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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 8
ARRÊT DU 29 NOVEMBRE 2022
(n° / 2022, 14 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/06460 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBYJ5
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Avril 2020 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° J2020000089
APPELANTE
La société de droit luxembourgeois à responsabilité limitée HOLDING AA & FILS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Ayant son siège social [Adresse 2]
L-1882 LUXEMBOURG
Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS – AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055,
Assistée de Me Stéphane DAYAN de la SELAS ARKARA AVOCATS SDPE, avocat au barreau de PARIS, toque : P418,
INTIMÉ
Monsieur [N] [B]
Né le [Date naissance 3] 1994 à [Localité 6]
De nationalité française
Demeurant [Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté et assisté de Me Cyril BOURAYNE de la SELARL BOURAYNE & PREISSL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0050,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Février 2022, en audience publique, devant la Cour, composée de :
Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre,
Madame Anne-Sophie TEXIER, conseillère,
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l’audience par Madame [T] [J] dans le respect des conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.
*
* *
FAITS ET PROCÉDURE:
La SAS Honolulu a été créée le 31 mars 2017, à parts égales par M.[B] et M.[H], en vue de créer un fonds de commerce de restauration proposant des spécialités hawaïennes et des poke bowls, M.[B] étant désigné président.
En juin 2017, la société Honolulu, qui était à la recherche d’un investisseur pour se développer s’est rapprochée de la société Holding AA & Fils et de ses associés MM.[I], cousins de M.[H]. La société Holding AA & Fils est entrée au capital de la société Honolulu, nouvellement dénommée Shaka Poke dans le cadre d’une augmentation de capital. A la suite de cette opération, le capital de la société s’est trouvé détenu à hauteur de 90% par la société Holding AA & Fils, de 5% par M.[B] et de 5% par M.[H].
Le 30 juin 2017, un pacte d’associés a été signé et des nouveaux statuts ont été rédigés, M.[B] restant président de la société Shaka Poke et M.[H] ayant vocation à être désigné comme directeur général lors d’une assemblée générale à venir.
La société Shaka Poke a ouvert son restaurant à [Localité 5] le 7 février 2018.
Des discussions se sont engagées avec l’actionnaire majoritaire sur la rémunération du président et du directeur général et une mésentente s’est alors installée entre les associés.
Lors de l’assemblée générale mixte du 18 juillet 2018, l’actionnaire majoritaire a fait adopter une modification de l’article 23 des statuts restreignant les pouvoirs du président dans l’ordre interne ( première résolution de l’assemblée générale extraordinaire) et a fait rejeter la cinquième résolution de l’assemblée générale ordinaire relative à la rémunération de M.[B].
Le 11 octobre 2018, M.[B] et la société Shaka Poke, dont il était encore le président, ont fait assigner devant le tribunal de commerce de Paris la société Holding AA & Fils pour voir constater la violation du pacte d’actionnaires et annuler la 5ème résolution votée lors de l’assemblée générale ordinaire, ainsi que la 1ère résolution de l’assemblée générale extraordinaire du même jour et condamner la société défenderesse au paiement de dommages et intérêts.
Le 11 janvier 2019 M.[H] a informé la société Shaka Poke de sa décision de démissionner avec un préavis de 10 jours, ce qui a conduit l’actionnaire majoritaire à convoquer en urgence une assemblée générale, afin de voir conférer au président les pouvoirs qui avaient été dévolus au directeur général en juillet 2018. Par courrier du 18 janvier 2019, M.[B] a informé la société Holding AA & Fils qu’il entendait, compte tenu du contexte depuis juillet 2018, démissionner de son mandat de président.
L’assemblée générale du 22 janvier 2019 a pris acte de la démission de M.[H], ainsi que de celle de M.[B] intervenue entre la convocation et la tenue de l’assemblée générale et a désigné M.[M] [I] en qualité de nouveau président de la société Shaka Poke.
A la suite du changement de président, la société Shaka Poke s’est désistée de ses demandes. M.[B] l’a alors fait assigner en intervention forcée.
C’est dans ce contexte que, par jugement du 24 avril 2020, assorti de l’exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a dit M.[B] recevable en son action, condamné la société Holding AA & Fils à payer à M.[B] 2.000 euros de dommages et intérêts pour violation des statuts, 30.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier, 30.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, outre une indemnité procédurale de 15.000 euros, débouté la société Shaka Poke de ses demandes reconventionnelles, condamné la société Holding AA & Fils aux dépens et rejeté toutes les demandes plus amples ou contraires.
Pour statuer ainsi, le tribunal a rejeté la fin de non recevoir soulevée par la société Holding AA & Fils, considérant que M.[B] justifiait d’un intérêt personnel et légitime à agir, retenu que l’article 33 des statuts n’avait pas été respecté lors du vote de la nouvelle rédaction de l’article 23 des statuts, l’existence d’un abus de majorité lors du vote de la première résolution modifiant radicalement les fonctions de M.[B], ainsi que lors du vote de la cinquième résolution dès lors que l’état largement positif de la trésorerie permettait d’accepter une rémunération mensuelle à peine supérieure au SMIC pour le dirigeant travaillant sur le projet depuis deux ans, une telle décision étant contraire à l’intérêt social, M.[B] ayant démissionné et la société ayant alors dû recruter un directeur opérationnel payé 3.000 euros nets par mois.
La société Holding AA & Fils a relevé appel de cette décision le 19 mai 2020.
Par ordonnance du 16 février 2021, le conseiller de la mise en état a débouté M.[B] de sa demande de radiation de l’appel fondée sur l’article 526 du code de procédure civile, après avoir relevé qu’une somme de 77.753,04 euros avait été consignée sur le compte CARPA au profit de M.[B].
Dans ses conclusions n°3 déposées au greffe et notifiées par voie RPVA le 22 décembre 2021, la société Holding AA & Fils demande à la cour:
– d’infirmer le jugement en ce qu’il a déclaré M.[B] recevable en sa demande de nullité de la 1ère résolution de l’assemblée générale extraordinaire du 18 juillet 2018, jugé que cette résolution avait violé l’article 33 des statuts et commis un double abus de majorité et en ce qu’il l’a condamnée au paiement de 2.000 euros, 30.000 euros, 30.000 euros de dommages et intérêts et à 15.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– statuant à nouveau, déclarer M.[B] irrecevable en sa demande tendant à voir prononcer la nullité de la 1ère résolution de l’assemblée générale extraordinaire du 18 juillet 2018, juger qu’elle n’a pas violé l’article 33 des statuts, qu’elle n’a pas commis d’abus de majorité en votant la 1ère résolution de l’assemblée générale extraordinaire du 18 juillet 2018 et la 5ème résolution de l’assemblée générale ordinaire du même jour, débouter en conséquence M.[B] de l’ensemble de ses demandes de dommages et intérêts et de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M.[B] de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de la 1ère résolution de l’assemblée générale extraordinaire du 18 juillet 2018 et la 5ème résolution de l’assemblée générale ordinaire du même jour, de sa demande visant à faire injonction à la société Holding AA & Fils de voter pour la 5ème résolution de l’assemblée générale ordinaire du 18 juillet 2018, et de sa demande de publication de la décision à intervenir sous astreinte,
– en tout état de cause, déclarer irrecevable M.[B] en sa demande indemnitaire fondée sur une perte de chance, ou à défaut d’irrecevabilité, l’en débouter, condamner M.[B] à lui payer 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de la présente instance.
Dans ses conclusions n°2 déposées au greffe et notifiées par RPVA le 26 novembre 2021, M.[B] demande à la cour de:
– confirmer le jugement, sauf en ce qu’il a condamné la société Holding AA & Fils à lui payer 30.000 euros de dommages et intérêts au titre de son préjudice financier et 30.000 euros au titre de son préjudice moral, sauf en ce qu’il l’a débouté de sa demande d’annulation de la délibération portant adoption de 5ème résolution de l’assemblée générale ordinaire et sauf en ce qu’il a rejeté sa demande de publication,
– statuant à nouveau, annuler la délibération portant adoption de la 5ème résolution de l’assemblée générale ordinaire du 18 juillet 2018 portant refus de lui allouer une rémunération de 2.000 euros par mois, condamner la société Holding AA & Fils à lui payer 36.000 euros en réparation de son préjudice financier et 50.000 euros en réparation de son préjudice moral, ordonner la publication de l’arrêt à intervenir dans trois journaux au choix de M.[B] et aux frais de la société Holding AA & Fils, assortir ces condamnations des intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation, le 11 octobre 2018,
– Y ajoutant, condamner la société Holding AA & Fils à lui payer la somme de 397.659 euros au titre de la perte de chance d’exercer l’option d’achat, ainsi qu’à 30.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Pour un plus ample exposé des demandes et moyens des parties il est renvoyé à leurs conclusions.
SUR CE,
– Sur la fin de non recevoir
La société Holding AA & Fils reprend à hauteur d’appel la fin de non recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir de M.[B] en annulation de la première résolution de l’assemblée générale extraordinaire du 18 juillet 2018, qui a voté la modification de l’article 23 des statuts traitant des pouvoirs du président. Elle fait valoir que M.[B], ayant démissionné de son mandat de président de la société Shaka Poke le 18 janvier 2019 avec effet immédiat, n’a plus vocation à exercer les fonctions de président, que par ailleurs il n’y a plus de directeur général en exercice, de sorte qu’il n’a plus aucun intérêt à voir annuler la délibération litigieuse.
A la date de l’assignation, le 11 octobre 2018, M.[B] était toujours président en exercice de la société Shaka Poke. L’intérêt à agir s’appréciant au jour de la demande, M.[B], qui voyait ses pouvoirs de président totalement restreints en interne, ses décisions se trouvant désormais soumises à autorisation préalable de la collectivité des associés ou du directeur général, avait bien un intérêt personnel à solliciter l’annulation de la délibération litigieuse. La circonstance que son mandat social a cessé en cours de procédure est sans incidence sur la recevabilité de sa demande d’annulation.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté cette fin de non recevoir, la cour relevant par ailleurs que M.[B] n’a pas demandé dans le dispositif de ses écritures l’infirmation de la disposition du jugement qui l’a débouté de sa demande d’annulation de la première résolution de l’assemblée générale extraordinaire, puisqu’il ne vise désormais que l’annulation de la cinquième résolution de l’assemblée générale ordinaire du 18 juillet 2018 ayant statué sur sa rémunération.
– Sur les abus de majorité lors de l’assemblée générale mixte du 18 juillet 2018
M.[B] soutient que l’adoption de la 1ère résolution de l’assemblée générale extraordinaire et de la 5ème résolution de l’assemblée générale ordinaire votées par l’actionnaire majoritaire le 18 juillet 2018 résulte d’un double abus de majorité, en ce que, de première part, en le privant de ses pouvoirs de président, elles ont en pratique abouti à son éviction, alors que son rôle d’homme clé dans le lancement et la gestion de la société, M.[H] n’ayant eu qu’un rôle très limité et la société Holding AA & Fils n’ayant eu qu’une influence très restreinte sur les prises de décision avant son éviction, exigeait au contraire dans l’intérêt de la société qu’il continue à la présider, en ce que d’autre part, la modification de l’article 23 des statuts favorise les intérêts de la société Holding AA & Fils, actionnaire majoritaire au détriment du président, associé minoritaire, le président se trouvant contraint de disposer d’une autorisation préalable pour le moindre acte de gestion ou de direction et pouvant désormais être révoqué ad nutum, là où auparavant les statuts prévoyaient l’unanimité des droits de vote, que de même le refus de le rémunérer a incontestablement favorisé la société Holding AA & Fils
La société Holding AA & Fils conteste tout abus de majorité, arguant que les résolutions en cause ne sont ni contraires à l’intérêt de la société, ni dans l’intérêt du seul actionnaire majoritaire. Elle expose que la nouvelle rédaction de l’article 23 des statuts ne contrevient pas aux dispositions du pacte, que le président continue d’être investi des pouvoirs les plus étendus à l’égard des tiers, que le pacte ne précise rien concernant les pouvoirs du directeur général, que M.[B] n’a pas été révoqué de son mandat, qu’il n’était pas à cette date en opposition avec M.[H], que la résolution votée avait pour but de préserver l’intérêt social menacé par la dégradation des relations entre les associés et la perte de confiance, que l’exigence d’autorisations préalables consacrait simplement la pratique existante.S’agissant de la cinquième résolution, elle soutient qu’elle ne traduit pas un refus de toute rémunération pour M.[B], mais seulement un refus des conditions voulues par ce dernier, qu’il était prévu d’attendre l’été 2018 pour fixer sa rémunération et non de décider d’une rémunération rétroactive pour l’année 2018, que si les premiers résultats étaient encourageants, le résultat restait négatif au 30 juin 2018 et exigeait de la prudence, de sorte que cette décision n’est ni contraire au pacte d’associés qui prévoit que le président pourra percevoir une rémunération, ni à l’intérêt social.
L’existence d’un abus de majorité exige de démontrer que les résolutions en cause sont contraires à l’intérêt social et qu’elles ont été prises dans l’unique dessein de favoriser les majoritaires au détriment des minoritaires
Il convient de rechercher pour chacune des résolutions contestées si ces deux conditions sont remplies.
– sur la résolution n°5 de l’assemblée générale ordinaire du 18 juillet 2018
L’article 23.4 des statuts stipule que le président pourra être rémunéré au titre de ses fonctions et que cette décision sera prise par la collectivité des associés.
Le 18 juillet 2018, l’assemblée générale ordinaire de la société Shaka Poke, était appelée à se prononcer sur le projet de résolution ( n°5) suivant ‘ L’assemblée générale décide de fixer, pour l’exercice 2018, les rémunérations du Président et du DG comme suit: Pour le Président : 2.000 € nets mensuels/ Ainsi que la prise en charge par la société de leurs frais de représentation et de déplacement ainsi que les charges sociales inhérentes à ces rémunérations’. Cette résolution a été rejetée, l’actionnaire majoritaire ayant voté contre, de sorte qu’aucune décision n’a été prise concernant la rémunération du président. Le procès-verbal précise s’agissant de la rémunération du directeur général (dont le montant ne figure pas dans le projet de résolution), que cette résolution est reportée à une assemblée générale future.
Il ressort également du procès-verbal de cette assemblée générale, que les comptes de l’exercice clos le 31 décembre 2017 (que l’actionnaire majoritaire a refusé d’approuver) se sont soldés par une perte de – 41.894 euros.
Le restaurant Shaka Poke a ouvert à [Localité 5] en février 2018. Si les pièces au débat font état de résultats prometteurs sur les premiers mois, plus favorables que les prévisions du business plan, il n’en reste pas moins que l’exploitation du restaurant ne faisait que débuter, que le premier exercice avait été déficitaire, qu’une certaine prudence était de mise, quand bien même le montant de la rémunération de M.[B] n’était pas élevé. La circonstance que M.[B] ne disposait par ailleurs que de très modestes ressources et qu’il s’était beaucoup impliqué dans la création et le développement de la société, n’est pas de nature à démontrer que le rejet de la demande de rémunération du président était, à ce stade de l’exploitation, contraire à l’intérêt social.
Il ressort des divers échanges intervenus entre les parties lors de l’ouverture du restaurant que les rémunérations du président et du futur directeur général faisaient l’objet de discussions quant à leurs modalités, leur nature, et leur possible prise d’effet. Le refus exprimé par la société Holding AA & Fils le 18 juillet 2018 ne signifie pas une opposition définitive de toute rémunération pour l’avenir, mais davantage la volonté d’en différer la mise en application.
La résolution proposée au vote visait une rémunération mensuelle au titre de l’exercice 2018, ce qui, comme le soutient la société Holding AA & Fils, impliquait une rémunération rétroactive.
Les comptes de l’exercice clos au 31 décembre 2018 se sont soldés par une perte de -61.218 euros. Si cette perte ne remet pas nécessairement en cause le modèle économique, puisque sont également à prendre en compte les manifestations des ‘gilets jaunes’ à partir de novembre 2018, ainsi que les dissensions entre les associés de Shaka Poke, elle conforte a posteriori l’attitude prudente adoptée par l’actionnaire majoritaire en juillet 2018, quand bien même la trésorerie eût-elle été favorable, la société devant faire face au paiement de ses salariés.
Il s’ensuit que l’actionnaire majoritaire a pu dans ce contexte considérer qu’il était dans l’intérêt de la société de faire preuve de prudence au cours de ce premier exercice d’activité opérationnelle, et de ne pas accepter une rémunération du président au titre de l’exercice 2018.
En conséquence, M.[B] manque à établir l’existence d’un abus de majorité lors du vote de cette cinquième résolution. Le jugement sera infirmé en ce qu’il a retenu un abus de majorité à ce titre.
La demande d’annulation de cette résolution sera en conséquence rejetée et le jugement confirmé de ce chef.
– Sur la résolution N°1 de l’assemblée générale extraordinaire
L’assemblée générale extraordinaire du 18 juillet 2018 a adopté la proposition des actionnaires majoritaires décidant de modifier l’article 23 des statuts comme suit:
‘ 23.5 Pouvoirs/ Le Président assume sous sa responsabilité, la direction de la Société. Il la représente dans ses rapports avec les tiers dans les limites de l’objet social. / A titre de mesure d’ordre interne et sans que cela soit opposable aux tiers, le Président ne pourra prendre les décisions ci-dessous qu’avec l’autorisation préalable de la collectivité des associés statuant à la majorité requise pour les décisions ordinaires :
– achat, vente, apports ou échanges d’immeuble, de fonds de commerce, de droit au bail, de clientèle, de marque, de participations,
– Mise en location-gérance du fonds de commerce et /ou toute modification du mode d’exploitation de l’objet social;
– constitution d’hypothèque ou de nantissement et plus généralement de toute sûreté sur les biens de la Société ou de l’une de ses filiales;
– octroi de tout cautionnement, engagement financier, aval et/ou garantie par la Société ou l’une de ses filiales;
– prêts, crédits ou avances consentis par la Société à des personnes ou entités autres que des filiales;
– création ou dissolution de filiales et plus généralement de toute entité dans laquelle la Société serait associée;
En outre et toujours à titre de mesure interne et sans que cela soit opposable aux tiers, le Président ne pourra prendre aucun acte ni aucune décision sur les points évoqués ci-dessous qui relèveront expressément et exclusivement de la compétence du Directeur Général sous la seule responsabilité de ce dernier:
– Embauche et licenciement de tout salarié;
– Achats de matière première, vente de marchandises et produits,
-Tous achats nécessaires tant à l’exploitation des points de vente, succursales et fonds de commerce de la Société qu’à l’exploitation de l’objet social de la Société;
– Gestion courante et opérationnelle intégrale et exclusive des points de vente, succursales et fonds de commerce de la Société;
– Création et fermeture de succursales, points de vente et/ou fonds de commerce;
– Opérations courantes sur les comptes bancaires de la Société;
– Gestion financière et tenue des caisses des points de vente, succursales et fonds de commerce de la Société.’
La fin du procès-verbal n’est pas communiquée, mais il ressort des écritures que cette résolution a été adoptée à la suite du vote favorable de l’actionnaire majoritaire qui avait fait inscrire cette résolution à l’ordre du jour de l’assemblée générale.
Cette nouvelle rédaction de l’article 23 des statuts, quand bien même M.[B] restait officiellement investi à l’égard des tiers en application de l’article L 227-6 du code de commerce des pouvoirs les plus étendus, modifie notablement les pouvoirs du président en exercice tels qu’ils étaient dans les statuts mis à jour au 30 juin 2017 après l’entrée au capital de la société Holding AA & Fils, en ce qu’elle conduit en pratique à lui retirer tout pouvoir sur la gestion courante de la société qui relève désormais du seul directeur général, alors que les statuts prévoyaient que le président pouvait être assisté d’un directeur général, disposant des mêmes pouvoirs de direction et de représentation de la Société à l’égard des tiers. A la suite de cette modification, M.[B] s’est trouvé, en interne, remplacé par le directeur général, par la volonté de l’actionnaire majoritaire. Le moyen de l’appelante, pris de ce qu’il n’existait pas à cette date de différend entre M.[B] et M.[H], manque de pertinence, dès lors que dès le mois de mars 2017
(pièce 4 de l’appelant) M.[B] s’inquiétait auprès de son ami, M.[H], de sa possible trahison avec la société Holding AA & Fils l’exposant à son éviction et que le fait de conférer au directeur général la gestion opérationnelle de la société ne pouvait que conduire à opposer le président et le directeur général à une période où la société, qui démarrait son activité commerciale, avait au contraire besoin de la cohésion de l’équipe dirigeante.
La perte de substance des pouvoirs du président ressort d’ailleurs du constat qu’a été contraint de faire l’actionnaire majoritaire, lorsque M.[H] a démissionné en janvier 2019 de son mandat de directeur général. Constatant que les fonctions opérationnelles avaient été confiées à M.[H] et que la société n’avait plus de dirigeant opérationnel suite à la démission de ce dernier, la société Holding AA & Fils a fait convoquer en urgence une assemblée générale pour se prononcer sur un projet de résolution visant à suspendre provisoirement, jusqu’à nouvelle désignation d’un directeur général, les mesures d’ordre interne prévues par l’article 23.5 des statuts modifiés déterminant les compétences exclusives du directeur général, de manière à ce que le président puisse sous sa responsabilité prendre les décisions. M.[B], qui compte tenu du contexte n’entendait pas être réinvesti provisoirement de ses pouvoirs, a démissionné de son mandat de président avant la tenue de l’assemblée générale du 22 janvier 2019, de sorte que M.[M] [I] a dû être nommé président de la société Shaka Poke et qu’ultérieurement a été embauché un directeur commercial salarié.
Dans sa lettre de démission ( pièce 111 de l’appelant) M.[B], après avoir indiqué qu’il ne saurait être question pour lui de ‘reprendre à la volée’ et à titre provisoire la gestion courante de la société après la démission de M.[H], alors qu’il ignorait tout de la gestion de l’entreprise depuis le 18 juillet 2018, date après laquelle il avait été systématiquement mis à l’écart, a fait savoir qu’il n’était plus dans la perspective de s’investir dans Shaka Poke et qu’il n’avait d’autre choix à son très grand regret que de démissionner.
Il se déduit de ces circonstances, quand bien même M.[B] n’a pas été révoqué de son mandat de président, que l’actionnaire majoritaire, en modifiant de manière substantielle les pouvoirs du président dans la gestion de la société qu’il avait créée avec M.[H], pour les faire exercer en pratique par le directeur général, n’ont pu que conduire M.[B] à tirer les conséquences d’une situation, qui de fait correspondait à une forme d’éviction.
Il convient cependant de rechercher si comme il le soutient M.[B] était un homme clé pour la société et partant, que son éloignement des affaires de la société, était contraire à l’intérêt de Shaka Poke.
M.[B] est à l’intiative de la création de la société Honolulu, devenue Shaka Poke, et du concept de restauration, projet sur lequel il avait commencé à travailler en 2016 dans le cadre de ses études à l’université de Californie. Il ressort des nombreuses pièces qu’il communique qu’il a été présent à tous les stades du développement de ce projet: participation aux recherches de financement, études préalables à la prise de décisions quant au choix des futurs intervenants, de l’emplacement et de l’agencement du restaurant, aux diverses opérations de communication. Il a certes été rejoint dans son projet par M.[H], qui était l’un de ses amis, et c’est ce dernier, cousin de MM.[I] (société Holding AA & Fils), qui a permis, alors que la société était à la recherche d’un investisseur pour développer son projet, de se rapprocher de la société Holding AA & Fils. Mais cette situation, de même plus largement que l’implication de M.[H] dans le développement du projet, ne contredit pas l’importance du rôle joué par M.[B].
C’est d’ailleurs M.[B] qui a été désigné président dès l’origine, la désignation de M.[H] comme directeur général n’intervenant que dans un second temps. Quant à la société Holding AA & Fils, son rôle était essentiellement celui d’un investisseur sachant apporter son expérience en matière de gestion financière, mais non pas d’assurer la direction opérationnelle de l’activité commerciale. Face aux démissions du président et du directeur général, elle a d’ailleurs été dans l’obligation de recruter un directeur commercial.
Le pacte d’associés du 30 juin 2017 en prévoyant que M.[B] continuera d’exercer les fonctions de président dans les conditions de son mandat actuel et pour toute la durée du pacte sauf désignation d’un nouveau président à l’unanimité des droits de vote a entendu marquer l’importance de M.[B] dans le fonctionnement de la société.
Il ressort de ces éléments que M.[B] était ‘un homme clé’ de la société Shaka Poke qu’il avait fondée et dans laquelle il s’était totalement impliqué avant que ses pouvoirs ne soient remis en cause. La mise à l’écart d’un homme clé, au moment où la société démarrait son activité, alors que les tensions entre les associés ne portaient pour l’essentiel que sur les discussions relatives aux modalités de rémunération, est contraire à l’intérêt de la société. Les difficultés rencontrées par la société après la mise à l’écart de M.[B] ne sont pas étrangères à cette situation.
Cette modification des statuts, ayant pour effet de priver M.[B] de ses pouvoirs de président au profit de M.[H], en lien de parenté avec les associés de la société Holding AA & Fils, visait manifestement à renforcer la main mise de l’actionnaire majoritaire sur le contrôle de la société Shaka Poke et partant à nuire aux intérêts de M.[B], minoritaire.
Il s’ensuit que le jugement sera confirmé en ce qu’il a retenu l’existence d’un abus de majorité à l’occasion du vote de la première résolution de l’assemblée générale extraordinaire du 18 juillet 2018.
Ainsi qu’il a déjà été dit, M.[B] ne sollicite pas dans le dispositif de ses conclusions, qui seules saisissent la cour, l’infirmation de la disposition du jugement l’ayant débouté de sa demande d’annulation de la première résolution de l’assemblée générale extraordinaire, seule ayant été formée une demande d’infirmation du rejet de sa demande d’annulation de la 5ème résolution.
La société Holding AA & Fils concluant quant à elle à la confirmation du jugement, la cour qui n’est saisie d’aucune demande d’infirmation de ce chef du jugement ne peut que confirmer cette décision de ce chef.
– Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la violation de l’article 33 des statuts
L’article 33 des statuts ‘ Information préalable des associés’ prévoit que quel que soit le mode de consultation, toute décision des associés doit avoir fait l’objet d’une information préalable comprenant tous les documents et informations permettant aux associés de se prononcer en connaissance de cause sur la ou les résolutions soumises à leur approbation.
M.[B] demande la confirmation du jugement en ce qu’il a condamné la société Holding AA & Fils à lui payer 2.000 euros de dommages et intérêts au titre de la violation de l’article 33 des statuts, en ce qu’il n’a eu connaissance du texte de la résolution visant à modifier les pouvoirs du président que le jour même de l’assemblée générale.
La résolution relative à la modification de l’article 23 des statuts a été inscrite à l’ordre du jour de l’assemblée générale extraordinaire à la demande de la société Holding AA & Fils. Le procès-verbal de cette assemblée générale ouverte à 17h15 indique que l’ordre du jour a été demandé par les actionnaires majoritaires à réception de la convocation à l’assemblée générale ordinaire du même jour et que le texte de la résolution n’a été proposé par ces derniers qu’au début de l’assemblée générale ordinaire, ouverte à 17H ce même jour.
La société Holding AA & Fils ne conteste pas cette chronologie mais soutient pour s’opposer à tout dommages et intérêts que l’assemblée générale extraordinaire s’est valablement exprimée en ce que la résolution a bien été portée à l’ordre du jour, en ce que l’absence de communication préalable du texte de la résolution est sans incidence, dès lors que cette résolution était la conséquence inéluctable d’une autre résolution soumise au vote des associés, à savoir la désignation du directeur général, laquelle impliquait une répartition des pouvoirs avec le président, qu’elle était donc implicitement contenue dans cette résolution et qu’en tout état de cause M.[B] était assisté de son conseil et a obtenu une suspension de 45 mn pour s’entretenir avec celui-ci du maintien ou non de cette résolution.
Le texte de cette résolution revêtait une importance particulière pour le président associé minoritaire, dès lors que la modification soumise au vote visait à réduire notablement ses pouvoirs au profit du directeur général. La production du texte de cette résolution juste avant qu’elle ne soit débattue ne répond pas à l’exigence d’information préalable des associés édictée par l’article 33 des statuts qui permet d’assurer une information loyale en amont. La circonstance que M.[B] était assisté de son conseil et n’a pas fait reporter le vote n’est pas de nature à couvrir cette violation. C’est encore vainement que la société Holding AA & Fils soutient que cette résolution n’était que la conséquence de la désignation du directeur général inscrite à l’ordre du jour, la nouvelle rédaction de l’article 23.5 ne définissant pas un partage des attributions entre le président et le directeur général, mais remplaçant le président par le directeur général dans la gestion courante de la société.
Le jugement sera en conséquence approuvé d’avoir constaté la violation par la société Holding AA & Fils de l’article 33 des statuts et condamné celle-ci à payer 2.000 euros de dommages et intérêts à M.[B] en réparation du préjudice résultant de ces agissements déstabilisants.
– Sur la demande de dommages et intérêts au titre de l’abus de majorité
M.[B] demande à la cour de condamner la société Holding AA & Fils à l’indemniser du préjudice financier et moral qu’il a subi du fait des abus de majorité et de porter les montants à respectivement 36.000 euros et 50.000 euros.
La demande au titre du préjudice financier de 36.000 euros est fondée sur le refus fautif de la société Holding AA & Fils en juillet 2018 de voter à son bénéfice une juste rémunération, son montant correspondant à un salaire de 2.000 euros par mois sur 18 mois.
Il vient d’être jugé que M.[B] n’établissait pas que la société Holding AA & Fils avait commis un abus de majorité en refusant de voter sa rémunération au mois de juillet 2018. Il sera en conséquence débouté de sa demande d’indemnisation fondée sur l’absence de rémunération et le jugement infirmé en ce qu’il a condamné la société Holding AA & Fils à lui payer 30.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier.
M.[B] soutient en revanche à bon droit que l’adoption, par abus de majorité, de la résolution modifiant l’article 23 des statuts l’a mis brutalement au ban de la société qu’il avait créée, l’a réduit à un président de façade, l’a laissé dans l’incertitude d’une révocation susceptible d’intervenir ad nutum et l’a finalement conduit à démissionner le 18 janvier 2019, alors qu’en tant qu’homme clé de la société, il pouvait espérer continuer à oeuvrer au sein de cette jeune société.
La société Holding AA & Fils n’est en effet pas fondée à lui reprocher de s’être désintéressé de l’activité de Shaka Poke après l’assemblée générale du 18 juillet 2018 et d’avoir été embauché sur un poste d’analyste financier à la Réunion à compter du 26 janvier 2019, alors que la modification des statuts, dont elle est à l’origine, l’a privé en interne de ses pouvoirs de président au profit de M.[H] et que dans ce contexte, M.[B] s’est trouvé dans la nécessité de rechercher une autre situation professionnelle. Aucun élément ne vient démontrer que M.[B] s’est désintéressé de Shaka Poke avant d’être désinvesti par l’actionnaire majoritaire.
Le préjudice moral, qui résulte de cette situation, a justement été évalué par les premiers juges à 30.000 euros. Le jugement sera confirmé de ce chef.
– Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la perte de chance d’exercer l’option de rachat
Aux termes de l’article 3 du pacte d’associés du 30 juin 2017, le Majoritaire a conféré aux Minoritaires la faculté d’acquérir ensemble, ou individuellement un bloc de 193.470 actions ordinaires de la société, détenues par le Majoritaire, afin de permettre aux Minoritaires de porter leur participation conjointe dans la société à une quote-part de 49% du capital social. L’article 4 précise que ces droits bénéficient ensemble aux Minoritaires, chacun pour moitié, que dans le cas où l’un seulement des Minoritaires souhaiterait exercer cette option, il fera son affaire personnelle, avec le Minoritaire non exerçant, du rachat de la participation de ce dernier afin de pouvoir exercer seul cette option. Les Minoritaires avaient la faculté d’exercer cette promesse du 30 juin 2017 au 30 juin 2020.
M.[B] sollicite la condamnation de la société Holding AA & Fils au paiement d’une somme de 397.659 euros en réparation de la perte de chance d’exercer cette option de rachat.
Il fait valoir que cette option de rachat, conditionnée à un exercice conjoint des deux minoritaires au plus tard le 30 juin 2020, constituait un élément déterminant pour laisser la société Holding AA & Fils entrer au capital de Shaka Poke, que ce point avait été longuement débattu avant d’être inscrit dans le pacte et que du fait de l’abus de majorité commis à son encontre, en tant que président et actionnaire minoritaire et des démissions qui en sont résultées, M.[H] et lui-même avaient perdu tout affectio societatis dans Shaka Poke et partant tout intérêt de monter ensemble ou individuellement après rachat des actions de l’autre minoritaire, au capital de la société à hauteur de 49%. Il ajoute, que le non-exercice de l’option ne relève pas de son choix, mais de la situation volontairement créée par la société Holding AA & Fils.
La société Holding AA & Fils soulève l’irrecevabilité de cette demande en ce qu’elle est nouvelle en cause d’appel et conclut subsidiairement au rejet de cette demande, faisant valoir, de première part, l’absence de lien de causalité entre sa prétendue faute et le préjudice allégué, l’exercice de l’option étant lié à la qualité d’associé et non de président de M.[B], qu’en trois ans M.[B] n’a jamais souhaité exercer cette option, qu’il a de lui-même, sans faute du majoritaire, renoncé à exercer cette option, de seconde part, l’absence d’un préjudice certain, M.[B] ne démontrant pas avoir voulu investir dans une société déficitaire, et de troisième part que le calcul de son préjudice repose sur des bases totalement erronées.
– sur la recevabilité
Il résulte de l’article 564 du code de procédure civile qu’ ‘A peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.’, de l’article 565 du même code que ‘ les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.’, et de l’article 566 du même code que ‘Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.’
Il est constant que M.[B] n’a pas présenté devant le tribunal de demande de dommages et intérêts relative à la perte de chance d’exercer l’option de rachat.
M.[B] soutient toutefois que cette demande n’est pas nouvelle au sens des dispositions sus visées, dès lors qu’elle relève de la survenance d’un fait depuis le jugement du 24 avril 2020, le préjudice résultant de la perte de chance n’étant devenu réel qu’au 30 juin 2020, qu’elle se fonde sur les mêmes agissements de la société Holding AA & Fils et qu’elle n’est que l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire des abus de majorité et des manoeuvres dilatoires dénoncées en première instance.
La faculté d’exercice de l’option est arrivée à expiration le 30 juin 2020, soit deux mois après que le tribunal a rendu son jugement. Toutefois, cette échéance qui était connue depuis juin 2017 par M.[B] ne constitue pas la survenance d’un fait au sens de l’article 564 du code de procédure civile. En effet, il ne résulte pas des explications de M.[B] que le non exercice de l’option est imputable à un événement survenu au cours de l’année 2020, après les débats devant le tribunal le 5 mars 2020.
En revanche, M.[B] fondant la perte de chance sur l’abus de majorité commis à son encontre en tant que président et actionnaire minoritaire, abus qui a selon lui entrainé la disparition de tout affectio societatis, il existe bien une identité de fondement entre la demande en réparation de la perte de chance de renforcer sa participation au capital de la société Shaka Poke et les autres demandes dommages et intérêts, qui tendent toutes à obtenir réparation des différents préjudices nés d’un abus de majorité.
Cette demande sera en conséquence jugée recevable.
– sur le fond
Il incombe à M.[B], qui soutient avoir, par la faute de la société Holding AA & Fils, été privé de la chance de participer au développement de la société Shaka Poke en augmentant sa participation au capital, d’établir le lien de causalité et le préjudice qui doit être certain.
L’article 3.3 du pacte stipule que le prix des actions sera égal à la valeur nominale des actions multipliée par le nombre d’actions cédées, le prix des actions sera d’un montant correspondant à 38,5% du capital social au jour de la réalisation de la cession desdites actions.
Chacun des minoritaires a conclu avec la société Holding AA & Fils une promesse de vente le 30 juin 2017 précisant que le prix total des actions à céder à M.[B] serait de 96.735 euros en cas d’exercice conjoint de la promesse par les deux minoritaires et de 193.470 euros en cas d’exercice individuel par ce dernier.
L’option était exerçable pendant un délai de 3 ans entre le 30 juin 2017 et le 30 juin 2020. S’il est établi que cette option avait été expressément souhaitée et négociée par les deux associés fondateurs lors de l’entrée au capital de la société Holding AA & Fils, aucun élément ne vient démontrer que M.[B] a levé l’option, ni durant la période d’un an avant l’assemblée générale du 18 juillet 2018, ni entre juillet 2018 et janvier 2019 date de sa démission, ni ultérieurement.
L’exercice de ce droit étant lié à sa qualité d’associé et non de président, l’abus de majorité commis par la société Holding AA & Fils lors de la modification de l’article 23 des statuts ne l’empêchait pas d’exercer cette promesse.
La dégradation des relations avec l’actionnaire majoritaire à compter de juillet 2018 et les nouvelles décisions prises quant à la gouvernance de la société Shaka Poke, si elles étaient susceptibles de porter atteinte à l’affectio societatis, ne suffisent cependant pas à démontrer le caractère certain de la perte de chance alléguée. En effet, l’exercice de l’option supposait de disposer de fonds suffisants pour acquérir les actions, sachant que l’option ne pouvait être exercée qu’en une fois pour la totalité du bloc des actions faisant l’objet de la promesse, conjointement par les deux minoritaires ou individuellement par l’un d’eux mais pour la totalité, après rachat des actions du minoritaire non exerçant, ce qui impliquait de pouvoir investir avant le 30 juin 2020 une somme de 193.470 euros selon la promesse signée le 30 juin 2017, à défaut d’accord de M.[H] pour acquérir conjointement avec M.[B].
Or, M.[B], qui ne percevait que l’allocation d’aide au retour à l’emploi versée par Pôle emploi en 2018 (852 euros) n’établit pas qu’il aurait été en capacité financière d’exercer l’option avant le 30 juin 2020 s’il n’y avait pas eu abus de majorité de la part de la société Holding AA & Fils.
Il manque en conséquence à établir le caractère certain de la perte de chance qu’il allègue et doit être débouté de sa demande d’indemnisation de ce chef.
– Sur la publication
M.[B] demande à la cour d’ordonner la publication de l’arrêt dans trois journaux afin de le rétablir dans son honneur et sa réputation.
Cependant, rien ne justifie que la solution donnée à ce litige entre associés fasse l’objet d’une publication, M.[B] ne démontrant pas avoir été dénigré par voie de presse. M.[B] sera débouté de cette demande.
– Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Le jugement étant pour partie confirmé, les dépens d’appel, comme ceux de première instance seront mis à la charge de la société Holding AA & Fils. La société Holding AA & Fils ne peut en conséquence prétendre au paiement d’une indemnité procédurale.
Tenant compte du montant déjà alloué par les premiers juges et qui sera confirmé, la cour condamnera la société Holding AA & Fils à payer à M.[B] une indemnité de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
PAR CES MOTIFS,
Dans les limites de l’appel
Confirme le jugement en ce qu’il a dit M.[N] [B] recevable en son action, en ce qu’il a condamné la société Holding AA & Fils à payer à M.[B] 2.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la violation des statuts, et 30.000 euros en réparation du préjudice moral résultant de l’abus de majorité (1e résolution), en ce qu’il a débouté M.[B] de sa demande d’annulation des résolutions litigieuses, en ce qu’il a condamné la société Holding AA & Fils aux dépens et à payer à M.[B] une indemnité de 15.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
L’infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Déboute M.[B] de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier au titre de l’absence de rémunération,
Y ajoutant,
Déclare recevable la demande de dommages et intérêts de M.[B] au titre de la perte de chance d’exercer l’option de rachat, mais déboute M.[B] de sa demande d’indemnisation de ce chef,
Déboute M.[B] de sa demande de publication de l’arrêt,
Déboute la société Holding AA & Fils de sa demande d’indemnité procédurale sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Holding AA & Fils à payer à M.[B] une indemnité de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de procédure exposés en appel,
Condamne la société Holding AA & Fils aux dépens d’appel.
La greffière,
Liselotte FENOUIL
La Présidente,
Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT