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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 9
ARRET DU 15 FEVRIER 2024
(n° , 25 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 22/13488 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGGEE
Jonction avec le n° de RG 22/16199 et 22/17615
Décisions déférées à la Cour :
Jugement du 05 Juillet 2022 -Tribunal de Commerce de PARIS – 5ème chambre – RG n° 2019002484
Jugement du 01 Février 2022 -Tribunal de Commerce de PARIS – 5ème chambre – RG n° 2019002484
APPELANTE
S.E.L.A.R.L. AXYME ès qualités de liquidateur judiciaire de la S.A.S. PHINEO
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 830 793 972
Agissant en la personne de Maître [F] [X], Mandataire Judiciaire,
[Adresse 9]
[Localité 12]
Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065
Assistée de Me Edouard TRICAUD de l’AARPI SAINT-LOUIS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque K79
INTIMES
Monsieur [R] [E]
Né le [Date naissance 4] 1976 à [Localité 14] (ALGÉRIE)
De nationalité française
[Adresse 6]
[Localité 3] (BELGIQUE)
Représenté par Me Audrey SCHWAB de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
Assisté de Me François GAILLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E0898
Monsieur [C] [N]
Né le [Date naissance 5] 1976 à [Localité 16] (72)
De nationalité française
Demeurant [Adresse 7]
[Localité 3] (BELGIQUE)
Représenté par Me Jean Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS
Assisté de Me Mathieu CAVARD, avocat au barreau de PARIS, toque :C145
Monsieur [B] [L]
Né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 18] (51)
De nationalité française
Demeurant [Adresse 10]
[Localité 15] (LUXEMBOURG)
Représenté et assisté de Me Yves SEXER de la SELEURL CABINET YVES SEXER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0203
LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D’APPEL DE PARIS
SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL
[Adresse 8]
[Localité 11]
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 19 Octobre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Sophie MOLLAT, Présidente de chambre,
Mme Isabelle ROHART, Conseillère,
Mme Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l’audience par Mme Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON.
EN PRÉSENCE DU MINISTÈRE PUBLIC, auquel l’affaire a été communiquée, représenté lors des débats par François VAISSETTE, avocat général, qui a fait connaître son avis,
ARRET :
contradictoire,
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
signé par Mme Sophie MOLLAT, Présidente de chambre et par Mme Saoussen HAKIRI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Exposé des faits et de la procédure
La SAS Phineo est une société de services en ingénierie informatique créée en 2007 par Monsieur [C] [N] et Monsieur [Z] [G].
Depuis le 19.01.2010, son capital social était détenu à hauteur de 97,60 % par la société de droit luxembourgeois Futur Technologies.
La société Futur Technologie était elle-même détenue, depuis le 5.12.2013, à parts égales par deux sociétés, la SARL Tesli et la société Blue Equity, dont les dirigeants sont respectivement Monsieur [R] [E] et Monsieur [B] [L].
Monsieur [C] [N], co-fondateur et Président de la SAS Phineo depuis 2007, détenait le reste du capital social (2,40 %) conjointement avec son épouse, à travers leur société Vicap Conseil.
Le 06.12.2013, la holding SAS Groupe Phineo a été constituée par Vicap Conseil et Futur Technologies dans le cadre d’une opération de croissance externe.
Cette dernière a consisté en la souscription, le 13.12.2013, par la SAS Groupe Phineo auprès d’un pool bancaire d’un contrat de prêt de 7. 800.000 euros, dont l’échéance finale était fixée au 15.07.2018 étant précisé que le même jour Messieurs [E] et [L] se sont portés cautions solidaires de ce prêt à hauteur de 2 000 000 € pour une durée de 6 ans.
Puis par protocole d’acquisition en date du 13.12.2013, la SAS Groupe Phineo s’est engagée à acquérir 372 actions des 1000 actions de la SAS Phineo appartenant aux sociétés Futur Technologies et Vicap Conseil moyennant la somme de 7 440 000 euros financée par l’emprunt souscrit. Cet accord prévoyait également l’apport de 628 actions de la SAS Phineo à la SAS Groupe Phineo, par les sociétés Futur Technologies et Vicap Conseil, dans le cadre d’une augmentation de capital de 12 560 000 euros.
M. [N] a été désigné président de la SAS Groupe Phinéo.
Du 3.07.2012 au 16.12.2013 la Direction Générale des Finances Publiques a procédé à un contrôle fiscal de la SAS Phineo au titre des années 2009 à 2011, aboutissant pour l’année 2009 à une proposition de rectification en date du 21.12.2022 et pour les années 2010 et 2011 à une proposition de rectification en date du 23.12.2013 de 6.125.443 euros.
Le 27.05.2014, l’Administration fiscale a procédé à des saisies conservatoires sur les comptes de la SAS Phinéo à hauteur de 6 763 516 euros.
Une transaction a été finalement conclue le 12.12. 2014 entre la SAS Phineo et l’Administration fiscale pour un montant de 2 070 541 euros.
Les banques composant le pool bancaire au regard de l’existence du litige fiscal et estimant que la SAS Groupe Phineo n’exécutait pas ses engagements contractuels (absence de communication de budget, de situation semestrielle et d’attestation de commissaire aux comptes), ont prononcé le 23.01.2015 l’exigibilité du prêt consenti le 13.12. 2013 et ont réclamé à la société Groupe Phinéo le règlement de la somme de 6.279.225,86 euros au titre du prêt par lettre recommandée avec avis de réception du 12.03.2015.
Les sociétés Phineo et Groupe Phineo ont chacune régularisé une déclaration de cessation des paiements le 1.09.2015, motivées selon leur Président M. [N] par la perte de clients importants (Bouygues Telecom et SFR), affectant l’activité de la SAS Phinéo et empêchant la holding, la SAS Groupe Phinéo, de percevoir les dividendes nécessaires au remboursement des échéances du prêt.
Par deux jugements en date du 14.10.2015, le tribunal de commerce de Paris a prononcé les liquidations judiciaires des SAS Phineo et Groupe Phineo.
La date de cessation des paiements a été fixée, s’agissant de la SAS Phineo, au 17.03.2015, correspondant à la première inscription de privilège.
La SELARL Axyme, prise en la personne de Maître [F] [X], a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Phineo.
En 2014 le chiffre d’affaires annuel de la SAS Phineo s’était élevé à 12 118 289 euros.
Le passif déclaré dans le cadre de la liquidation judiciaire s’est élevé à la somme de 11 .752. 937 euros.
L’actif réalisé s’élevant à 1 087 673,51 euros, l’insuffisance d’actif s’établit à la somme de 10 665 264 euros.
Par actes du 10.10.2018, la SELARL Axyme, ès qualités, a assigné :
– Monsieur [C] [N], en sa qualité de dirigeant de droit de la SAS Phineo,
– Messieurs [L] et [E], en leur qualité de dirigeants de fait de la SAS Phineo,
en sanction personnelle.
Par jugement du 1.02.2022, le tribunal de commerce de Paris a déclaré la procédure régulière et débouté Messieurs [L] et [E] de leurs demandes de prescription et de nullité, renvoyant les parties sur le fond.
Par jugement du 05.07.2022, sur le fond, le tribunal de commerce de Paris a:
– Débouté M. [B] [L] de sa demande de communication de pièces :
– Dit que M. [B] [L] n’était pas dirigeant de fait de la SAS Phineo et dit n’y avoir lieu à sanction à son encontre ;
– Dit que M. [R] [E] n’était pas dirigeant de fait de la SAS Phineo et dit n’y avoir lieu à sanction à son encontre ;
– Prononcé la faillite personnelle de M. [C] [N], né le [Date naissance 5] 1976 à [Localité 16], de nationalité française, demeurant [Adresse 2] ‘ [Localité 13] ‘ dernier domicile connu ;
– Fixé la durée de cette mesure à 10 ans ;
– Condamné M. [C] [N] à payer à la SELARL Axyme prise en la personne de Me D. Courtoux la somme de 2 500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, déboutant du surplus de la demande ;
– Débouté les parties de leurs autres demandes ;
– Ordonné l’exécution provisoire du jugement ;
– Dit que cette sanction fera l’objet d’une inscription au Fichier national des interdits de gérer, dont la tenue est assurée par le conseil national des greffiers des tribunaux de commerce ;
– Condamné M. [C] [N] aux entiers dépens de l’instance.
Monsieur [C] [N] n’était ni présent ni représenté dans la procédure de première instance.
Par déclaration du 13.07.2022, la SELARL Axyme, ès qualités, a interjeté appel de cette décision. L’affaire a été enrôlée sous le n° RG 22/13488.
Le 15.09.2022, Monsieur [E] a interjeté appel :
– du jugement avant dire droit du 1.02. 2022,
– du jugement sur le fond du 5.07.2022.
L’affaire a été enregistrée sous le n° RG 22/16199.
Le 13.10.2022, Monsieur [C] [N] a interjeté appel du jugement du 5.07.2022 ; la procédure a été enregistrée sous le n° RG 22/17615.
*****
Dans ses dernières conclusions notifiées le 6.09. 2023 par voie électronique, dans les procédures n° RG 22/13488, n° RG 22/16199 et n° RG 22/17615, la SELARL Axyme, prise en la personne de Me [X], en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Phineo, demande à la cour de :
-Débouter Messieurs [E], [L] et [N] de leurs appels principaux et incidents interjetés à l’encontre du jugement avant dire droit du 1er février 2022 et du jugement sur le fond du 5 juillet 2022,
-Confirmer le jugement du 5 juillet 2022 en ce qu’il:
« Prononce la faillite personne de M. [C] [N] ;
Fixe la durée de cette mesure à 10 ans ;
Condamne Monsieur [C] [N] à payer à la SELARL Axyme prise en la personne de Me D. Courtoux la somme de 2 500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, déboutant du surplus de la demande »
-Réformer le jugement du 5 juillet 2022 en ce qu’il:
« Dit que M. [L] n’était pas le dirigeant de fait de la SAS Phineo et dit n’y avoir lieu à sanction à son encontre ;
Dit que M. [E] n’était pas le dirigeant de fait de la SAS Phineo et dit n’y avoir lieu à sanction à son encontre ;
Déboute les parties de leurs demandes. »
Statuant à nouveau :
-Ordonner la jonction des appels enrôlés sous les numéros de RG 22/13488, 22/16199, et 22/17615
-Dire et juger que Messieurs [B] [L] et [R] [E] sont les dirigeants de fait de la SAS Phineo
-Dire et juger qu’il existe différents griefs à l’encontre de Messieurs [B] [L] et [R] [E], prévus par les articles L.653-4-5° et L.653-5-6° du Code de commerce ;
En conséquence :
-Prononcer une mesure de faillite personnelle à l’encontre de Messieurs [R] [E] et [B] [L] pour une durée qu’il plaira à la cour de fixer,
Subsidiairement :
– Prononcer une mesure d’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale à l’encontre de [R] [E] et [B] [L] pour la durée qu’il plaira à la cour de fixer.
En tout état de cause :
-Condamner solidairement Messieurs [C] [N], [R] [E] et [B] [L] à verser la somme de 10 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.
*****
Dans ses dernières conclusions notifiées le 12.06.2023 par voie électronique, dans les procédures RG 22/13488, RG 22/16199 et RG 22/17615, Monsieur [R] [E] demande à la cour de :
In limine litis,
Infirmer le jugement du 1er février 2022 en ce qu’il a déclaré la procédure régulière et débouté Monsieur [E] de sa demande de prescription.
Et, statuant à nouveau,
Juger que l’action de la SELARL Axyme est prescrite.
Sur le fond,
Confirmer le jugement du 5 juillet 2022 en ce qu’il a dit que Monsieur [R] [E] n’était pas le dirigeant de fait de la SAS Phineo et dit n’y avoir lieu à sanction à son encontre.
Subsidiairement,
Juger qu’aucune faute de gestion imputable à Monsieur [E] n’est établie par la SELARL Axyme agissant par Me [X] ès qualités de liquidateur de la SAS Phineo.
Débouter en conséquence la SELARL Axyme agissant par Me [X] ès qualités de liquidateur de la SAS Phineo de l’intégralité de ses prétentions dirigées contre Monsieur [E].
En tout état de cause,
Débouter les parties de l’ensemble de leurs demandes formulées à l’encontre de Monsieur [E]
Infirmer le jugement du 5 juillet 2022 en ce qu’il a débouté Monsieur [E] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Et, statuant à nouveau,
Condamner la SELARL Axyme, prise en la personne de Me [F] [X], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Phineo, à payer à Monsieur [E] la somme de 15 000 euros par application de l’article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés en première instance, et la somme de 15 000 euros sur le même fondement au titre des frais irrépétibles engagés en cause d’appel,
Condamner la SELARL Axyme, prise en la personne de Me [F] [X], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Phineo, aux entiers dépens de première instance et d’appel dont le recouvrement sera poursuivi par la SELARL 2H Avocats, en la personne de Maître Audrey Schwab, par application des dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.
*****
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27.09.2023, dans les procédures RG 22/13488, RG 22/16199 et RG 22/17615, Monsieur [B] [L] demande à la cour de :
– Confirmer le jugement du 5 juillet 2022 en ce qu’il a dit que Monsieur [L] n’était pas dirigeant de fait de la SAS Phineo ;
– Juger que la SELARL Axyme, prise en la personne de Maître [X], n’établit aucune faute de gestion à l’encontre de Monsieur [L] ;
En conséquence,
A titre principal :
Débouter la SELARL Axyme, prise en la personne de Maître [X], de sa demande de faillite personnelle à l’encontre de Monsieur [L] ;
A titre subsidiaire :
Débouter la SELARL Axyme, prise en la personne de Maître [X], de sa demande d’interdiction de gérer à l’encontre de Monsieur [L] ;
En tout état de cause :
Infirmer le jugement rendu le 5 juillet 2022 en ce qu’il a débouté Monsieur [L] de sa demande au titre de l’article 700 ;
Débouter l’ensemble des parties de leurs demandes formées à l’encontre de Monsieur [L] ;
Et, statuant de nouveau :
Condamner la SELARL Axyme, prise en la personne de Maître [X], au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
*****
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28.09.2023, dans la procédure RG 22/17615, procédure dans laquelle il est appelant étant précisé qu’il ne s’est pas constitué dans les deux autres procédures, Monsieur [C] [N] demande à la cour de :
-Réformer le jugement du 5 juillet 2022 en toutes ses dispositions,
Statuant de nouveau :
A titre liminaire :
-Infirmer le jugement en ce qu’il a déclaré régulier l’acte de signification du 11 octobre 2018 et la procédure régulière,
-Prononcer la nullité de la signification de l’assignation de la société Axyme du 11 octobre 2018,
-Annuler l’assignation du 11 octobre 2018 ;
Sur le fond :
-Juger que Monsieur [C] [N] n’a commis aucune faute de gestion,
-Débouter la société Axyme de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de Monsieur [C] [N],
-Débouter les parties de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions dirigées contre Monsieur [C] [N],
En tout état de cause :
-Débouter la société Axyme de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de Monsieur [C] [N],
-Débouter les parties de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions dirigées contre Monsieur [C] [N],
-Condamner la société Axyme au paiement de la somme de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
*****
Par deux avis siggnifiés par voie électronique le 12.01.2023 (RG n°22/16199 et 22/13488) et le 17 avril 2023 (RG n°22/17615), le ministère public sollicite :
-la confirmation du jugement du 05 juillet 2022, en ce qu’il a prononcé la faillite personnelle de M. [C] [N] et a fixé la durée de cette mesure à 10 ans, et
-l’infirmation du jugement du 05 juillet 2022 attaqué, en ce qu’il a jugé que M. [E] et M. [L] n’étaient pas dirigeants de fait de la SAS Phineo,
-en conséquence, le prononcé à l’encontre de Messieurs [E] et [L] d’une mesure de faillite personne pour une durée de 10 ans.
MOTIFS DE LA DECISION,
Sur la jonction des procédures
La procédure n° RG 22/13488 est un appel formé par la Selarl Axyme à l’encontre de Monsieur [N], de Monsieur [E] et de Monsieur [L].
Seuls Messieurs [E] et [L] ont constitué avocat et déposé des conclusions.
Pour autant la procédure est régulière à l’égard de Monsieur [N] à qui la déclaration d’appel et les conclusions ont été signifiées par acte d’huissier en date du 17.10.2022 transformé en PV de recherches infructueuses le 21.10.2022.
La procédure n°RG 22/16199 est un appel formé par Monsieur [E] des deux décisions rendues s’agissant de la décision du 1.02.2022 ayant statué sur la recevabilité de la procédure engagée à l’encontre de Monsieur [E] et de Monsieur [L] et sur la prescription des actions engagées à leur encontre et de la décision du 5.07.2022. L’appel est formée contre la Selarl Axyme et Monsieur [E] a attrait dans l’appel formé par lui Messieurs [L] et [N]. La Selarl Axyme et Monsieur [L] ont constitué avocat, Monsieur [N] n’a pas constitué avocat.
La procédure n° RG 22/17615 est l’appel formé par Monsieur [N] à l’encontre du jugement du 5.07.2022. Les intimés sont la Selarl Axyme, Messieurs [E] et [L], qui ont tous les trois constitué avocat et conclu.
Il convient de prononcer la jonction des trois procédures sous le numéro 22/13488 en constatant que:
– l’appel formé par la Selarl Axyme à l’encontre de Monsieur [N] est recevable puisque la déclaration d’appel et les conclusions ont été signifiées à ce dernier
– l’appel formé par Monsieur [N] est recevable
– l’appel formé par Monsieur [E] contre les deux jugements rendus par le tribunal de commerce de Paris est recevable
– dans les procédures 13478 et 16199 seul Monsieur [N] n’a pas conclu mais il a par ailleurs conclu et il a été répondu par les autres parties à ses conclusions dans la procédure 17615 de telle sorte que le principe du contradictoire a été respecté.
Sur la nullité de l’acte introductif d’instance soulevée par Monsieur [N]
Monsieur [N] soutient que l’assignation qui lui a été délivrée le 11.10.2018 sur le fondement de l’article 659 du Code de procédure civile est nulle, les diligences de l’huissier de justice ayant été plus qu’insuffisantes et un grief lui ayant été occasionné, pris de ce que le jugement du 5 juillet 2022 a retenu que « le dirigeant de droit, M. [C] [N] ne s’est pas présenté à l’audience, n’a fourni aucune explication au tribunal, tant sur les griefs qui lui sont reprochés que sur son absence à l’audience’ ».
La SELARL Axyme réplique que :
– les mentions figurant sur le PV de l’huissier (constatation de l’absence de domicile, résidence, lieu de travail connus) font foi jusqu’à inscription de faux, et que
– M. [N] ne peut en tout état de cause se prévaloir de sa propre négligence, tirée de qu’il n’a pas informé la SELARL Axyme ès qualités de son changement d’adresse.
Sur ce
L’article 654 du code de procédure civile dispose que la signification doit être faite à personne.
L’article 655 du code de procédure civile dispose dans son premier alinéa que si la signification à personne s’avère impossible, l’acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut, de domicile connu, à résidence.
Aux termes de l’article 656, si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l’acte au domicile du destinataire, la signification est faite à domicile mais le pli est conservé à l’étude de l’huissier et il est laissé un avis de passage.
Enfin, selon les dispositions de l’article 659 du code de procédure civile dans son premier alinéa, lorsque la personne à qui l’acte doit être signifié n’a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l’huissier de justice dresse un procès verbal où il relate avec précision les diligences qu’il a accomplies pour rechercher le destinataire de l’acte.
En l’espèce l’huissier instrumentaire a tenté de signifier l’assignation à l’adresse mentionnée sur le Kbis de la société comme étant l’adresse du dirigeant, [Adresse 2] à [Localité 13], Kbis daté du 2.03.2017.
Or de l’aveu même de Monsieur [N] celui ci a déménagé en 2014 et il n’a pas modifié son adresse au Kbis alors qu’il s’agit d’une obligation légale.
La cour relève en outre qu’il a indiqué être domicilé au [Adresse 2] lors de la déclaration de cessation des paiements alors même qu’il n’y résidait plus, et que l’adresse indiquée comme étant la sienne est toujours le [Adresse 2] à [Localité 13] sur le jugement statuant sur le plan de cession en date du 3.12.2015.
Monsieur [N] ne rapporte pas la preuve qu’il a informé en cours de procédure le liquidateur judiciaire de sa nouvelle adresse.
Il ne peut donc tirer argument de sa propre carence dans le respect de ses obligations sociales de dirigeant.
Par ailleurs l’huissier a effectué des diligences s’agissant de contacter le gardien pour vérifier l’adresse de Monsieur [N], et celui ci lui a indiqué que Monsieur [N] avait quitté les lieux en 2011 sans laisser d’adresse mais l’huissier n’est pas comptable des informations erronées qui ont pu lui être données puisque Monsieur [N] a quitté cette adresse en 2014, mais uniquement de la réalisation de démarches ayant pour but de procéder à une signification à personne.
Monsieur [N] critique le fait que le nom du gardien n’ait pas été précisé sur l’acte mais pour déterminer la réalité des diligences effectuées par l’huissier pour signifier à personne l’acte cet élément est indifférent puisqu’il importe juste de constater que l’huissier a tenté de retrouver Monsieur [N] en contactant un tiers. L’huissier a tenté de joindre monsieur [N] sur le numéro de téléphone dont il disposait sans succès.
Monsieur [N] soutient qu’il ne s’agit pas de son numéro mais il n’en rapporte pas la preuve et surtout il ne rapporte pas la preuve que le mandataire liquidateur avait connaissance de son réel numéro de téléphone.
L’huissier a enfin effectué des recherches sur l’annuaire électronique.
Monsieur [N] critique les diligences de l’huissier en indiquant que celui ci n’a pas contacté les services postaux et la direction des finances publiques. Il indique qu’il avait fait un renvoi de son courrier et que la Poste était donc informée de sa nouvelle adresse et qu’il avait communiqué celle ci aux services des impôts.
La cour rappelle que l’huissier doit réaliser les diligences qui lui semblent utiles pour tenter de signifier à personne l’acte. Il ne peut être attendu de l’huissier un travail d’enquêteur multipliant les recherches, alors que par ailleurs le dirigeant a manqué à une de ses obligations fondamentales s’agissant d’indiquer son adresse réelle tant sur le Kbis de la société que dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire.
Ainsi il ressort des mentions portées sur le procès verbal de recherches infructueuses que des diligences ont été effectués par l’huissier sans qu’il ait été possible pour lui de trouver l’adresse de Monsieur [N].
La cour souligne que les éléments que ce dernier fait valoir pour soutenir que les diligences de l’huissier ont été indigentes, s’agissant de son renvoi postal datent de deux ans avant la date d’assignation, puisque les preuves produites sont de 2016, et qu’il n’est pas établi que le dispositif était toujours en cours en 2018. S’agissant de l’adresse fiscale, si il est établi effectivement que Monsieur [N] a indiqué dans sa déclaration fiscale pour les revenus 2017 établie en conséquence en mai ou juin 2018 sa nouvelle adresse en Belgique, il a également indiqué faussement qu’il était jusqu’au 1.01.2018 domicilié au [Adresse 2] à [Localité 13], démontrant une volonté renouvelée de dissimuler son adresse véritable entre 2014 et 2018.
En conséquence il convient de dire que l’huissier a réalisé des diligences suffisantes au sens de l’article 659 pour tenter de signifier l’acte à la personne de Monsieur [N] et de dire régulière en conséquence l’assignation délivrée.
Sur la prescription
Monsieur [E] soulève la prescription de l’action engagée à son encontre.
Il soutient que seul l’acte signifié par l’huissier belge le 25.10.2018 était de nature à interrompre le délai de prescription, de sorte que l’action en sanction personnelle engagée à son encontre était prescrite depuis le 14.10. 2018.
Il expose que si il était retenu que c’est la date d’envoi du courrier de l’huissier français à l’huissier belge qui devait être retenu force est de constater que la Selarl Axyme ne rapporte pas la preuve de la date d’envoi de ce courrier de nature à interrompre la prescription.
La SELARL Axyme ès qualités fait valoir que c’est à bon droit que le tribunal de commerce de Paris a retenu par jugement du 1.02.2022 que « l’examen des documents produits par le demandeur confirme que les 3 assignations (une pour chacune des défendeurs) ont été produites le 10 octobre 2018 soit moins de 3 ans après la liquidation judiciaire de la société du 14 octobre 2015 », de sorte que la fin de non-recevoir tirée d’une prétendue prescription de son action devait effectivement être rejetée.
Elle indique qu’il est de jurisprudence constante que c’est la date d’envoi, et non la date de réception, qui interrompt la prescription dans le cadre d’une notification d’acte judiciaire ou extrajudiciaire à l’étranger, qu’en l’espèce, l’acte interruptif de prescription a été signifié le 10.10.2018 par l’huissier français, Me [U] [I], selon PV d’accomplissement des formalités de significations internationales dressé à cette date, afin de toucher Monsieur [E], domicilié en Belgique.
Le ministère public s’aligne sur la position du liquidateur et ajoute que dans le cadre de la présente instance, il n’a été fait appel que du jugement du tribunal de commerce de Paris du 5.07.2022 (RG n°2019002484) alors qu’il a été statué sur ces moyens par un jugement du 1.02.2022 du tribunal de commerce de Paris qui n’est pas objet du présent appel et que les moyens de M. [E] sont donc inopérants.
Sur ce
L’action engagée par la Selarl Axyme est fondée sur les articles L.653-1 et suivants du Code de commerce, qui régissent la faillite personnelle et les autres mesures d’interdiction et dont l’article L 653-1 prévoit que les actions en sanction personnelle peuvent être engagées à l’encontre des dirigeants de droit ou de fait et se prescrivent par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire.
Le jugement de liquidation judiciaire est en date du 14.10.2015 de telle sorte que l’action en comblement de passif devait être introduite au plus tard le 14.10.2018.
En l’espèce Monsieur [E] résidant en Belgique l’huissier français a établi un acte d’accomplissement des formalités par lequel il transmet à l’huissier belge l’acte à signifier. Cet acte d’accomplissement des formalités est adressé à l’huissier belge par lettre recommandée et la date d’envoi de la lettre recommandée interrompt la prescription.
L’acte d’accomplissement des formalités est daté du 10.01.2018.
Le tribunal a été saisi de 4 procédures par la selarl Axyme à l’encontre de Monsieur [N], dirigeant de droit, et de messieurs [E] et [L], associés et dont elle soutenait qu’ils étaient dirigeants de fait:
– une action en responsabilité pour insuffisance d’actif de la SAS Phinéo
– une action en sanction personnelle dans le cadre de la liquidation judiciaire de la SAS Phinéo
– une action en responsabilité pour insuffisance d’actif de la SAS Groupe Phinéo
– une action en sanction personnelle dans le cadre de la liquidation judiciaire de la SAS Groupe Phinéo.
Ces 4 procédures sont référencées chez l’huissier français de la façon suivante:
RIA SAS Phineo n°045132
Sanctions personnelles SAS Phineo n° 045133
RIA Groupe Phineo n°045134
Sanctions personnelles SAS Groupe Phineo n°045135.
Les numéros indiqués sont ceux mentionnés sur les 4 actes d’accomplissement des formalités tous datés du 10.01.2018, établis pour qu’il soit procédé à l’assignation de Monsieur [E] dans chacune des procédures.
Dans les 4 procédures le liquidateur judiciaire a produit les mêmes pièces s’agissant de la pièce 44 qui est une photocopie des lettres recommandées adressées par l’huissier français à l’huissier belge.
On constate à la lecture de cette pièce qu’un seul envoi recommandé a été adressé à Me [W], l’huissier belge, s’agissant de la lettre recommandée RK 05 395 048 9 FR avec la mention sous l’adresse du destinataire de ‘colis 133″;
Or 4 lettres auraient du être envoyées correspondant aux 4 assignations à délivrer.
La Selarl Axyme ne versant aux débats qu’un seul envoi recommandé et le recommandé produit correspondant, ainsi qu’indiqué, à la procédure 133, c’est à dire à la procédure Sanctions personnelles SAS Phinéo, il en découle que la preuve est rapportée de l’envoi d’un courrier recommandée interrompant la prescription à l’huissier belge avant le terme de la prescription pour le présent dossier.
De telle sorte que la prescription n’est pas acquise à l’encontre de Monsieur [E] pour la procédure de sanction personnelle relevant de la gestion de la SAS Phinéo.
Sur l’action en sanction personnelle
Préliminairement
Il ressort des différents documents produits et de la proposition de rectification de l’administration fiscale en date du 23.12.2013 les éléments suivants concernant l’actionnariat direct et indirect de la société Phinéo.
La société Phinéo a été créée et immatriculée le 4.05.2007 par messieurs [N] et [G]
La propriété de son capital a évolué au cours des années:
– lors de la création de la société les deux associés détenaient chacun 50% des parts sociales.
– le 1.01.2009 le capital est détenu par Monsieur [G] à hauteur de 97,60% et Monsieur [V] à hauteur de 2,40%
– Monsieur [G] cède sa participation à la société Futur Technologies le 30.03.2009
– Monsieur [V] cède sa participation à Monsieur [N] le 19.01.2010
– le capital social est donc détenu à partir de cette date par la société Futur Technologies à hauteur de 97,60% et Monsieur [N] à hauteur de 2,40%, ce dernier se substituant ensuite sa société Vicap Conseil dont lui et son épouse sont les seuls associés.
La société Futur Technologies est une société luxembourgeoise créée le 5.12.2008.
Son capital était détenue lors de sa création par la société Excelliance et par la société Comitium International chacune à hauteur de 50%.
La société Excelliance était détenue par la société Comitium International à hauteur de 99,99% et par Monsieur [S] à hauteur de 1%.
La société Comitium International est détenue par 4 associés personnes physiques à hauteur de 25% chacun qui sont Messieurs [S], [K], [J] et [P].
Le 5.12.2013 Monsieur [E] créé la société de droit luxembourgeois Tesli dont il est l’associé unique.
Le même jour Monsieur [L] crée la société Blue Equity, également société de droit luxembourgeois, dont il est l’associé unique.
Ces deux sociétés ont acquis les parts sociales de la société Futur Technologies à une date qui n’est pas précisée mais qui ne peut être que équivalente ou postérieure au 5.12.2013, date de leur création.
Il ressort des statuts des sociétés Tesli et Blue Equity qu’à la date de création de chacune des sociétés, le 5.12.2013,Messieurs [E] et [L] étaient déjà actionnaires de la société Futur Technologies. En effet l’un et l’autre apporte au capital de leur société personnelle 500 actions de la société Future Technologies évalués à 12.500.000 euros.
Il apparait en outre de la pièce 24 produite par Monsieur [L] qu’il était salarié de la société Futur Technologies du 01.01.2011 au 13.08.2013 en qualité de responsable du développement interne.
Les éléments exposés par l’administration fiscale dans sa proposition de rectification indiquent qu’aucun document juridique n’a été mis à sa disposition concernant l’actionnariat de Futur Technologues sinon l’attestation de l’administrateur de la société concernant l’identité des 4 actionnaires au 31.12.2011 ([S], [K], [J] et [P]).
Il ressort cependant du registre du commerce et des sociétés du Luxembourg, dont les mentions sont rappelées dans la proposition de rectification, que le 1.08.2012 un acte a été enregistré intitulé ‘modification administrateur/gérant’, ce qui laisse à penser à une modification de l’actionnariat à cette date. Il peut ainsi être retenu que Monsieur [E] et Monsieur [L] sont devenus actionnaires de Future Technologies entre le 1.01.2012 et le 4.12.2013 sans cependant qu’une date plus précise puisse être établie.
Le 6.12.2013 la SAS Groupe Phinéo, société de droit français est créée. Ses associés sont Futur Technologies à hauteur de 97,60% et Vicap Conseil à hauteur de 2,40%.
Elle acquiert, le 13.12.2013, une partie des parts sociales de la SAS Phinéo appartenant à la société Futur Technologies et à la société Vicap Conseil grâce au prêt bancaire souscrit le même jour.
S’agissant de la procédure de vérification fiscale elle a concerné la société Phinéo pour les années 2009, 2010 et 2011 mais la proposition de rectification fiscale communiquée par le liquidateur ne concerne que les années 2010 et 2011, une proposition fiscale ayant été adressée le 21.12.2012 pour l’année 2009.
Elle vise plusieurs irrégularités comptables et fiscales s’agissant:
– de la TVA sur l’affacturage au titre de l’année 2010
– de la TVA sur les factures SHT réglée en 2011 et Conseil Attitude réglées en 2010
– du caractère fictif des factures SHT et Conseil Attitude
– du caractère fictif de la facture Eolen datée du 31.12.2011
– du caractère fictif des redevances versées à la société Futur Technologies pour l’utilisation de la marque Phinéo Technologies en 2010 et 2011
– du caractère non justifié des provisions pour dépréciation sur créances client au 31.12.2011.
Elle remet en cause le fait que la société puisse prétendre à un crédit impôt recherche pour les années 2010 et 2011 ainsi que la qualité de Jeune Entreprise Innovante obtenue par la société Phinéo le 29.03.2011 ayant permis à celle ci de bénéficier d’allégements fiscaux.
Une transaction a été signée entre la société Phinéo et l’administration fiscale pour un montant de 2.070.541 euros, le 12.12.2014, visant les années 2009, 2010 et 2011 aux termes de laquelle :
– les sommes en principal dues au titre de la TVA 2009, 2010 et 2011 sont maintenues et les intérêts et majorations supprimés ou diminués ;
– les sommes en principal sur l’impôt sur les sociétés pour les années 2009, 2010, 2011, outre l’IFA 2011 et la CSB 2011 sont maintenus et les intérêts et majorations supprimés ou diminués ;
– les CVAE 2010, 2011 et la taxe additionnelle 2011 sont maintenus en principal et intérêts;
– les pénalités sont maintenues sur le principe mais diminuées sur le montant.
La cour souligne cependant que l’ensemble des rectifications opérées par l’administration fiscale concerne une période antérieure à l’entrée au capital de messieurs [E] et [L] dans la société Phinéo par l’intermédiaire de la société Groupe Phinéo et de la société Futur technologies et de leurs sociétés personnelles puisque la détention de parts sociales de la société Futur Technologies par messieurs [E] et [L] n’est avérée de façon certaine par l’intermédiaire de leurs sociétés respectives, Tesli et Blue Equity, que postérieurement au 5.12.2013 et que la seule mention sur le RCS de la société Futur Technlogies d’un changement d’administrateur ou de gérant le 1.08.2012 ne permet pas de retenir qu’ils sont entrés au capital de la société à cette date.
S’agissant des rectifications opérées par l’administration fiscale l’une concerne le caractère fictif des factures des sociétés SHT et Conseil Attitude.
La société SHT avait pour associés messieurs [E] et [L] à hauteur de 45% chacun et Monsieur [A] à hauteur de 10%. Elle n’avait pas de salarié. Créée le 25.05.017 elle fait l’objet d’une liquidation amiable à compter du 17.03.2011 et l’administration fiscale a retenu que la facture d’un montant de 149.500 euros du 8.02.2011 était fictive comme ne correspondant à aucune prestation réalisée.
La société Conseil Attitude immatriculée le 15.12.2008 avait pour associés messieurs [E] et [L], comme gérant Monsieur [A], employait trois salariés: les deux associés et Monsieur [Y], et a fait l’objet d’une liquidation amiable à compter du 19.01.2011. Elle a établi des factures pour un montant total HT de 1.022.441, 50 euros entre 2008 et 2010 et a perçu des règlements sur l’année 2010 d’un montant total HT de 832.583,61 euros.
Lorsque les factures litigieuses ont été réglées Messieurs [E] et [L] n’étaient pas associés de la société Phinéo.
Sur la direction de fait de Monsieur [L]
La SELARL Axyme, ès qualités, expose qu’il existe de nombreux actes positifs de gestion effectués par Monsieur [L] pour le compte de la SAS Phineo :
-M. [L] s’identifiait comme Directeur de département Phineo avec l’adresse courriel suivante : « [Courriel 19] », ce alors qu’il n’a jamais été salarié ;
– Il s’occupait de la négociation des frais bancaires de la société Phineo ainsi que de la relation avec l’un des principaux clients de la société, Bouygues Telecom (suivi des bons de commande et facturation associée) ;
– Il s’est porté candidat à la reprise de la SAS Phineo, aux termes du jugement de cession du 03 décembre 2015 ;
– Dans le cadre du prêt consenti par le pool bancaire à la SAS Groupe Phineo le 13 décembre 2013 pour un montant de 7 800 000 €, seuls Messieurs [E] et [L] se sont portés cautions solidaires, et non Monsieur [N], pourtant dirigeant de droit et Monsieur [L] était inclus dans le contrat d’assurance au profit du pool bancaire, homme clé,
– le courriel de Monsieur [T] en date du 20.01.2015 démontre la qualité de dirigeant de fait de Monsieur [L].
Monsieur [L] fait valoir que la SELARL Axyme échoue à démontrer l’existence d’actes positifs de gestion comme celle de son indépendance totale, conditions cumulatives pourtant nécessaires à la caractérisation de la direction de fait.
Il fait notamment valoir que, alors que la gestion de fait doit être caractérisée à l’époque des griefs formulés, les éléments avancés par la SELARL Axyme datent de 2011 uniquement, pour des griefs allégués en 2013.
Sur ce
Il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que le dirigeant de fait est celui qui exerce une activité positive de gestion et de direction en toute souveraineté et indépendance.
Les actes positifs de gestion doivent avoir été effectués au cours de l’activité de la société.
A ce titre le fait que Monsieur [L] se soit porté candidat à la reprise de la SAS Phinéo est d’une part postérieur à la période d’activité de la société et d’autre part ne constitue pas un acte de gestion de celle ci.
Par ailleurs le fait que Monsieur [L] se soit porté caution du prêt consenti à la SAS Groupe Phinéo ne constitue pas un acte de gestion de la SAS Phinéo mais un engagement de l’actionnaire pour permettre la souscription d’un emprunt bancaire par la société holding. De même le fait que Monsieur [L] ait été inclus dans l’assurance homme clé souscrite au profit du pool bancaire relève de la gestion de la SAS Groupe Phinéo et non de la gestion de la SAS Phinéo.
Monsieur [L] reconnaît qu’il a rempli des fonctions de directeur commercial, par l’intermédiaire de sa société de conseil, auprès de la société Phinéo pour participer à l’évolution de l’activité de la société qui intervient dans le domaine de l’industrie automobile. C’est dans ce cadre qu’il explique avoir utilisé une adresse ‘[Courriel 19]’.
Il explique que c’est aussi dans le cadre de ses fonctions de directeur de département qu’il a négocié des frais bancaires de la société Phinéo et géré le contrat Bouygues.
Cependant Monsieur [L] ne produit aucun contrat de prestation de service entre lui et la société Phinéo aux termes duquel il intervient pour exercer des fonctions de directeur commercial ou directeur de département.
La preuve du cadre contractuel dans lequel il intervient n’est donc pas rapportée, et en particulier il n’est nullement établi qu’il exerçait ses fonctions de directeur commercial sous la responsabilité de Monsieur [N] président de la société, puisqu’aucun écrit ne le rappelle expressément, alors qu’il reconnaît par ailleurs avoir pu engager la société auprès de la banque, ou auprès d’un des clients les plus importants s’agissant de Bouygues.
En d’autres termes Monsieur [L] intervenait pour le compte de la société Phinéo en dehors de tout statut de salarié ou de prestataire de service et ne peut soutenir s’être inscrit dans un cadre hiérarchique défini par écrit.
En outre sur une partie de l’année 2011 Monsieur [L] était salarié de l’actionnaire principal de la société Phinéo, Futur Technologies. Il a perçu du 01.01.2013 au 13.08.2013 une rémunération nette de 70.015 euros soit environ 7400 euros par mois. Ainsi, alors qu’il était salarié de l’actionnaire et alors qu’aucun contrat de mise à disposition n’existe entre Futur Technologie et Phinéo, Monsieur [L] a exercé des fonctions de directeur commercial dans Phinéo dont l’importance implique nécessairement qu’il s’y soit consacré à temps plein.
Il ressort par ailleurs des emails produits qu’en 2011 il est l’interlocuteur de la compagnie d’assurance. Il signe à ce titre un avenant, et discute du montant de la prime d’assurance et de son versement, alors que la négociation du contrat d’assurance relève des fonctions d’un directeur administratif et financier et non d’un directeur commercial et qu’il s’agit, pour la signature d’un avenant, d’un acte engageant la société.
En 2015 le directeur administratif et financier lui demande, aux termes des emails communiqués, de contacter SFR pour obtenir paiement des factures impayées. Or le recouvrement de la facturation impayée ne relève pas, a priori, du directeur commercial. La demande du DAF démontre en réalité le fait que Monsieur [L] exerçait des fonctions plus étendues que les seules fonctions de directeur commercial qu’il aurait exercées alors.
Monsieur [L] excipe d’un mail de Monsieur [N] interdisant au directeur financier de lui communiquer les éléments comptables qu’il avait demandés, pour démontrer qu’il n’avait pas accès à certaines informations comptables et financières et donc n’exerçait pas des fonctions de dirigeant de fait.
Cependant d’une part ce mail démontre que Monsieur [L] demandait directement aux salariés de l’entreprise des informations alors que si cette information lui était due du fait de sa qualité d’associé de la société (par l’intermédiaire de la SAS Groupe Phinéo, de Futur Technologies et de Blue Equity) elle aurait du être délivrée par le président de la société ou sous son couvert.
D’autre part le mail de Monsieur [T], directeur financier, démontre que Monsieur [L] disposait d’une carte bancaire sur le compte de la société Phinéo, et pouvait donc utiliser le crédit de la société en toute indépendance.
Enfin la réponse de Monsieur [N] fait état d’un refus en faisant valoir que ces deux personnes (messieurs [E] et [L]) n’ont aucune autorité en interne et ont généré suffisamment de perturbation au sein de la société ces dernières années, démontrant que le dirigeant de droit estimait que les associés avaient fait preuve d’ingérence.
Au regard des fonctions exercées par Monsieur [L], de la réalité de ses interventions en toute indépendance la gestion de la société, d’une part reconnues par lui -banque et Bouygues- , d’autre part dont la preuve est rapportée-contrat d’assurance et paiement SFR-, de l’absence de tout contrat de travail ou de contrat de prestation de service permettant d’établir qu’il intervenait dans un cadre précis de subordination au dirigeant de droit il est établi que Monsieur [L] s’est comporté comme un dirigeant de fait à compter del’année 2011.
Sur la direction de fait de Monsieur [E]
Monsieur [E] indique n’avoir jamais détenu, à titre personnel et direct, de parts sociales dans la SAS Phineo et fait valoir qu’il n’était investi d’aucune fonction de direction ou de gestion de cette société.
Il expose qu’il ne pouvait donc accomplir en toute liberté et indépendance, de façon continue et régulière, d’activité positive de gestion et de direction engageant la société, de sorte qu’il ne saurait être considéré comme dirigeant de fait.
La SELARL Axyme, ès qualités, fait valoir l’existence d’actes positifs de gestion pour le compte de la SAS Phineo :
-Signature d’un contrat de prestation de services entre les sociétés Phineo et Linkeo.com le 30 avril 2009 ayant pour objet la refonte du site internet Phineo, dont l’une des annexes est signée pour la SAS Phineo par Monsieur [E] en sa qualité de « DO » ;
-Courriel du 21 avril 2010 signé par Monsieur [E] pour le compte de SAS Phinéo depuis l’adresse mail « [Courriel 17] » ;
-Conventions signées sans contreparties réelles par la SAS Phineo avec les SARL SHT et Conseil Attitude appartenant directement ou indirectement à M. [E] ;
-Détention par M. [E] de 50% du capital de la SAS Futur Technologies, détenant elle-même plus de 95% de la SAS Phineo.
-Dans le cadre du prêt consenti par le pool bancaire à la SAS Groupe Phineo le 13 décembre 2013 pour un montant de 7 800 000 €, seuls Messieurs [E] et [L] se sont portés cautions solidaires, et non Monsieur [N], pourtant dirigeant de droit.
Sur ce
Il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que le dirigeant de fait est celui qui exerce une activité positive de gestion et de direction en toute souveraineté et indépendance.
Le fait que Monsieur [E] ait été associé de la société Phinéo par l’intermédiaire de Futur Techonologie et de la société Holding Phinéo ne constitue pas un acte de gestion de la SAS Phinéo mais constitue un engagement de l’actionnaire pour permettre la souscription d’un emprunt bancaire par la société holding Groupe Phinéo.
Le fait qu’il se soit porté caution du prêt consenti à la SAS Groupe Phinéo ne constitue pas plus un acte de gestion de la SAS Phinéo.
S’agissant de la signature d’un contrat de prestation de services entre les sociétés Phineo et Linkeo.com le 30 avril 2009 et du mail envoyé le 21.04.2010, il ressort de la proposition de rectification fiscale en page 15 la mention suivante:
l’un des documents intitulé ‘Refonte et hébergement de votre site internet’ et daté du 30.04.2009 est signé par M.[R] [E] pour le compte de la société PHINEO avec pour fonction ‘DO’. Dans un courrier en date du 21/04/2010, l’interlocuteur pour le projet de création d’un extranet (pour la gestion des CRAM) est encore M.[R] avec une adresse courriel [Courriel 17]
Le document en question n’est pas produit aux débats, ni le mail.
Même si le nom indiqué sur le document a des ‘sonorités’ proches du nom de Monsieur [R] [E], le nom complet et son orthographe ne sont pas identiques.
Concernant le mail du 21.04.2010, l’indication de monsieur ‘[R]’, alors que ‘[R]’ est le prénom de Monsieur [E] et non son patronyme, laisse à penser à une confusion qui n’est pas probante.
Les inexactitudes affectant le nom de la personne ayant signé le document et le mail par rapport au nom de l’intimé ne permettent pas de retenir ces éléments comme la preuve de sa direction de fait. La cour souligne en outre que la portée dudit document reste inconnue puisqu’il n’est pas indiqué s’il s’agissait d’un contrat engageant la société.
Le liquidateur fait enfin valoir les conventions signées sans contreparties réelles par la SAS Phineo avec les SARL SHT et Conseil Attitude appartenant directement ou indirectement à M. [E]. Cependant ces conventions ne rapportent pas la preuve que Monsieur [E] s’est comporté comme dirigeant de fait de la société Phinéo, faute de démontrer que Monsieur [E] les a signées pour le compte de Phinéo, sa signature pour les sociétés contractantes se justifiant par le fait qu’il en était l’un des associés.
Enfin le fait que ces contrats aient été fictifs n’établit pas la direction de fait.
En conséquence la direction de fait de Monsieur [E] n’est pas établie et il convient de confirmer la décision entreprise.
Sur les griefs
Sur le paiement de prestations non justifiées à des sociétés appartenant aux dirigeants de fait
La SELARL Axyme ès qualités expose que :
– le 1er septembre 2010, les SAS Phineo et SARL SHT ont signé un contrat pour une durée de 3 mois et un montant forfaitaire de 125 000 €, réglé par la SAS Phineo le 17 mars 2011 alors que d’une part, la SARL SHT était détenue directement par Messieurs [L] (45%) et [R] [E] (45%) et que d’autre part la réalité des travaux réalisés par la SARL SHT peut être remise en cause.
– Le 17 décembre 2008, les sociétés SAS Phineo et SARL Conseil Attitude ont signé un contrat d’assistance et conseil en réorganisation, pour un montant de 250 000 € HT dû dès la signature du contrat par la société Phineo, ainsi qu’une facture journalière de 2 500 € payable tous les mois à titre échu, que la rémunération totale de la SARL Conseil Attitude à ce titre s’est élevée à la somme de 1 222 840 €, qu’il a été précisé au service vérificateur de l’Administration fiscale que les intervenants avaient été Messieurs [L] et [E] et qu’il résulte des éléments communiqués à l’Administration fiscale par les sociétés que les factures de la SARL Conseil Attitude sont fictives comme ne correspondant pas à des travaux réellement exécutés.
Le liquidateur conclut que ces facturations fictives constituent un abus de biens sociaux qui a inéluctablement appauvri la SAS Phineo sans réelle contrepartie, de sorte que cette faute de gestion a concouru à l’insuffisance d’actif de la SAS Phineo.
Monsieur [N] réplique que la société Conseil Attitude a notamment remis à la société Phineo un rapport pour mieux gérer la crise de 2008/2009, sur lequel il s’est fondé pour décider de nouvelles orientations stratégiques pour Phineo, que la mission de la SARL SHT a également porté ses fruits pour redorer l’image de Phineo, de sorte qu’aucun de ces contrats ne peut être qualifié de fictif.
Monsieur [L] indique que ces contrats de prestations de services, indéniablement réels, ont contribué au développement considérable du chiffre d’affaires de la SAS Phineo, passé de 5 millions d’euros en 2009 à 15 millions d’euros en 2012.
Le ministère public expose que des travaux ont été payés par la société Phinéo à la SARL SHT et à la SARL Conseil Attitude sans justification des prestations, que ces sociétés appartenaient majoritairement à messieurs [L] et [E] et que le grief est établi.
Sur ce
L’article L 653-4 dispose que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant de droit ou de fait, d’une personne morale contre lequel a été relevé l’un des faits ci-après:
3°) avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement
(…)
5°) avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale.
L’administration fiscale aux termes de ses opérations de vérification a retenu le caractère fictif des prestations réalisées par les sociétés SHT et Conseil Attitude et a donc réintégré dans le bénéfice de la société les factures payées qui avaient été incluses dans les charges de la société.
Il ressort du protocole transactionnel signé entre la société Phinéo et l’administration fiscale que l’ensemble des redressements en principal a été maintenu et donc le redressement d’impôt sur les sociétés motivé en partie par le caractère fictif des factures des sociétés SHT et Conseil Attitude.
Monsieur [N] et Monsieur [L] ne rapportent pas la preuve de la réalité du travail effectué en versant aux débats par exemple, les comptes rendus de mission et les rapports établis par les deux sociétés comme démontrant l’exécution des prestations facturées alors que l’administration fiscale a retenu:
– pour SHT qui était censée avoir créé le site de la SAS Phinéo, l’avoir hébergé et avoir assuré son référencement dans les moteurs de recherche selon la proposition commerciale du 1.10.2019, qu’elle n’était pas capable d’indiquer le nom de ses intervenants dans le cadre de l’exécution du contrat, qu’elle ne disposait pas elle-même de site internet alors qu’elle se présentait comme un leader dans la création de site internet, que la société Phinéo qui a présenté lors de la procédure de vérification deux documents relatifs à l’audit technique qui aurait été réalisé par SHT lors de l’exécution du contrat a refusé de remettre les deux documents, que la société Phinéo a refusé de remettre le contrat signé et qu’enfin la mission exécutée a été réalisée, en réalité, par la société Linkeo.com qui est mentionnée sur la page d’accueil du site internet de la société Phinéo comme ayant réalisé ledit site et qui interrogée par l’administration fiscale, a confirmé être intervenue pour la société Phinéo pour des prestations équivalentes à celles facturées par la société SHT,
– pour Conseil Attitude que celle ci aurait réalisé un audit et aurait émis des préconisations pour une restructuration de la société Phinéo mais que les comptes rendus n’ont pas été produits, que la facture du 2.04.2010 mentionne une référence de bon de commande daté du 6.09.2010 donc postérieure à la facture, que la société Conseil Attitude n’avait aucune expérience dans le domaine des restructurations de société puisqu’elle a été immatriculée deux jours avant la date de signature du contrat, que le fait que les intervenants avaient pour leur part l’expérience requise n’a pas été prouvé par la société, que les investigations menées auprès des clients démontrent que la plupart des clients, et en particulier ceux n’étant pas dans l’automobile, étaient déjà des clients de la SAS Phinéo avant les travaux de la société Conseil Attitude.
Le caractère fictif est donc établi par le redressement fiscal.
Le paiement des factures des deux sociétés a donc été contraire à l’intérêt de la société.
En procédant à ce paiement, alors qu’il savait que les prestations étaient fictives, Monsieur [N] a commis une faute. Cependant il n’était pas intéressé directement ou indirectement aux sociétés ayant perçu le paiement de sorte que le grief est retenu non sur le 3°) de l’article L 653-4 mais sur le 4°) du même article s’agissant d’avoir frauduleusement augmenté le passif de la société Phinéo.
Monsieur [L] n’était pas dirigeant de fait lorsque les factures de Conseil Attitude ont été réglées puisque les règlements ont été opérés en 2009 et 2010.
Par contre sa direction de fait a été retenue pour la période de l’année 2011 aux cours de laquelle la facture de la société SHT de 149.500 euros a été réglée de telle sorte qu’il convient de retenir le grief d’avoir fait des biens de la société un usage contraire à l’intérêt de celle ci dans son intérêt propre puisqu’il était associé de la société SHT.
Sur les redevances de marques versées à la société Futur Technologies, actionnaire majoritaire de la holding de la SAS Phineo
La SELARL Axyme, ès qualités, indique que l’administration fiscale a relevé le paiement de redevances non causées à l’actionnaire majoritaire de la holding de la SAS Phineo, la société Futur Technologies.
Elle indique que l’objet du contrat de licence conclu le 1er juin 2009, ayant justifié le versement de 1 057 274 euros de dividendes à la SA Futur Technologies lors de l’AG du 25.12. 2011, se rapportait en réalité à une marque qui n’a pas d’ancienneté, non déposée, et donc non protégée à l’époque, de sorte que ces redevances n’étaient pas justifiées.
Monsieur [N] réplique que la SAS Phineo a profité d’une licence exclusive sur la marque « Phineo Technologies » qui a été utilisée dans l’intégralité de sa communication et pour tout le temps de sa croissance entre 2009 et 2013, exercices amplement bénéficiaires, de sorte que les redevances sont justifiées.
Monsieur [L] fait valoir que ces redevances ont permis le développement commercial de Phineo et qu’elles ont en tout état de cause cessé le 01.01.2014.
Le ministère public expose que des redevances de marque non causées ont été versées à la société Futur Technologies pour la marque Phineo Technologies enregistrée à l’INPI par Futur Technologies 18 jours après la signature le 1.06.2009 d’un contrat de licence entre Futur Technologies et la SAS Phinéo avec des redevances sur le chiffre d’affaires entre 4.5 et 5% portées à 5 et 8% par avenant du 22.10.2011 alors que la SA Futur Technologie appartenait majoritairement à Messieurs [L] et [E].
Sur ce
L’article L 653-4 du code de commerce dispose que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant de droit ou de fait, d’une personne morale contre lequel a été relevé l’un des faits ci-après:
3°) avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement
(…)
5°) avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale.
L’administration fiscale aux termes de ses opérations de vérification a retenu le caractère fictif des redevances réglées par la société Phinéo à la société Futur Technologies en retenant:
– qu’aucun élément ne permet d’apprécier le développement d’une éventuelle marque Phinéo Technologies sur le territoire français entre la date de sa création et la date de signature du contrat de redevance de marque soit en moins de 6 mois
– la société Phinéo n’a apporté aucun élément de valorisation de la marque Phinéo Technologies qui aurait permis de déterminer les modalités de calculs des montants des redevances ainsi que les taux appliqués
– que l’objet du contrat de licence se rapporte donc à une marque qui n’a pas d’ancienneté avec une exclusivité sur un territoire où elle n’est pas connue
– qu’ainsi la marque Phinéo Technologies n’ayant pas de renommée, une contrepartie financière dans son principe et son montant n’est pas justifiée
– que la marque Phinéo Technologies a été enregistrée auprès de l’INPI 18 jours après la signature du contrat
– que les marques Phinéo et Phinéo Technologies ne se différencient que par le suffixe Technologies,
– que contrairement à ce qu’a soutenu la société Phinéo le chiffre d’affaires réalisé relève de clients qui utilisent les services de la société Phinéo et n’utilisent pas la marque Phinéo Technologies de telle sorte qu’il n’existe pas de chiffre d’affaires associé à la marque Phinéo Technologies justifiant les redevances.
Elle a donc réintégré dans le bénéfice de la société les redevances payées incluses intialement dans les charges de la société.
Il ressort du protocole transactionnel signé entre la société Phinéo et l’administration fiscale que l’ensemble des redressements en principal a été maintenu et donc le redressement concernant l’impôt sur les sociétés qui retenait le caractère fictif des redevances versées.
Au regard des constatations de l’administration fiscale il convient de retenir ce grief à l’encontre de Monsieur [N] qui connaissait parfaitement le caractère fictif de la marque déposée puisque:
– il avait créé la société en 2007, qui dès le départ avait pour nom Phinéo,
– il savait que la marque Phinéo Technologies avait été déposée postérieurement à la création de la société Phinéo,
– il n’est pas établi par des éléments versés par lui aux débats, que la société Futur Technologies avait développé la marque Phinéo Technologies antérieurement à la création de la société Phinéo,
– la marque a été déposée après la signature du contrat de licence ce qui établit son caractère fictif.
Enfin il n’apparaît pas que ce soit l’utilisation de la marque Phinéo Technologies, dont la preuve n’est pas rapportée qu’elle faisait l’objet d’une diffusion pour accroitre son audience et sa connaissance dans les milieux professionnels susceptibles d’avoir recours aux services développés par les sociétés l’exploitant, qui ait été à l’origine de l’augmentation de l’activité de la société Phinéo, aucun chiffre d’affaires n’étant associé à une activité développée sous le nom de Phinéo Technologies.
Il y a donc lieu de retenir ce grief à l’encontre de Monsieur [N] sur le fondement de l’article L 653-4 5° dans la mesure où Monsieur [N] n’avait pas d’intérêt dans la société Futur Technologies.
Il convient de retenir également ce grief à l’égard de Monsieur [L] qui était dirigeant de fait au moment où l’avenant augmentant la redevance a été signée, sur le même fondement.
Sur la perception de dividendes pour une large partie composés des subventions CIR
La SELARL Axyme, ès qualités, souligne que le rapport du cabinet Syndex expose que plus de 20 millions d’euros ont été transférés vers l’actionnaire Futur Technologies sous forme de dividendes sur la période 2007-2013, dont une part significative est issue de fausses déclarations de subventions Crédit Impôt Recherche auprès du Service des Impôts des Entreprises (3 180 788 euros au total), qu’ainsi, alors que la société se trouvait au 31 décembre 2013 dans une situation obérée et que ses créanciers n’étaient plus payés, les dirigeants n’ont pas hésité à accorder plus de 3 millions d’euros de dividendes à l’actionnaire ultra-majoritaire Futur Technologies, opération à laquelle ils étaient directement intéressés, en leur qualité d’actionnaires indirects de cette société.
Elle recherche la responsabilité des dirigeants non seulement sur le fondement de l’article L. 653-4 3° du code de commerce au regard des versements de dividendes versés en 2013, mais également sur le fondement de l’article L 653-4 5° exposant qu’il a été jugé qu’il y avait augmentation frauduleuse du passif lorsque le dirigeant s’était volontairement soustrait au paiement de l’impôt dont il est résulté un redressement fiscal ayant entraîné une augmentation de charges de la société et la cessation des paiements, qu’il importe peu que la distribution des dividendes procède d’une décision de l’assemblée générale des actionnaires dès lors que le dirigeant auquel incombe tous les actes d’administration et de gestion en a pris l’initiative, que cette faute en privant la société de la possibilité d’honorer ses dettes exigibles à la date d’ouverture de la procédure a nécessairement contribué à l’insuffisance d’actif et constitue une augmentation frauduleuse du passif.
M. [N] réplique que les dividendes ont été versés à Futur Technologies au titre des seuls exercices 2010, 2012 et 2013, en application de décisions collectives des associés et non de sa seule initiative. Il ajoute que sur ces exercices, la SAS Phineo avait réalisé un chiffre d’affaires très satisfaisant avec des résultats largement bénéficiaires.
Monsieur [L] indique que la SELARL Axyme ès qualités ne produit aucune pièce pour justifier que les sommes versées au titre du CIR étaient indues.
Il fait valoir qu’au contraire, aux termes du rapport de Mme [D] [O] produit en pièce n°19, rien ne permet de remettre en cause le bienfondé du CIR.
Le ministère public expose que le conseil des représentants du personnel a indiqué dans un courrier en date du 28.09.2015 que la société se trouvait en état de cessation des paiements depuis fin 2013 du fait du contrôle fiscal et de la perception du CIR et que le cabinet Syndex a démontré que plus de 20 millions d’euros ont été transférés vers l’actionnaire Futur Technologies sur la période 2007-2013, les subventions CIR représentant une part significative des résultats transférés sous forme de dividendes.
Il fait valoir que l’administration fiscale a procédé à un redressement concernant le CIR qu’elle a estimé indu, et a donc déclaré sa créance au passif de la liquidation judiciaire ce qui a considérablement augmenté le passif de la SAS Phinéo, que les sommes remboursées indûment au titre du CIR à la société Phinéo ont en réalité été reversées sous forme de dividendes à la société Futur Technologies de sorte que la société d’exploitation n’a pu procéder au remboursement du CIR indûment versée, de telle sorte que le caractère frauduleux de l’augmentation du passif apparaît avéré.
Sur ce
L’article L 653-4 du code de commerce dispose que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant de droit ou de fait, d’une personne morale contre lequel a été relevé l’un des faits ci-après:
3°) avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement
(…)
5°) avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale.
Dans sa proposition de rectification fiscale en date du 23.12.2013 l’administration fiscale remet en cause le CIR versé pour les années 2010 d’un montant de 1.431.424 euros et 2011 pour 1.138.888 euros.
Or à réception de la proposition de rectification aucune provision n’a été passée dans les comptes 2013 de la société au titre des sommes reçues au titre du CIR 2010 et 2011, ce qui a entrainé un refus de certification des comptes 2013 par le commissaire aux comptes tel qu’indiqué dans son rapport daté du 19.09.2014.
Cependant contrairement à ce que soutient le liquidateur judiciaire il n’apparait pas dans les comptes 2014 que le résultat bénéficiaire de l’exercice comptable 2013 ait été distribué. En effet il est indiqué dans le bilan 2013, au passif, un compte report à nouveau de 1 euro et un compte résultat de l’exercice de 1.342.152 euros. Le bilan 2014 fait état, au passif d’un compte report à nouveau de 1.342.152 euros démontrant en conséquence que le résultat 2013 n’a pas été distribué. De telle sorte qu’il ne ne peut être fait aucun grief aux dirigeants.
S’agissant du résultat 2012 d’un montant de 3.264.827 euros il ressort par contre de la même comparaison entre le passif du bilan 2012 et le passif du bilan 2013 que cette somme a été distribuée.
Cependant la date de la distribution n’est pas connue puisque résultant de l’assemblée générale qui a validé les comptes et voté la distribution du bénéfice dont le procès-verbal n’est pas produit.
Aucun élément ne permet donc de retenir, comme le fait le liquidateur judiciaire, que ce vote et cette distribution ont eu lieu postérieurement à la réception de la proposition de rectification fiscale datée du 23.12.2012. A la date où cette distribution a eu lieu, soit probablement courant 2012, il ne peut donc être retenu qu’elle caractérise un des griefs visés par l’article L 653-4 que ce soit dans son 3°) ou son 5°).
Sur l’irrégularité de la comptabilité
La SELARL Axyme ès qualités expose que la DGFIP a constaté de multiples manquements délibérés aux règles d’exigibilité en matière de TVA collectée.
Elle indique que la SAS Phineo a eu recours à des sociétés d’affacturage, sans pour autant s’enquérir auprès de celles-ci du paiement effectif par les clients des créances confiées, de sorte qu’un décalage s’est produit au titre de la liquidation de la TVA, que les dirigeants de la SAS Phineo ont donc commis une faute de gestion liées au non-respect des obligations fiscales, entraînant une augmentation du passif de la société dès lors qu’une majoration de 40% a assorti les rappels de TVA pour l’exercice 2010.
Elle fait valoir les factures émises au profit des sociétés SHT et Conseil Attitude que l’administration fiscale a qualifié de fictives ce qui a eu des incidences sur le redressement au titre de l’impôt sur les sociétés, ainsi que la facture Eolen qui est également une facture fictive, ce qui démontre l’irrégularité de la comptabilité.
Monsieur [N] réplique que les déclarations fiscales de la SAS Phineo étaient réalisées par un cabinet d’expertise comptable et que ses comptes étaient certifiés par un Commissaire aux comptes de premier plan (KPMG).
Il ajoute qu’en tout état de cause, une transaction a été régularisée avec l’administration en 2014, et que les conséquences de ces éventuels manquements ont dont été effacées.
Monsieur [L] fait valoir que trois manquements constituent ce grief selon le liquidateur, que le manquement aux obligations fiscales n’est cependant reproché par le liquidateur qu’à Monsieur [N] et ne le concerne pas, que les redevances injustifiées et les factures fictives ont selon le liquidateur abouti à une notification de redressement fiscal mais il expose que celui ci a abouti à une transaction et que les éléments produits ne permettent pas d’analyser la répartition des sommes payées au titre de la transaction sinon qu’une part importante concerne le paiement de la TVA qui ne le concerne pas, que la signature de la transaction fiscale ne vaut pas reconnaissance des infractions reprochées par l’administration.
Il indique que la conclusion d’un contrat d’apporteur d’affaires avec la société Eolen ne concerne que Monsieur [N] et que le crédit impôt recherche avait été validé par un expert du CNRS et les services techniques de la DRRT.
Le ministère public expose que la TVA collectée n’a pas reversée pour un montant représentant 243.000 euros ce qui a conduit l’administration fiscale à appliquer des intérêts de retard, majorations et amendes à la hauteur de 143.000 euros, que des redressements d’impôts sur les sociétés ont été décidés à hauteur de 3.051.000 euros et ont généré des intérêts de retard, majorations et amendes à hauteur de 468.000 euros.
Sur ce
L’article L. 653-5 dispose que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l’article L.653-1 contre laquelle a été relevé l’un des faits ci-après:
6°) avoir fait disparaitre des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité, lorsque les textes applicables en font obligation ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables.
Contrairement à ce que soutient Monsieur [L] le grief tiré des redressements fiscaux au titre de la TVA et de l’impôt sur les sociétés lui a été reproché par le liquidateur judiciaire en première instance ainsi qu’il ressort de la lecture des pages 8 et 9 de la décision critiquée de telle sorte qu’il ne s’agit pas d’un nouveau grief en cause d’appel.
Dans le cadre de la procédure de vérification fiscale l’administration fiscale a procédé à une régularisation de la TVA du fait du décalage dans la liquidation de la TVA au titre des créances affacturées mais également s’agissant du paiement de la TVA indûment déduite sur les factures fictives d’honoraires réglées aux SARL SHT et Conseil Attitude.
Par ailleurs l’administration fiscale ayant déclaré fictives les factures des sociétés SHT et Conseil attitude a réintégré le montant de celles ci dans le bénéfice de la société et en a fait de même pour les redevances de marque.
Enfin l’administration fiscale a réintégré les provisions pour dépréciation sur créances client qu’elle a estimé non justifiées.
Ces redressements opérés par l’administration fiscale démontrent le caractère irrégulier et insincère de la comptabilité.
S’agissant de la facture Eolen aucun paiement n’est intervenu mais il ressort de la procédure de vérification fiscale qu’une modification de la liasse fiscale 2011 a été opérée après le début du redressement fiscal pour réintégrer dans les comptes de la société la somme correspondant au paiement de la facture Eolen d’un montant de 1.6000.000 euros.
Si le paiement n’est pas intervenu c’est en raison même de l’intervention de l’administration fiscale et non par une volonté des dirigeants et cette modification de la comptabilité en cours de vérification fiscale démontre son caractère irrégulier.
Contrairement à ce que soutient Monsieur [N] la transaction intervenue avec l’administration fiscale n’a pas ‘effacée’ les manquements constatés par celle ci dans le cadre de la vérification de comptabilité. Au contraire il résulte de ladite transaction le maintien du redressement de TVA pour 2009, 2010 et 2011 le maintien du redressement concernant l’impôt sur les sociétés 2009, 2010 et 2011 incluant donc les sommes réintégrées au titre des factures, redevances et provisions fictives et le maintien du principe des pénalités même si les montants ont été diminués de telle sorte qu’en signant la transaction la société a reconnu les irrégularités affectant sa comptabilité.
Enfin il ressort des éléments de l’espèce que alors que la société a reçu la proposition de rectification le 23.12.2013 procédant à un redressement fiscal important aucune provision n’a été passée par la société, ce qui a entraîné le refus de certification des comptes de l’exercice 2013 par le commissaire aux comptes. Les comptes 2013 sont donc insincères.
Le grief est caractérisé à l’encontre du dirigeant de droit Monsieur [N] mais également de Monsieur [L], dirigeant de fait, pour les redressements concernant l’année 2011 et affectant donc la comptabilité de l’année 2011 ainsi que pour la comptabilité de l’année 2013.
Sur l’omission de déclarer l’état de cessation des paiements dans le délai légal
L’article L.653-8 dans son alinéa 3 dispose que l’interdiction de gérer peut également être prononcée à l’encontre de toute personne mentionnée à l’article L. 653-1 qui a omis sciemment de demander l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation.
Dans la mesure où il est retenu l’existence de griefs justifiant le prononcé d’une mesure de faillite personnelle à l’encontre de des dirigeants de fait et de droit il n’y a pas lieu d’examiner ce grief qui ne peut être sanctionné que par une interdiction de gérer.
Sur les sanctions
La sanction prononcée à l’encontre de Monsieur [N] d’une durée de 10 ans se justifie pleinement au regard du fait que Monsieur [N] a été dirigeant de droit de la société Phinéo de la création de la société à sa liquidation. Il a donc pris ou supervisé l’ensemble des décisions qui ont entraîné la déconfiture de la société et qui pour certaines sont des décisions constituant des fautes graves de gestion car n’ayant pas permis le suivi de l’activité de la société et ayant présenté un image de celle ci infidèle (comptabilité irrégulière), ou ayant abouti à faire des biens de la société un usage contraire à l’intérêt de celle ci en versant des fonds très importants à des tiers ou à l’associé sans justification desdits versements (factures et redevances fictives).
La liquidation de la société n’est donc pas tant le résultat de la perte du client Bouygues et du client SFR mais est le résultat du redressement fiscal opéré pour les années 2009 à 2011 puisque c’est la saisie opérée par l’administration fiscale qui a enrayé le développement de la société alors qu’un projet de développement externe était en cours.
Or le redressement fiscal n’est que la conséquence des fautes diverses commises par les dirigeants.
La cour souligne que si les sommes versées aux tiers ou à l’associée n’avaient pas été versées la société aurait évité en grande partie le redressement fiscal et le paiement d’intérêts et de pénalités, et aurait disposé de fonds propres lui permettant de faire face à sa baisse d’activité ou aux difficultés de règlement de ses créances.
S’agissant de Monsieur [L] il est dirigeant de fait de la société depuis 2011. Il a participé en partie aux décisions de gestion ayant été à l’origine de l’appauvrissement de la société (facture SHT, redevances fictives pour 2011) ainsi qu’à l’absence de tenue d’une comptabilité régulière pour l’année 2011 et l’année 2013. Au regard des griefs retenus à son encontre une sanction de 5 ans de faillite est prononcée le concernant.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
La SELARL Axyme ès qualités sollicite la condamnation solidaire de Messieurs [C] [N], [R] Ait Si-Selmi et [B] [L] au paiement de la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
Monsieur [N] sollicite la condamnation de la SELARL Axyme ès qualités à lui verser 10 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.
Monsieur [B] [L] demande l’infirmation de la décision de première instance en ce qu’elle l’a débouté de sa demande sur le fondement de l’article 700 et sollicite la condamnation de la SELARL Axyme ès qualités à lui verser 10 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.
Monsieur [E] demande l’infirmation de la décision de première instance en ce qu’elle l’a débouté de sa demande sur le fondement de l’article 700 et sollicite la condamnation de la SELARL Axyme ès qualités à lui verser 15 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en première instance, et 15 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en cause d’appel, outre les entiers dépens.
Sur ce
Il est inéquitable de laisser la Selarl Axyme ès qualités, supporter les frais irrépétibles engagés pour assurer sa défense et Monsieur [L] et Monsieur [N] sont condamnés in solidum à lui verser la somme de 10.000 euros.
Monsieur [L] et Monsieur [N] sont par ailleurs déboutés de leur demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et la décision de première instance qui n’a pas accordé de sommes sur ce même fondement à Monsieur [L] est confirmée.
En ce qui concerne Monsieur [E] au regard des faits de l’instance, il n’apparaît pas inéquitable de laisser à sa charge les frais irrépétibles qu’il a engagé en première instance et en appel de telle sorte que la décision de première instance est confirmée en ce qu’elle l’a débouté de sa demande à ce titre et sa demande en cause d’appel est rejetée.
Les dépens sont mis à la charge de Monsieur [L] et de Monsieur [N].
PAR CES MOTIFS
Prononce la jonction des trois procédures RG 22/13488, RG 22/16199 et RG 22/17615 sous le numéro 22/13488,
Déboute Monsieur [N] de son exception de nullité de l’assignation qui lui a été délivrée devant le tribunal de commerce,
S’agissant du jugement du 1.02.2022
Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 1.02.2022,
S’agissant du jugement du 5.07.2022
Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 5.07.2022 sauf en ce qu’il a dit que Monsieur [L] n’était pas dirigeant de fait de la SAS Phinéo et dit n’y avoir lieu à sanction à son encontre,
et statuant à nouveau
Dit que Monsieur [L] était dirigeant de fait de la SAS Phinéo à compter de l’année 2011,
Prononce une sanction de faillite personnelle d’une durée de 5 ans à l’encontre de Monsieur [B] [L],
Dit que cette sanction fera l’objet d’une inscription au Fichier National des interdits de gérer dont la tenue est assurée par le conseil national des greffiers des tribunaux de commerce,
et y ajoutant
Déboute Monsieur [L], Monsieur [N] et Monsieur [E] de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum Monsieur [L] et Monsieur [N] à payer à la Selarl Axyme ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Phinéo la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum Monsieur [L] et Monsieur [N] aux dépens de l’instance d’appel.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE