Augmentation de capital : décision du 9 novembre 2022 Cour d’appel de Bastia RG n° 21/00650
Augmentation de capital : décision du 9 novembre 2022 Cour d’appel de Bastia RG n° 21/00650
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Chambre civile

Section 2

ARRÊT N°

du 9 NOVEMBRE 2022

N° RG 21/00650

N° Portalis DBVE-V-B7F-CB4N

JD – C

Décision déférée à la Cour :

Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d’AJACCIO, décision attaquée en date du 29 Juillet 2021, enregistrée sous le n° 19/01129

[I]

Consorts [L]

C/

S.A. SOCIETE GENERALE

Copies exécutoires délivrées aux avocats le

COUR D’APPEL DE BASTIA

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU

NEUF NOVEMBRE DEUX-MILLE-VINGT-DEUX

APPELANTS :

M. [Y] [I]

né le [Date naissance 2] 1951 à [Localité 9]

[Adresse 16]

[Localité 4]

Représenté par Me Jean-Paul MATTEI de la SELARL CEGEXPORT, avocat au barreau d’AJACCIO, plaidant en visioconférence

M. [U] [L]

né le [Date naissance 6] 1935 à [Localité 9]

assisté de sa curatrice, Mme [S] [L], selon jugement de curatelle renforcée du 26 avril 2016

[Adresse 1]

[Localité 9]

Représenté par Me Jean-Paul MATTEI de la SELARL CEGEXPORT, avocat au barreau d’AJACCIO, plaidant en visioconférence

Mme [S] [L]

née le [Date naissance 3] 1964 à [Localité 9]

agissant en qualité de curatrice de M. [U] [L], selon jugement de curatelle renforcée en date du 26 avril 2016

[Adresse 1]

[Localité 9]

Représentée par Me Jean-Paul MATTEI de la SELARL CEGEXPORT, avocat au barreau d’AJACCIO, plaidant en visioconférence

INTIMÉE :

S.A. SOCIETE GENERALE

[Adresse 5]

[Localité 8]

Représentée par Me Sarah SENTENAC, avocate au barreau d’AJACCIO

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 8 septembre 2022, devant Judith DELTOUR, conseillère, chargée du rapport, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Jean-Jacques GILLAND, président de chambre

Judith DELTOUR, conseillère

Stéphanie MOLIES, conseillère

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Françoise COAT.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2022.

ARRÊT :

Contradictoire,

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Jean-Jacques GILLAND, président de chambre, et par Françoise COAT, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

PROCÉDURE

Par acte sous seings privés du 25 mars 2011, [E], [O] [R] s’est portée caution solidaire de l’ensemble des engagements souscrits par la S.A.R.L. Rive Sud TP au bénéficie de la S.A. Société générale dans la limite de la somme de 156 000 euros. Par acte sous seing privé du 11 octobre 2011, la S.A. Société générale a consenti à la S.A.R.L. Rive Sud TP un prêt d’un montant de 20 000 euros remboursable en 24 mensualités de 872,06 euros au taux d’intérêt contractuel de 4,40 %, taux effectif global annuel de 5,14 % . Par

acte sous seing privé du 3 février 2012, M. [U] [L] s’est porté caution solidaire de l’ensemble des engagements souscrits par la S.A.R.L. Rive Sud TP auprès de la S.A. Société générale dans la limite de 390 000 euros.

Suivant jugement d’ouverture de redressement judiciaire de la S.A.R.L. Rive Sud TP du 25 mars 2013, déclaration de créance du 11 avril 2013, par jugement du 3 novembre 2014 le tribunal de commerce a fixé la créance de la S.A. Société générale à la somme de “deux lettres de change du 10 janvier 2012 pour la somme de 45 000 euros chacune” et condamné la S.A.R.L. Rive Sud TP au paiement de 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Le 12 décembre 2016, la procédure de liquidation judiciaire ouverte au bénéfice de la société Rive Sud TP a été clôturée pour insuffisance d’actif.

[E] [R] est décédée le [Date décès 7] 2016 laissant pour lui succéder son fils M. [Y] [I]. Parallèlement, par jugement du 20 avril 2016, M. [U] [L] a été placé sous curatelle et Mme [S] [L] a été désignée curatrice.

Suivant courrier des 17 et 18 janvier 2017, les cautions ont été mises en demeure d’avoir à payer les sommes dues au titre des engagements de la S.A.R.L. Rive Sud TP et sommation interpellative du 24 octobre 2018, adressée à M. [I], en sa qualité d’ayant droit de [E] [R], d’avoir à indiquer s’il acceptait ou renonçait à la succession, par acte du 12 novembre 2019, la S.A. Société générale a assigné M. [U] [L] et sa curatrice ainsi que M. [Y] [I] devant le tribunal de grande instance d’Ajaccio pour obtenir notamment leur condamnation à lui payer la somme de 6 862, 85 euros avec les intérêts au taux contractuel de 4,40 % jusqu’à parfait paiement au titre du prêt et celle de 86 680 euros avec intérêts au taux légal jusqu’à parfait paiement au titre du jugement du 3 novembre 2014.

Par jugement du 29 juillet 2021, le tribunal judiciaire d’Ajaccio a :

– rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. [Y] [I] et M. [U] [L],

– déclaré parfaitement valables les actes de cautionnements de [E] [R] et M. [U] [L],

– condamné in solidum M. ‘[Y] et M. [U] [L]’ à payer à la Société générale au titre du prêt de 20 000 euros : la somme de 6 862,85 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 4,40 % courant jusqu’à parfait paiement et au titre du jugement du 3 novembre 2014 : la somme de 86 680 euros, outre les intérêts au taux légal courant jusqu’à parfait paiement,

– dit n’y avoir lieu à indemnité au titre de particle 700 du code de procédure civile,

– condamné M. ‘[Y] et M. [U] [L] aux dépens’,

– ordonné l’exécution provisoire,

– rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties.

Par déclaration reçue le 16 septembre 2021, M. [Y] [I], M. [U] [L] et Mme [S] [L], en qualité de curatrice de M. [U] [L], ont interjeté appel de la décision en ce qu’elle a :

– rejeté la fin de non-recevoir,

– déclaré parfaitement valables les actes de cautionnements de Mme [E] [R] et M. [U] [L],

– condamné in solidum M. [Y] [I] et M. [U] [L] à payer à la Société générale : au titre du prêt de 20 000.00 euros, la somme de 6 862,85 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 4,40 % courant jusqu’à parfait paiement et au titre du jugement du 3 novembre 2014, la somme de 86 680 euros, outre les intérêts légaux au taux légal courant jusqu’à parfait paiement,

– dire n’y avoir lieu à indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [Y] [I] et M. [U] [L] aux dépens,

– ordonné l’exécution provisoire,

– rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties, à savoir :

– prononcer l’irrecevabilité de l’action du fait de la prescription de sa déclaration de créances au passif de la procédure collective de la S.A.R.L. Rive sud TP,

– rejeter toutes les demandes et prétentions de la Société générale à l’encontre de Mme [O] [R] prise en la personne de son héritier M. [Y] [I] et M. [U] [I] représenté par sa curatrice Mme [S] [L],

– prononcer la nullité du consentement de Mme [O] [R] à la passation de l’acte de cautionnement d’un montant maximal de 156 000 euros pour absence de justification de la qualité réelle du signataire et pour réticence dolosive de la Société générale,

– constater que la Société générale a abusé de l’état de dépendance de M. [U] [L] et prononcer derechef la nullité de l’acte de cautionnement irrégulièrement souscrit par ce dernier,

– rejeter toutes les demandes et prétentions de la Société générale,

– condamner la Société générale ‘à payer la somme de 10 000 euros à chacune des parties et à titre de dommages et intérêts pour réparer le préjudice résultant du caractère éhonté de ses agissements à l’endroit de Mme [O] [R] et de M. [U] [L]

– condamner la Société générale à payer la somme de 10 000 euros à la S.A.R.L. Rive sud TP au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance’.

Par dernières conclusions communiquées le 3 avril 2022, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, M. [I], M. [L] et Mme [L], ès qualités, ont sollicité d’infirmer le jugement du tribunal judiciaire d’Ajaccio des chefs du jugement expressément critiqués, qui ont :

– rejeté la fin de non-recevoir,

– déclaré parfaitement valables les actes de cautionnements de Mme [E] [R] et M. [U] [L],

– condamné in solidum M. [Y] [I] et M. [U] [L] à payer à la Société générale : au titre du prêt de 20 000.00 euros, la somme de 6 862,85 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 4,40 % courant jusqu’à parfait paiement et au titre du jugement du 3 novembre 2014, la somme de 86 680 euros, outre les intérêts légaux au taux légal courant jusqu’à parfait paiement,

– dit n’y avoir lieu à indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [Y] [I] et M. [U] [L] aux dépens,

– ordonné l’exécution provisoire,

– rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties, à savoir :

– prononcer l’irrecevabilité de l’action du fait de la prescription de sa déclaration de créances au passif de la procédure collective de la S.A.R.L. Rive sud TP,

– rejeter toutes les demandes et prétentions de la Société générale à l’encontre de Mme [O] [R] prise en la personne de son héritier M. [Y] [I] et M. [U] [I] représenté par sa curatrice Mme [S] [L],

– prononcer la nullité du consentement de Mme [O] [R] à la passation de l’acte de cautionnement d’un montant maximal de 156 000 euros pour absence de justification de la qualité réelle du signataire et pour réticence dolosive de la Société générale,

– constater que la Société générale a abusé de l’état de dépendance de M. [U] [L] et prononcer derechef la nullité de l’acte de cautionnement irrégulièrement souscrit par ce dernier,

– rejeter toutes les demandes et prétentions de la Société générale,

– condamner la Société générale ‘à payer la somme de 10 000 euros à chacune des parties et à titre de dommages et intérêts pour réparer le préjudice résultant du caractère éhonté de ses agissements à l’endroit de Mme [O] [R] et de M. [U] [L]

– condamner la Société générale à payer la somme de 10 000 euros à la S.A.R.L. Rive sud TP au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance’

Statuant de nouveau,

À titre liminaire et avant toute défense au fond,

– prononcer l’irrecevabilité de l’action de la Société générale du fait de la prescription de son action en recouvrement de créances découlant de sa déclaration de créances au passif de la procédure collective de la S.A.R.L. Rive sud TP,

– rejeter, en conséquence, toutes les demandes et prétentions de la Société générale formulées à l’encontre de Mme [O] [R] prise en la personne de son héritier M. [Y] [I] et de M. [U] [L] représenté par sa curatrice Mme [S] [L],

Sur le fond,

– prononcer la nullité du consentement de Mme [O] [R] à la passation de l’acte de cautionnement d’un montant maximal de 156 000 euros, pour absence de justification de la qualité réelle du signataire et réticence dolosive de la Société générale,

– prononcer la nullité du consentement de M. [U] [L] à la passation de l’acte de cautionnement d’un montant maximal de 390 000 euros, pour absence de justification de la qualité réelle du signataire et réticence dolosive de la Société générale,

– juger que la Société générale a abusé de l’état de dépendance de M. [U] [L] et prononcer derechef la nullité de l’acte de cautionnement irrégulièrement souscrit par ce dernier,

– rejeter toutes les demandes et prétentions de la Société générale,

– ‘condamner la Société générale à payer la somme de 10 000 euros à chacune des parties et à titre de dommages et intérêts pour réparer le préjudice résultant du caractère éhonté de ses agissement à l’endroit de Mme [O] [R] et de M. [U] [L],

– condamner la Société générale à payer la somme de 10 000 euros à la S.A.R.L. Rive sud TP au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance’.

Ils ont soutenu la prescription des demandes, la banque ayant connaissance de l’incapacité de la S.A.R.L. Rive Sud TP à faire face à ses engagements, son action tardive les privant de la possibilité d’agir en remboursement contre cette société en application des dispositions de l’article L 643-11 du code de commerce, leur contestation de l’écriture et de la signature de [E], [O] [R], alors que la banque supporte la charge de la preuve de l’authenticité des signatures, le défaut d’information de [E], [O] [R] alors âgée de 77 ans, dont le cautionnement avait pour seul objet de réduire le niveau d’engagement pré-existant de la Société générale, la disproportion de l’engagement au regard des ressources et de M. [L] âgé et présentant une déficience mentale au moment de son cautionnement. Ils ont soutenu le retard volontaire à agir, leur causant un préjudice, les vices de forme affectant les actes de cautionnement, la nullité des cautionnements en raison de leur absence de justification, la réticence dolosive de la banque, qui ne prouve pas avoir informé les cautions de la situation du cautionné, l’abus de faiblesse de M. [L] et le défaut d’information et le manquement au devoir de mise en garde s’agissant de chacune des cautions, Mme [R] n’ayant pas exercé les fonctions de gérante même si elle avait été désigné à ce titre, la disproportion et leur demande de dommages et intérêts.

Par conclusions communiquées le 18 février 2022, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, la S.A. Société générale a sollicité de :

– confirmer le jugement,

– débouter Mme [E] [O] [R] et M. [L] de leurs demandes,

– la juger recevable en ses demandes,

– condamner in solidum, M. [Y] [I], en qualité d’ayant droit de [E] [O] [R] et M. [U] [L], assisté de Mme [S] [L], à payer les sommes ci-après : au titre du prêt de 20 000 euros la somme de 6 862,85 euros, avec intérêts au taux contractuel de 4,40 % courant jusqu’à parfait paiement et au titre du jugement du 3 novembre 2014, la somme de 86 680 euros, outre les intérêts au taux légal courant jusqu’à parfait paiement,

– condamner in solidum, M. [Y] [I], en qualité d’ayant droit de [E] [O] [R] et M. [U] [L], assisté de Mme [S] [L], à payer la somme de 4 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens de l’instance.

Elle a fait valoir l’absence de prescription des demandes, la régularité des actes de cautionnement, l’absence réticence dolosive et l’absence d’abus de faiblesse. Elle a soutenu l’absence de disproportion des cautionnements, le respect de son obligation d’information et l’absence de manquement au devoir de mise en garde en présence d’une caution avertie qui ne présentait aucun risque d’endettement excessif.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 1er juin 2022.

L’affaire a été fixée à plaider à l’audience du 8 septembre 2022. L’affaire a été mise en délibéré pour être rendu par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le tribunal a estimé pour statuer comme il l’a fait que la procédure collective avait interrompu la prescription, que l’écriture présente sur l’acte de prêt était identique à celle figurant sur le cautionnement, qu’aucune manoeuvre dolosive n’était prouvée, que le cautionnement et la dégradation de l’état de santé de M. [L] n’étaient pas concomitants, qu’il n’y avait ni insanité d’esprit, ni abus de faiblesse, la preuve du respect de l’obligation d’information annuelle de la caution était rapportée, la qualité de gérante de [E] [R] qui a fait voter une augmentation de capital et de M. [L] gérant un patrimoine déclaré de l’ordre de 4 000 000 d’euros et l’absence de preuve de la disproportion en considération du patrimoine des cautions.

La déclaration d’appel opère une confusion entre les chefs de jugement critiqués et les défenses opposées.

Sur la prescription

En application des dispositions de l’article L622-25-1 du code de commerce, la déclaration de créance interrompt la prescription jusqu’à la clôture de la procédure ; elle dispense de toute mise en demeure et vaut acte de poursuites.

La banque a déclaré sa créance le 12 décembre 2016, interrompant ainsi la prescription à l’égard de la caution, jusqu’à la clôture de la procédure. L’action engagée par acte du 12 novembre 2019, n’est pas prescrite. La fin de non-recevoir est écartée, le jugement confirmé et les appelants déboutés de leurs prétentions contraires.

Sur la validité du cautionnement de [E] [R]

En application des dispositions de l’article 287 du code de procédure civile, si l’une des parties dénie l’écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l’écrit contesté à moins qu’il ne puisse statuer sans en tenir compte.

Si les appelants dénient encore en cause d’appel l’écriture de [E] [R], décédée le [Date décès 7] 2016, l’écriture portée sur ce cautionnement donné le 25 mars 2011 à la S.A.R.L. Rive Sud TP au bénéfice de la banque est exactement identique à celle portée sur la fiche de renseignements remplie par [E] [R] le 14 mars 2011. Les signatures portées sur le prêt signé le 11 octobre 2011 par [E] [R], sont également identiques à celle figurant sur l’acte de cautionnement du 25 mars 2011, objet du litige. Malgré la très mauvaise qualité de la reproduction (pièce n°1), la signature et l’écriture portées sur le chèque du 5 décembre 2011) sont également identiques à celles figurant sur la cautionnement litigieux.

Nonobstant les écritures contraires des appelants, ils supportent la charge de la preuve en la matière.

Surabondamment, la pièce n°9 des appelants ne peut servir de base à une comparaison puisqu’il s’agit de la photocopie d’une télécopie ou d’une copie scanographiée d’une photocopie, tronquée, en format réduit grise et tachetée de multiples groupes de petits points blancs. La production d’un tel document, tout comme d’ailleurs de la pièce n°1, au soutien d’une dénégation d’écriture caractérise le peu de sérieux de la contestation.

Aucune preuve n’est rapportée relativement à des man’uvres dolosives prétendument commises par la banque pour obtenir le cautionnement de [E] [R] ; l’allégation des appelants ne constitue nullement une démonstration. Aucune man’uvre dolosive ne peut se déduire de la circonstance que la fiche de renseignements a été remplie le 14 mars 2011 pour un cautionnement du 25 mars 2011 ou que les rubriques ‘nature du prêt’ et ‘montant’ ne sont pas remplies par ‘la personne physique acceptant de se porter caution’. Les appelants développent des conjectures qui ne sont pas étayées par des pièces.

De plus, le cautionnement litigieux indique expressément ‘la caution reconnaît qu’elle dispose d’éléments d’information suffisants pour apprécier la situation du cautionné. Elle déclare ne pas faire de la situation du cautionné ainsi que de l’existence ou du maintien d’autres cautions, la condition déterminante de son cautionnement’. Il en résulte qu’il ne peut légitimement être soutenu que la banque disposait d’informations dont ne disposait pas [E] [R], qui a signé une ‘offre de prêt d’investissement à taux fixe sur ressources du livret de développement durable’ le 11 octobre 2011 en qualité de gérante de la S.A.R.L. Rive Sud TP, élément qui constitue la cause évidente du cautionnement.

En outre, les ‘man’uvres dolosives’ supposent suivant l’article 1137 du code civil applicable au litige, la démonstration de man’uvres, de mensonges ou d’une dissimulation intentionnelle d’une information dont le caractère déterminant pour l’autre partie est connu, à une date où [E] [R] avait, étant gérante de la société, pouvoir et qualité pour l’engager. Cette dernière était de fait et compte tenu de cette qualité, une caution avertie, à l’égard de laquelle la banque n’était pas tenue d’une obligation d’information.

De plus, la banque expose, sans être contredite et prouve, que l’emprunt a été contracté par la S.A.R.L. Rive Sud TP, société créée le 9 août 2010, dont [E] [R] a détenu à compter du 13 janvier 2011 cinquante parts sociales sur cent, avant d’être désignée gérante le 31 janvier 2011 et d’ouvrir un compte courant professionnel en cette qualité le 7 mars 2011, de faire voter le 28 septembre 2011 une augmentation de capital de 100 000 euros, de faire apport en numéraire le 8 décembre 2011 de ce montant, ce qui confirme sa qualité de caution avertie.

Si les appelants soutiennent que [E] [R] n’a jamais exercé ces fonctions, d’une part aucune contre-lettre n’est produite et d’autre part, retenir cet argument équivaudrait à valider une situation non conforme à la loi puisqu’elle suppose l’existence d’une gérance de fait et donc à faire profiter les ayants droit de [E] [R], de la turpitude de leur

autrice. Le fait que [E] [R] était retraitée et née en 1934 au moment de la souscription du cautionnement ne suffit pas à démontrer son incompétence à mesurer la portée de ses engagements.

En application des dispositions de l’article L 341-4 du code de la consommation dans sa

rédaction applicable au jour de la souscription de l’engagement de caution, devenu l’article

L 332-1 du même code, avant d’être repris à l’article 2300 du Code civil, une créancière professionnelle ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

La charge de la preuve de la disproportion manifeste du cautionnement à ses biens et revenus, incombe aux cautions.

En l’espèce, il résulte des pièces des appelants et même de leurs écritures que le cautionnement n’était pas manifestement disproportionné ou ‘hors sol’. En effet, [E] [R] s’est engagée comme caution à hauteur de 156 000 euros en indiquant qu’elle avait 13 200 euros de pension de retraite mais également la pleine propriété d’un immeuble à [Adresse 14] (Corse-du-Sud), évalué 1 600 000 euros et un terrain en vente évalué 560 000 euros. Si les appelants font valoir que le bien supposé valoir 1 600 000 euros a été évalué 650 000 euros en 2017, d’une part retenir cet argument reviendrait à faire profiter les ayants droit du mensonge de leur auteur ; d’autre part, l’avis d’évaluation pour une villa de 150 m² habitable, à [Adresse 14], en bord de mer 1er rang avec piscine et sur un terrain de 1 342 m² est peu sérieux. Enfin, la fiche de synthèse de l’information immobilière légale met encore en évidence qu’elle était propriétaire en indivision de parcelles à [Localité 10] évaluées 40 000 francs français (soit 6 097,96 euros) en 1963, de biens situés à [Localité 13] évalués 280 000 francs français (soit 46 685,72 euros) en 1985, 220 000 francs français (33 538,78 euros) en 1977, 60 000 francs français soit 9 146,94 euros ) en 1965, 40 000 francs français en 1963 (6 097,96 euros) et 50 000 francs français en 1994 soit 7622,45 euros, tous libres d’inscriptions.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que les ressources et patrimoine de [E] [R] lui permettaient de faire face à l’obligation de cautionnement souscrite, qu’il n’existait aucune disproportion. En outre, eu égard au patrimoine de l’intéressée qui lui permettait de faire face à l’engagement en cas de défaillance du débiteur principal, tout en lui laissant un patrimoine immobilier important, il n’existait aucun risque d’endettement excessif, de sorte que la banque n’était pas tenue d’un devoir de mise en garde.

Le jugement doit être en confirmé en ce qu’il a retenu la validité du cautionnement de [E] [R].

Sur la validité du cautionnement de [U] [L]

Les moyens développés au soutien de l’appel ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs exacts que la cour adopte, sans qu’il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d’une discussion se situant au niveau d’une simple argumentation.

À ces justes motifs, il peut être ajouté qu’alors que le premier juge a relevé à juste titre l’absence de pièces produites au soutien de la prétention suivant laquelle à la date de son engagement M. [L] n’était pas apte à percevoir l’importance et la nature de cet acte, les appelants reconnaissent qu’ils ne produisent pas de nouvelles pièces.

De plus, par acte sous seing privé du 3 février 2012, M. [L] s’est porté caution solidaire des engagements de la S.A.R.L. Rive Sud TP à hauteur de 350 000 euros et le certificat médical du 3 août 2012 fait seulement état de troubles de la mémoire chez un patient âgé de 77 ans. Réciproquement, il ne fait pas état d’une pathologie installée, d’une maladie d’Alzheimer caractérisée et diagnostiquée. Affirmer que la pathologie et la déficience cognitive pré-existaient à cet examen relève de la conjecture. S’agissant du certificat médical du docteur [K], il date du 5 décembre 2019 et certifie que M. [L] ‘a présenté un début de maladie d’Alzheimer en septembre 2012 et qui s’est aggravé progressivement jusqu’à ce jour’. Ce certificat médical n’étant étayé par un aucun examen, il apparaît de pure circonstance. En outre, à cette date, M. [L] ne faisait l’objet d’aucune mesure de protection des majeurs.

Les appelants invoquent les dispositions de l’article de l’article 1143 du code civil dans sa version actuelle qui n’est pas applicable au litige. Quoiqu’il en soit les articles 1109, 1112 du code civil, applicables au litige précisent que le consentement n’est pas valable lorsqu’il a été obtenu notamment par violence, qu’il y a violence lorsqu’elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable et qu’elle peut lui inspirer la crainte d’exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent.

En l’espèce, la preuve n’est pas rapportée d’une quelconque violence imposée à M. [L] pour le contraindre à signer cet engagement de caution. En outre, les dispositions de l’article 1115 du code civil applicables au litige, précisent qu’un contrat ne peut être attaqué pour cause de violence, si depuis que la violence a cessé, ce contrat a été approuvé soit expressément, soit tacitement, soit en laissant passer le temps de restitution fixé par la loi.

Ces dispositions sont reprises à l’article 1144 du code civil, qui dispose ‘le délai de l’action en nullité ne court, en cas d’erreur ou de dol, que du jour où ils ont été découverts et, en cas de violence, que du jour où elle a cessé’.

Aucune preuve n’est rapportée relativement à des violences prétendument commises par la banque pour obtenir le cautionnement de M. [L]. L’allégation des appelants ne constitue nullement une démonstration. Aucune violence ne peut se déduire de la circonstance que M. [L] était étranger à la S.A.R.L. Rive Sud TP.

De plus, le cautionnement litigieux indique expressément ‘la caution reconnaît qu’elle dispose d’éléments d’information suffisants pour apprécier la situation du cautionné. Elle déclare ne pas faire de la situation du cautionné ainsi que de l’existence ou du maintien d’autres cautions, la condition déterminante de son cautionnement’. Il en résulte qu’il ne peut légitimement être soutenu que la banque disposait d’informations qu’elle n’a pas transmises à M. [L] pour améliorer sa propre situation créancière.

Les appelants font encore valoir que la S.A.R.L. Rive Sud TP a été poursuivie par la S.A. Société générale pour obtenir paiement de 235 000 euros d’effets escomptés, que c’est dans ces conditions que le cautionnement a été obtenu. Or, l’assignation a été délivrée le 13 mars 2013 et le tribunal de commerce a condamné la S.A.R.L. Rive Sud TP, en procédure collective, en présence du représentant des créanciers, seulement à hauteur de 90 000 euros.

S’agissant du respect de l’obligation de mise en garde, M. [L] s’est lui-même déclaré ‘gérant de société’ de sorte qu’il a la qualité de caution avertie. Son âge, comme né en 1935 au moment de la souscription du cautionnement, ne suffit pas à démontrer son incapacité à mesurer la portée de ses engagements. En présence d’une caution avertie, la banque n’était pas tenue d’un devoir d’information.

En application des dispositions de l’article L341-4 du code de la consommation dans sa

rédaction applicable au jour de la souscription de l’engagement de caution, devenu l’article

L 332-1 du même code, avant d’être repris à l’article 2300 du code civil, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. La charge de la preuve de la disproportion manifeste du cautionnement à ses biens et revenus, incombe aux cautions.

En l’espèce, il résulte des pièces des appelants et même de leurs écritures que le cautionnement n’était pas manifestement disproportionné. En effet, M. [L] s’est engagé comme caution à hauteur de 390 000 euros en indiquant qu’il était gérant de société, qu’il percevait 4 500 euros de salaire par mois sur douze mois, qu’il était propriétaire d’une villa de 7200 m² à [Localité 15] (Corse-du-Sud) évalué 4 000 000 euros, libre de toute inscription, qu’il détenait des fonds de commerce Publitour voyage et Publitour publicité estimés chacun 500 000 euros.

Ainsi, à la date du cautionnement ses ressources et patrimoine lui permettait de faire face à une éventuelle défaillance du cautionné. Enfin, la fiche de synthèse de l’information immobilière légale met en évidence que M. [L] est propriétaire en indivision d’un 1/5 d’un bien immobilier [Adresse 12] (Corse-du-Sud), évalué 27 200 euros en 2017, en toute propriété avec son épouse d’une villa acquise en 1997 moyennant 1 500 000 francs français (228 673,53 euros), d’un immeuble [Adresse 11] évalué 20 000 francs français soit 3 048,98 euros en février 1990.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que les ressources et patrimoine de M. [L] lui permettaient de faire face à l’obligation de cautionnement souscrite en cas de défaillance du cautionné et qu’il n’existait aucune disproportion.

En outre, eu égard au patrimoine de l’intéressé qui lui permettait de faire face à l’engagement en cas de défaillance du débiteur principal, tout en laissant un patrimoine immobilier important, il n’existait aucun risque d’endettement excessif, de sorte que la banque n’était pas tenue d’un devoir de mise en garde.

Pour le surplus, la banque justifie avoir respecté ses obligations à l’égard des cautions. La créance de la banque est démontrée et n’est pas contestée en ses principes et montant. Le jugement est également confirmé à ce titre. Les appelants sont déboutés de leurs demandes contraires.

Si la confirmation suffit de manière habituelle, en l’espèce, le changement de capacité de M. [L] rend nécessaire de prononcer à nouveau les condamnations résultant du jugement. Ainsi, M. [Y] [I], en qualité d’ayant droit de [E], [O] [R] et M. [U] [L], assisté de Mme [S] [L], ès qualités, sont condamnés in solidum à payer à la S.A. Société générale :

– au titre du prêt de 20 000 euros la somme de 6 862,85 euros, avec intérêts au taux contractuel de 4,40 % courant jusqu’à parfait paiement,

– au titre du jugement du tribunal de commerce du 3 novembre 2014, la somme de 86 680 euros, outre les intérêts au taux légal courant jusqu’à parfait paiement.

M. [Y] [I], en qualité d’ayant droit de [E], [O] [R] et M. [U] [L], assisté de Mme [S] [L], sont déboutés de leurs demandes contraires.

Les appelants échouent à démonter l’existence d’une quelconque faute commise par la banque. Ils ne prouvent pas non plus un quelconque préjudice. Ils doivent être déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts.

Le jugement est confirmé également en ce qu’il a statué sur les dépens et les demandes en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. En cause d’appel, les appelants sont condamnés au paiement des dépens. Ils sont déboutés de leurs demandes en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et condamnés à ce titre à payer à la S.A. Société générale une somme de 4 500 euros.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant publiquement contradictoirement en dernier ressort,

– Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions critiquées,

Y ajoutant,

– Condamne in solidum, M. [Y] [I], en qualité d’ayant droit de [E], [O] [R] et M. [U] [L], assisté de Mme [S] [L], ès qualités, à payer à la S.A. Société générale la somme de 6 862,85 euros, avec intérêts au taux contractuel de 4,40 % courant jusqu’à parfait paiement au titre du prêt de 20 000 euros et la somme de 86 680 euros, outre les intérêts au taux légal courant jusqu’à parfait paiement, au titre du jugement du tribunal de commerce du 3 novembre 2014,

– Déboute M. [Y] [I], en qualité d’ayant droit de [E], [O] [R] et M. [U] [L], assisté de Mme [S] [L], ès qualités, de leurs fin de non-recevoir et de toutes leurs demandes,

– Condamne in solidum, M. [Y] [I], en qualité d’ayant droit de [E], [O] [R] et M. [U] [L], assisté de Mme [S] [L], ès qualités, au paiement des dépens d’appel,

– Condamne in solidum, M. [Y] [I], en qualité d’ayant droit de [E], [O] [R] et M. [U] [L], assisté de Mme [S] [L], ès qualités, à payer à la S.A. Société générale la somme de 4 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

 


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