Augmentation de capital : décision du 7 mars 2024 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/01470
Augmentation de capital : décision du 7 mars 2024 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/01470
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT AU FOND

DU 07 MARS 2024

N° 2024/ 33

Rôle N° RG 20/01470 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BFQY5

SARL LORD GESTION

C/

[X] [V]

[I] [D]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Charles TOLLINCHI

Me Sophie LE ROUX

Décision déférée à la Cour :

Jugement du tribunal judiciaire de GRASSE en date du 16 Janvier 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 17/02240.

APPELANTE

SARL LORD GESTION poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, dont le siège social est sis [Adresse 6] – [Localité 5]

représentée par Me Charles TOLLINCHI de la SCP CHARLES TOLLINCHI – CORINNE PERRET-VIGNERON, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Monsieur [X] [V]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 9] (92), demeurant [Adresse 3] – [Localité 2]

représenté par Me Karine TOLLINCHI de la SCP CHARLES TOLLINCHI – CORINNE PERRET-VIGNERON, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

APPELANT ET INTIME

Monsieur [I] [D]

né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 8] (ALGERIE), demeurant [Adresse 7] – [Localité 4]

représenté par Me Sophie LE ROUX, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Philippe TRAVERT, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 09 Janvier 2024 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Mars 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Mars 2024,

Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

La SARL Lord Gestion est une société à responsabilité limitée à capital variable dont M. [X] [V] est le gérant.

La SARL Lord Gestion ayant envisagé une augmentation de son capital, M. [I] [D] a acquis en décembre 2007, 300 sociales d’une valeur initiale de 10 €, pour un montant de 3.000 €.

Par acte du 5 janvier 2013, M. [I] [D] a cédé ses premières parts sociales acquises en 2008 à M. [X] [V] pour un montant de 2.700 €.

M. [I] [D] a, également, souscrit une seconde augmentation de capital, à hauteur de 20.000 €.

Relativement à cette seconde souscription, M. [I] [D] s’est vu restituer la somme de 5.000 €.

Reprochant à M. [V] de ne lui avoir jamais fait réellement souscrire des parts sociales dans la société et de ne pas l’avoir intégralement remboursé des sommes prêtées, M. [D] l’a fait assigner, ainsi que la SARL Lord Gestion, par acte d’huissier en date du 19 avril 2017, devant le tribunal de grande instance de Grasse.

Par jugement en date du 16 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Grasse a :

– déclaré M. [I] [D] recevable en son action en paiement,

– débouté M. [I] [D] de ses demandes formées à l’encontre de M. [X] [V] en son nom personnel,

– condamné la SARL Lord Gestion à payer à M. [I] [D] la somme totale de 15.000 €,

– dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2016,

– débouté M. [I] [D] de sa demande de dommages et intérêts,

– condamné la SARL Lord Gestion à payer à M. [I] [D] la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la SARL Lord Gestion aux entiers dépens de l’instance,

– ordonné l’exécution provisoire.

Pour statuer en ce sens le tribunal a retenu que :

– sur l’irrecevabilité des demandes en paiement de M. [D] :

* selon les défendeurs, la participation de M. [D] au capital social emporte l’obligation pour ce dernier, sollicitant le rachat de ses parts, de saisir le président du tribunal de grande instance en la forme des référés afin de solliciter la désignation d’un tiers évaluateur en application de l’article 11 des statuts de la société et de l’article 1843-4 du code civil,

* l’article 1843-4 susvisé n’a toutefois vocation à s’appliquer qu’en cas de contestation sur la valeur des parts sociales dont il est envisagé la vente,

* en l’espèce, il ne ressort d’aucune pièce qu’une contestation ait été soulevée relativement au prix de vente de ces actions,

* dès lors que M. [D] reproche à M. [V] de lui avoir avait emprunté les sommes litigieuses sans qu’elles servent à la souscription de parts sociales dans le capital de la société Lord Gestion, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir respecté les modalités de revente desdites parts sans avoir au préalable confirmé leur existence,

– sur la créance invoquée par M. [D] :

* la clause de variabilité du capital social incluse à l’article 7 des statuts n’est pas nulle, en l’absence de violation des dispositions de l’article L 231-5 du code de commerce,

* il résulte de l’acte de cession de parts du 5 janvier 2013 et de l’attestation de souscription au capital du 3 avril 2009 que M. [D] a bien acquis, par deux fois, des parts sociales de la SARL Lord Gestion,

* M. [D] ne rapporte pas la preuve des manoeuvres qu’il reproche à M. [V] pour le convaincre de procéder à ces souscriptions et il ne justifie pas de l’absence d’augmentation du capital de la société, de sorte que la responsabilité à titre personnel de M. [V] n’est pas engagée,

– M. [V], en sa qualité de gérant de la société Lord Gestion, a reconnu la dette de la société à l’égard de M. [D], établissant la souscription de parts sociales par ce dernier,

* dès lors que M. [D] a affirmé sa volonté de récupérer le montant apporté au capital de la société, il entend faire valoir son droit de retrait et en l’absence de difficulté sur la valeur des parts litigieuses, la société doit être condamnée à payer la somme de 23.000 € au titre du rachat des parts sociales, montant duquel il convent de déduire la somme de 8.000 € ( 300 € de frais et 7.700 € déjà remboursés), soit un solde de 15.000 € en faveur de M. [D].

Par déclaration en date du 29 janvier 2020, la SARL Lord Gestion a interjeté appel de cette décision, en les dispositions du jugement qui ont :

– déclaré M. [I] [D] recevable en son action en paiement,

– condamné la SARL Lord Gestion à payer à M. [I] [D] la somme totale de 15.000 €, qui produira intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2016,

– débouté M. [I] [D] de sa demande de dommages et intérêts,

– condamné la SARL Lord Gestion à payer à M. [I] [D] la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la SARL Lord Gestion aux entiers dépens de l’instance.

Cet appel a été enregistré sous le n° RG 20/01470.

Par déclarations en date des 11 et 19 mars 2020, enrôlées sous les n° RG 20/03812 et 20/04199, M. [I] [D] a relevé appel du jugement entrepris à l’encontre des dispositions relatives à M. [V].

Les trois appels ont fait l’objet d’une ordonnance de jonction.

Aux termes de leurs conclusions déposées et notifiées par RPVA le 23 septembre 2020, la SARL Lord Gestion, appelante, et M. [X] [V], intimé, demandent à la cour de :

Vu les articles L 231-1 et suivants du code de commerce,

Vu les articles 1843-4 et suivants du code civil,

Vu les articles 1137 et 1376 du code civil,

– déclarer recevable et bien fondé l’appel interjeté par la société Lord Gestion,

– infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

– déclarer irrecevables les demandes de M. [I] [D] à l’encontre de la société Lord Gestion ainsi qu’à l’encontre de M. [X] [V], faute d’avoir engagé la procédure d’ordre public prévu à l’article 1843-4 du code civil,

– débouter, en tout état de cause, M. [I] [D] de l’intégralité de ses fins, moyens et prétentions à l’encontre de la société Lord Gestion ainsi qu’à l’encontre de M. [X] [V],

– condamner M. [I] [D] à payer à la SARL Lord Gestion la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

– condamner M. [I] [D] à payer à M. [X] [V] la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, ceux d’appel distraits au profit de la SCP Tollinchi-Perret- Vigneron- Bujoli-Tollinchi, avocats aux offres de droit.

Sur la prétendue irrecevabilité de l’appel de la SARL Lord Gestion invoquée par l’intimé, ils font valoir que :

– les dispositions de l’article 902 du code de procédure civile ne peuvent trouver application, le greffe n’ayant jamais adressé un quelconque avis et en tout état de cause, en vertu de l’article 914 du même code, seul le conseiller de la mise en état est compétent pour statuer sur cette demande,

– le défaut d’exécution d’un jugement, même assorti de l’exécution provisoire, ne rend pas l’appel irrecevable.

Sur le fond, ils concluent à l’irrecevabilité des demandes formées par M. [D] aux motifs que:

– les associés ont opté pour un capital variable de la SARL Lord Gestion, disposition qui figure très explicitement dans les statuts,

– la variabilité du capital facilite l’arrivée et la sortie de nouveaux associés, avec des formalités allégées et une telle SARL permet également de bénéficier d’un renfort au moyen de fonds propres de ses associés pour financer notamment une opération immobilière, ce qui a été le cas en l’espèce,

– M. [D] a acquis, à deux reprises, des parts sociales de la SARL Lord Gestion et, en contrepartie de son apport, il dispose d’un droit aux dividendes lors de leur distribution outre une part de l’actif de la société en cas de dissolution de celle-ci et est également tenu aux dettes à concurrence de ses apports,

– en 2015, M. [D] a sollicité le remboursement de la somme de 20.000 € versée au moment de la souscription au capital de la SARL Lord Gestion, un tel remboursement ne pouvant toutefois s’exercer que dans le cadre de l’exercice de son droit de retrait, lequel obéit tant aux dispositions statutaires qu’aux règles d’ordre publics fixées par le code civil,

– l’article 9 des statuts prévoit la possibilité de retrait d’un associé et renvoie à l’article 11 qui précise que le rachat des parts est déterminé conformément à l’article 1843-4 du code civil,

– l’article 1843-4 susvisé est d’ordre public, de sorte que pour pouvoir solliciter le rachat de ses parts suite à son retrait, M. [D] aurait dû saisir en la forme des référés le président du tribunal de grande instance compétent, afin de solliciter la désignation d’un tiers évaluateur selon les modalités de l’article précité prescrites à peine d’irrecevabilité de la demande,

– contrairement aux allégations adverses, l’augmentation du capital social et l’entrée dans la société de l’intimé n’étaient soumises à aucune obligation de modification statutaire et ce dernier est donc bien titulaire des parts sociales telles que souscrites suite à son apport de 20.000 €,

– il existait donc bien à la souscription du capital social, une contrepartie réelle,

– il ne peut être soutenu qu’il n’existerait aucune difficulté quant à la valorisation des parts, les échanges de SMS entre les parties n’engageant que M. [V] à titre personnel mais non la société Lord Gestion.

M. [I] [S], suivant ses dernières conclusions signifiées le 14 décembre 2022, demande à la cour de :

Vu les articles 1101, 1128, 1129, 1137 du code civil,

Vu les articles 1134 et suivants du code civil,

Vu les articles 1224 et suivants du code civil,

Vu les articles 1240 et suivants du code civil,

– déclarer l’appel de M. [I] [D] régulier, recevable et bien fondé ;

– déclarer les demandes reconventionnelles de M. [I] [D] régulières, recevables et bien fondées ;

– débouter la société Lord Gestion de l’ensemble de ses moyens, fins et prétentions ;

A titre liminaire :

– constater que la société Lord Gestion n’a pas respecté l’exécution provisoire prononcée par le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Grasse en date du 16 janvier 2020 ;

– constater que la société Lord Gestion n’a pas procédé à la signification de sa déclaration d’appel auprès de M. [I] [D] ;

En conséquence :

– déclarer l’appel de la société Lord Gestion irrecevable ;

Sur la recevabilité des demandes de M. [I] [D] :

– confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Grasse en date du 16 janvier 2020 en ce qu’il a déclaré les demandes en paiement de M. [I] [D] recevables ;

– débouter la société Lord Gestion de sa demande visant à voir déclarer les demandes de M. [I] [D] irrecevables ;

Sur la créance invoquée par M. [I] [D] :

– confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Grasse en date du 16 janvier 2020 en ce qu’il a jugé que M. [I] [D] bénéficiait d’une créance à l’égard de la société Lord Gestion ;

– infirmer le jugement rendu par le tribunal Judiciaire de Grasse en date du 16 janvier 2020

en ce qu’il a jugé que M. [I] [D] bénéficiait d’une créance à l’égard de la société Lord Gestion d’un montant de 15 000 € assortie du taux d’intérêt légal ;

– infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Grasse en date du 16 janvier 2020 en ce qu’il a jugé que M. [I] [D] ne bénéficiait pas d’une créance à l’égard de M. [X] [V]; – débouter la société Lord Gestion de sa demande visant à voir déclarer les demandes de M. [I] [D] irrecevables ;

Et statuant de nouveau :

– constater l’absence de contrepartie au versement de la somme de 20.000 € par M. [I] [D] au titre d’une prétendue souscription au capital de la société Lord Gestion;

– constater les man’uvres et le dol de la part de M. [X] [V];

– constater la nullité, subsidiairement la résolution de l’acte du 3 avril 2009, et constater le remboursement partiel à hauteur de 5 000 € par M. [X] [V] ;

– constater que M. [X] [V] s’est reconnu redevable de la somme et qu’il a engagé sa responsabilité envers M. [S];

– condamner solidairement ou in solidum M. [X] [V] et la société Lord Gestion à verser à M. [I] [D] la somme de 15.300 €, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 15 juillet 2016 ;

Sur les dommages et intérêts sollicités par M. [I] [D] :

– infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Grasse en date du 16 janvier 2020

en ce qu’il a débouté M. [I] [D] de sa demande de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi ;

Et statuant de nouveau :

– condamner solidairement ou in solidum M. [X] [V] et la société Lord Gestion à verser à M. [I] [D] la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation ;

En tout état de cause :

– confirmer le jugement rendu sur le surplus ;

– débouter la société Lord Gestion et M. [X] [V] de leurs demandes visant à voir condamner M. [I] [D] à leur verser la somme de 2 000 € chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner solidairement ou in solidum M. [X] [V] et la société Lord Gestion à verser à M. [I] [D] la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouter la société Lord Gestion et M. [X] [V] de leurs demandes visant à voir condamner Monsieur [I] [D] aux entiers dépens ainsi qu’à ceux d’appel distraits ;

– condamner solidairement ou in solidum M. [X] [V] et la société Lord Gestion à verser à M. [I] [D] la somme de 500 € liée à la procédure de tentative d’exécution forcée ; – condamner les même aux entiers frais et dépens.

Il conclut à l’irrecevabilité de l’appel de la société Lord Gestion aux motifs que :

– l’appelante aurait dû lui signifier sa déclaration d’appel par voie d’huissier et ce conformément à l’article 902 du code de procédure civile,

– malgré l’exécution provisoire du jugement prononcée, cette dernière ne s’est pas acquittée du montant des condamnations mises à sa charges.

Il sollicite la confirmation du jugement querellé en ce qu’il a retenu que son action en paiement était recevable, faisant une exacte application des dispositions des articles L 231-1 du code de commerce et 1843-4 du code civil :

– les parties s’opposent sur l’existence même des parts sociales qu’il aurait souscrites au sein de la société Lord Gestion, laquelle n’a soulevé aucune contestation concernant le prix de vente des parts litigieuses,

– en tout état de cause, son action vise à se voir rembourser les sommes qu’il a prêtées à M. [X] [V], lesquelles n’ont jamais servi à la souscription de parts sociales,

– la société Lord Gestion est dans l’incapacité de rapporter la preuve qu’il était bel et bien titulaire de parts sociales,

– dès lors qu’il n’a jamais bénéficié de parts sociales au sein de cette société, l’article 1843-4 n’a aucune vocation à s’appliquer,

– son action à l’encontre tant de la SARL Lord Gestion que de M. [V] est donc parfaitement recevable.

Il estime être fondé à réclamer la condamnation solidaire de la société Lord Gestion et de M. [V] au paiement de la somme de 15.300 € aux motifs que :

– le versement de la somme de 20.000 € n’a reçu aucune contrepartie, ni acquisition de parts sociales, ni augmentation de capital,

– l’absence de contrepartie entraîne la nullité de la convention visant à souscrire des parts sociales de la société par augmentation de capital,

– les parties adverses prétendent qu’une telle augmentation peut se faire sans formalité particulière en vertu d’une clause de variabilité prévue à l’article 7 des statuts, que toutefois une telle clause est nulle en ce qu’elle ne prévoit pas le montant du capital maximal autorisé,

– il s’ensuit que toute augmentation du capital doit être décidée par la collectivité des associés dans les conditions requises pour une telle décision ( assemblée générale extraordinaire de modification des statuts, enregistrement et paiement des droits, annonce dans un journal d’annonces légales et mise à jour du Kbis), étant précisé qu’en l’espèce, aucune de ces formalités n’a été accomplie,

– les manoeuvres frauduleuses qui sont reprochées à M. [V] sont parfaitement caractérisées contrairement à ce qu’a retenu le tribunal , ce dernier lui ayant fait croire qu’il avait acquis des parts sociales par augmentation de capital et qu’il les avait revendues, 5 ans plus tard, au prix d’achat diminué de 300 € au titre des frais, et afin de lui donner confiance dans un projet de plus grande envergure et ce, en lui présentant des documents ne reflétant pas la réalité,

– il ne peut être exigé qu’il rapporte la preuve de l’absence d’augmentation de capital social et que ses souscriptions n’apparaissent pas aux termes des procès-verbaux d’assemblée générale, auxquelles il n’a jamais été convoqué, en ce qu’il n’a jamais été associé de la société Lord Gestion,

– toute SARL, même à capital variable, doit être en mesure de justifier de la régularité de ses opérations sociales,

– si effectivement il avait été associé de la société Lors Gestion, outre sa convocation aux assemblées générales, il aurait bénéficié d’un droit de vote et de tous les droits consentis aux associés,

– en réalité M. [V] s’est vu prêter de l’argent, celui-ci reconnaissant d’ailleurs parfaitement sa dette à la lecture des échanges de SMS intervenus entre les parties, et lui a remboursé une somme de 5.000 € le 11 septembre 2015,

– M. [V] a engagé sa responsabilité délictuelle personnelle en manoeuvrant pour obtenir les fonds et a , au demeurant, reconnu être redevable à titre personnel des sommes prêtées,

– la somme en cause lui a donc été soutirée par des manoeuvres de M. [V], sous couvert de la société Lord Gestion.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 4 juillet 2023.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l’appel de la SARL Lord Gestion

M. [I] [D] conclut à l’irrecevabilité de l’appel formé par la société Lord Gestion aux motifs que celle-ci n’ a pas respecté l’exécution provisoire prononcée par le jugement entrepris et n’a procédé à la signification de sa déclaration d’appel, en violation de l’article 902 du code de procédure civile.

Comme le rappelle à juste titre la société Lord Gestion, le défaut d’exécution d’un jugement, même assorti de l’exécution provisoire, ne rend en rien l’appel irrecevable et en tout état de cause, conformément à l’article 914 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état est seul compétent, jusqu’à la clôture de l’instruction, pour déclarer l’appel irrecevable et trancher à cette occasion, toute question ayant trait à la recevabilité de l’appel.

L’appel interjeté par la société Lord Gestion est donc recevable.

Sur la recevabilité des demandes de M. [I] [D]

La SARL Lord Gestion et M. [X] [V] opposent à M. [I] [D] l’irrecevabilité de ses demandes aux motifs que ce dernier a, par deux fois, acquis des parts sociales de la société et sa demande de ‘remboursement’ ne peut s’exercer que dans le cadre de son droit de retrait, lequel obéit aux dispositions statutaires et aux règles d’ordre public de l’article 1843-4 imposant la désignation préalable d’un tiers évaluateur par le président du tribunal judiciaire.

Aux termes des articles L 231-1 et L 231-3 du code de commerce, les sociétés n’ayant pas la forme de société anonyme dont les statuts stipulent que le capital social est susceptible d’augmentation par des versements successifs des associés ou l’admission d’associés nouveaux et de diminution par la reprise totale ou partielle des apports ne sont pas assujetties aux formalités de dépôt et de publication des actes constatant ces augmentations ou diminution du capital social ou les retraits d’associés autres que les gérants ou administrateurs.

L’article L 231-6 dispose que chaque associé peut se retirer de la société lorsqu’il le juge convenable à moins de conventions contraires (…).

En l’espèce, les statuts de la SARL Lord Gestion comprennent une clause de variabilité du capital (article 8).

L’article 9 de ces statuts stipule en son paragraphe b) ‘ Retrait volontaire d’un associé:

Un associé peut quitter une SARL à capital variable selon deux modalités différentes:

– Conformément au droit commun, tout associé peut céder ses parts à un tiers, associé ou non. Mais cela n’est pas toujours possible, car l’associé qui souhaite céder ses parts n’est pas certain de trouver un acheteur (…)

– Aussi, l’article 52 de la loi du 24 juillet 1967 reconnaît-elle à l’associé qui souhaite ne pas demeurer au sein d’une société à capital variable un droit de retrait. Ce retrait est d’ordre public. L’associé qui exerce son droit de retrait perd donc sa qualité d’associé. En outre, l’opération se traduit par une diminution du capital social à hauteur du montant qui a été souscrit par le retrayant, la société rachetant ses parts sociales et procédant à leur annulation.’

L’article 11 relatif à la cession et à la transmission des parts sociales prévoit notamment que ‘ La société doit alors, avec l’accord de l’associé cédant, décider dans le même délai de réduire son capital du montant de la valeur nominale des parts de cet associé et de racheter ses parts au prix déterminé conformément à l’article 1843-4 du code civil’.

Ledit article, dans sa version applicable au présent litige, dispose que :

I. Dans les cas où la loi renvoie au présent article pour fixer les conditions de prix d’une cession des droits sociaux d’un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d’accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible.

L’expert ainsi désigné est tenu d’appliquer, lorsqu’elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société ou par toute convention liant les parties.

II. Dans les cas où les statuts prévoient la cession des droits sociaux d’un associé ou le rachat de ces droits par la société sans que leur valeur soit ni déterminée ni déterminable, celle-ci est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné dans les conditions du premier alinéa.

L’expert ainsi désigné est tenu d’appliquer, lorsqu’elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par toute convention liant les parties.

Les dispositions de l’article 1843-4 du code civil dont se prévalent les appelants n’ont toutefois vocation à s’appliquer qu’en cas de contestation sur la valeur des parts sociales dont la vente est envisagée alors que dans le cadre de la présente instance, il n’existe aucune contestation sur le prix de vente des droits sociaux acquis par M. [D], ce dernier réclamant le remboursement pur et simple des apports effectués, les parties s’opposant sur l’existence même des parts sociales souscrites par M. [D], lequel prétend que la somme de 20.000 € qu’il a versée n’a jamais permis une quelconque augmentation du capital de la société Lord Gestion mais a été en réalité empruntée par M. [V] à titre personnel. Les échanges de SMS entre M. [D] et M. [V], gérant de la SARL Lord Gestion, corroborent cette absence de désaccord entre les partie sur la valeur des parts sociales et il n’apparaît à aucun moment que de tels messages n’engagent M. [V] qu’à titre personnel.

Le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré M. [D] recevable en sa demande en paiement sera ainsi confirmé.

Sur la créance invoquée par M. [I] [D]

Sur la créance invoqué à l’égard de la société Lord Gestion

L’article 7 des statuts de la SARL Lord Gestion intitulé ‘ Clause de variabilité’ précise que ‘ Il est expressément prévu que le capital social pourra varier à la hausse comme à la baisse, et ce, sans formalités particulières, c’est à dire sans qu’il soit nécessaire, d’une part de réunir une assemblée générale extraordinaire, d’autre part, de procéder à une mesure de publicité. Il en est ainsi parce que l’opération ne nécessite pas une modification des statuts (…) Cette modification du montant du capital social ne peut s’effectuer sans formalité qu’à l’intérieur d’une fourchette dénommée ‘ capital autorisé’ . Il ne sera donc pas possible de diminuer le montant du capital social en-deçà de ce minimum statutaire, à moins de procéder à une modification des statuts. En sens inverse, parce que la loi du 24 juillet 1966 ne plafonne pas le montant du capital social de la SARL, il est de principe de procéder indéfiniment et sans formalité à une augmentation du capital social à capital variable, dans la mesure où le nombre d’associés ne dépasse pas 50.’

Il est produit par les appelants :

– un acte de cession de parts en date du 5 janvier 2013 par lequel M. [D], associé de la SARL Lord Gestion et propriétaire de 300 parts souscrites en décembre 2007 suite à une augmentation de capital de ladite société, cède lesdites parts, pour un prix de 2.700 € ( 3.000 € -300 € de frais à la charge du cédant),

– une attestation de souscription au capital social de la SARL Lord Gestion par M. [D] pour un montant de 20.000 € en décembre 2008,

– un chèque de M. [D] de ce montant en date du 27 décembre 2008 à l’ordre de la SARL Lord Gestion.

Ces documents, qui ne sont pas contestés par l’intimé, établissent que celui-ci a bien acquis, par deux fois, des parts sociales de la SARL Lord Gestion, la variation de capital, au regard de l’article 7 susvisé, pouvant s’opérer par des versements successifs d’un associé sans formalité particulière.

M. [D] soutient cependant que la clause de variabilité est nulle, faute de prévoir le montant du capital autorisé.

Si l’article L 231-5 du code de commerce exige que les statuts déterminent le capital minimal, en-dessous duquel on en pourra descendre, par les reprises des apports autorisés, les textes applicables sont, en revanche, muets quant à l’obligation de prévoir pareillement dans les statuts un capital maximum autorisé.

Il n’en demeure pas moins que le mécanisme du fonctionnement des sociétés à capital variable prévu par l’article L 231-1 du code de commerce ainsi que le caractère dérogatoire de la clause de variabilité du capital conduisent à considérer que les statuts doivent préciser aussi bien le montant du capital maximum autorisé, à savoir le plafond jusqu’auquel la société pourra procéder à des augmentations sans formalités, que le montant de son capital minimal. A défaut d’une telle mention, toute augmentation de capital doit, à peine de nullité, être décidée par la collectivité par des associés ou actionnaires, statuant aux conditions requises pour ce type de décision.

En l’occurrence, la clause de variabilité insérée dans les statuts de la société Lord Gestion ne mentionne pas le montant du capital maximum autorisé mais uniquement le capital minimal.

La SARL Lord Gestion n’est pas en mesure de justifier que les augmentations de capital souscrites à deux reprises par M. [D] ont été décidées par l’assemblée générale extraordinaire permettant la modification des statuts et ont fait l’objet des formalités de dépôt et de publication normalement requises.

En conséquence, les augmentations du capital de la société Lord Gestion souscrites par M. [D] sont nulles.

Ce dernier est donc fondé à solliciter le remboursement des parts sociales acquises, à savoir la somme totale de 23.000 € (3.000 + 20.000 ), montant duquel il convient de déduire les remboursements qui ont été effectués, à savoir 7.700 € ( 2.700 + 5.000), soit un solde de

15.300 €.

La société Lord Gestion doit être condamnée au paiement de cette somme, qui produira intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2016, date de la mise en demeure qui lui a été adressée.

Sur la créance invoquée à l’égard de M. [X] [V]

M. [D] sollicite également la condamnation M. [V] au paiement de la somme susvisée, soutenant que celui-ci a engagé sa responsabilité en employant des manoeuvres en vue d’obtenir le versement des fonds, en lui faisant croire qu’il achetait des parts sociales alors qu’en réalité il s’agissait simplement de lui prêter de l’argent à titre personnel.

M. [D] ne produit cependant aucun élément visant à étayer l’existence de manoeuvres pour le convaincre de procéder à ces souscriptions et se contente de procéder, comme en première instance, par voie d’affirmation. En effet, les échanges de SMS sur lesquels il s’appuie sont tous postérieurs aux augmentations de capital qu’il a souscrites alors que l’existence de manoeuvres doit s’apprécier au moment de la conclusion de l’acte. Ces échanges mettent en évidence les difficultés rencontrées par M. [V], en tant que gérant de la SARL Lord Gestion, à ‘ racheter toutes les parts’ et être dans l’attente de la vente d’un bien immobilier, ce qui est précisément l’objet de la société appelante, en sa qualité d’agence immobilière, ayant pour activité principale celle d’un administrateur de biens et d’un gérant d’immeuble ( article 2 des statuts). Il n’est ainsi pas démontré que les sommes versées l’ont été au profit de M. [V], à titre personnel et non pour l’acquisition de parts sociales.

La responsabilité de M. [V] n’est donc pas engagée et M. [D] sera débouté de ses demandes en paiement formées à son encontre.

M. [D] déplore enfin un préjudice moral qu’il évalue à 10.000 € résultant de l’impossible jouissance des fonds qui lui appartenaient et de l’abus dont il a été victime de la part d’un membre de sa famille, M. [V] étant son cousin.

Sur le premier point, l’intimé ne rapporte pas la preuve d’un préjudice distinct résultant du simple retard dans le paiement des sommes qui lui sont dues et qui est déjà compensé par l’octroi d’intérêts de retard au taux légal.

Sur le second point, il ressort des développements qui précèdent que les manoeuvres alléguées par M. [D] ne sont pas établies.

C’est donc à juste titre que le premier juge a débouté M. [D] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral.

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

Vu l’article 696 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,

Déboute M. [I] [D] de sa demande tendant à voir déclarer irrecevable l’appel interjeté par la SARL Lord Gestion,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Grasse déféré sauf en ce qu’il a condamné la SARL Lord Gestion à payer à M. [I] [D] la somme de 15.000 €,

Et statuant à nouveau sur ce point,

Condamne la SARL Lord Gestion à payer à M. [I] [D] la somme de 15.300 €,

Y ajoutant,

Condamne la SARL Lord Gestion à payer à M. [I] [D] la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel,

Condamne la SARL Lord Gestion aux dépens de la procédure d’appel qui pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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