas rapportée par la société WIS ;

DIRE que le cautionnement de la société WIS, d’un montant équivalent au concours, n’est pas disproportionné audit prêt ;

JUGER que le CIC n’a pas commis de fraude dans l’octroi du prêt du 4 octobre 2016 ;

DIRE que la société WIS est une caution avertie qui disposait d’informations sur la solvabilité des sociétés du groupe que le CIC ignorait ;

JUGER que le CIC n’a pas violé l’obligation d’information, de conseil, de mise en garde et de loyauté à l’égard de la société WIS ;

JUGER que le CIC s’est conformé à l’obligation d’information annuelle de la caution ;

DIRE que la société WIS ne démontre pas de préjudice, ni de lien de causalité entre la faute invoquée et le prétendu préjudice ;

CONSTATER la validité de son cautionnement du 4 octobre 2016 ;

DEBOUTER la société WIS de ses demandes, fins et conclusions ;

En conséquence,

CONDAMNER la société WIS à payer au CIC la somme de 912 816,67 euros, outre intérêts à compter du 9 janvier 2019, qui est limitée au montant de 850 000 euros majoré des intérêts au taux légal du 14 avril 2017 au parfait paiement ;

ORDONNER la capitalisation des intérêts ;

CONDAMNER la société WIS au paiement de la somme de 20 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens ;

faisant valoir pour l’essentiel que :

S’agissant de l’absence de responsabilité du CIC sur le fondement de l’article L. 650-1 du code de commerce, et plus précisément sur l’absence de faute. En premier lieu, concernant l’absence de concours fautif, le prêt du 4 octobre 2016 a été consenti à la société THD dans le but de procéder à un refinancement des équipements de la grande cuisine [F] [I] à hauteur de 850 000 euros, et ainsi réaménager les lignes de crédit impliquant la reprise par la société THD des financements accordés à la société BAC les 2 et 19 novembre 2015, pour des prêts respectivement de montants de 400 000 euros et 700 000 euros, à des taux de 2% et 2,25%, et dont les encours s’élevaient à un montant total de 958 402 euros lors de l’établissement du prêt litigieux.

De plus, le crédit n’est ni ruineux, ni excessif, en ce que les montants ont été octroyés dans des conditions normales, et qu’il n’existait pas de risque pour la société THD du réaménagement du prêt au vu des liquidités détenues par celle-ci, du règlement des deux premières échéances, et du business plan de la société THD. Surtout, dans son jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société THD du 22 décembre 2016, le tribunal de commerce de Paris n’a fixé la date de cessation des paiements qu’au 7 décembre 2016, soit plus de 2 mois après l’octroi du prêt du 4 octobre 2016, établissant qu’à cette date la société THD pouvait rembourser le prêt. Par ailleurs, la société THD bénéficiait du soutien financier de la société WIS, tête de groupe, qui disposait de ressources considérables pour intervenir en cas de difficultés.

Enfin, le gérant de la société WIS, M. [E] [X], est également le président de la société THD et, dès lors, la société WIS qui est une société-mère de la société emprunteuse, est une caution dirigeante qui avait connaissance de toutes les informations concernant la situation financière des sociétés du groupe, et ne démontre pas les raisons exceptionnelles pour lesquelles elle n’aurait pas été informée de la situation financière de sa filiale.

A défaut de la démonstration d’un prêt fautif, la Cour ne pourra que confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a déclaré la caution mal fondée à soulever la disproportion de sa garantie.

En deuxième lieu, concernant l’absence de fraude du CIC, la société WIS ne démontre pas l’utilisation par le celui-ci de moyens déloyaux et n’établit pas que les garanties obtenues en garantie du prêt consenti constituent un avantage matériel indu.

La Cour déboutera la société WIS de sa demande.

En troisième lieu, concernant l’absence de disproportion du cautionnement de la société WIS, cette dernière ne produit aucun élément de nature à établir que sa garantie serait disproportionnée au prêt de 850 000 euros, le montant élevé du cautionnement n’étant pas suffisant dès lors qu’il correspond à celui du concours. De plus, le CIC était bien fondé à solliciter une inscription de nantissement sur le fonds de commerce de la société THD, compte tenu du risque de défaillance de la caution. Enfin, les comptes annuels de la société WIS au 31 décembre 2015 font apparaitre des capitaux propres de 27 588 164 euros, un actif immobilisé de 24 429 516 euros brut, un chiffre d’affaires de 2 119 549 euros et un résultat bénéficiaire de 573 125 euros.

La Cour constatera que les garanties accordées au CIC n’étaient pas disproportionnées au concours du 4 octobre 2016, et que celui-ci n’a pas commis de faute dans l’octroi du prêt.

S’agissant de l’absence de responsabilité du CIC sur le fondement de l’article L. 650-1 du code de commerce, et plus précisément sur l’absence de lien de causalité et de préjudice. La société WIS n’établit pas la matérialité du préjudice, le prêt ayant permis à la société THD de refinancer l’installation des cuisines haut de gamme et de réaliser son objet social.

Par ailleurs, la société WIS n’établit pas le lien de causalité. En effet, si celle-ci prétend que le CIC aurait entrainé l’ouverture de la procédure collective de la société THD et de la société BAC, ces deux procédures n’ont été ouvertes ensemble que parce que le tribunal de commerce de Paris a considéré le groupe comme un ensemble indissociable, ce qui a été également relevé par l’administrateur judiciaire. Ainsi, le redressement puis la liquidation judiciaire de la société THD ne sont pas reliés au prêt litigieux.

S’agissant de l’absence de responsabilité du CIC sur le fondement de l’article L. 650-1 du code de commerce, et plus précisément sur le rejet de la demande d’annulation du cautionnement de la société WIS. Dès lors que la société WIS ne démontre pas que la responsabilité du CIC puisse être engagée sur le fondement de l’article L. 650-1 du code de commerce, la Cour ne pourra que confirmer le jugement dont appel, rejeter cette demande et déclarer le cautionnement valide.

S’agissant de l’absence de violation par le CIC de son obligation au titre du devoir d’information, de conseil et de mise en garde. Tout d’abord, le concours n’est pas excessif par rapport aux capacités financières de la société THD, le prêt ayant été octroyé à des conditions normales dans le cadre d’une opération à l’échelle du groupe, et la société WIS, qui avait connaissance de la situation financière de la société THD, a qualité de caution dirigeante. Par ailleurs, la caution personne morale ne bénéficie pas de la protection de l’article L. 332-1 du code de la consommation, réservée aux personnes physiques.

Si la Cour estimait par extraordinaire que le prêt litigieux était excessif, elle constatera que le CIC n’était redevable d’aucune obligation de mise en garde à l’égard de la société WIS, caution avertie à la tête d’un groupe considérable ayant par le passé investi dans le développement d’autre activités à l’international, ne démontre pas que le CIC détenait des informations sur la situation financière de la société THD qu’il aurait ignorées lors de la souscription du cautionnement.

En toute hypothèse, la société WIS ne démontre pas la matérialité de son préjudice en tant que caution, qui ne pourrait en tout état de cause s’analyser qu’en une perte de chance de ne pas signer l’acte de cautionnement.

Si la Cour entrait par extraordinaire en voie de condamnation à l”égard du CIC, il lui appartiendra de limiter l’éventuelle indemnisation de la société WIS.

La Cour confirmera le jugement dont appel en déboutant la société WIS de sa demande visant à être indemnisée de la totalité des montants dont le paiement lui est demandé au titre de son cautionnement et de sa demande de compensation.

S’agissant de l’absence de violation par le CIC de son obligation de bonne foi. Tout d’abord, l’octroi d’un prêt à une société en situation irrémédiablement compromise en contrepartie de garanties complémentaires ne suffit pas à caractériser une fraude au sens de l’article L. 650-1 du code de commerce. De plus, le CIC s’est informé sur la situation financière des sociétés du groupe avant d’accorder le prêt litigieux, celui-ci produisant notamment le business plan de la société THD, preuve qu’il disposait des projections financières de cette société. Ensuite, l’absence de soutien abusif a préalablement été démontrée.

En toute hypothèse, la société WIS ne démontre pas le principe ni le quantum de son prétendu préjudice.

S’agissant du rejet de la demande de réduction du montant du cautionnement de la société WIS, et plus précisément sur la qualification de l’indemnité contractuelle. L’indemnité de recouvrement contenue dans le prêt litigieux a pour objet de faire assurer l’exécution de son obligation par la société THD, et ne peut s’analyser en clause pénale.

La Cour déboutera la société WIS de sa demande de réduction de l’indemnité contractuelle qui ne constitue pas une clause pénale. Si par extraordinaire la Cour estimait qu’il s’agissait d’une clause pénale, elle confirmera le jugement dont appel en ce qu’il a constaté que celle-ci n’était pas excessive, ne portant que sur 5% des montants dus et étant stipulée dans un prêt professionnel finançant des infrastructures dont l’exploitation génère un chiffre d’affaires, et non dans un prêt personnel.

S’agissant du rejet de la demande de réduction du montant du cautionnement de la société WIS, et plus précisément sur le rejet de la demande de compensation. La compensation du montant du cautionnement de la société WIS avec le solde créditeur de 12 906,66 euros de la société THD ne peut s’opérer compte tenu de la liquidation de cette dernière intervenue le 5 avril 2018, et du fait que le liquidateur judiciaire n’a pas été appelé dans la cause. Par ailleurs, cette somme figure aujourd’hui au crédit du compte n°3006 6109 47002 02012620101.

La Cour confirmera le jugement dont appel et déboutera la société WIS de sa demande.

S’agissant du rejet de la demande de délais de paiement. La créance du CIC a été réglée le 16 mars 2021, en conséquence cette demande n’est plus maintenue par la société WIS devant la Cour.

S’agissant de l’information de la caution. La lettre recommandée avec accusé de réception de mise en demeure de la société WIS comportait en annexe la déclaration de créance du 4 janvier 2017 au passif de la société THD, société cautionnée, et satisfait à l’obligation d’information annuelle puisqu’antérieure au 31 mars 2017. La société WIS a été d’autant plus informée de ses obligations de caution que la lettre recommandée avec accusé de réception du 25 avril 2017 par laquelle le CIC a prononcé la déchéance du terme comportait un décompte de la créance, et l’acte d’assignation du 4 juillet 2017 pour la présente instance valait également information annuelle. En outre, soutenir que le préjudice de la société WIS serait né par l’absence d’information annuelle des encours du prêt par le CIC ne lui aurait pas permis de déclarer sa créance au passif de la société THD n’est pas sérieux, M. [E] [X] étant gérant de la société WIS et président de la société THD.

En toute hypothèse, la société WIS ne démontre pas le principe ni le quantum de son prétendu préjudice.

La Cour confirmera le jugement dont appel en ce qu’il a débouté la société WIS de ses demandes de dommages et intérêts, et l’infirmera en ce qu’il a prononcé la déchéance des intérêts.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 5 avril 2022.

MOTIFS

La S.A.R.L. WIS, société holding gérée par M. [E] [X] qui y a notamment apporté les titres qu’il détient dans la société de lunetterie de luxe [X] International qu’il a créée puis cédée à la société Luxotica, détient 100 % du capital et président de la société par action simplifiée à associé unique Boucherie And Cow -BAC-, immatriculée le 25 octobre 2013 spécialisée dans l’exploitation (licence franchise) de fonds de commerce de viande haut de gamme et dans la restauration liée, laquelle détient les parts de trois filiales (THD St Germain, HD Japon) et la société filiale par action simplifiée à associé unique Les Tables d'[F] Desnoyez, société de gestion de contrat de licence, de restauration et vente à emporter, immatriculée le 27 octobre 2015, présidée par M. [X] et exploitant notamment un restaurant spécialisé dans la viande au marché Secrétan à Paris, 19ème arrondissement.

La société BAC avait en effet acquis le droit d’exploiter la marque d'[F] [I], boucher de renom international.

Les 2 et 19 novembre 2015, le CIC, banque habituelle de la société WIS, a consenti à la société Boucherie and Cow deux prêt, l’un de financement du lancement du restaurant Les Tables d'[F] Desnoyez de 700 000 euros remboursable en 7 ans au taux de 2,25 % moyennant des mensualités de 9 014,80 euros et le second de financement d’équipement de 400 000 euros remboursable en 5 ans au taux de 2 % moyennant des mensualités de 7 011,10 euros.

A l’automne 2016, des échanges ont eu lieu entre la banque et M. [X] pour le refinancement des deux prêts et ceux-ci, d’un encours de 965 000 euros ont été remboursés, d’une part, par le paiement immédiat d’une somme de (965 000 – 850 000) = 115 000 euros par la société BAC et l’octroi d’un nouveau prêt de refinancement de 850 000 euros remboursable en 6 ans au taux de 2,50 % moyennant des mensualités de 12 725,37 euros.

En garantie de ce prêt étaient consenti, outre le nantissement de compte bancaire prévu aux conditions générales et déjà prévu pour les deux prêts précédents :

– par la société holding WIS une caution solidaire à concurrence de la somme de 850 000 euros,

– le nantissement, en premier rang, du fonds de commerce de restauration de l’avenue Secrétan à hauteur de la somme de 850 000 euros.

Par jugements du 22 décembre 2016, à la suite d’une déclaration de cessation des paiements, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire des société BAC et THD avec fixation de la date de cessation des paiements au 7 décembre 2016.

Par jugements du 5 avril 2018, le tribunal de commerce de Paris a, d’une part, adopté un plan de redressement judiciaire de la société BAC en 9 ans et, d’autre part, prononcé la liquidation judiciaire de la société THD.

Le CIC a déclaré sa créance au passif de la société THD le 4 janvier 2017, mis en demeure la société WIS d’avoir à honorer son engagement de caution par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 mars 2017, puis a assigné cette dernière le 6 juin 2017.

La banque a initié diverses mesures provisoires de nantissements de parts de société détenues par la société WIS et d’hypothèques provisoires sur un bien immobilier lui appartenant.

La société WIS, à titre principal, poursuit l’annulation de son cautionnement à raison du caractère fautif de l’octroi du prêt garanti en vertu de l’article L 650-1 du code de commerce et, à titre subsidiaire, recherche la responsabilité de la banque pour manquement à des obligations de conseil, d’information et de mise en garde sur le risque encouru par la société THD résultant de l’octroi du prêt.

Sur le premier fondement, il résulte de l’article L 650-1 du code de commerce que la caution qui recherche la responsabilité de la banque à raison du caractère fautif du crédit octroyé à une société faisant l’objet d’une procédure collective doit démontrer la faute constituée par un soutien abusif ou un crédit ruineux et, en outre, la banque ne peut être tenue responsable du fait du concours ‘sauf le cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci’.

Il ressort des pièces produites que les deux prêts accordés à la société BAC étaient assortis d’une clause imposant à cette dernière de maintenir ses fonds propres au niveau dans son dernier bilan soit un montant minimum de 2 millions d’euros et, rétrospectivement, du rapport du commissaire aux comptes de la société BAC sur l’exercice 2015 que ‘la société n’a pas respecté au 31/12/15 le ratio financier prévu par ses contrats d’emprunt’.

Un échange de courriel est donc intervenu entre M. [C] [Y], préposé du CIC, et M. [X] qui a conduit au refinancement, tel que décrit ci-dessus, des deux prêts de la société BAC partiellement au moyen du nouveau prêt consenti à la société THD, sous les nouvelles garanties convenues.

C’est vainement que la société WIS invoque le caractère frauduleux de la prise de garanties – cautionnement et nantissement- du prêt accordé à la société THD alors que les deux précédents qu’il avait pour objet de rembourser et qui avaient été souscrits par la société mère BAC n’étaient pas ainsi garantis par la holding WIS, dès lors que la prise de ces garanties en contrepartie de l’octroi d’un crédit pour préserver les droits de la banque est licite et ne caractérise pas, en soi, une fraude ou une manoeuvre déloyale alors que le cautionnement est librement apporté par la société holding du groupe.

De même, la prise du nantissement sur le fonds de commerce de la société THD est une prise licite de garantie pas un établissement de crédit prêteur de deniers et ne peut s’analyser en une atteinte portée au principe de l’égalité des créanciers d’une société en procédure collective qui ne s’applique qu’à compter de l’ouverture de cette dernière.

Il ressort rétrospectivement des pièces produites et notamment du jugement du 5 juillet 2018 prononçant la liquidation judiciaire de la société BAC, qui possédait trois filiales, parmi lesquelles la société TDH, que ‘l’origine des difficultés de la structure provient principalement du caractère surdimensionné du laboratoire au regard du niveau d’activité, mais également des retards de règlement cumulés des différents clients de la société’.

Il doit être précisé qu’il s’agissait du laboratoire destiné à la vente en ligne de produits aux professionnels alors que c’est la société THD qui exploitait le vente en ligne des particuliers, en plus de son activité de restauration et de burgers.

A propos de cette dernière, le mandataire judiciaire expose qu’il a été mis fin à la vente en ligne exigeant la présence de trop de personnel (mais à une date postérieure à l’octroi du prêt qui n’est pas à considérer puisque la cour doit se placer à cette époque et ne considère ces pièces qu’en tant qu’elles rapportent des événements antérieurs) et que l’activité de restauration s’était heurtée aux difficultés inhérentes à l’exploitation du bail ‘ que les charges fixes, en particulier les loyers, apparaissent trop élevés au regard du chiffre d’affaires réalisé’. En effet, cette structure peine à trouver sa clientèle du midi dans la mesure où le ticket moyen se situe au niveau de 40 euros’.

Il doit être rappelé que l’établissement de l’avenue Secrétan n’a ouvert qu’au mois d’octobre 2015 et que c’est à juste titre que le tribunal a retenu qu’il ne pouvait être tiré aucune conclusions sur le caractère irrémédiable de la cessation des paiements :

– tant de ses comptes de l’année 2015 montrant un déficit de 500 000 euros puisqu’ils ne portent que sur deux mois d’exploitation et alors que le ‘business plan’ fourni à la banque exposait : ‘Les Tables. l’axe de développement le plus prometteur, qui réunit la boucherie et le restaurant dans un concept innovant. C’est l’univers de la marque [F] [I]’,

– que des soldes variables de ses comptes bancaires dans les livres du CIC oscillant de plus de 97 000 euros de crédit le 21 mars 2016 à la somme de 92 180,23 euros de débit au 6 juin suivant.

De même si des inscriptions de dettes sociales étaient le signe de difficultés connues de toutes les parties ainsi qu’il sera vu ci-après, la situation de la société THD n’apparaissait pas irrémédiablement compromise puisqu’à cette même date son solde créditeur de compte permettait le règlement des sommes.

Plus généralement, il doit être observé que le commissaire aux comptes se prononçant tant sur les comptes de la société BAC que THD avait constaté que, du fait du déficit important de la première sur son exercice 2015 et ses effets sur les ratios exigés par les banques les emprunts devenaient immédiatement exigibles mais que, d’une part, ‘l’associé unique a toutefois en date du 10 juin 2016 incorporé son compte courant au capital pour un montant de 6 M d’euros, portant ainsi la situation nette à plus de 2,4 M d’euros et permettant ainsi le rétablissement du ratio’ et que, d’autre part, ‘la société (BAC) n’a pas réalisé l’augmentation de capital en numéraire prévue lors de l’assemblée générale du 13 mai 2016″ et que ‘compte tenu du conditionnement de la continuité d’exploitation à la réalisation de cette augmentation de capital, il apparaît que sa non réalisation entraîne une incertitude faisant peser un doute sur la continuité d’exploitation’, qu’en outre s’agissant plus particulièrement de la société THD ‘en conséquence le soutien financier de Boucherie and Cow au profit de sa filiale les Tables d'[F] Desnoyers SAS est incertain. Il existe donc une incertitude sur la continuité d’exploitation de la société’.

Or la société WIS ne soutient pas que les sociétés BAC et THD ignoraient leur situation financières et la dépendance de la seconde à la première et c’est dans les conditions ainsi connues de toutes les parties que l’échange de courriels préalable à la conclusion du nouveau prêt litigieux a eu lieu entre le préposé du CIC et M. [X], au cours du mois de septembre 2016 et notamment celui du 19 septembre 2016 par lequel M. [Y] expose ‘en attendant ton RV avec la Banque Privée, j’avance de mon côté pour voir ce qu’il serait possible de faire(dont reprise des prêts BAC par THD’) puis celui du 26 septembre retracé ci-après :

‘[C] [Y] (CIC) :

« A- 2 virements de WIS vers les 2 comptes de BAC, pour couvrir les découverts des deux comptes (‘)

B- 2 virements de THD vers les 2 comptes BAC pour alimenter ces comptes et permettre ensuite de procéder au remboursement anticipé des 2 prêts BAC »

[E] [X] : « si je comprends bien il y aura un découvert sur THD de 965KE pendant plusieurs jours »

[C] [Y] (CIC) : « Exact, il sera remboursé par la mise à disposition du prêt qui ne peut venir qu’après remboursement des premiers (pas de cumul) »

[C] [Y] (CIC) : « C- après remboursement des prêts BAC, mise en place d’un prêt de 850k€ – 5 ans ‘ amort mensuel ‘ sur THD pour refinancer les travaux d’installation et les équipements ; (‘)

Les deux prêts en cours étaient initialement de 7 et 5 ans, soit durée restant à ce jour : 6 et 4 ans ‘ nouveau prêt de 5 ans : moyenne des deux (‘)

Deux infos complémentaires :

– Les comptes BAC sont aujourd’hui à -241 Ke et -169 Ke, suite au passage de paiements d’effets fournisseurs. Il faudra couvrir ces règlements

– Le prêt THD sera de 850Ke, par rapport à un encours BAC de 965 Ke : il faut aussi prévoir de couvrir cette différence » .

Ainsi que l’a retenu le tribunal, les conditions du nouveau crédit ne sont pas ‘ruineuses’ par rapport aux deux crédits initiaux compte tenu de leurs conditions respectives très similaires rapportées ci-dessus et il ressort de ce qui précède et de cet échange que c’est en toute connaissance de cause et notamment des difficultés financières, respectives mais liées, des société BAC et THD, que M. [X] a accepté, d’une part en sa qualité de président de la société THD de souscrire le prêt et en sa qualité de président de la société WIS, au demeurant détentrice de 100 % des parts de la société BAC, d’apporter le cautionnement exigé de WIS, et ce, aux fins de préserver leurs perspectives d’amélioration.

Enfin et contrairement encore à ce que soutient la société WIS, la prise de garantie cumulée, en contrepartie d’un prêt de la somme de 850 000 euros, du cautionnement de la société holding de l’emprunteuse dans cette limite – et non dans celle de la somme empruntée augmentée de 25 % ou 30 % pour couvrir le coût total du crédit – et d’un nantissement de son fonds de commerce à même hauteur ne revêt pas de caractère disproportionné mais correspond aux usages du financement de la quasi ouverture d’un restaurant comportant un concept novateur de couplage avec une vente en ligne de produits de boucherie.

Il résulte de tout ce qui précède que la société WIS, qui ne démontre pas le caractère irrémédiablement compromis de la société THD au moment précis de l’octroi du prêt – étant observé que la date de cessation des paiements n’a pas été avancée à une date antérieure à la déclaration d’appel faite le 7 décembre 2016 – et, en tout état de cause, ni la fraude ni le caractère disproportionné des garanties recueillies ni une quelconque immixtion dans les affaires de la société THD qui n’est pas étayée, doit être déboutée de sa demande tendant à voir déclarer nul son engagement de caution.

Sur le second fondement, subsidiaire, de nature à asseoir la responsabilité de la banque, il y a lieu de rappeler, de première part, que la caution qui recherche la responsabilité de l’établissement dispensateur de crédit pour avoir accorder un crédit excessif au débiteur principal poursuit l’indemnisation d’une perte de chance de ne pas avoir consenti le dit cautionnement sans être soumis aux conditions de l’article L 650-1 du code de commerce mais, de deuxième part, que la banque n’est tenue à une obligation de mise en garde qu’à la condition que le crédit ait créé un risque d’endettement excessif de la société financée et que la caution ne soit pas avertie.

Par ailleurs, et à défaut d’offre ou de stipulation particulière en ce sens, le CIC n’était pas débiteur en l’espèce d’une obligation de conseil envers la société THD et il n’est pas explicité en quoi elle aurait manqué à son obligation d’infirmation, l’entièreté des conditions du prêt mais aussi du cautionnement étant complètement et clairement communiquées après leur négociation.

S’agissant de la mise en garde, il doit être rappelé que la banque n’en est débitrice qu’à l’égard d’une caution profane, que le caractère averti d’une société commerciale, en l’espèce la société WIS, s’apprécie en la personne de son dirigeant et que c’est à juste titre que le tribunal a relevé, par des motifs qu’il suffit d’adopter, que M. [X] est une caution parfaitement avertie quant à la souscription d’un engagement de caution compte tenu de ses qualités d’homme d’affaire ayant développé une entreprise de stature internationale avant de diriger une holding d’investissement, de sorte que l’action indemnitaire ainsi fondée ne peut qu’être rejetée.

Les manquements imputés au CIC au titre de son obligation de bonne foi recouvrent ceux qui lui sont reprochés au titre son obligation de mise en garde et d’information dont le sort a été examiné ci-dessus, la demande ayant été justement rejetée par le jugement qui doit être confirmé sauf à préciser que la nature et l’étendue du cautionnement consenti n’ont pu échapper à M. [X] et que, dès lors que la situation financière de la société WIS n’est pas invoquée pour soutenir qu’elle ne serait pas en mesure de faire face à ses obligations et que son cautionnement était à l’origine d’un risque d’endettement excessif, le prétendu défaut de renseignement pris sur elle par la banque est indifférent à la solution du litige.

C’est à juste titre que le tribunal a rappelé que la sanction du défaut d’information annuelle de la caution prévue à l’article L 313-22 du code monétaire et financier était la déchéance du droit du créancier aux intérêts et il n’existe aucun rapport de causalité entre un manquement à ce titre du CIC et le défaut de déclaration de créance de la société WIS à la procédure collective de la société THD qui doit être faite, ainsi qu’elle le rappelle elle-même, dans les conditions prévues par l’article R 622-24 du code de commerce après publication de l’ouverture de la procédure au Bodacc, son abstention à cet égard avant étant sans aucun rapport avec le défaut d’information soit avant le 31 mars 2016 soit avant le 31 mars 2017.

C’est par de justes motifs que la cour adopte que le tribunal :

– a retenu qu’il n’était pas démontré au sens de l’article 2314 du code civil que la société CIC aurait fait perdre sa subrogation dans un droit préférentiel à la société WIS qui n’a, au demeurant, pas déclaré sa créance,

– a rejeté la demande de la société WIS au titre du caractère excessif de l’indemnité contractuelle constituant une clause pénale,

– a jugé qu’il n’y a pas lieu de déduire la somme de 12 906,66 euros figurant sur le compte bancaire de la société THD alors que l’effectivité de la compensation alléguée n’est pas démontrée puisque cette somme figure encore au crédit du compte dans le relevé du 8 janvier 2019,

– a déchu le CIC de son droit aux intérêts pour manquement à son obligation d’information dès lors que l’envoi des lettres n’est pas démontré et qu’il n’y est pas palier à suffisance, contrairement à ce que soutient le CIC, par la mise ne demeure du 25 avril 2017 postérieure au 31 mars et qui ne comporte pas toutes les mentions exigées notamment quant à la révocation du cautionnement ou par l’assignation, affectée du même vice à cet égard.

En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de débouter les parties de toute autre demande, de condamner la société WIS aux dépens d’appel ainsi qu’à payer à la société CIC la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE les parties de toutes leurs autres demandes au fond ;

CONDAMNE la société WIS à payer à la société Crédit Industriel et Commercial à payer à la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société WIS aux dépens de la présente instance.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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