Augmentation de capital : décision du 15 septembre 2022 Cour d’appel de Dijon RG n° 22/00266
Augmentation de capital : décision du 15 septembre 2022 Cour d’appel de Dijon RG n° 22/00266
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FV/IC

Société ANGEL GROUP CO. LTD

Société GAMING PARTNERS INTERNATIONAL CORPORATION

S.A.S.U. GPI FRANCE

C/

S.A.S. ONLIVE GAMING

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D’APPEL DE DIJON

2ème chambre civile

ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2022

N° RG 22/00266 – N° Portalis DBVF-V-B7G-F4S4

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé rendue le 09 février 2022,

par le juge des référés du tribunal de commerce de Dijon – RG : 2021004823

APPELANTES :

Société ANGEL GROUP CO. LTD anciennement dénommée ANGEL PLAYING CARDS CO. LTD, pris en la personne de son représentant légal domicilité en cette qualité au siège social sis :

[Adresse 7]

[Localité 17] JAPON

Société GAMING PARTNERS INTERNATIONAL CORPORATION prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis :

[Adresse 6]

[Adresse 8] – USA

S.A.S.U. GPI FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social

[Adresse 18]

[Localité 4]

représentées par Me Claire GERBAY, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 126

assistée de Me Mathilde COUSTEAU, membre de la SELAS BERSAY, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

S.A.S. ONLIVE GAMING prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis :

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Jean-Eudes CORDELIER, membre de la SELAS LEGI CONSEILS BOURGOGNE, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 31

assisté de Me Jonathan POLSKI, membre de la SCP BRAUNSTEIN & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 09 juin 2022 en audience publique devant la cour composée de :

Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, Président, ayant fait le rapport,

Sophie DUMURGIER, Conseiller,

Sophie BAILLY, Conseiller,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier

DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 15 Septembre 2022,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Le groupe japonais Angel (Groupe Angel) qui regroupe les sociétés Gaming Partners International Corporation (GPIC – société de droit américain) et Angel Group Ltd (Angel – société de droit japonais) depuis l’acquisition en mai 2019 par Angel de 100 % des titres de GPIC, est un fabricant et distributeur mondial de cartes et d’équipements pour les jeux de casino, fondé en 1949 et immatriculé en 1956, et il est l’un des leaders mondiaux du secteur du gaming (jeux d’argent, casinos, etc.).

GPIC est une entreprise mondialement reconnue, ayant son siège à Carson City dans le Nevada, spécialisée dans la fourniture de jetons et plaques de casinos, et plus généralement de devises, moyens de paiement et d’équipements de jeux de table pour les casinos du monde entier.

Elle a été formée aux termes d’une opération d’apport et d’échange de titres en date du 25 janvier 2002 entre la société Bourgogne et Grasset, fondée en 1923, et la société américaine Paul-Son Gaming Corporation. La société Bourgogne et Grasset est alors devenue une filiale opérationnelle française, située à [Localité 4], qui, depuis l’acquisition par Angel, a été rebaptisée Angel France, puis GPI France.

GPI France n’effectuait pas d’opération de recherche ou de développement pour des produits autres que des jetons et plaques de casino, et, depuis l’acquisition de GPIC par Angel, son activité est restée cantonnée à la conception et la fabrication de deux gammes de produits, à savoir des jetons américains et des plaques et jetons européens.

La SAS Onlive Gaming est une entreprise immatriculée au registre du commerce et des sociétés d’Aix-en-Provence, créée en juin 2013 par Messieurs [O] [V] et [Y] [S]. Elle a pour président la société New Tone Consulting, représentée par Monsieur [O] [V], et pour directeur général la société Lunarc, représentée par Monsieur [Y] [S].

Elle est spécialisée dans la fabrication et la conception de produits électroniques à destination de l’industrie du gaming permettant notamment l’identification des moyens de paiement utilisés (jetons, plaques, etc.), d’évaluer leur authenticité et de les dénombrer.

Dans le cadre du développement de ses activités, Onlive Gaming a conclu le 1er août 2013 un contrat de licence d’exploitation exclusive avec la société Rfidées pour une durée initiale de 6 ans. Cette dernière aurait en effet inventé et développé un design d’antenne RFID (Radio Frequency Identification) de lecture permettant d’annuler l’influence mutuelle d’antennes collées les unes aux autres. Ce système permettrait ainsi de réaliser des matrices d’antennes de lecture de haute qualité destinées à détecter sur des zones de lecture, notamment des tables de jeu, les éléments qui y sont disposés. Cette invention n’a cependant jamais été brevetée.

Aux termes de ce contrat, Rfidées a accordé une licence exclusive mondiale à Onlive Gaming sur sa technologie, néanmoins restreinte au domaine du gaming.

Par avenant en date du 12 février 2016, la durée du contrat de licence d’exploitation exclusive a été prorogée pour une durée de 25 ans.

Initialement, les produits conçus par Onlive Gaming étaient uniquement destinés au poker.

Un dirigeant de GPIC a rencontré ceux d’Onlive Gaming en 2014 à l’occasion d’un salon relatif au gaming au cours duquel ces derniers présentaient leur technologie.

GPIC, qui voyait dans cette technologie et le savoir-faire de Onlive Gaming un débouché pour ses propres produits, a convaincu cette dernière de développer des produits pour les tables de baccarat .

Appliquée aux tables de jeu, la technologie RFID permet de détecter les équipements incorporant une puce, comme des jetons ou des plaques, pouvant être lus selon cette technologie. Un tel équipement, qui se trouve sous le tapis de la table de jeu, permet aux casinos de déceler les éventuelles fraudes lorsque des équipements extérieurs sont introduits (faux jetons et fausses plaques), mais également d’avoir une image en temps réel des sommes misées par un seul joueur ou sur une table entière en comptabilisant le nombre de jetons ou de plaques disposés sur les différentes zones restreintes de mises d’une table de jeu.

Toutefois, plus les piles de jetons et de plaques sont hautes, plus le signal de détection doit être fort. Or il s’avère que les différentes zones de pari et de mises d’une même table de jeu sont parfois d’une proximité telle que certains jetons, disposés sur une zone adjacente à celle dont la lecture est souhaitée, peuvent être également lus lorsque la lecture vise une pile comportant un nombre important de jetons ou de plaques, faussant ainsi le décompte de la zone visée.

Pour éviter cette détection non souhaitée, il a été envisagé de mettre en place un appareil permettant d’annuler le signal de détection sur les zones adjacentes dont la lecture n’était pas requise par rapport à la zone voulue. L’application de la technologie de Onlive Gaming aux tables de baccarat présentait ainsi un attrait pour GPIC car ces tables présentent des zones de pari très proches, contrairement aux tables de blackjack ou aux tables de poker.

Les produits devant être développés par Onlive Gaming étaient donc destinés à remplir un tel objectif. Ils ne devaient pas inclure d’appareil de brouillage pour empêcher la lecture sur les zones non voulues, un tel dispositif ayant été déjà déposé aux Etats-Unis en février 2007. Selon les explications fournies au dirigeant de GPIC, la technologie d’Onlive Gaming utilisée par les produits reposait uniquement sur les antennes passives.

C’est dans ces conditions que le 27 août 2015, GPIC et Onlive Gaming ont conclu un Memorandum of Understanding destiné à établir les termes et conditions d’un futur accord de partenariat exclusif entre ces deux sociétés sur le développement des produits .

Il y était notamment prévu que GPIC ait le droit exclusif de commercialiser et distribuer mondialement dans le cadre de l’industrie du gaming les produits développés par Onlive Gaming. L’accord à intervenir devait porter sur l’utilisation de la ‘technologie de ‘matrices

RFID’ incluant un appareil RFID avec une antenne qui permet une annulation quasi-totale des interférences mutuelles entre antennes adjacentes, produisant ainsi des lecteurs et des zones de discernements de haute qualité, y compris des piles de vingt-cinq (25) jetons.’

A terme, le but était de développer, grâce au savoir-faire d’Onlive Gaming, un produit pour les tables de baccarat. En effet, GPIC disposait déjà d’une solution RFID relative à l’annulation d’interférences mutuelles, qui avait fait l’objet d’un dépôt de brevet mondial en 2011 intitulé Gaming Protecting Antennas From Electromagnatic Interferences (antennes de protection pour les jeux d’argent contre les interférences électromagnétiques) qui était appliqué pour des tables autres que celles de baccarat.

Le 17 février 2016, GPIC et Onlive Gaming ont ainsi conclu un contrat de partenariat pour la commercialisation exclusive d’un produit dans le domaine du gaming pour une durée de 25 ans.

Ce contrat expose que ‘ (Onlive Gaming) a développé à partir de l’Invention un savoir-faire, constitué par les connaissances, données techniques et secrets de fabrication se rapportant à la conception d’un Produit dans le domaine du Gaming (‘) (le “Savoir Faire”)’ et explique que ‘l’application de l’Invention au ‘Gaming’ inclut la lecture, l’écriture et la discrimination par zone de regroupement des objets équipés RFID tels que, mais non limité à, des jetons et plaques de casino, des cartes à jouer ou des dés’.

Le contrat précise que le Savoir-Faire acquis à partir de ladite Invention, ‘désigne les développements effectués par (Onlive Gaming) à partir de l’Invention constitués par les connaissances, données techniques et secret de fabrication se rapportant à la conception d’un Produit et matérialisés dans divers documents et supports.’.

L’article 1 du contrat dispose que le Produit est un ‘ensemble de Matrices installées et fonctionnant de concert sur une table de jeu ou tout autre mobilier utilisé dans le Gaming et interfacées avec les logiciels et autres systèmes de [GPIC]. (‘)’, et la définition des matrices n’inclut à aucun moment l’existence d’un appareil de brouillage.

Aux termes du contrat de partenariat, une sous-licence exclusive mondiale d’exploitation de l’Invention et une licence exclusive mondiale du Savoir-faire d’Onlive Gaming ont été accordées à GPIC afin qu’elle puisse exploiter les Produits intégrant des matrices d’antennes dans le monde entier.

L’Invention, le Savoir-faire et le Produit n’ayant pas fait l’objet de brevet, il était prévu qu’un brevet intitulé ‘ Système capable d’améliorer l’expérience des joueurs à une table de jeu’ serait déposé dans les 90 jours à compter de la signature du contrat de partenariat .

Par avenant en date du 29 mars 2019, les conditions financières de ce contrat seront amendées et, sur son fondement, il n’est pas contesté que GPIC a versé plus de 500 000 euros à Onlive Gaming.

A l’origine, GPIC n’avait envisagé qu’un partenariat commercial avec Onlive Gaming.

Néanmoins, en raison des difficultés financières d’Onlive Gaming et de ses demandes de financements, le 31 mai 2017 les associés d’Onlive Gaming ont conclu un pacte d’associés afin d’encadrer l’investissement de GPIC.

Ce pacte expose dans son préambule ‘Les Fondateurs se sont rapprochés pour faire entrer l’Investisseur dans le capital de la Société afin de permettre à la société de financer les tâches restantes dans le cadre du développement et de l’industrialisation du produit à la charge de la Société dans le contrat de Partenariat avec l’Investisseur décrit ci-dessus : le Projet’.

Le 1er juin 2017, il a été procédé à une augmentation de capital à l’issue de laquelle GPIC a reçu 20 % du capital social d’Onlive Gaming, correspondant à 2 500 actions nouvelles d’un montant de 1 250 euros accompagnées d’une prime d’émission de 159,50 euros par action, portant l’investissement total de GPIC à 400 000 euros.

Le 17 octobre 2018, Onlive Gaming a procédé à une nouvelle augmentation de capital au profit de GPIC. GPIC s’est vue accorder 833 nouvelles actions de 0,50 euro assorties d’une prime d’émission de 119,50 euros, pour un montant total de 100 000 euros. Concomitamment, Monsieur [Y] [S] a cédé 200 actions à GPIC pour un montant total de 32 000 euros.

Ainsi, GPIC possède à ce jour 26,5 % du capital social de Onlive Gaming.

Un avenant n°2 au pacte d’associés d’Onlive Gaming en date du 22 octobre 2018 a tenu

compte des changements intervenus du fait de ces opérations .

Les relations entre GPIC et Onlive Gaming se tendent à cette période.

Onlive Gaming fait état d’un procès-verbal de réception du 15 octobre 2018 qui, selon elle, montre l’imminence de la commercialisation du produit.

La société GPIC soutient qu’elle n’a reçu des prototypes de matrice d’antenne qu’en novembre 2018, et que les tests réalisés au casino de Pechanga aux Etats-Unis dont le prétendu succès a été mis en avant par Onlive Gaming, ne concernaient pas des tables de baccarat mais des tables de blackjack ; qu’elle a au surplus appris que l’argent qu’elle a investi a servi en réalité à augmenter la rémunération des dirigeants d’Onlive Gaming via des ‘pseudos contrats de sous-traitance occultes sans justification aucune, en totale violation du dispositif légal des conventions réglementées’ apparus dans les comptes arrêtés au 31 septembre 2018.

A la suite de l’acquisition de GPIC par Angel, cette dernière, depuis son centre de décision

japonais, a repris les discussions avec Onlive Gaming.

Les sociétés ont alors conclu un protocole d’accord aux fins de fixer les bases d’un futur contrat de partenariat. Ce Memorandum of Understanding, signé le 14 mai 2019, prévoyait notamment que Angel ou ses affiliés verserait à Onlive Gaming une somme de 25 000 euros par mois pendant une durée minimum de trois ans à compter de la signature du contrat de partenariat à conclure, outre une somme mensuelle de 5 000 euros à titre de royalties. Par anticipation, Angel a procédé au règlement de ces sommes en versant au total la somme de 171 059 euros .

Les prototypes de matrices d’antennes RFID envoyés à Angel aux fins de test dans le cadre du Memorandum of Understanding s’avèrent défectueux. De nombreux échanges interviennent alors entre les parties afin de régler les problèmes techniques.

Angel accepte néanmoins de régler à Onlive Gaming les royalties mensuelles de novembre et décembre 2019 ainsi que la commission de 25 000 euros pour le développement expérimental du mois de novembre 2019 .

A la même période, Angel, qui étudie un projet d’acquisition d’Onlive Gaming après avoir acquis GPIC, est informée que Rfidées a réclamé le paiement d’une indemnité de 102 000 euros à Onlive Gaming, lui reprochant l’absence d’utilisation de sa technologie depuis le 1er août 2013, l’absence de royalties dues en vertu du contrat de licence en raison de la résiliation de ce contrat et de la renonciation à tous droits sur la technologie développée avec Onlive Gaming, et les services de conseil prodigués à Onlive Gaming à propos des technologies RFID .

Onlive Gaming informe alors GPIC et Angel de l’existence d’un protocole transactionnel devant être mis en place avec Rfidées, en indiquant notamment que cette solution est ‘juste et la meilleure façon pour Angel d’être libre d’utiliser la technologie de Onlive Gaming sans avoir de problème futur avec Rfidées.’. Cette assurance laisse craindre à Angel que les produits d’Onlive Gaming n’enfreignent les droits de Rfidées et qu’en réalité la prétendue technologie développée par Onlive Gaming ne lui appartienne pas .

Angel reçoit alors de la part des dirigeants d’Onlive Gaming ( emails de Monsieur [O] [V] en date des 2 décembre et 5 décembre 2019, email de Monsieur [Y] [S] en date du 8 janvier 2020 ) des messages lui demandant de prendre rapidement position sur l’acquisition de l’intégralité des titres de cette société afin d’envisager la poursuite de la collaboration entre les deux sociétés.

En janvier 2020, à la suite d’études menées par GPIC et Angel pour comprendre l’origine de la défectuosité des matrices d’antennes à laquelle Onlive Gaming n’arrive pas à remédier, il apparaît que les échantillons de matrices et produits qui leur ont été fournis par Onlive Gaming enfreindraient un brevet US 7,612,675 déposé sur le territoire des Etats-Unis à partir de 2007.

Angel et GPIC confient à leur conseil américain le soin d’évaluer les risques de violations par les produits développés par Onlive Gaming pour leur compte. Ce dernier confirme la violation du Brevet US. En effet, le brevet US revendique : ‘un système de lecture avec au moins un objet ayant un appareil RFID programmable incorporé, l’objet étant disposé dans une région de lecture prédéterminée, le système comprenant une antenne de lecture disposée dans la région de lecture prédéterminée, l’antenne de lecture étant configurée pour transmettre un signal d’interrogation de lecture à au moins un objet disposé dans la région prédéterminée et recevoir un signal RFID d’au moins un objet en réponse au signe d’interrogation de lecture, et un appareil de brouillage disposé à proximité de l’antenne de lecture, le système de brouillage étant configuré pour générer un signal de brouillage qui empêche un appareil de lecture externe disposé en dehors de la région de lecture prédéterminée d’interroger au moins un objet disposé dans la zone lecture prédéterminée.’. Or, les produits d’Onlive Gaming contiennent une antenne de lecture sur le circuit imprimé inférieur ainsi qu’une antenne émettrice d’un champ électromagnétique constitutive d’un ‘appareil de brouillage’ au regard de l’anneau de blocage présent sur le circuit imprimé supérieur.

Une évaluation des produits d’Onlive Gaming par la société UL Japan conclut dans un rapport du 23 avril 2020 que les antennes passives d’Onlive Gaming n’apportent aucune amélioration sur la performance des produits, laquelle dépend en réalité entièrement de l’antenne de brouillage.

De ce fait, les produits d’Onlive Gaming tombaient dans le champ de l’invention revendiquée par le Brevet US et ne peuvent donc être intégrés dans les systèmes de GPIC, pour faire l’objet d’une commercialisation sur le territoire américain.

GPIC et Angel estiment alors avoir été victimes d’une tromperie, la contrepartie de leurs investissements financiers et de recherches s’étant avérée illusoire depuis l’origine de la relation à défaut de tout intérêt commercial de la technologie utilisée par Onlive Gaming.

Après échange de courriels entre les dirigeants des sociétés les 8 et 15 janvier 2020 concernant la question de la violation du brevet américain, le 20 janvier 2020, le conseil d’Onlive Gaming adresse directement à GPIC une mise en demeure aux fins de la voir payer diverses sommes notamment liées aux royalties ainsi qu’au développement expérimental.

Cette mise en demeure est assortie d’un délai de trois mois (soit fin avril 2020), à l’issue duquel le contrat de partenariat sera automatiquement résilié si GPIC ne s’exécute pas.

Par e-mail du même jour, les dirigeants l’Onlive Gaming annoncent la fin de la collaboration sans préavis et sans prendre en compte le délai de trois mois annoncé dans leur mise en demeure datée du même jour, entre Angel, GPIC et Onlive Gaming, et ils indiquent cesser la location de leurs bureaux.

Par ailleurs, dès le 15 janvier 2020, Onlive Gaming, par l’entremise de ses dirigeants, sollicite l’envoi d’un transporteur pour remettre le matériel informatique de GPIC et ainsi libérer les bureaux qu’elle occupe, sans que GPIC ou Angel ne sachent où cette dernière compte s’installer. Puis, le 23 janvier 2020, Monsieur [O] [V] annonce la fermeture des bureaux d’Onlive Gaming .

*****

Par ordonnance du 4 février 2020, le président du tribunal de commerce d’Aix-en-Provence autorise sur requête GPIC et Angel à faire procéder par voie d’huissier à des opérations de constat au sein des locaux de Onlive Gaming, New Tone Consulting et Lunarc, aux fins d’établir diverses preuves permettant notamment de nourrir un procès aux Etats-Unis.

Les opérations sont pratiquées le 7 février 2020, et les éléments constatés font l’objet d’un placement sous séquestre, seule leur nature étant mentionnée dans le procès-verbal de l’huissier commis.

La société Onlive Gaming ne formule aucun recours concernant cette mesure, et les documents sont toujours séquestrés à ce jour.

Postérieurement à ce constat, les seuls échanges qui ont lieu entre les sociétés concernent l’assemblée générale convoquée pour l’approbation des comptes sociaux d’Onlive Gaming pour l’exercice clos le 30 septembre 2019.

Initialement fixée au 30 juin 2020, cette assemblée s’est finalement tenue le 28 septembre 2020.

*****

Par requête du 10 juin 2021, la société Onlive Gaming demande au président du tribunal de commerce de Dijon, sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile de désigner un huissier aux fins de recueillir des preuves de ce que les sociétés GPIC et Angel continuent d’exploiter sa technologie en violation de ses droits.

Par ordonnance du 5 juillet 2021, le président du tribunal de commerce de Dijon désigne Maître [H] [W] et tous autres huissiers de justice membre de la SCP Laleve-Lepin-[W]-Bonasera, huissier de Justice à Dijon afin qu’ils se rendent au siège social de la Société Angel France [Adresse 18], et au besoin dans ses établissements annexes ou tous autres lieux où serait exercée l’activité de la société Angel France situés dans le ressort de sa compétence territoriale, en particulier :

– à l’établissement sis [Adresse 3],

– à l’établissement sis [Adresse 5],

– aux domiciles de Messieurs [D] [Z], [R] [X] et [E] [G] dans le cas où eux-mêmes ou leurs équipements, en particulier leurs ordinateurs et téléphones professionnels ne seraient pas présent dans les locaux de la société Angel France.

Les huissiers commis sont autorisés, ‘en conformité avec les dispositions légales susvisées’ (soit l’article 145 du code de procédure civile) à ‘procéder à la constatation des actes d’exploitation du savoir-faire et de la technologie de la société Onlive Gaming depuis le 21 septembre 2019, date à laquelle Monsieur [A] [K] avait indiqué qu’Angel était disposée à entrer en négociation pour le rachat des titres Onlive Gaming, à savoir notamment :

– rechercher la présence dans les locaux d’Angel ou au domicile des personnes susvisées du matériel développé par Onlive Gaming, en particulier des cartes électroniques Onlive Gaming, en démontant au besoin les plateaux de jeux si des tables sont présentes,

– rechercher, se faire communiquer et prendre copie de tous éléments justifiant du sort du matériel développé par Onlive Gaming, de son utilisation, de sa destruction ou de son expédition en tous lieux’.

Les huissiers sont également autorisés à se faire communiquer ou effectuer une copie sous forme papier ou sous forme numérique, sur support vierge, à partir de l’ensemble des documents papiers et de l’ensemble des ordinateurs, disques ou serveurs présents au siège social de la société Angel France ou en ses établissements ou autres lieux visés ci-dessus, des fichiers papiers ou informatiques conservés ou archivés depuis le 21 septembre 2019 jusqu’au jour de l’exécution de l’ordonnance constituée :

– des devis émis ou reçus par la société Angel France, des factures émises ou reçues par Angel France, de tous documents se rapportant à l’exploitation ou à des travaux de recherche et développement en lien avec la technologie Onlive Gaming, et de tous messages textes ou vocaux notamment échangés par l’intermédiaire de la messagerie Whatsapp se rapportant à l’exploitation ou à des travaux de recherche et développement en lien avec la technologie d’Onlive Gaming comportant un ou plusieurs des mots clés suivants : RFID, Matrix, OLG, Onlive Gaming, Faraday, Antenna, discrimination, Side bet, design, patent, Balun, relay, PCB, shielding, chip tray, licence agreement, jumper, passive, emitting, know-how, FR1853063, MOU, tuning, bros, duchene, knowledge, know-how, lunarc, newtone, LVS, Galaxy, prototype et copy.

– de l’intégralité des bilans, comptes de résultats, compte clients, grand livre des comptes de la société Angel France qui pourraient laisser apparaître des dépenses de recherches et développement en lien avec la technologie d’Onlive Gaming ou des revenus tirés de l’exploitation de cette technologie,

– de tous courriers électroniques se rapportant à l’exploitation ou à des travaux de recherche et développement en lien avec la technologie d’Onlive Gaming comportant l’un ou plusieurs des mêmes mots clés émis ou reçus par l’intermédiaire des adresses suivantes:

– [Courriel 12],

– [Courriel 14],

– [Courriel 16],

– [Courriel 9],

– [Courriel 12],

– [Courriel 15],

– [Courriel 10],

– [Courriel 22],

– [Courriel 19],

– [Courriel 21],

– [Courriel 13],

– [Courriel 20],

– [Courriel 11].

Les huissiers sont enfin autorisés à consigner les déclarations des intéressés et toutes paroles prononcées au cours des opérations en s’abstenant cependant d’interpellation autre que celles strictement nécessaires à l’accomplissement de leur mission.

Ils doivent prendre une copie en deux exemplaires, l’une destinée à la partie requérante afin d’utilisation dans le cadre d’une éventuelle procédure au fond et l’autre restant annexée au procès-verbal, de tous les fichiers et courriers électroniques identifiés en rapport avec leur mission, et dresser un procès-verbal de leurs opérations dont l’original restera à leur étude et la copie sera dénoncée à la société Angel France ‘ainsi qu’éventuellement à toutes les personnes visées par l’ordonnance dans un délai raisonnable de 72 heures à compter de la clôture des opérations.’.

Maître [U] [F] et Maître [H] [W] procèdent à leur mission le 15 septembre 2021.

Malgré les demandes du conseil des sociétés Angel et GPIC qui invoquent des risques de violation évidents de la confidentialité, du secret professionnel et du secret des affaires, les huissiers et le conseil de la société Onlive Gaming refusent de constituer un séquestre.

Le même jour, les conseils d’Angel France reçoivent un e-mail de la part de Monsieur [L] [J], dirigeant d’une société Salamandre avec lequel ils n’avaient eu jusqu’alors aucun contact, lequel se dit entièrement disposé à reprendre des discussions bilatérales sous le signe de l’amitié franco-japonaise et de la confiance.

Le 16 septembre 2021, un article est publié sur le site internet du quotidien Bien Public. Il fait état des opérations de constat, et les dirigeants de la société Onlive Gaming s’y expriment sur le contentieux les opposant au Groupe Angel.

Ce dernier en déduit que la mesure d’instruction in futurum n’a été requise et pratiquée que pour créer les conditions d’un chantage à son encontre permis notamment par l’absence de séquestre.

Le procès-verbal dressé par les huissiers instrumentaires est dénoncé le 17 septembre 2021. Selon le Groupe Angel, il fait ressortir la communication à Onlive Gaming d’éléments couverts par la confidentialité.

Autorisées par ordonnance du 15 octobre 2021 statuant sur requête à assigner la société Onlive Gaming en référé d’heure à heure aux fins de rétractation de l’ordonnance à une audience du 25 octobre 2021, les sociétés GPI France SAS, anciennement dénommée Angel France, Gaming Partners International Corporation et Angel Group Co.Ltd, anciennement dénommée Angel Playing Cards Co. Ltd, assignent en référé la SAS Onlive Gaming par acte d’huissier du 18 octobre 2021 devant le président du tribunal de commerce de Dijon.

Au visa des articles 145, 149, 493, 494 et 875 du code de procédure civile, elles lui demandent de :

– les recevoir en l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

– rétracter l’ordonnance rendue le 05/07/2021 en toute ses dispositions,

– annuler le procès-verbal de constat dressé le 15/09/2021 en exécution de la mesure d’instruction,

– ordonner à la SCP Sylvain Lalevé – Sandrine Lepin – [H] [W] – Aurélie Bonasera,

huissiers de justice associés, prise en la personne de Maître [U] [F] et de Maître [H] [W], et à la société Onlive Gaming de détruire les copies des documents appréhendés et d’en justifier,

– ordonner la publication de la décision à intervenir dans le quotidien Bien Public, aux frais d’Onlive Gaming, sans que cette publication ne puisse excéder 20.000 euros,

– condamner la société Onlive Gaming à la somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Onlive Gaming aux entiers dépens de l’instance.

Elles soutiennent que ni la requête ni l’ordonnance ne sont motivées quant aux circonstances justifiant de déroger au principe du contradictoire, que la société Onlive GK ne présente aucun motif légitime conformément à l’article 145 du code de procédure civile, et que la mesure d’instruction autorisée ne constitue pas une mesure légalement admissible.

La SAS Onlive Gaming demande pour sa part au président du tribunal, au visa des articles 145 et 493 et suivants du code de procédure civile, de :

– Débouter les société GPI France, Gaming Partners International Corporation et Angel Group de leur demande de rétractation de l’ordonnance attaquée,

– les débouter de leur demande de publication de la décision à intervenir,

– les condamner in solidum à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– les condamner aux entiers dépens de l’instance.

Par ordonnance de référé du 9 février 2022, le président du tribunal de commerce de Dijon :

– Confirme (sic) l’ordonnance sur requête rendue le 05/07/2021,

– Déboute les sociétés GPI France SAS, Gaming Partners International Corporation et Angel Group Co. Ltd de leur demande de rétractation de ladite ordonnance,

– Déboute les sociétés GPI France SAS, Gaming Partners International Corporation et Angel Group Co. Ltd de l’ensemble de leurs autres demandes, fins et conclusions,

– Condamne les sociétés GPI France SAS, Gaming Partners International Corporation et

Angel Group Co. Ltd à payer à la société Onlive Gaming la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du ,ode de procédure civile.

– Dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en tous cas mal

fondés, les en déboute,

– Condamne les sociétés GPI France SAS, Gaming Partners International Corporation et

Angel Group Co. Ltd en tous les dépens de l’instance, en ce compris les frais de greffe.

Pour statuer ainsi, le magistrat retient :

– sur l’absence de circonstances justifiant une dérogation en principe de la contradiction :

* que s’agissant de la motivation de l’ordonnance, il ressort d’une jurisprudence constante que l’ordonnance du juge répond à l’exigence de motivation lorsqu’elle est rendue sur pied de requête elle même parfaitement motivée, et qui fait sienne des motifs de cette requête; que si l’on reprend l’ordonnance rendue le 05/07/2021, elle vise expressément la requête  et les pièces versées, lui permettant ainsi d’adopter la motivation de la-dite requête,

* que s’agissant de la motivation de la requête, il n’appartient pas au juge du référé de statuer sur le fond, mais qu’il apparaît comme une évidence qu’une maîtrise d’une haute technologie et d’un savoir faire est l’enjeu de cette instance.

* que les sociétés demanderesses, pour ‘évincer la dérogation au principe du contradictoire’, estiment qu’aucun risque de dépérissement des preuves ou de nécessité de surprise n’est justifié ni même qu’aucun élément ne laisse craindre une dissimulation des-dites preuves par les sociétés Angel et GPIC, mais que toutefois la jurisprudence considère qu’il est justifié de déroger au principe du contradictoire lorsqu’il y a lieu de craindre que des documents ne soient détruits.

* que la requête de la société Onlive Gaming est particulièrement motivée concernant un risque de violation du savoir faire de cette société concernant la technologie qu’elle a su développer ; qu’en effet un certain nombre d’éléments ont pu faire craindre une disparition de ‘certaines pièces’ tendant à prouver une appropriation sans indemnisation de cette technologie par les sociétés Angel Group Co et la société GPI, comme en témoigne le mail en date du 02/02/2019 du directeur de GPI SAS et qui rapporte la menace exprimée par le dirigeant de Angel Group de ‘ tout prendre et tout envoyer à son département Recherche & développement à Singapour.’ ;

* que cette crainte légitime a pu prendre tout son sens lorsque la société Angel Group a annoncé un plan social massif accompagné de la cessation d’une partie importante des activités du groupe en France, pouvant laisser penser à une délocalisation et un désengagement au profit d’un rapatriement de la production et du R&D en Asie.

– Sur l’absence de motifs légitimes :

* qu’il est certain que personne ne peut contester le litige entre les parties et les différentes

motivations et justifications de chacune d’elles; qu’en effet le contrat conclu entre les parties prévoyait, en ses articles 21.1 et 21.3, que la résiliation du-dit contrat entraînerait l’interdiction pour les sociétés Angel et GPI d’exploiter la technologie de la société Onlive Gaming.

*que vu le contexte de pression et de tension qui s’opère entre les parties, les termes mêmes du contrat qui les lie, et le danger de son non-respect, constituent en eux mêmes un motif légitime à agir en justice.

* qu’il convient de constater que les sociétés demanderesses elles mêmes ont utilisé ce droit à agir en requérant une mesure similaire au président du tribunal de commerce d’Aix en Provence envers la société Onlive Gaming, sans que cette mesure d’huissier n’ait été utilisée pour instruire une instance au fond.

* que la société Onlive Gaming avait un intérêt à agir et des motifs légitimes afin de requérir ces mesures d’huissier.

– Sur la légalité de l’ordonnance (sic) :

* que selon les sociétés GPI France, Gaming Partners International Corporation, et Angel Group Co Ltd, le champ de l’ordonnance serait trop large et permettrait à l’huissier de constater des documents qui n’étaient pas en rapport avec sa mission ;

* qu’elles exploitent un courrier de Maître [W] répondant à des inquiétudes concernant les éléments appréhendés mais qui affirme très clairement que les éléments saisis en lien direct avec sa mission ne représentent en aucun cas une atteinte ni disproportionnée, ni non justifiée au secret des affaires ; qu’en outre l’huissier n’a jamais manifesté auprès du président du tribunal de commerce de Dijon son incapacité, voir ses craintes, de ne pouvoir mettre en ‘uvre les termes de cette ordonnance au regard de la soi disant ‘largesse des termes’ de cette dernière ; qu’en tout état de cause il n’appartient pas à l’huissier, auxiliaire de justice, de commenter les mots clefs et termes de saisie contenus dans l’ordonnance, son devoir de réserve et son obligation d’exécuter les ordonnances présidentielles, sans considérations personnelles, devant prévaloir.

* qu’il convient de constater que les termes de l’ordonnance encadrent de manière exacte et précise les pouvoirs donnés à l’huissier, sans excéder le champ des mesures admissibles au sens des articles 222 à 284-1 du code de procédure civile.

* que de plus il ressort des débats que le choix des mots clefs est restreint et bien ciblé sur le litige, et qu’en aucun cas il paraît justifié de devoir en limiter le nombre ou leur nature.

* qu’il convient également de rappeler qu’aucun des documents visés dans la requête et l’ordonnance ne sont couverts par le secret des affaires, comme le confirme la lettre de l’huissier du 17/09/2021 au conseil des sociétés GPI France, Gaming Partners International

Corporation, et Angel Group Co Ltd .

– Sur la publication :

* que les demanderesses parlent d’un préjudice subi par la parution d’un article dans le journal local Le Bien Public au lendemain de la mesure d’huissier, mais qu’il n’est pas possible en l’état d’en rendre responsable la société Onlive Gaming.

* qu’en tout état de cause, le juge du référé, dans le cadre de la rétraction de l’ordonnance du président, ne peut statuer que sur la requête initiale et non sur des demandes qui excèdent cet objet.

******

Les sociétés Angel Group Co. Ltd, Gaming Partners International Corporation et SASU GPI France font appel par déclaration reçue au greffe de la cour d’appel le 1er mars 2022.

Par conclusions déposées le 7 avril 2022, elles demandent à la cour d’appel, au visa des articles 145, 149, 493, 494 et 878 du code de procédure civile, d’infirmer l’ordonnance de référé rendue le 9 février 2022, et, statuant à nouveau, de rétracter l’ordonnance rendue le 5 juillet 2021 par Monsieur le président du tribunal de commerce de Dijon en toute ses dispositions, d’annuler le procès-verbal de constat dressé le 15 septembre 2021 en exécution de la mesure d’instruction par la SCP Sylvain Lalevé – Sandrine Lepin – [H] [W] – Aurélie Bonasera, huissiers de justice associés, prise en la personne de Maître [U] [F] et de Maître [H] [W], ordonner à la-dite SCP et à la société Onlive Gaming de détruire les copies des documents appréhendés et d’en justifier.

Elles demandent également à la cour d’ordonner la publication de la décision à intervenir dans le quotidien Bien Public, aux frais d’Onlive Gaming, sans que cette publication ne puisse excéder 20 000 euros, et de la condamner à la somme de 20 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance.

Par ordonnance du président de chambre du 9 juin 2022, les conclusions déposées le 7 mai 2022 par la SAS Onlive Gaming sont déclarées irrecevables.

MOTIVATION :

Les appelantes soutiennent comme en première instance que ni la requête ni l’ordonnance sur requête ne sont motivées quant aux circonstances justifiant de déroger au principe de la contradiction ; qu’en tout état de cause, Onlive Gaming ne présente aucun motif légitime à obtenir la mesure d’instruction sollicitée, laquelle est en toute hypothèse disproportionnée par rapport aux intérêts en présence et ne constitue pas une mesure légalement admissible. Au visa de l’article 494 du code de procédure civile, elles exposent que le recours à la requête et la dérogation au principe du contradictoire sont subsidiaires et doivent rester exceptionnels ; que la justification doit s’opérer in concreto et être circonstanciée, étayée et précise par rapport aux faits de l’espèce, et que cette justification doit être apportée dès le stade de la requête, sans qu’il soit possible de combler cette carence a posteriori au stade de la rétractation. Elles ajoutent que, de jurisprudence constante, le risque de disparition ou de déperdition des preuves, la nécessité d’un effet de surprise et la nature des éléments à collecter ne caractérisent pas en eux-mêmes l’existence de circonstances justifiant de déroger au principe de la contradiction dès lors qu’ils ne sont étayés par aucune circonstance concrète et précise ; que de façon générale, l’objectif de conservation des preuves et d’efficacité de la mesure n’est pas non plus une circonstance justifiant en soi une dérogation au contradictoire puisqu’ils constituent l’objectif même du recours à l’article 145 du code de procédure civile.

Elles relèvent que l’ordonnance sur requête n’énonce pas les circonstances qui mériteraient de déroger au principe de la contradiction puisqu’elle ne vise que la requête, les pièces et l’article 145 du code de procédure civile Elle ajoutent que dans la requête, qui ne vise que l’article 145 du code de procédure civile, la justification de la dérogation au principe du contradictoire est énoncée dans un seul et unique paragraphe selon lequel ‘La dérogation au principe du contradictoire se justifie pleinement compte tenu du risque de dissimulation de ces éléments par Angel et GPI, et de leur utilisation de prétextes fallacieux pour évincer la requérante’.

Elles estiment que ces motifs ne peuvent pourtant pas servir de justification à la dérogation d’un principe aussi fondamental que celui du contradictoire ; que d’une part, l’utilisation alléguée de prétextes prétendument fallacieux ne constitue à l’évidence pas un motif permettant de déroger à la contradiction dans la mesure où aucun risque de dépérissement ou de nécessité de surprise des preuves ne peut s’en évincer ; que d’autre part, s’agissant du risque lui-même de dissimulation par Angel et GPI, aucun élément laissant craindre une telle dissimulation n’est évoqué dans la requête.

Elles relèvent que, de surcroît, le risque de dissimulation est imputé aux entités ‘Angel’ et ‘ GPI’, respectivement situées au Japon et aux Etats-Unis et que, dans la mesure les huissiers ne sont intervenus que dans les seuls locaux de Angel France, ladite dissimulation n’aurait pu à la rigueur se justifier qu’à l’égard de cette dernière et d’elle seule ; qu’il n’est donc pas justifié que le prétendu risque de dissimulation provienne de la personne concernée par la mesure.

Elles soutiennent également que la formulation expéditive censée présenter les circonstances qui justifient de déroger au principe de la contradiction constitue une formule de style, dépourvue de tout caractère concret et propre au cas d’espèce ; que pas un seul élément ne vient au soutien de l’assertion péremptoire selon laquelle il existerait un risque de dissimulation des preuves, et que cette motivation lacunaire et non étayée est systématiquement sanctionnée par la jurisprudence.

Elles ajoutent enfin que la justification du recours au non contradictoire par un pseudo risque de dissimulation des preuves ne peut être considérée comme pertinente en l’espèce au regard de l’écoulement du temps depuis la naissance du différend entre le Groupe Angel et Onlive Gaming ; que soit le risque de dissimulation existe toujours, mais rien ne justifie de procéder par la voie non contradictoire dans la mesure où Onlive Gaming le laisse perdurer depuis près de deux ans, ce qui démontre qu’il n’existe pas une nécessité impérieuse de procéder par surprise, soit ce risque n’existe logiquement plus compte-tenu de l’écoulement du temps, ce qui encore exclut le recours au non contradictoire.

Elles reprochent au premier juge d’avoir tenté de combler les lacunes de la requête en formulant une nouvelle motivation au surplus erronée.

Reprenant point par point cette motivation, elles soutiennent qu’elle est particulièrement impropre à constater une justification de la dérogation au principe du contradictoire puisque :

– il n’appartient pas au demandeur à la rétractation de prouver l’absence de circonstances justifiant le non contradictoire, contrairement à ce que semble reprocher le magistrat,

– elle ne fait pas référence à une motivation exposée dans la requête,

– elle développe au contraire une motivation qui lui est propre alors que le juge de la rétractation doit uniquement se référer à la requête pour apprécier la justification ou non

du recours à la voie non contradictoire,

– elle indique qu’un ‘certain nombre d’éléments ont pu faire craindre la disparition de certaines pièces’, mais ne cite cependant qu’un seul et unique élément précédant de plus de deux ans la requête, à savoir un e-mail du 2 février 2019, qui ne peut pas être rattaché à Angel et qui est donc dénué de pertinence pour constituer une circonstance justifiant la dérogation au contradictoire. Elle vise également le plan social, lequel est parfaitement impropre à laisser craindre un prétendu risque de dissimulation de preuves dès lors qu’il est fondé sur une baisse significative et objective des carnets de commandes non pas sur un prétendu rapatriement à Singapour de la recherche et du développement de GPI France.

Sur ce,

Il ressort de la lecture de l’ordonnance en date du 5 juillet 2021 rendue au pied de la requête saisissant le président du tribunal de commerce de Dijon que cette décision est prononcée aux visas de ladite requête, des pièces qui y sont annexées et de l’article 145 du code de procédure civile. Conformément à la jurisprudence en la matière, le président s’est ainsi approprié les motifs exposés par la SAS Onlive Gaming qui constituent la motivation de sa décision.

Dans cette requête, la société Onlive Gaming, après avoir exposé ses rapports avec la société GPI, les négociations avec Angel suite au rachat de GPI, l’origine du litige survenu entre les parties, et la résiliation du contrat du 17 février 2016 dont elle précisait que, depuis, les sociétés Angel et GPI se trouvaient dans l’interdiction totale d’utiliser la technologie développée par elle, faisait état des opérations menées sur requête de ces dernières dans ses locaux sur autorisation du président du tribunal de commerce d’Aix en Provence, puis exposait ses craintes.

Elle expliquait que, dès lors que la société Angel avait cessé tout paiement et rompu toute relation commerciale sous un prétexte qu’elle qualifiait de fallacieux, elle craignait que les sociétés Angel et GPI poursuivent en réalité le développement de sa technologie en violation de cette interdiction et de leur obligation de loyauté en tant qu’actionnaire d’Onlive Gaming, ces craintes étant corroborées selon elle par des menaces relayées par Monsieur [E] [G] lors du rachat de GPI par Angel puisqu’il avait indiqué que cette société envisageait de rapatrier l’intégralité des travaux de recherche et de développement au sein de ses propres équipes, et par les termes des projets de contrats proposés par Angel et qu’elle avait refusés dès lors qu’ils permettaient à cette dernière de continuer à exploiter la technologie sans l’indemniser et sans respecter les conditions financières initialement négociées.

Elle ajoutait que ses craintes étaient également fondées sur l’absence d’indication par la société Angel sur la nature et les résultats des tests réalisés sur les matrices commandées depuis le mois de mai 2019, et sur le fait qu’alors que la société Angel indiquait qu’elle ne voulait plus exploiter la technologie d’Onlive Gaming en invoquant une prétendue contrefaçon d’un brevet américain, Monsieur [K] [A] demandait pour sa part des informations lui permettant de poursuivre les expérimentations en cours.

Elle faisait également état de l’annonce par voie de presse d’un plan social à l’occasion duquel les sociétés Angel et GPI auraient cessé une partie importante de leur activité au sein de leur filiale française et se préparaient à rapatrier l’essentiel de cette activité en Asie.

La société Onlive Gaming en concluait que, si ses craintes s’avéraient exactes, la responsabilité de la société GPI pourrait être recherchée tant sur le fondement de la violation du contrat du 17 février 2016 que sur la violation de son obligation de loyauté en tant qu’actionnaire, et que sur le plan pénal un abus de bien social pourrait lui être reproché. Elle soulignait que ces agissements étaient de nature à entraîner sa liquidation et sa disparition puisqu’elle se trouvait privée de toute ressource de GPI pour financer ses travaux de recherche et de développement et bloquée par le droit de veto de GPI pour l’essentiel des décisions inhérentes à la vie de la société telles que le développement de nouveaux produits ou l’entrée de nouveaux actionnaires.

Elle ajoutait que la responsabilité de la société Angel et la responsabilité personnelle de son dirigeant Monsieur [B] [N] pourraient elles aussi être engagées à ce titre sur le fondement délictuel.

Elle en déduisait qu’il était primordial que, dans la perspective des actions qu’elle entendait mener contre GPI et Angel, elle puisse recueillir des preuves de ce que ces dernières continuaient d’exploiter sa technologie en violation de ses droits, et que la dérogation au principe du contradictoire se justifiait pleinement compte-tenu du risque de dissimulation de ces éléments par Angel et GPI et de leur utilisation de prétextes fallacieux pour l’évincer.

Elle rappelait que ses interlocuteurs principaux étaient Messieurs [E] [G] et [A] [K], présidents successifs de la société GPI France devenue Angel France, et que les seuls échanges techniques qu’elle avait eux l’étaient avec Messieurs [G], [R] [X], [D] [Z], [C] [P] et [K] [A].

Elle estimait qu’il était légitime de penser, dès lors que ses craintes concernaient les sociétés Angel et GPI, qu’ Angel France, soit en possession d’éléments relatifs à ces travaux ou à tout le moins que des éléments aient transité par elle.

Dès lors que les documents à rechercher étaient susceptibles de se trouver dans des fichiers informatiques ou sur des supports de même nature, le risque de dissimulation de tels documents dans l’hypothèse de l’utilisation d’une procédure contradictoire n’est pas contestable, la technologie en permettant un effacement et une suppression très aisée.

Par contre, les appelantes relèvent à juste titre que la rupture des relations contractuelles est intervenue courant janvier 2020 et que, sans invoquer le moindre élément nouveau postérieur à cette rupture, la société Onlive Gaming a attendu le 10 juin 2021, soit près de 18 mois, pour saisir le président du tribunal de commerce de Dijon de la requête litigieuse.

Il s’en déduit nécessairement que la société Onlive Gaming, qui était dès janvier 2020 en possession de tous les éléments qu’elle invoque pour expliquer ses soupçons quant à un possible non-respect par les sociétés Angel et GPI de l’interdiction de poursuivre le développement de sa technologie, n’a pas craint pendant de nombreux mois que des éléments que la société Angel France serait susceptible de détenir en lien avec cette violation et qui remonteraient, pour les plus anciens, au 21 septembre 2019 soient détruits.

Force est de constater que la société Onlive Gaming ne fait état dans sa requête d’aucun élément contemporain de sa procédure expliquant qu’en juin 2021 elle ait soudain des craintes portant sur une dissimulation de preuve.

Il ressort de ces éléments qu’à tort le président du tribunal de commerce de Dijon, dans son ordonnance de référé, a estimé justifié le recours à une procédure non contradictoire. Cette décision ne peut en conséquence qu’être infirmée, et l’ordonnance sur requête doit être rétractée et la requête aux fins de constat d’huissier rejetée.

L’exécution de l’ordonnance rétractée ayant donné lieu à un article de presse dans lequel la position de la société Olive Gaming était exposée, les appelantes sont fondées à demander que le présent arrêt soit publié dans le même quotidien régional selon les modalités fixées au dispositif.

PAR CES MOTIFS :

Infirme l’ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Dijon du 9 février 2022,

Statuant à nouveau,

Rétracte l’ordonnance sur requête rendue le 5 juillet 2021 par le président du tribunal de commerce de Dijon,

Statuant à nouveau,

Rejette la requête aux fins de constat d’huissier en date du 10 juin 2021 déposée par la SAS Onlive Gaming,

En conséquence,

Annule le procès-verbal de constat dressé en exécution de l’ordonnance du 5 juillet 2021 le 15 septembre 2021 par la SCP Sylvain Lalevé-Sandrine Lepin- [H] [W]- Aurélie Bonasera, huissiers de justice prise en la personne de Maître [U] [F] et de Maître [H] [W],

Ordonne à la SCP Sylvain Lalevé-Sandrine Lepin- [H] [W]- Aurélie Bonasera, huissiers de justice, de procéder à la destruction des copies des documents appréhendés dans le délai d’un mois à compter de la signification du présent arrêt et d’en justifier auprès des sociétés GPI France, Gaming Partners International Corporation et Angel Group Ltd,

Ordonne la publication du présent arrêt dans le quotidien Bien Public aux frais de la SAS Onlive Gaming sans que cette publication puisse excéder 20 000 euros,

Condamne la SAS Onlive Gaming aux entiers dépens de première instance et d’appel,

Vu les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS Onlive Gaming à verser aux sociétés GPI France, Gaming Partners International Corporation et Angel Group Ltd 3 000 euros pour leurs frais irrépétibles.

Le Greffier,Le Président,

 


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