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C9
N° RG 20/04071
N° Portalis DBVM-V-B7E-KVFM
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
la SELARL CDMF AVOCATS
Me Charlotte ALLOUCHE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section B
ARRÊT DU JEUDI 08 SEPTEMBRE 2022
Appel d’une décision (N° RG 19/00029)
rendue par le conseil de prud’hommes – Formation paritaire de GRENOBLE
en date du 17 novembre 2020
suivant déclaration d’appel du 16 décembre 2020
APPELANTES :
Madame [O] [Z]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Madame [B] [H]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Madame [V] [L]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentées par Me Jean-Luc MEDINA de la SELARL CDMF AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Romain JAY, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMEE :
SAS JILL, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Charlotte ALLOUCHE, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,
et par Me Sandrine MOUSSY de la SELARL A PRIM, avocat plaidant au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Blandine FRESSARD, présidente,
M. Frédéric BLANC, conseiller,
Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, conseillère,
Assistés lors des débats de M. Fabien OEUVRAY, greffier,
DÉBATS :
A l’audience publique du 8 juin 2022,
Monsieur BLANC, conseiller, chargé du rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs observations.
Et l’affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l’arrêt a été rendu.
EXPOSE DU LITIGE’:
Par jugement du tribunal de commerce de Grenoble en date du 4 juillet 2013, la société MARESE a fait l’objet d’un plan de cession à la société JILL, filiale de CELIA, émanation du groupe Aubert, distributeur de produits pour enfants, les contrats de travail étant transférés.
La convention collective des maisons à succursales de vente au détail d’habillement est applicable dans l’entreprise.
Mme [V] [L] a été embauchée par la société Marese par contrat à durée indéterminée en date du 6 novembre 1989.
Elle était responsable logistique transport au sein de la société JILL et percevait au dernier état de sa relation contractuelle un salaire brut moyen de 2 926, 05 €.
Mme [B] [H] a été embauchée par la société Marese par contrat à durée indéterminée en date du 12 octobre 2007 en qualité de styliste infographiste.
En date du 15 février 2017, un avenant a été signé avec la société JILL, Mme [H] exerçant alors des fonctions d’acheteur adjoint.
Au dernier état de sa relation contractuelle Mme [H] percevait un salaire brut moyen de 2 326, 43 €.
Mme [O] [Z] a été embauchée par la société Marese distribution par différents contrats à durée déterminée, puis par contrat à durée indéterminée à compter du 26 octobre 2005.
Au dernier état de sa relation contractuelle, Mme [O] [Z] percevait un salaire brut moyen de 2 777, 39 €, pour des fonctions de contrôleur de gestion stocks inventaire.
Le comité d’entreprise a fait l’objet d’une information consultation le 20 juillet 2018 à raison d’un projet économique de réorganisation impliquant la suppression de trois postes.
Le 20 juillet 2018, la société JILL a remis à Mmes [L], [H] et [Z] un courrier accompagné de plusieurs propositions de reclassement dans l’optique de la suppression de leur poste, une réponse étant attendue avant le 1er août 2018.
Par courriers en date du 26 juillet 2018, les salariées ont été chacune convoquées à un entretien préalable en vue d’une mesure de licenciement économique.
Les entretiens préalables se sont tenus le 2 août 2018.
Le même jour, la société JILL a remis une lettre à Mmes [L], [H] et [Z] détaillant les motifs du licenciement économique envisagé ainsi que le bulletin d’adhésion au contrat de sécurisation professionnelle auquel ont adhéré Mme [L] le 7 août 2018, Mme [H] le 3 août 2018 et Mme [Z] le 8 août 2018.
Mmes [L], [H] et [Z], estimant que leurs licenciements pour motif économique de la société JILL sont dépourvus de cause réelle et sérieuse pour absence de motif économique et non-respect de l’obligation de reclassement, ont saisi le conseil de prud’hommes de Grenoble par requête en date du 11 janvier 2019.
La société JILL s’est opposée aux prétentions adverses.
Par jugement en date du 17 novembre 2020, le conseil de prud’hommes de Grenoble a’:
– dit que la SAS JILL fait partie intégrante du groupe formé par la SA GEST INVESTISSEMENTS
– dit que le licenciement économique de Mmes [V] [L], [B] [H] et [O] [Z] est justifié par une cause réelle et sérieuse
– dit que la SAS JILL a respecté l’ordre des licenciements
– débouté Mmes [V] [L], [B] [H] et [O] [Z] de leurs demandes
– débouté la SAS JILL de sa demande reconventionnelle
– condamné Mmes [V] [L], [B] [H] et [O] [Z] aux dépens
La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées dont les accusés de réception ont été signés le 21 novembre 2020 par Mmes [O] [Z] et [B] [H] et le 23 novembre 2020 par Mme [V] [L] et la SAS JILL.
Par déclaration en date du 16 décembre 2020, Mmes [V] [L], [B] [H] et [O] [Z] ont interjeté appel à l’encontre dudit jugement.
Mmes [V] [L], [B] [H] et [O] [Z] s’en sont remises à des conclusions transmises le 4 mai 2022 et demandent à la cour d’appel de’:
Vu l’article L. 1233-2 du code du travail,
Vu l’article L. 1233-3 du code du travail,
Vu l’article L. 1233-4 du code du travail,
Vu l’article L. 1235-3 du code du travail,
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
Vu les jurisprudences,
Vu les pièces,
Vu les faits,
Vu le jugement du 17 novembre 2020 de la section commerce du conseil de prud’hommes de Grenoble (RG F19/00029),
REFORMER le jugement de la section commerce du conseil de prud’hommes de Grenoble (RG : F19/00029) en ce qu’il a dit que les licenciements économiques de Mmes [V] [L], [B] [H] et [O] [Z] étaient justifiés par une cause réelle et sérieuse, en ce qu’il a dit que la SAS JILL a respecté son obligation de reclassement, en ce qu’il a débouté les appelantes de l’intégralité de leurs demandes et en ce qu’il les a condamnées aux entiers dépens ;
Statuant à nouveau :
DIRE ET JUGER que la société JILL fait partie d’un groupe dont le secteur d’activité ne connaît pas de difficultés économiques ;
DIRE ET JUGER que les licenciements de Mmes [V] [L], [B] [H] et [O] [Z] sont dépourvus de cause réelle et sérieuse en l’absence de motif économique ;
DIRE ET JUGER que la société JILL n’a pas respecté son obligation de reclassement ;
En conséquence :
CONDAMNER la société JILL au paiement des sommes suivantes :
Pour Mme [V] [L] :
– 60 000 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 2 000 € nets au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Pour Mme [B] [H] :
– 25 000 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 2 000 € nets au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Pour Mme [O] [Z] :
– 33 000 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 2 000 € nets au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER S.A.S JILL aux entiers dépens ;
La SAS JILL s’en est rapportée à des conclusions transmises le 27 avril 2022 et entend voir’:
Vu les articles L. 1233-3, L. 12334-4, L. 1233-41 et R. 1233-1 du code du travail
Vu les articles L. 1233-43 et suivants du code du travail
Vu la jurisprudence citée
Vu les pièces produites
Vu le jugement du conseil de prud’hommes de Grenoble du 17 novembre 2020,
DIRE ET JUGER que les licenciements de Mmes [V] [L], [B] [H] et [O] [Z] reposent sur un motif économique légitime,
DIRE ET JUGER que la société JILL a bien respecté les critères d’ordre de licenciement,
DIRE ET JUGER que la société JILL a effectué des recherches loyales et sérieuses de reclassement préalablement à la notification des licenciements de Mmes [V] [L], [B] [H] et [O] [Z]
EN CONSEQUENCE
CONFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Grenoble le 17 septembre 2020 en ce qu’il a dit que le licenciement de Mmes [V] [L], [B] [H] et [O] [Z] est justifié par une cause réelle et sérieuse,
CONFIRMER le jugement rendu par le conseil de Prud’hommes de Grenoble le 17 septembre 2020 en ce qu’il a dit la SAS JILL a respecté l’ordre des licenciements,
CONFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Grenoble le 17 septembre 2020 en ce qu’il a rejeté les demandes formées par Mmes [V] [L], [B] [H] et [O] [Z]
DEBOUTER Mmes [V] [L], [B] [H] et [O] [Z] de toutes leurs demandes, fins et conclusions à l’encontre de la SAS JILL,
CONDAMNER in solidum Mmes [V] [L], [B] [H] et [O] [Z] à verser à la SAS JILL une somme de 2 500 € au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens
Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l’article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures sus-visées.
La clôture a été prononcée le 5 mai 2022.
EXPOSE DES MOTIFS’:
Sur les licenciements’:
L’article L1233-3 du code du travail dans sa version en vigueur depuis le 1er avril 2018 énonce que’:
Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;
2° A des mutations technologiques ;
3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
4° A la cessation d’activité de l’entreprise.
La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise.
Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau de cette entreprise si elle n’appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.
Pour l’application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce.
Le secteur d’activité permettant d’apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits, biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.
Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l’une des causes énoncées au présent article, à l’exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants et de la rupture d’un commun accord dans le cadre d’un accord collectif visée aux articles L. 1237-17 et suivants.
Les difficultés économiques doivent s’apprécier à la date de la notification du licenciement.
Le licenciement économique justifié par des difficultés économiques sérieuses repose sur une cause réelle et sérieuse, sauf si ces difficultés économiques sont imputables à la fraude ou à des faits fautifs imputables à l’employeur.
Lorsque l’entreprise appartient à un groupe, les difficultés s’apprécient au niveau du groupe, dans la double limite du secteur d’activité auquel appartient l’entreprise et du territoire national, sauf fraude.
Les difficultés de l’entreprise ne peuvent donc suffire à justifier un licenciement économique si le secteur d’activité du groupe auquel elle appartient n’en connaît pas.
Les difficultés économiques du secteur d’activité doivent être réelles.
L’appartenance à un secteur d’activité résulte d’un faisceau d’indices, comme la nature des produits, la clientèle et le mode de distribution.
La spécialisation d’une entreprise dans le groupe ne suffit pas à exclure son rattachement à un même secteur d’activité, au sein duquel doivent être appréciées les difficultés économiques.
Il incombe à l’employeur de démontrer, dans le périmètre pertinent, la réalité et le sérieux du motif invoqué.
Lorsque la cause de la rupture doit être appréciée au niveau du secteur d’activité du groupe auquel appartient l’entreprise, la preuve de l’existence de ce secteur et de son périmètre pèse sur l’employeur qui doit communiquer les éléments permettant de déterminer sa consistance et sa situation.
A défaut, le juge n’est pas en mesure d’exercer son contrôle et de valider le motif économique.
Enfin, l’article L 1233-4 du code du travail énonce que le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
Pour l’application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce.
Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure.
L’employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l’ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret.
Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.
L’article D 1233-2-1 du code du travail détaille le contenu de l’offre de reclassement.
Si la preuve de l’exécution de l’obligation de reclassement incombe à l’employeur, il appartient au juge, en cas de contestation sur l’existence ou le périmètre du groupe de reclassement, de former sa conviction au vu de l’ensemble des éléments qui lui sont soumis par les parties.
En l’espèce, premièrement, la société JILL conteste le fait que les sociétés AUBERT et BABY 2000 appartiennent au même secteur d’activité au motif que AUBERT distribue essentiellement du matériel de puériculture et son offre est complétée par quelques articles textiles au profit des mamans et futures mamans et des bébés et jeunes enfants jusqu’à 3 ans maximum mais dans une très faible mesure (inférieure à 10 % de son chiffres d’affaires net HT) alors que la société JILL crée et distribue des vêtements pour enfants de la naissance à 14 ans.
Elle rappelle également que la société BABY 2000 est une société de droit suisse.
Si Mmes [H], [Z] et [L] indiquent dans un premier temps, dans leurs conclusions d’appel, que l’objectif poursuivi allégué du groupe était de renforcer les sociétés AUBERT et BABY 2000 au détriment de la société JILL, qualifiant les mesures prises de man’uvres pouvant se rattacher à une fraude, elles n’en tirent ensuite manifestement pas les conséquences nécessaires s’agissant du périmètre géographique d’appréciation du secteur d’activité du groupe puisqu’elles indiquent dans un second temps, dans leurs écritures (page 15/32), que «’la société BABY 2000 étant une société de droit suisse, il convient simplement de prendre en compte les données économiques de la société AUBERT FRANCE’» de sorte que la cour d’appel doit uniquement déterminer si les sociétés AUBERT FRANCE et JILL, qui appartiennent effectivement au même groupe, exercent pour autant dans le même secteur d’activité.
A ce titre, il est tout d’abord relevé que le commerce de détail n’est pas un secteur d’activité mais un mode de distribution de sorte que les moyens développés au titre des codes NAF, qui ne garantissent aucunement la réalité de l’activité effectivement exercée par une société dès lors qu’ils sont attribués par l’INSEE au regard de l’activité déclarée au registre du commerce et des sociétés, sont inopérants.
Toutefois, la nature des produits distribués par les entreprises AUBERT et JILL est en grande partie identique, à savoir les articles destinés aux parents de jeunes enfants, la clientèle est la même, à savoir les jeunes parents, et le mode de distribution est le même, à savoir le commerce de détail.
La société JILL ne fait qu’affirmer, sans produire le moindre élément, que la part du chiffre d’affaires des ventes textile de la société AUBERT représente moins de 10 % de son chiffre d’affaires HT nets.
Il est particulièrement significatif, à ce titre, que dans son offre de reprise de la société Marese déposée au tribunal de commerce de Grenoble, le groupe CELIA ait indiqué «’utiliser toutes les synergies possibles avec le groupe AUBERT comme la gestion des fichiers clients, la possibilité de transférer la clientèle AUBERT (0-24 mois) à MARESE (24 mois-14 ans)’» et que le projet industriel et commercial est de «’recentrer le concept autour de la marque’MARESE au détriment de OOXOO en développant MARESE à la fois sur la layette (0-12 m), le bébé (6m-3 ans) et l’enfant(2-14 ans) (‘)’».
Par ailleurs, quoique les arrêts de la cour d’appel de Grenoble du 22 novembre 2018 n’aient pas autorité de chose jugée dans le cadre des présents contentieux dès lors que les parties ne sont pas identiques puisque concernant d’autres anciennes salariées de la société Jill ni le même objet puisqu’il s’agit de licenciements collectifs pour motifs économiques d’août 2015 alors que les appelantes ont été licenciées en août 2018, force est de constater qu’il avait été alors considéré que notamment les sociétés AUBERT et JILL exerçaient dans le même secteur d’activité du groupe, sans qu’il ne soit allégué et encore moins prouvé que les conditions d’activité aient changé en l’espace de trois années et que les pourvois de la société JILL, ayant développés un moyen de cassation à ce titre, ont tous été rejetés par arrêts du 14 octobre 2020 par des décisions non spécialement motivées.
Il en résulte que les sociétés AUBERT et JILL appartiennent au même secteur d’activité du groupe, de sorte que l’élément causal des licenciements pour motifs économiques doit s’apprécier à cet échelon, la société JILL développant des moyens subsidiaires sur la réalité du motif économique au niveau du secteur d’activité JILL/AUBERT, quoiqu’il ne s’agisse pas du motif économique énoncé dans les documents remis aux salariées et dans ceux remis au comité social lors de la réunion d’information consultation du 20 juillet 2018, étant relevé qu’au visa de l’article L 1233-16 du code du travail le niveau d’appréciation des difficultés économiques n’a pas à figurer de manière obligatoire dans la lettre de licenciement.
Deuxièmement, la réalité des difficultés économiques sérieuses du secteur d’activité du groupe (JILL AUBERT) est suffisamment démontrée dans la mesure où de 2015 à 2017, le chiffre d’affaires cumulé des deux sociétés et prises séparément a diminué de manière significative (176 millions en 2015, 172 millions en 2016, 162 millions en 2017) et il est exact que les perspectives de l’année 2018 n’étaient manifestement pas bonnes puisqu’in fine le chiffre d’affaires cumulé au cours de l’année du licenciement s’est élevé à 149 millions.
Les résultats d’exploitation sont par ailleurs tous largement négatifs.
Contrairement à ce que soutiennent les appelantes, les capitaux propres de la société AUBERT n’ont pas augmenté de 2014 à 2017 mais ont légèrement diminué.
Il y a certes eu une augmentation des capitaux propres de la société JILL mais entre les années 2014 et 2015, soit 2 ans et demi avant les licenciements litigieux mais cela s’explique par une augmentation de capital par la SAS CELIA au bénéfice de la société JILL à hauteur de 2,5 millions d’euros’; ce qui est loin de remettre en cause les difficultés économiques mais les confirment de plus fort, dès lors que l’actionnaire a été contraint d’injecter des capitaux dans la filiale.
Il s’ensuit que l’élément causal des licenciements pour motifs économiques est établi.
Troisièmement, aucune faute ne peut être déduite des variations d’achat de marchandises au fil des exercices par la société JILL (8,7 millions en 2014, 10,7 millions en 2015, 4,3 millions en 2016, 2,9 millions en 2017) dès lors qu’il y a une hausse dans un premier temps puis une baisse, les appelantes indiquant que la société JILL a procédé à un changement de politique tarifaire en 2015 avec manifestement un repositionnement de gamme se traduisant par une augmentation des prix de 20 à 30 %’; ce qui est de nature à avoir des conséquences sur les achats de marchandises, qui ne sont pas exprimés en volumes mais en valeur dans les comptes de résultats et les bilans produits.
Ensuite, aucune fraude ou faute n’est établie s’agissant du prix de rachat des stocks par la SAS JILL de la société MARESE à la barre du tribunal de commerce le 4 juillet 2013 dès lors qu’il résulte du bilan économique et social que le commissaire-priseur a évalué les stocks à 2 millions d’euros et que l’offre de la société JILL à hauteur de 608 000 euros a été validée par le tribunal de commerce.
C’est donc à tort que les appelantes soutiennent qu’il y a eu une plus-value de 5,1 millions d’euros dans les deux premiers exercices non valorisés dans les comptes de la société JILL.
Par ailleurs, les appelantes ne démontrent aucunement que la signature d’une convention entre la société SICATEC et la société JILL le 8 juillet 2013 pour la recherche de fabricants à l’international, les achats et l’organisation des transports, y compris le dédouanement, moyennant une commission pour la société SICATEC de 11 % s’est faite dans des conditions anormales et au détriment des intérêts de la société JILL.
La société JILL établit ainsi que les relations commerciales avec la société SICATEC ont commencé avant même la reprise de la société MARESE ainsi que cela ressort d’un courriel du 1er mars 2013.
Par ailleurs, les appelantes ne commentent aucunement la pièce n°47 de l’intimée mettant en évidence une baisse continue des frais de transport et de douanes pour la société JILL de 2011 à 2016, étant relevé que cette dernière attribue, sans être démentie, la réalisation de ce document à Mme [L].
De plus, si les appelantes se prévalent du fait que la société JILL a absorbé un montant de stock invendu de la société AUBERT à hauteur de 420 000 euros de juillet 2013 à juillet 2015 et que la société CELIA facture un certain nombre de prestations à la société JILL, elles ne développent aucun moyen en défense utile, alors qu’elles ont la charge de la preuve de la faute à l’origine des difficultés économiques qu’elles allèguent, aux éléments précis avancés par la société JILL tenant au fait que les flux financiers de la société JILL vers d’autres sociétés du groupe sont largement inférieurs à ceux inverses (2,3 millions d’euros en 5 ans contre 12,1 millions d’euros) et que le montant facturé au titre des conventions de prestations de services au bénéfice des autres sociétés du groupe est largement inférieur à celui qui était prélevé par la société Holding SAS MARESE DEVELOPPEMENT à la société MARESE avant le rachat de cette dernière à la barre du tribunal de commerce par la société JILL.
Les appelantes développent ensuite des moyens hypothétiques et inopérants tenant au fait que la somme de 5,6 millions d’euros apportée par la SAS CELIA à la société JILL supposait un retour financier et que si la société JILL était maintenue dans le groupe, il y avait un intérêt financier à tout le groupe, dès lors qu’elles ne font pas la démonstration que cette opération financière était inhabituelle et anormale et faite au préjudice de la société JILL.
S’agissant des mouvements de personnel de direction présentés comme suspects par les appelantes, Mesdames [L], [H] et [Z] n’opposent là encore aucun moyen en défense à ceux développés par la société JILL, pièces à l’appui, selon lesquels, M. [E], représentant la société PROACTIVE, est à l’initiative de la cessation de la mission de prestations de service au profit de la société JILL selon courrier du 5 août 2014 et M. [W], directeur réseau, a fait l’objet d’un licenciement pour faute grave selon courrier du 21 juillet 2015.
Quatrièmement, les parties sont en désaccord sur le périmètre du groupe de reclassement, les appelantes soutenant que les recherches de l’employeur auraient dû s’étendre aux sociétés GST INVESTISSEMENTS et SICATEC.
Mesdames [L], [H] et [Z] exerçaient respectivement en dernier lieu les fonctions de responsable logistique transports, d’acheteurs adjoints et de contrôleur de gestion stock inventaire.
Contrairement à ce que soutient la société JILL, il y a incontestablement, d’après les pièces produites par les parties, une permutabilité du personnel avec la société SICATEC, dès lors que celle-ci avait notamment pour activité accessoire celle de commissionnaire, notamment pour la société JILL, consistant à rechercher des fabricants, de participer aux négociations, d’organiser le transport et de dédouanement sur le territoire français, autant de missions pouvant requérir les compétences d’un acheteur, d’un responsable logistique transports ou d’un contrôleur de gestion.
La société JILL produit ce qu’elle présente comme le registre des entrées et des sorties du personnel de la société SICATEC soutenant qu’il n’y a plus eu d’embauches dans cette société depuis le mois de septembre 2016.
La cour d’appel observe en premier lieu que l’entreprise SICATEC dispose notamment de salariés travaillant dans le service comptabilité, d’un responsable transport et d’un responsable ADV de sorte que la permutabilité du personnel est certaine.
En second lieu, la cour d’appel n’est pas mise en situation de vérifier l’affirmation de la société JILL selon laquelle la dernière embauche au sein de la société SICATEC date du 1er septembre 2016 dès lors que le registre du personnel produit n’est daté ni sur le document ni dans le bordereau de pièces de l’intimée et qu’il aurait utilement pu être produit la déclaration unique annuelle de données sociales de cette société du groupe pour les années 2017 à 2019.
Surtout, le registre d’entrées et de sorties du personnel de la société JILL n’est pas produit aux débats de sorte que la cour d’appel est laissée dans l’ignorance des mouvements de personnel intervenus de manière concomitante aux licenciements des salariées alors que, lors de la réunion du comité social et économique du 20 juillet 2018 portant sur les propositions de reclassement, l’employeur a répondu aux représentants du personnel que le contrôle de gestion allait être absorbé par des services en interne, sans autre précision, et que, surtout, l’employeur a admis pour partie qu’un responsable achats, embauché depuis seulement 9 mois allait reprendre les missions de la responsable logistique, de sorte qu’il était, au vu de ces circonstances, indispensable pour la juridiction d’être éclairée et informée sur les mouvements du personnel dans la société JILL de manière contemporaine aux licenciements collectifs pour motif économique.
Il s’ensuit que la société JILL ne rapporte pas la preuve suffisante qui lui incombe qu’elle a rempli loyalement son obligation de reclassement à l’égard de chacune des appelantes, nonobstant les propositions de reclassement faites aux salariées dans certaines des autres sociétés du groupe auxquelles elle avait de manière infondée limité le périmètre du groupe de reclassement, à savoir Aubert, Naos et Nordistrib, postes bien éloignés pour l’essentiel de leurs compétences (vendeuse, responsable de magasin, téléconseiller, emplois dans l’informatique, ouvrier d’entrepôt, assistant gestion personnel).
Infirmant le jugement entrepris, il convient de déclarer sans cause réelle et sérieuse, les licenciements respectivement de Mmes [L], [H] et [Z].
Sur les prétentions afférentes à la rupture des contrats de travail respectifs’:
Mmes [L], [H] et [Z] ne justifient aucunement de leur situation individuelle au regard de l’emploi postérieurement à la rupture de leur contrat de travail.
Au regard de leur ancienneté et de leur salaire, il convient en conséquence d’allouer les sommes suivantes à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse’:
– Mme [L]’: 29 260 euros bruts
– Mme [H]’: 16 300 euros bruts
– Mme [Z]’: 22 300 euros bruts
Le surplus des prétentions des parties de ce chef est rejeté.
Sur les demandes accessoires’:
L’équité commande d’allouer à Mmes [L], [H] et [Z] une indemnité de procédure de 1000 euros à chacune.
Le surplus des prétentions des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile est rejeté.
Au visa de l’article 696 du code de procédure civile, infirmant le jugement entrepris, il convient de condamner la société JILL partie perdante, aux dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS’:
La cour d’appel, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi’;
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions
Statuant à nouveau,
DÉCLARE sans cause réelle et sérieuse, les licenciements respectivement de Mmes [V] [L], [B] [H] et [O] [Z] notifiés par la SAS JILL
CONDAMNE la SAS JILL à payer les sommes suivantes à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse’:
– à Mme [V] [L]’: 29 260 euros bruts (vingt-neuf mille deux cent soixante euros)
– à Mme [B] [H]’: 16 300 euros bruts (seize mille trois cents euros)
– à Mme [O] [Z]’: 22 300 euros bruts (vingt-deux mille trois cents euros)
DÉBOUTE Mmes [L], [H] et [Z] du surplus de leurs prétentions respectives au principal
CONDAMNE la SAS JILL à payer les sommes suivantes à titre d’indemnité de procédure’:
– à Mme [V] [L]’: 1000 euros
– à Mme [B] [H]’: 1000 euros
– à Mme [O] [Z]’: 1000 euros
REJETTE le surplus des prétentions des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE la SAS JILL aux dépens de première instance et d’appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Blandine FRESSARD, présidente et par Mme Carole COLAS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière La présidente