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N° W 22-83.689 FS-B
N° 00228
ODVS
13 MARS 2024
CASSATION PARTIELLE
CASSATION PARTIELLE SANS RENVOI
REJET
ANNULATION
DECHEANCE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 13 MARS 2024
MM. [U] [F], [I] [F], [P] [N], [J] [G], [V] [Z], [T] [H], la société SMA Environnement, et les sociétés Paprec CRV, Coved, la Métropole Aix-Marseille-Provence, partie civiles, ont formé des pourvois contre l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, chambre 5-1, en date du 30 mars 2022, qui a condamné :
– le premier, pour prise illégale d’intérêts, à trois ans d’emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis, 30 000 euros d’amende et cinq ans de privation des droits civiques et civils,
– le deuxième, pour abus de confiance, trafic d’influence passif, blanchiment aggravé, recel, complicité de favoritisme, abus de biens sociaux, à six ans d’emprisonnement, cinq ans d’interdiction de gérer, cinq ans de privation des droits civiques et civils,
– le troisième, pour favoritisme, à dix mois d’emprisonnement avec sursis et 10 000 euros d’amende,
– le quatrième, pour complicité d’abus de confiance, faux et usage, à six mois d’emprisonnement avec sursis et 5 000 euros d’amende,
– le cinquième, pour abus de confiance, à douze mois d’emprisonnement avec sursis, 15 000 euros d’amende et trois ans d’interdiction de gérer,
– le sixième, pour destruction de preuve, à six mois d’emprisonnement avec sursis,
– la septième, pour abus de confiance et recel, à 200 000 euros d’amende et deux ans d’exclusion des marchés publics,
a ordonné une confiscation et a prononcé sur les intérêts civils (n° W 22-83.689).
M. [U] [F] a formé des pourvois contre les arrêts de la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence en date des 4 juillet 2012 (n° B 12-84.988) et 16 septembre 2015 (n° R 15-85.864), qui, dans l’information suivie contre lui des chefs de complicité d’obstacle à la manifestation de la vérité, prise illégale d’intérêts, trafic d’influence et association de malfaiteurs, ont prononcé sur ses demandes d’annulation de pièces de la procédure.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Pauthe, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [U] [F], les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [I] [F] et la société SMA Environnement, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [P] [N], les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de MM. [J] [G] et [V] [Z], les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat des sociétés Paprec CRV et Coved, les observations de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la Métropole Aix-Marseille-Provence, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat du conseil départemental des Bouches-du-Rhône, et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, les avocats ayant eu la parole en dernier, après débats en l’audience publique du 24 janvier 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Pauthe, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, MM. Wyon, de Lamy, Mmes Piazza, Jaillon, Clément, conseillers de la chambre, M. Ascensi, Mme Fouquet, M. Gillis, Mmes Chafaï, Bloch, conseillers référendaires, Mme Bellone, avocat général référendaire, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte des arrêts attaqués et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 9 février 2009, le procureur de la République de Marseille a été informé par un correspondant anonyme de malversations susceptibles d’être imputées à M. [U] [F], président du conseil général des Bouches-du-Rhône et à son frère, M. [I] [F], entrepreneur spécialisé dans le traitement des déchets.
3. A la suite de l’enquête diligentée en exécution du soit-transmis du procureur de la République en date du 23 février 2009, une information a été ouverte, confiée à la juridiction interrégionale spécialisée de Marseille, en considération des premiers éléments recueillis, mettant en lumière l’influence pouvant avoir été exercée par M. [I] [F] au sein des institutions du département et de diverses mairies ou communautés de communes des Bouches-du-Rhône au bénéfice de ses sociétés spécialisées dans le transport et le stockage de déchets, ainsi que l’existence de divers circuits financiers impliquant lesdites sociétés.
4. Il est ainsi apparu qu’à la faveur d’un protocole d’accord signé le 13 décembre 2000, l’entier capital de la société Somedis, détenu depuis 1996 par la société Sud [Localité 6] Assainissement, société créée en 1993 par M. [B] [A] et que M. [I] [F] avait rejointe en 1994, est passé aux mains de la société CGEA Onyx du groupe Veolia. La société cédée était bénéficiaire depuis 1999 d’une délégation de service public pour l’exploitation du site d’enfouissement de déchets de [Localité 10], sis à [Localité 5] (13), exploité par le syndicat intercommunal de traitement des ordures ménagères de la [Localité 1] (ci-après Sitom BVA). Le prix convenu était composé d’une partie fixe, à hauteur de 6 820 206 euros, correspondant à la valorisation des titres de la société Somedis, et d’une partie variable, liée à l’augmentation effective de la capacité d’accueil du site, finalement arrêtée à 26 544 404 euros. Les investigations menées relativement à la fixation de la seconde partie du prix ont mis en évidence que sa majoration aurait été la contrepartie de l’influence exercée par M. [I] [F] auprès des élus, membres du Sitom BVA, à l’effet d’obtenir une augmentation du volume d’activité autorisée.
5. M. [I] [F] a été mis en examen du chef de trafic d’influence passif commis par un particulier et, en suite de l’analyse des transferts consécutifs au versement de la deuxième partie du prix de cession, du chef de blanchiment à titre habituel ou en bande organisée du produit de ce délit.
6. En 2001, ce dernier a créé une société anonyme SMA Environnement (ci-après SMA E) dont il a été le principal actionnaire jusqu’en 2007. M. [V] [Z] en a été le président directeur général jusqu’au 22 septembre 2010, à la faveur d’une augmentation de capital opérée par le truchement de la société IMMO G, société d’investissement luxembourgeoise dans laquelle M. [I] [F] était intéressé.
7. A la suite de la résiliation de la délégation de service public détenue par la société Somedis, une nouvelle procédure d’appel d’offres a été lancée courant 2005 par la communauté d’agglomération de Salon-de-Provence (Agglopole Provence) ayant succédé au Sitom BVA. Le cabinet Bonnard et Gardel, en la personne de son représentant local, M. [P] [N], a été chargé d’établir le rapport d’analyse des offres. La société SMA E s’est vu attribuer la nouvelle délégation de service public par le biais d’une société SMA [Localité 10], nouvellement créée, dont M. [I] [F] était gérant salarié et dont le capital était intégralement détenu par ses sociétés SMA E et SMA Développement.
8. M. [N] a été mis en examen du chef d’atteinte à la liberté d’accès ou à l’égalité des candidats dans les marchés publics résultant de l’insertion dans son rapport d’analyse, à la demande de M. [L], responsable technique au sein de la communauté d’agglomération, d’un critère de conformité au plan départemental d’élimination des déchets.
9. Parallèlement, M. [I] [F] a étendu les activités de la société SMA E à la gestion de décharges en obtenant le 5 juillet 2004, conjointement avec la société Coved, l’attribution d’un marché d’aménagement et d’exploitation du centre d’enfouissement de déchets du [Localité 7] situé sur le territoire de la commune de [Localité 4] (13) par la communauté d’agglomération [Localité 2] [Localité 3] [Localité 8] (GHB) à laquelle la communauté d’agglomération du pays d’Aubagne et de l’Etoile (CAPAE) a succédé le 1er janvier 2007.
10. Le terrain dit « [Adresse 9] », voisin du site du [Localité 7], acquis par le département des Bouches-du-Rhône, est entré dans le domaine de la communauté d’agglomération GHB à la faveur de la cession autorisée par délibération du conseil général en date du 2 juin 2006, à une époque où la société SMA E était déjà attributaire des marchés d’aménagement et d’exploitation du site.
11. Ces faits ont conduit à la mise en examen du chef de prise illégale d’intérêt de M. [U] [F], lequel aurait pris part au sein du conseil général à la commission permanente ayant, sur rapport préalable signé de sa main et sous sa présidence, pris la décision d’autoriser ladite cession, et à celle de M. [I] [F] et de la société SMA E du chef de recel de ce délit.
12. De plus, le site du [Localité 7] aurait accueilli des déchets privés qui ne relevaient pas de la responsabilité de la CAPAE ou de la Métropole Provence Méditerranée (MPM) et qui auraient été facturés aux entreprises qui les apportaient.
13. Pour ces faits, après avoir été mis en examen du chef de détournement de bien public, MM. [I] [F] et [Z] et la société SMA E ont été finalement renvoyés devant le tribunal correctionnel des chefs d’abus de confiance tandis que M. [J] [G], président de la CAPAE au moment des faits, a été renvoyé du chef de complicité d’abus de confiance.
14. Enfin, le 30 mai 2011, M. [T] [H], directeur de cabinet du président du conseil général des Bouches-du-Rhône, qui avait procédé à la destruction de plusieurs ordinateurs la veille de la perquisition effectuée par les gendarmes dans les locaux du conseil général, a été mis en examen du chef de destruction de documents ou d’objets de nature à faciliter la découverte d’un délit ou la recherche de preuves.
15. Dans le courant de l’information judiciaire, le 29 février 2012, l’avocat de M. [U] [F] a déposé une requête aux fins d’annulation de sa mise en examen.
16. Le 12 août 2014, l’avocat de M. [U] [F] a déposé une nouvelle requête aux fins de voir prononcer la nullité, notamment, de son interrogatoire du 13 février 2014.
17. Par ordonnance du 17 janvier 2020, le juge d’instruction a décidé le renvoi devant la juridiction de jugement des personnes mises en examen, parmi lesquelles, notamment, M. [I] [F] des chefs de trafic d’influence passif par un particulier, blanchiment à titre habituel, recel de prise illégale d’intérêts, abus de confiance, abus de biens sociaux, M. [U] [F] du chef de prise illégale d’intérêts, la société SMA E des chefs de recel de prise illégale d’intérêts et abus de confiance, M. [Z] du chef d’abus de confiance, M. [G] des chefs de complicité d’abus de confiance, faux et usage de faux, M. [N] du chef de favoritisme et M. [H] du chef de destruction de preuves d’un crime ou d’un délit.
18. Par jugement du 28 mai 2021, le tribunal correctionnel a relaxé M. [Z], a déclaré M. [H] coupable des faits reprochés et l’a condamné à six mois d’emprisonnement avec sursis, a relaxé M. [G] des faits de complicité d’abus de confiance, l’a déclaré coupable du surplus de la prévention et l’a condamné à six mois d’emprisonnement avec sursis et 5 000 euros d’amende.
19. Le tribunal a également relaxé M. [I] [F] du chef d’abus de confiance, l’a déclaré coupable pour le surplus des faits de la prévention, l’a condamné à six ans d’emprisonnement et, à titre de peines complémentaires, a prononcé cinq ans d’interdiction de gérer et cinq ans de privation des droits civiques et civils et ordonné une mesure de confiscation.
20. Il a relaxé la société SMA E des faits d’abus de confiance et l’a déclarée coupable des faits de recel, l’a condamnée à 200 000 euros d’amende, deux ans d’exclusion des marchés publics et ordonné la confiscation de la somme de 4 000 000 euros saisie sur le compte ouvert à son nom à la Société marseillaise de crédit.
21. Les premiers juges ont également déclaré M. [U] [F] coupable de prise illégale d’intérêts et l’ont condamné à trois ans d’emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis, 30 000 euros d’amende et cinq ans de privation de ses droits civiques et civils avec exécution provisoire.
22. Ils ont enfin déclaré M. [N] coupable des faits reprochés et l’ont condamné à dix mois d’emprisonnement avec sursis et 10 000 euros d’amende.
23. Sur l’action civile, le tribunal a déclaré recevable la constitution de partie civile de Métropole Aix-Marseille-Provence (Métropole AMP) venant aux droits de la communauté urbaine MPM, de la CAPAE et d’Agglopole Provence, l’a déboutée de ses demandes formulées à l’encontre de MM. [I] [F], [Z] et [G] pour les faits d’abus de confiance et complicité en raison des relaxes intervenues, et a condamné M. [I] [F] et M. [N] à lui payer diverses sommes.
24. Il a également déclaré recevable la constitution de partie civile du département des Bouches-du-Rhône, a condamné MM. [U] et [I] [F], la société SMA E et M. [H] à payer à cette partie civile diverses sommes.
25. Le tribunal a par ailleurs déclaré recevable la constitution de partie civile de l’association Anticor, la déboutant cependant de l’ensemble de ses demandes.
26. Les juges du premier degré ont enfin déclaré recevable la constitution de partie civile des sociétés Paprec CRV, venant aux droits de la société ISS Environnement, et Coved, ont condamné M. [N] à payer à chacune d’elles la somme de 2 547 820,16 euros en réparation du préjudice matériel et rejeté le surplus de leurs demandes.
27. MM. [H], [I] [F], [N] et [U] [F] ont relevé appel de ce jugement, ainsi que, d’une part, le procureur de la République, à titre incident contre ces derniers et à titre principal contre les relaxes intervenues du chef d’abus de confiance et complicité d’abus de confiance, et, d’autre part, Métropole AMP, le conseil départemental des Bouches-du-Rhône, et l’association Anticor.
Déchéance du pourvoi formé par M. [H]
28. M. [H] n’a pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par son avocat, un mémoire exposant ses moyens de cassation. Il y a lieu, en conséquence, de le déclarer déchu de son pourvoi par application de l’article 590-1 du code de procédure pénale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen proposé pour M. [U] [F], dirigé contre l’arrêt de la chambre de l’instruction du 4 juillet 2012
29. Il n’est pas de nature à permettre l’admission du pourvoi au sens de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le deuxième moyen proposé pour M. [U] [F], dirigé contre l’arrêt de la chambre de l’instruction du 16 septembre 2015
30. Il n’est pas de nature à permettre l’admission du pourvoi au sens de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale
Sur les troisième, quatrième, cinquième, sixième, septième, huitième, et neuvième moyens proposés pour M. [U] [F], les premier, deuxième, troisième, cinquième et sixième moyens, le septième moyen, pris en sa première branche, les huitième, onzième, douzième, treizième et quatorzième moyens proposés pour M. [I] [F] et la société SMA E, les premier, deuxième, troisième et cinquième moyens proposés pour M. [N], le premier moyen, le deuxième moyen, pris en ses deuxième, quatrième et sixième branches, et les quatrième et sixième moyens proposés pour M. [G], les premier et deuxième moyens, le troisième moyen, pris en sa troisième branche, le quatrième moyen, pris en sa première branche, les cinquième et septième moyens proposés pour M. [Z], les premier et second moyens, pris en leurs première et deuxième branches, proposés pour les sociétés Paprec CRV et Coved et les premier et second moyens proposés pour Métropole AMP, tous dirigés contre l’arrêt du 30 mars 2022
31. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l’admission des pourvois au sens de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale.