Augmentation de capital : décision du 27 juillet 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 20/02010
Augmentation de capital : décision du 27 juillet 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 20/02010
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N° RG 20/02010 – N° Portalis DBVM-V-B7E-KO6V

C1

N° Minute :

Copie Exécutoire délivrée

le :

la SCP FICHTER TAMBE

la SCP ALIBEU & RAMBAUD-GROLEAS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE DES AFFAIRES FAMILIALES

ARRET DU MERCREDI 27 JUILLET 2022

APPEL

jugement au fond, origine tribunal de grande instance de Valence, décision attaquée en date du 5 février 2020, enregistrée sous le n° 19/02333 suivant déclaration d’appel du 6 Juillet 2020.

APPELANTE :

Madame [V] [U]

née le 3 Mars 1966 à BRUXELLES (BELGIQUE)

[Adresse 4]

[Localité 1]

représentée par Me Julien TAMBE de la SCP FICHTER TAMBE, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIME :

Monsieur [B] [M]

né le 22 Mars 1962 à CASABLANCA – MAROC

Domaine de Roustillan – La Gautiere

[Localité 3]

représenté par Me Christelle RAMBAUD-GROLEAS de la SCP ALIBEU & RAMBAUD-GROLEAS, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DELIBERE :

Mme Anne BARRUOL, Présidente,

Mme Martine RIVIERE, Conseillère,

Mme Christelle ROULIN, Conseillère,

DEBATS :

A l’audience publique du 17 mai 2022, Mme Anne Barruol, présidente, chargée du rapport, en présence de Mme Martine Rivière, conseillère, assistée de Abla Amari, greffière, a entendu les avocats en leurs conclusions, les parties ne s’y étant pas opposées, conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile. Il en a été rendu compte à la cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu à l’audience de ce jour.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [V] [U] et M. [B] [M] se sont mariés le 22 mai 2002 devant l’officier d’état civil de [Localité 3] (Drôme), sous le régime légal de la communauté réduite aux acquêts, à défaut de contrat de mariage préalable à leur union.

A la suite de la requête en divorce présentée par M. [M], le juge aux affaires familiales de Carpentras a notamment, par ordonnance de non-conciliation en date du 1er octobre 2008, s’agissant des mesures provisoires et relatives aux époux :

– donné acte à ces derniers de leur accord pour rencontrer Maître Pascale Petit, notaire à Mazan (84) en vue de l’élaboration de l’avant-projet liquidatif du régime matrimonial,

– ordonné une expertise comptable aux fins d’évaluation du GFA.

Le 1er octobre 2009, Maître Pascale Petit a rédigé un procès-verbal de difficultés dans lequel elle a recueilli les dires des parties et constaté que « les parties conviennent de ne plus se réunir tant que le divorce ne sera pas prononcé entre elles ».

Par jugement du 4 février 2013, le juge aux affaires familiales de Carpentras a notamment :

– prononcé le divorce des époux,

– ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux et commis pour y procéder le président de la chambre départementale des notaires du Vaucluse, aux fins de désignation d’un de ses confrères, et un magistrat de la chambre civile auquel il sera fait rapport en cas de difficultés,

– dit qu’en cas d’empêchement du magistrat ou du notaire commis il sera procédé à leur remplacement par ordonnance rendue sur simple requête,

– fixé la date des effets du divorce dans les rapports patrimoniaux entre les époux à la date de l’ordonnance de non-conciliation.

Le rapport d’expertise a été déposé au tribunal de grande instance de Carpentras le 9 octobre

2013.

Par jugement en date du 19 septembre 2018, le juge aux affaires familiales de Valence a déclaré irrecevable l’assignation en partage délivrée par Mme [U].

Par acte d’huissier en date du 31 juin 2019, Mme [U] a, à nouveau, assigné M. [M] aux fins de comptes, liquidation et partage devant le juge aux affaires familiales de Valence.

Par jugement contradictoire du 5 février 2020, le juge aux affaires familiales de Valence a principalement :

– rejeté la demande d’irrecevabilité des conclusions et pièces communiquées par M. [M],

– dit que les parts sociales du GFA Domaine de Roustillan et de la SARL Domaine de Roustillan sont des biens propres à chacun des époux,

– dit que la communauté ne détient aucun patrimoine foncier ni de valeurs mobilières au sein du GFA Domaine de Roustillan et de la SARL Domaine de Roustillan,

– dit que Mme [U] ne dispose d’aucune créance à l’encontre tant de la communauté qu’à l’encontre de M. [M],

– dit que la communauté ne dispose d’aucune créance à l’encontre de M. [M] au titre du remboursement de l’emprunt personnel souscrit pour l’acquisition des parts sociales du GFA Domaine de Roustillan,

– dit n’y avoir lieu à ouverture des opérations de comptes liquidation et partage du régime matrimonial de Mme [U] et M. [M],

– débouté Mme [U] de l’ensemble de ses demandes,

– débouté M. [M] de ses fins, prétentions et demandes plus amples ou contraires,

– condamné Mme [U] à payer à M. [M] la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Mme [U] aux entiers dépens,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.

Le 6 juillet 2020, Mme [U] a interjeté appel du jugement du 5 février 2020, en ce qu’il a rejeté la demande d’irrecevabilité des conclusions et pièces communiquées par M. [M], en ce qu’il a dit que les parts sociales du GFA Domaine de Roustillan et de la SARL Domaine de Roustillan sont des biens propres à chacun des époux, dit que la communauté ne détient aucun patrimoine foncier ni de valeurs mobilières au sein du GFA Domaine de Roustillan et de la SARL Domaine de Roustillan, dit que Mme [U] ne dispose d’aucune créance à l’encontre tant de la communauté qu’à l’encontre de M. [M], dit que la communauté ne dispose d’aucune créance à l’encontre de M. [M] au titre du remboursement de l’emprunt personnel souscrit pour l’acquisition des parts sociales du GFA Domaine de Roustillan, dit n’y avoir lieu à ouverture des opérations de comptes liquidation et partage du régime matrimonial, en ce qu’il a débouté Mme [U] de l’ensemble de ses demandes, et en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens.

Par conclusions notifiées le 1er juin 2021, Mme [U] demande à la cour de :

-infirmer le jugement rendu le 5 février 2020 par le tribunal judiciaire de Valence et statuant à nouveau,

– ouvrir les opérations de compte, liquidation et partage entre les ex-époux considérées comme complexes,

– renvoyer les parties par devant madame ou monsieur le président de la chambre des notaires de la Drôme ou son délégataire, aux fins de rédaction de l’acte de partage,

– dire que l’actif de la communauté est composé de la valeur des 3.000 nouvelles parts de la SARL Domaine de Roustillan créées au cours du mariage, selon évaluation du rapport d’expertise de la société Secoval en 2015,

– dire et juger que les prêts pour l’acquisition des parts sur le GFA La Gautiere (devenu GFA Domaine de Roustillan) et pour l’acquisition des bâtiments de la SARL Domaine de Roustillan ont été remboursés avec les deniers communs par l’intermédiaire du compte de la SARL,

– subsidiairement et en conséquence, et si par extraordinaire, la cour venait à considérer que les 3.000 parts de la SARL Domaine de Roustillan acquises au cours de l’union n’entraient pas dans la communauté [U]/[M], dire que M. [M] doit récompense à la communauté pour le financement par les deniers communs d’un bien propre, dont la valeur sera à parfaire,

– dire qu’il y a lieu à récompense due par la communauté à Mme [U] à hauteur de 30.000 euros, suite à l’apport au compte courant de cette somme propre,

– débouter M. [M] de toutes ses demandes,

– condamner M. [M] au paiement de la somme de 3.000 euros à titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner aux entiers dépens de la procédure.

Par conclusions notifiées le 17 décembre 2020, M. [M] demande à la cour de :

– confirmer en tout point la décision rendue par le tribunal judiciaire de Valence en date du 5 février 2020,

– débouter Mme [U] de ses demandes,

– constater que les parts détenues par M. [M] constituent des parts propres, ne pouvant donner lieu à partage, issues tant de l’acquisition préalable au mariage, que de l’augmentation de capital réalisée au moyen de fonds propres, et en conséquence, débouter Mme [U] de ses demandes,

– constater que les réclamations effectuées ne ressortent pas de la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux, et ne sont pas juridiquement fondées,

– condamner Mme [U] à verser à M. [M] la somme de 5.000 euros pour procédure abusive,

– condamner Mme [U] au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [U] aux entiers dépens.

Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application de l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’irrecevabilité des conclusions et pièces communiquées par M. [M], sur la créance de Mme [U] au titre de la rémunération qu’elle aurait dû percevoir en sa qualité de gérante

Vu l’article 954 du code de procédure civile;

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien des prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

Mme [U] qui a interjeté appel du jugement en ce qui concerne le rejet de sa demande d’irrecevabilité des conclusions et pièces communiquées par M. [M] et le débouté de l’ensemble de ses demandes ne présente aucune prétention sur ces questions dans ses conclusions, de sorte qu’il convient de confirmer le jugement entrepris sur ces point, en l’absence de débat.

Sur l’actif de communauté et les récompenses dues à la communauté par M. [M] :

Vu les articles 1402,1406 du code civil, 1434 et 1435 du code civil;

En application de l’article 1402 du code civil, tout bien meuble ou immeuble, est réputé acquêt de communauté si l’on ne prouve qu’il est propre à l’un des époux par application d’une disposition de la loi.

En application de l’article 1406 dudit code forment des propres, sauf récompense s’il y a lieu, les biens acquis à titre d’accessoires d’un bien propre ainsi que les valeurs nouvelles et autres accroissements se rattachant à des valeurs mobilières propres.

Sur les 3 000 parts de la SARL Domaine de Roustillan revendiquées par Mme [U] comme faisant partie de l’actif de communauté et subsidiairement comme donnant lieu à récompense à la communauté par M. [M] pour avoir été financées par des deniers communs,

Avant le mariage de Mme [U] et M. [M] contracté le 22 mai 2002, ont été passés les actes suivants:

Par acte sous-seing privé du 10 septembre 2001, Mme [U] et M. [M] ont créé la SARL Domaine de Roustillan à la Gautière, [Localité 2] au capital de 8 000 euros constitué de 80 parts, 8 parts détenues par Mme [U] et 72 parts par M. [M], pour 100 euros chacune, tous deux étant co-gérants de la SARL.

Par acte du 23 octobre 2001, Mme [U], M. [M] et son père, M. [E] [M], ont acquis 2 275 parts du GFA de la Gautière (devenu GFA Domaine de Roustillan), dont 2064 parts détenues par M. [M], 210 parts détenues par Mme [U] et 1 part détenue par le père de M. [M].

Par acte du 23 octobre 2001, la SARL Domaine de Roustillan a acquis de la SARL Domaine de la Gautière des constructions, plantations et ruchers, matériel, marque et label, récolte.

Il ressort de l’extrait de compte du notaire afférent à ces deux dernières opérations que l’acquisition au prix total de 1 678 548, 28 euros a été financée par M. [E] [M] (914 694 euros), par M. [B] [M] (304 898 euros) et par deux prêts souscrits auprès de la BNP, l’un par M. [M] et l’autre par la SARL Domaine de Roustillan.

Après le mariage de Mme [U] et M. [M], suivant procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire du 24 mai 2004, les associés de la SARL Domaine de Roustillan, soit Mme [U] et M. [M], ont décidé d’une augmentation du capital de la SARL pour un montant de 300 000 euros par l’émisson de 3000 parts (n°81 à 3080) de 100 euros chacune. Cet acte prévoit que cette augmentation est réservée à M. [M] en totalité, qu’il a libéré le montant de sa souscription par compensation du compte courant. Le rapport annexé au procès-verbal d’assemblée générale stipule expressément que ‘décision et réalisation d’une augmentation de capital social d’une somme de 300 000 euros par l’émission de 3 000 parts sociales nouvelles de 100 euros chacune, à libérer intégralement de leur valeur nominale par compensation avec des créances liquides et exigibles sur la société, à savoir le compte courant de M. [B] [M]’.

Mme [U] soutient que la valeur des parts 81 à 3080 doit intégrer l’actif de communauté à partager, M. [M] échouant à rapporter la preuve de ce que des fonds propres ont servi à les acquérir, la présomption de communauté s’appliquant donc à cette création. Elle indique que la valeur de ces parts a été estimée en 2013 suite à expertise entre 407 130 euros et 483 116,88 euros et estimée en 2015 suite à une expertise diligentée par elle à 445 110 euros. Selon elle, si M. [M] justifie de la vente de deux biens propres, il ne justifie pas que l’argent provenant de ces ventes a été affecté à l’acquisition des nouvelles parts sociales, la complexité de l’organisation financière ne permettant pas de tracer les sommes prétendument perçues par M.[M] et donc de justifier qu’elles aient servi à l’acquisition des parts.

Elle ajoute que l’acquisition des parts s’est faite par l’incorporation du compte courant d’associé qui n’est pas personnel à l’un ou l’autre, qui a été alimenté en continu par le compte-joint du couple, ce compte leur servant pour se rémunérer ou effectuer des dépenses personnelles et ayant été abondé par elle de 30 000 euros suite à la vente d’un bien propre. Elle liste ainsi un certain nombre de mouvements entre leur compte joint personnel et le compte bancaire de la SARL.

En toute hypthèse, elle indique que les revenus de propres étant communs, les sommes figurant sur le compte courant doivent être qualifiées de communes. L’incorporation de ces sommes communes a ainsi permis d’augmenter les biens propres de M.[M], de sorte qu’il doit récompense à la communauté qui a financé l’accroissement de ses biens propres.

Elle en conclut que la valeur des 3000 parts acquise lors du mariage constitue un actif indivis et à titre subsidiaire que M. [M] doit récompense à la communauté qui a financé l’accroissement de son patrimoine propre.

M. [M] expose que les parts du GFA ont été acquises avant le mariage et financées par lui ce que Mme [U] ne conteste pas et constituent à ce titre des biens propres. Il relève que Mme [U] n’a d’ailleurs pas libéré le montant de ses parts et est débitrice du GFA pour une somme estimée à 44 780 euros.

S’agissant des parts de la SARL Domaine de Roustillan, il fait valoir qu’elles ont été créées avant le mariage, que la détention de ces parts qui constituent des actifs propres à chacun des époux a été clairement déterminée lors de l’assemblée générale du 24 mai 2004 ayant affecté 3072 parts au bénéfice de M. [M] et 8 parts au bénéfice de Mme [U]. Il soutient que les parts libérées au titre de l’augmentation du capital ont été financées exclusivement par des fonds propres et ne peuvent donc être communes. Il s’en réfère à l’analyse de l’expert comptable qui établit l’origine des fonds et la libération des 300 000 euros par compensation de son compte courant propre.

Au surplus au visa de l’article 1406 du code civil et de la jurisprudence, il fait valoir que les parts nouvellement acquises ne sont pas distinctes des premières car c’est en raison de la détention antérieure d’actions que leur acquisition a été rendue possible, qu’en raison de ce lien de causalité, les parts acquises sont propres comme constituant un accroissement de parts acquises avant le mariage. Il ajoute que la présomption de l’article 1402 du code civil est combattue par les dispositions de l’article1406, qu’il a de surcroit justifié de l’origine propre des fonds investis dans cette acquisition et que le litige ressort des règles régissant le droit des sociétés et non de la liquidation du régime matrimonial.

Le premier juge a relevé à titre liminaire et à bon droit, que la présomption de communauté ne s’applique que pour les biens acquis après le mariage. Il s’ensuit que les parts sociales du GFA Domaine de Roustillan acquises notamment par Mme [U] et M. [M] avant le mariage sont propres à chacun des époux et que la communauté n’est en aucun cas composée des biens appartenant au GFA Domaine de Roustillan, personne morale distincte.

Concernant les parts sociales n°1 à 80, détenues par le couple dans la SARL Domaine de Roustillan créée avant le mariage, elles sont également propres à chacun pour avoir été acquises avant le mariage.

Le litige porte sur les parts n° 81 à 3080 résultant d’une augmentation de capital réalisée le 24 mai 2004, soit pendant le mariage, pour lequel le juge a fait une exacte appréciation des pièces du dossier.

Ainsi, en premier lieu, l’article 8 des statuts de la SARL Domaine de Roustillan, établis par acte constitutif du 10 septembre 2001 prévoit que le capital social peut être augmenté par création de parts nouvelles pouvant être souscrites et libérées notamment soit en numéraire, soit par compensation avec des créances liquides et exigibles.

En second lieu, il s’évince du procès-verbal de l’assemblée générale extraordinaire du 24 mai 2004 que les associés ont décidé d’une augmentation du capital d’une somme de 300 000 euros, à libérer intégralement de leur valeur nominale en numéraire ou par compensation avec des créances liquides et exigibles sur la société et qu’elles seront complètement assimilées aux parts anciennes et soumises à toutes ses dispositions statutaires. Aux termes de ce procès-verbal, les associés ont décidé que l’augmentation de capital était réservée à M. [M], en totalité, qui a libéré le montant de sa souscrition par compensation avec son compte courant d’associés, constitué de créances liquides et exigibles sur la société ainsi qu’il ressort de l’arrêt des comptes certifié par la gérance, étant rappelé que Mme [U] était co-gérante. Mme [U] a donc approuvé l’opération tant en ce qui concerne l’affectation des parts nouvellement créées que les modalités de paiement de leur prix par M. [M], à savoir par compensation de son compte courant d’associé.

Enfin, l’analyse comptable des pièces justificatives produites par M. [M], faite le 17 mai 2017 par M. [I], ayant la double qualité d’expert comptable et de commissaire aux comptes, retrace l’ensemble des opérations d’acquisition réalisées qu’il s’agisse du Domaine de la Gauthière et des parts du GFA, du financement de ces acquisitions, cette analyse s’appuyant sur le compte détaillé 7323 du notaire non susceptible de contestation. De même, ce professionnel explique la valorisation du compte courant de M. [M] au sein de la SARL domaine de Roustillan faisant suite au financement et à l’acquisition des immobilisations et des stocks de la SARL et aux frais d’acquisition réglés par M. [M] et son père, lequel compte courant s’élevait au 31 juillet 2002 à la somme de 653 0344,16 euros, puis au 31 juillet 2003 à la somme de 764 807,64 euros suite notamment à la vente de la SCI La Tourelle dont M. [M] était dirigeant et associé (120 000 euros), au crédit de 30 000 euros remis par le père de M. [M], au crédit de 30 000 euros en provenance de Mme [U]. Le solde de ce compte courant d’associé se chiffrait au 31 juillet 2004 à la somme de 394 026,02 euros suite notamment à l’augmentation de capital réalisée par M. [M] et libérée à hauteur de 300 000 euros au moyen de ce compte courant. Ainsi, hormis un apport en compte courant de 30 000 euros clairement identifié comme provenant de Mme [U], et malgré certains apports et retraits non identifiés car ne mentionnant ni donneur d’ordre ni bénéficiaire, le compte courant de M. [M], était principalement alimenté par des fonds propres, au point que même après le financement de l’augmentation du capital, M. [M] disposait d’une créance sur la SARL de 393 318, 42 euros composée de fonds propres tandis que celle de Mme [U] se chiffrait à 707 euros.

Il doit être ajouté, comme l’a relevé l’expert comptable, que l’augmentation du capital n’a eu d’autre but que de reconstituer les capitaux de la société globalement déficitaire, le résultat moyen de la SARL Domaine de Roustillan pour les années 2002 à 2016 étant déficitaire pour 24 549 euros.

En outre et comme l’a motivé à juste titre le premier juge, en application de l’article 1406 du code civil, les nouvelles parts sociales ont été attribuées à M. [M] en raison de sa qualité d’associé de la SARL Domaine de Roustillan constituant ainsi des valeurs nouvelles et autres accroissements se rattachant à des valeurs mobilières propres.

Quant aux flux financiers entre le compte bancaire personnel des parties et le compte de la SARL Domainede Roustillan, invoqués par Mme [U] pour justifier du financement de cette augmentation de capital au profit de M. [M] par des fonds communs, les dates auxquelles les virements dont elle fait état auraient été opérés, en 2006, 2007 et 2008, sont postérieures à l’opération et ne sauraient revêtir la moindre force probante.

En conséquence, au regard des motifs qui précèdent, le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit que Mme [U] ne dispose d’aucune créance tant à l’encontre de la communauté que de M. [M].

Sur la récompense due à la communauté revendiquée par Mme [U] au titre des prêts souscrits par M. [M] pour l’acquisition des parts sociales du GFA Domainede Roustillan et pour l’acquisition des bâtiments de la SARL Domainede Roustillan,

Un prêt de 228 673,53 euros a été souscrit par M. [M] le 24 décembre 2001 pour l’acquisition des parts du GFA la Gautière devenu GFA Domainede Roustillan, remboursable en 12 ans, garanti par un nantissement des parts sociales détenues par M. [M] au sein du GFA.

Un second prêt de 228 673,53 euros a été souscrit par la SARL Domainede Roustillan le 24 décembre 2001 pour l’acquisition des bâtiments et autres biens par la SARL Domaine de Roustillan auprès de la SARL Domaine de la Gautière, garanti notamment par la caution personnelle solidaire de M. [M].

Le remboursement du prêt souscrit par la SARL Domaine de Roustillan ne peut être visé par la demande de Mme [U], ce prêt ayant été souscrit par une personne morale distincte, les créances éventuelles invoquées au titre du remboursement de ce prêt ne relevant pas du règlement des intérêts patrimoniaux entre époux et de la liquidation de leur régime matrimonial.

Mme [U] soutient que le remboursement du prêt souscrit par M. [M] pour financer l’acquisition des parts du GFA intervenu à compter d’octobre 2002 soit après le mariage, a été effectué grâce aux deniers communs du couple par l’intermédiaire du compte de la SARL, M. [M] ayant donc financé un bien propre avec des deniers communs. Elle fait valoir que le compte courant d’associé appartient aux deux époux et a été alimenté par des deniers communs. Contrairement à la décision critiquée, elle estime qu’il ne lui appartient pas de prouver que les prêts ont été remboursés par des fonds communs mais, compte tenu de la présomption de communauté, c’est à M. [M] de prouver qu’il les a remboursés avec des fonds propres ayant transité par le compte courant d’associé. Elle en conclut que M. [M] doit donc récompense à la communauté à ce titre.

M. [M] fait valoir que son père et lui ont financé l’acquisition de la SARL et du GFA, que l’origine du financement a été précisé dans l’acte. Il ajoute que le compte courant d’associé nommé ‘[M]’ est issu de la vente de ses biens propres et que Mme [U] ne justifie d’aucun financement par la communauté.

La présomption de communauté vaut pour les biens acquis pendant le mariage, ce qui ne saurait être le cas pour les parts du GFA acquises avant le mariage et qui constituent des biens propres à chacune des parties à proportion de leurs droits respectifs. S’agissant de l’utilisation de fonds communs pour rembourser le prêt souscrit par M. [M] avant le mariage, comme l’a relevé à juste titre le premier juge, il appartient à Mme [U] de rapporter la preuve que les échéances de ce prêt souscrit avant le mariage ont été remboursées au moyen du compte joint, ce qu’elle échoue à faire. Au demeurant, comme il l’a été précédemment démontré les fonds ayant transité sur le compte courant d’associé de M. [M] ayant permis le financement des opérations provenaient de fonds propres.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit que la communauté ne dispose d’aucune créance à l’encontre de M. [M].

Sur la créance revendiquée par Mme [U] sur la communauté au titre du compte courant d’associé,

Mme [U] soutient avoir versé en août 2002 sur le compte courant d’associé la somme de 30 000 euros provenant de fonds propres issus de la vente de sa maison et revendique une récompense à ce titre.

M. [M] n’a pas précisément conclu sur ce point.

L’apport sur le compte courant de la SARL Domaine de Roustillan d’une somme de 30 000 euros par Mme [U] ne fait l’objet d’aucune contestation et est au demeurant mentionné en tant que tel dans l’analyse financière faite par l’expert comptable.

Le juge a, par de justes motifs, relevé qu’il s’agissait d’une créance détenue par Mme [U] à l’encontre de la SARL, personne morale distincte, et non de la communauté ni de M. [M], cette créance ne relevant donc pas de la procédure de liquidation du régime matrimonial.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la demande d’ouverture des opérations de comptes liquidation et partage  :

Au regard des motifs qui précèdent, il n’y a pas lieu d’ouvrir les opérations de compte, liquidation et partage des intérêts patrimoniaux et de l’indivision post-communautaire.

Sur la demande en dommages-intérês de M. [M] pour procédure abusive :

M. [M] sollicite la condamnation de Mme [U] à lui verser une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, faisant valoir qu’elle n’a de cesse de saisir et d’engorger les juridictions.

L’exercice d’une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol. En l’espèce, faute de rapporter la preuve d’une telle faute de la part de Mme [U], M. [M] sera débouté de sa demande de dommages-intérêts.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Le jugement de première instance sera confirmé en ce qu’il a condamné Mme [U] à payer à M. [M] une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamnée aux entiers dépens.

En cause d’appel, il est équitable d’allouer à M. [M] une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de laisser à Mme [U] la charge de ses frais irrépétibles.

Mme [U] sera également condamnée au paiement des dépens d’appel

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement du juge aux affaires familiales de Valence en date du 5 février 2020 en toutes ses dispositions frappées d’appel,

Y ajoutant,

Condamne Mme [U] à payer à M. [M] une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [U] aux entiers dépens,

PRONONÇÉ par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

SIGNÉ par la présidente Anne Barruol et par la greffière M.C. Ollierou, greffière présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La greffière La Présidente

M.C. OLLIEROU, A. BARRUOL

 


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