Your cart is currently empty!
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 9
ARRET DU 15 FEVRIER 2024
(n° , 26 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général :22/13478 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGGCT
Jonction avecs les n° de RG 22/16208 22/17614.
Décisions déférées à la Cour :
Jugement du 05 Juillet 2022 -Tribunal de Commerce de PARIS – 5ème chambre – RG n° 2019002490
Jugement du 01 Février 2022 -Tribunal de Commerce de PARIS – 5ème chambre – RG n° 2019002490
APPELANTE
S.E.L.A.R.L. AXYME ès qualités de liquidateur judiciaire de la S.A.S. PHINEO
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 830 793 972
Agissant en la personne de Maître [M] [V], Mandataire Judiciaire,
[Adresse 9]
[Localité 12]
Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065
Assistée de Me Edouard TRICAUD de l’AARPI SAINT-LOUIS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque K79
INTIMES
Monsieur [G] [O]
Né le [Date naissance 4] 1976 à [Localité 13] (ALGÉRIE)
De nationalité française
[Adresse 6]
[Localité 3] (BELGIQUE)
Représenté par Me Audrey SCHWAB de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
Assisté de Me François GAILLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E0898
Monsieur [U] [T]
Né le [Date naissance 5] 1976 à [Localité 16] (72)
De nationalité française
Demeurant [Adresse 7]
[Localité 3] (BELGIQUE)
Représenté par Me Jean Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS
Assisté de Me Mathieu CAVARD, avocat au barreau de PARIS, toque :C145
Monsieur [S] [J]
Né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 17] (51)
De nationalité française
Demeurant [Adresse 10]
[Localité 15] (LUXEMBOURG)
Représenté et assisté de Me Yves SEXER de la SELEURL CABINET YVES SEXER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0203
LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D’APPEL DE PARIS
SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL
[Adresse 8]
[Localité 11]
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 19 Octobre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Sophie MOLLAT-FABIANI, Présidente de chambre,
Mme Isabelle ROHART, Conseillère,
Mme Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l’audience par Mme Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON
EN PRÉSENCE DU MINISTÈRE PUBLIC, auquel l’affaire a été communiquée, représenté lors des débats par François VAISSETTE, avocat général, qui a fait connaître son avis,
ARRET :
contradictoire,
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme Sophie MOLLAT, Présidente de chambre et par Mme Saoussen HAKIRI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Exposé des faits et de la procédure
La SAS Phineo est une société de services en ingénierie informatique créée en 2007 par Monsieur [U] [T] et Monsieur [A] [Y].
Depuis le 19 janvier 2010, son capital social était détenu à hauteur de 97,60 % par la société de droit luxembourgeois Futur Technologies.
La société Futur Technologie était elle-même détenue, depuis le 5.12.2013, à parts égales par deux sociétés, la SARL Tesli et la société Blue Equity, dont les dirigeants sont respectivement Monsieur [G] [O] et Monsieur [S] [J].
Monsieur [U] [T], co-fondateur et Président de la SAS Phineo depuis 2007, détenait le reste du capital social (2,40 %) conjointement avec son épouse, à travers leur société Vicap Conseil.
Le 06.12.2013, la holding SAS Groupe Phineo a été constituée par Vicap Conseil et Futur Technologies dans le cadre d’une opération de croissance externe.
Cette dernière a consisté en la souscription, le 13.12.2013, par la SAS Groupe Phineo auprès d’un pool bancaire d’un contrat de prêt de 7. 800.000 euros, dont l’échéance finale était fixée au 15.07.2018 étant précisé que le même jour Messieurs [O] et [J] se sont portés cautions solidaires de ce prêt à hauteur de 2 000 000 € et pour une durée de 6 ans.
Puis par protocole d’acquisition en date du 13.12.2013, la SAS Groupe Phineo s’est engagée à acquérir 372 actions des 1000 actions de la SAS Phineo appartenant aux sociétés Futur Technologies et Vicap Conseil moyennant la somme de 7 440 000 euros financée par l’emprunt souscrit. Cet accord prévoyait également l’apport de 628 actions de la SAS Phineo à la SAS Groupe Phineo, par les sociétés Futur Technologies et Vicap Conseil, dans le cadre d’une augmentation de capital de 12 560 000 euros.
Monsieur [T] a été nommé président de la SAS Groupe Phinéo.
Du 3.07.2012 au 16.12.2013 la Direction Générale des Finances Publiques a procédé à un contrôle fiscal de la SAS Phineo au titre des années 2009 à 2011, aboutissant pour l’année 2009 à une proposition de rectification en date du 21.12.2012 et pour les années 2010 et 2011 à une proposition de rectification en date du 23.12.2013 de 6.125.443 euros.
Le 27.05.2014, l’Administration fiscale a procédé à des saisies conservatoires sur les comptes de la SAS Phinéo à hauteur de 6 763 516 euros.
Une transaction a été finalement conclue le 12.12.2014 entre la SAS Phineo et l’Administration fiscale pour un montant de 2 070 541 euros.
Les banques composant le pool bancaire au regard de l’existence du litige fiscal et estimant que la SAS Groupe Phineo n’exécutait pas ses engagements contractuels (absence de communication de budget, de situation semestrielle et d’attestation de commissaire aux comptes), ont prononcé le 23.01.2015 l’exigibilité du prêt consenti le 13.12. 2013 et ont réclamé à la société Groupe Phinéo le règlement de la somme de 6.279.225,86 euros au titre du prêt par lettre recommandée avec avis de réception du 12.03.2015.
Les sociétés Phineo et Groupe Phineo ont chacune régularisé une déclaration de cessation des paiements le 1.09. 2015, motivées selon leur Président M. [T] par la perte de clients importants (Bouygues Telecom et SFR), affectant l’activité de la SAS Phinéo et empêchant la holding, la SAS Groupe Phinéo, de percevoir les dividendes nécessaires au remboursement des échéances du prêt.
Par deux jugements en date du 14.10.2015, le tribunal de commerce de Paris a prononcé les liquidations judiciaires des SAS Phineo et Groupe Phineo.
La date de cessation des paiements a été fixée, s’agissant de la SAS Phineo, au 17.03.2015, correspondant à la première inscription de privilège.
La SELARL Axyme, prise en la personne de Maître [M] [V], a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Phineo.
En 2014 le chiffre d’affaires annuel de la SAS Phineo s’était élevé à 12 118 289 euros.
Le passif déclaré dans le cadre de la liquidation judiciaire s’est élevé à la somme de 11 .752. 937 euros.
L’actif réalisé s’élevant à 1 087 673,51 euros, l’insuffisance d’actif s’établit à la somme de 10 665 264 euros.
Par actes du 10.10.2018, la SELARL Axyme, ès qualités, a assigné :
– Monsieur [U] [T], en sa qualité de dirigeant de droit de la SAS Phineo,
– Messieurs [J] et [O], en leur qualité de dirigeants de fait de la SAS Phineo,
en responsabilité pour insuffisance d’actif sur le fondement de l’article L.651-2 du Code de commerce.
Par jugement du 1.02.2022, le tribunal de commerce de Paris a déclaré la procédure régulière et débouté Messieurs [J] et [O] de leurs demandes de prescription et de nullité, renvoyant les parties sur le fond.
Par jugement du 05.07.2022, sur le fond, le tribunal de commerce de Paris a:
-Dit que M. [S] [J] n’était pas dirigeant de fait de la SAS Phineo et dit n’y avoir lieu à responsabilité pour insuffisance d’actif à son encontre ;
– Dit que M. [G] [O] n’était pas dirigeant de fait de la SAS Phineo et dit n’y avoir lieu à responsabilité pour insuffisance d’actif à son encontre ;
– Jugé que M. [U] [T],a, en sa qualité de président de la SAS Phineo, commis des fautes de gestion qui ont contribué à l’insuffisance d’actif de la société ;
– Condamné M. [U] [T] à payer à la SELARL Axyme, prise en la personne de Me [M] [V], la somme de 1 000 000 euros en compensation de l’insuffisance d’actif et de 5 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens ;
– Ordonné l’exécution provisoire de son jugement.
Monsieur [U] [T] n’était ni présent ni représenté dans la procédure de première instance.
Par déclaration du 13.07.2022, la SELARL Axyme, ès qualités, a interjeté appel de cette décision. L’affaire a été enrôlée sous le n° RG 22/13478.
Le 15.09.2022, Monsieur [O] a interjeté appel :
– du jugement avant dire droit du 1.02.2022,
– du jugement sur le fond du 5.07.2022.
L’affaire a été enregistrée sous le n° RG 22/16208.
Le 13.10.2022, Monsieur [U] [T] a interjeté appel du jugement du 05.07.2022 ; la procédure a été enregistrée sous le n° RG 22/17614.
*****
Dans ses dernières conclusions notifiées le 06.09.2023 par voie électronique, dans les procédures n° RG 22/13478, n° RG 22/16208 et n° RG 22/17614, la SELARL Axyme, prise en la personne de Me [V], en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Phineo, demande à la cour de :
Accueillir l’appel principal de la SELARL Axyme ès qualités, et rejeter l’intégralité des appels principaux et incidents adverses.
– ordonner la jonction des appels enregistrés sous les numéros de RG 22/13478 & 22/16208 & 22/17614,
– Confirmer le jugement du 5 juillet 2022 en ce qu’il :
« – Déboute M. [J] de sa demande de communication de pièces ;
– Juge que M. [U] [T] (‘) a, en sa qualité de président de la SAS Phineo, commis des fautes de gestions qui ont contribué à l’insuffisance d’actif de la société ;
– Condamne Monsieur [U] [T] à payer à la SELARL Axyme prise en la personne de Me [M] [V] la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, déboutant du surplus de la demande ; »
– Réformer le jugement du 5 juillet 2022 en ce qu’il :
« – Dit que M. [J] n’était pas le dirigeant de fait de la SAS Phineo et dit n’y avoir lieu à responsabilité pour insuffisance d’actif à son encontre ;
– Dit que M. [O] n’était pas le dirigeant de fait de la SAS Phineo et dit n’y avoir lieu à responsabilité pour insuffisance d’actif à son encontre ;
– Condamne M. [U] [T], à payer à la SELARL Axyme prise en la personne de Me [M] [V] la somme de 1 000 000 € ;
– Déboute les parties de leurs autres demandes ; »
Statuant à nouveau :
– Dire et juger que Messieurs [S] [J], et [G] [O] sont les dirigeants de fait de la SAS Phineo,
– Débouter l’ensemble des intimés de leurs demandes de fin de non-recevoir et nullité pour vice de forme ou de fond,
En conséquence,
– Condamner Messieurs [U] [T], [S] [J] et [G] [O] à supporter solidairement tout ou partie de l’insuffisance d’actifs révélée dans le cadre des opérations de la procédure collective de la SAS Phineo à hauteur de 10 665 264 € ;
– Condamner solidairement Messieurs [U] [T], [S] [J] et [G] [O] à payer solidairement à la SELARL Axyme, prise en la personne de Maître [V], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Phineo, la somme de 10 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
*****
Dans ses dernières conclusions notifiées le 12.06.2023 par voie électronique, dans les procédures n° RG 22/13478, n° RG 22/16208 et n° RG 22/17614, Monsieur [G] [O] demande à la cour de :
In limine litis,
Infirmer le jugement du 1er février 2022 en ce qu’il a déclaré la procédure régulière et débouté Monsieur [O] de sa demande de rejet des pièces communiquées le 2 décembre 2021 par Me Tricaud, Conseil du liquidateur, et en ce qu’il a débouté Monsieur [O] de sa demande de prescription.
Et, statuant à nouveau,
Juger que l’action de la SELARL Axyme est prescrite.
Subsidiairement, sur le fond,
Confirmer le jugement du 5 juillet 2022 en ce qu’il a dit que Monsieur [O] n’était pas le dirigeant de fait de la SAS Phineo et dit n’y avoir lieu à responsabilité pour insuffisance d’actif.
Débouter en conséquence la SELARL Axyme agissant par Me [V] ès qualités de liquidateur de la SAS Phineo de l’intégralité de ses prétentions dirigées contre Monsieur [O].
Subsidiairement,
Juger qu’aucune faute de gestion imputable à Monsieur [O] n’est établie par la SELARL Axyme agissant par Me [V] ès qualités de liquidateur de la SAS Phineo.
Débouter en conséquence la SELARL Axyme agissant par Me [V] ès qualités de liquidateur de l’intégralité de ses prétentions dirigées contre Monsieur [O].
Encore plus subsidiairement,
Juger que les éventuelles fautes de gestion qui seraient retenues par la Cour, et qui seraient imputables personnellement à Monsieur [O] sont sans lien de causalité avec l’insuffisance d’actif de la SAS Phineo.
Débouter en conséquence la SELARL Axyme agissant par Me [V] ès qualités de liquidateur de la SAS Phineo de l’intégralité de ses prétentions dirigées contre Monsieur [O].
A titre infiniment subsidiaire,
Juger que le principe de proportionnalité de la sanction commande de réduire le montant de la condamnation de Monsieur [O] à 1 % du passif vérifié seulement.
En tout état de cause,
Infirmer le jugement du 5 juillet 2022 en ce qu’il a débouté Monsieur [O] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Et, statuant à nouveau,
Débouter les parties de leur appel incident et de l’ensemble formulées à l’encontre de Monsieur [O].
Condamner la SELARL Axyme, prise en la personne de Me [M] [V], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Phineo, à payer à Monsieur [O] la somme de 15 000 euros par application de l’article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés en première instance, et la somme de 15 000 euros sur le même fondement au titre des frais irrépétibles engagés en cause d’appel.
Condamner la SELARL Axyme, prise en la personne de Me [M] [V], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Phineo, aux entiers dépens de première instance et d’appel dont le recouvrement sera poursuivi par la SELARL 2H Avocats, en la personne de Maître Audrey Schwab, par application des dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.
*****
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27.09.2023, dans les procédures n° RG 22/13478. n° RG 22/16208.n° RG 22/17614, Monsieur [S] [J] demande à la cour de :
-Confirmer le jugement du 5 juillet 2022 en ce qu’il a dit que Monsieur [J] n’était pas le dirigeant de fait de la SAS Phineo, et dit n’y avoir lieu à aucune responsabilité pour insuffisance d’actif à son encontre ;
– Juger que la SELARL Axyme, prise en la personne de Maître [V], n’établit aucune faute de gestion à l’encontre de Monsieur [J] ;
– Débouter la SELARL Axyme, prise en la personne de Maître [V], de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
En tout état de cause :
– Infirmer le jugement rendu le 5 juillet 2022 en ce qu’il a débouté Monsieur [J] de sa demande au titre de l’article 700 ;
– Débouter l’ensemble des parties de leurs demandes formées à l’encontre de Monsieur [J] ;
Et, statuant à nouveau :
– Condamner la SELARL Axyme, prise en la personne de Maître [V], au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
*****
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28.09.2023, dans la procédure RG 22/17614, procédure dans laquelle il est appelant étant précisé qu’il ne s’est pas constitué dans les deux autres procédures, Monsieur [U] [T] demande à la cour de :
– Réformer le jugement du 5 juillet 2022 en toutes ses dispositions,
Statuant de nouveau :
A titre liminaire :
– Infirmer le jugement en ce qu’il a déclaré régulier l’acte de signification du 11 octobre 2018 et la procédure régulière.
– Prononcer la nullité de la signification de l’assignation de la société Axyme du 11 octobre 2018,
– Annuler l’assignation du 11 octobre 2018
Sur le fond :
-Juger que Monsieur [U] [T] n’a commis aucune faute de gestion,
– Débouter la société Axyme de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de Monsieur [U] [T],
– Débouter les parties de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions dirigées contre Monsieur [U] [T],
A titre subsidiaire :
– Réduire le montant de la condamnation de Monsieur [T] à la somme de 50 000 euros en application du principe de proportionnalité,
En tout état de cause :
– Débouter la société Axyme de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de Monsieur [U] [T],
– Débouter les parties de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions dirigées contre Monsieur [U] [T],
– Condamner la société Axyme au paiement de la somme de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
*****
Par deux avis signifiés par voie électronique le 12.01.2023 (RG n°22/13478 et 22/16208) et le 18.04.2023 (RG n°22/17614), le ministère public sollicite :
– la confirmation du jugement du 05.07.2022, en ce qu’il a prononcé la condamnation de M. [U] [T] à verser à la SELARL Axyme la somme de 1 000 000 d’euros à titre de contribution à l’insuffisance d’actif de la société Phineo, et
– la réformation du jugement du 05.07.2022 attaqué, et la condamnation solidaire de M. [O] et M. [J] à verser la somme de 3 000 000 euros à la SELARL Axyme au même titre.
MOTIFS DE LA DECISION,
Sur la jonction des procédures
La procédure n° RG 22/13478 est un appel formé par la Selarl Axyme à l’encontre de Monsieur [T], de Monsieur [O] et de Monsieur [J].
Seuls Messieurs [O] et [J] ont constitué avocat et déposé des conclusions.
Pour autant la procédure est régulière à l’égard de Monsieur [T] à qui la déclaration d’appel et les conclusions ont été signifiées par acte d’huissier en date du 17.19.2022 transformé en PV de recherches infructueuses le 21.10.2022.
La procédure n°RG 22/16208 est un appel formé par Monsieur [O] des deux décisions rendues s’agissant de la décision du 1.02.2022 ayant statué sur la recevabilité de la procédure engagée à l’encontre de Monsieur [O] et de Monsieur [J] et de la décision du 5.07.2022. L’appel est formé contre la Selarl Axyme et Monsieur [O] a attrait dans l’appel formé par lui Messieur [J] et [T]. La Selarl Axyme et Monsieur [J] ont constitué avocat, Monsieur [T] n’a pas constitué avocat.
La procédure n° RG 22/17614 est l’appel formé par Monsieur [T] à l’encontre du jugement du 5.07.2022. Les intimés sont la Selarl Axyme, Messieurs [O] et [J], qui ont tous les trois constitué avocat et conclu.
Il convient de prononcer la jonction des trois procédures en constatant que:
– l’appel formé par la Selarl Axyme à l’encontre de Monsieur [T] est recevable puisque la déclaration d’appel et les conclusions ont été signifiées à ce dernier
– l’appel formé par Monsieur [T] est recevable
– l’appel formé par Monsieur [O] contre les deux jugements rendus par le tribunal de commerce de Paris est recevable
– dans les procédures 13478 et 16208 seul Monsieur [T] n’a pas conclu mais il a par ailleurs conclu et il a été répondu par les autres parties à ses conclusions dans la procédure 17614.
Sur la nullité de l’acte introductif d’instance soulevée par Monsieur [T]
Monsieur [T] soutient que l’assignation qui lui a été délivrée le 11 octobre 2018 sur le fondement de l’article 659 du Code de procédure civile est nulle, les diligences de l’huissier de justice ayant été plus qu’insuffisantes et un grief lui ayant été occasionné, pris de ce que le jugement du 5 juillet 2022 a retenu que « le dirigeant de droit, M. [U] [T] ne s’est pas présenté à l’audience, n’a fourni aucune explication au tribunal, tant sur les griefs qui lui sont reprochés que sur son absence à l’audience’ ».
La SELARL Axyme réplique que :
– les mentions figurant sur le PV de l’huissier (constatation de l’absence de domicile, résidence, lieu de travail connus) font foi jusqu’à inscription de faux, et que
– M. [T] ne peut en tout état de cause Se prévaloir de sa propre négligence, tirée de qu’il n’a pas informé la SELARL Axyme ès qualités de son changement d’adresse.
Sur ce
L’article 654 du code de procédure civile dispose que la signification doit être faite à personne.
L’article 655 du code de procédure civile dispose dans son premier alinéa que si la signification à personne s’avère impossible, l’acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut, de domicile connu, à résidence.
Aux termes de l’article 656, si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l’acte au domicile du destinataire, la signification est faite à domicile mais le pli est conservé à l’étude de l’huissier et il est laissé un avis de passage.
Enfin, selon les dispositions de l’article 659 du code de procédure civile dans son premier alinéa, lorsque la personne à qui l’acte doit être signifié n’a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l’huissier de justice dresse un procès verbal où il relate avec précision les diligences qu’il a accomplies pour rechercher le destinataire de l’acte.
En l’espèce l’huissier instrumentaire a tenté de signifier l’assignation à l’adresse mentionnée sur le Kbis de la société comme étant l’adresse du dirigeant, [Adresse 2] à [Localité 14], Kbis daté du 2.03.2017.
Or de l’aveu même de Monsieur [T] celui ci a déménagé en 2014 et il n’a pas modifié son adresse au Kbis alors qu’il s’agit d’une obligation légale.
La cour relève en outre qu’il a indiqué être domicilé au [Adresse 2] lors de la déclaration de cessation des paiements alors même qu’il n’y résidait plus, et que l’adresse indiquée comme étant la sienne est toujours le [Adresse 2] à [Localité 14] sur le jugement statuant sur le plan de cession en date du 3.12.2015.
Monsieur [T] ne rapporte pas la preuve qu’il a informé en cours de procédure le liquidateur judiciaire de sa nouvelle adresse.
Il ne peut donc tirer argument de sa propre carence dans le respect de ses obligations sociales de dirigeant.
Par ailleurs l’huissier a effectué des diligences s’agissant de contacter le gardien pour vérifier l’adresse de Monsieur [T], et celui ci lui a indiqué que Monsieur [T] avait quitté les lieux en 2011 sans laisser d’adresse. L’huissier n’est pas comptable des informations erronées qui ont pu lui être données puisque Monsieur [T] a quitté cette adresse en 2014, mais uniquement de la réalisation de démarches ayant pour but de procéder à une signification à personne.
Monsieur [T] critique le fait que le nom du gardien n’ait pas été précisé sur l’acte mais pour déterminer la réalité des diligences effectuées par l’huissier pour signifier à personne l’acte cet élément est indifférent puisqu’il importe uniquement de constater que l’huissier a tenté de retrouver Monsieur [T] en contactant un tiers.
L’huissier a tenté de joindre monsieur [T] sur le numéro de teléphone dont il disposait sans succès.
Monsieur [T] soutient qu’il ne s’agit pas de son numéro mais il n’en rapporte pas la preuve et surtout il ne rapporte pas la preuve que le mandataire liquidateur avait connaissance de son réel numéro de téléphone.
L’huissier a enfin effectué des recherches sur l’annuaire électronique.
Monsieur [T] critique les diligences de l’huissier en indiquant que celui ci n’a pas contacté les services postaux et la direction des finances publiques. Il indique qu’il avait fait un renvoi de son courrier et que la Poste était donc informée de sa nouvelle adresse et qu’il avait communiqué celle ci aux services des impôts.
La cour rappelle que l’huissier doit réaliser les diligences qui lui semblent utiles pour tenter de signifier à personne l’acte. Il ne peut être attendu de l’huissier un travail d’enquêteur multipliant les recherches, alors que par ailleurs le dirigeant a manqué à une de ses obligations fondamentales s’agissant d’indiquer son adresse réelle tant sur le Kbis de la société que dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire.
Ainsi il ressort des mentions portées sur le procès verbal de recherches infructueuses que des diligences ont été effectués par l’huissier sans qu’il ait été possible pour lui de trouver l’adresse de Monsieur [T].
La cour souligne que les éléments que ce dernier fait valoir pour soutenir que les diligences de l’huissier ont été indigentes, s’agissant de son renvoi postal, datent de deux ans avant la date d’assignation, puisque les preuves produites sont de 2016, et qu’il n’est pas établi que le dispositif était toujours en cours en 2018. S’agissant de l’adresse fiscale, si il est établi effectivement que Monsieur [T] a indiqué dans sa déclaration fiscale pour les revenus 2017 établie en conséquence en mai ou juin 2018 sa nouvelle adresse en Belgique, il a également indiqué faussement qu’il était jusqu’au 1er janvier 2018 domicilié au [Adresse 2] à [Localité 14], démontrant une volonté renouvelée de dissimuler son adresse véritable entre 2014 et 2018.
En conséquence il convient de dire que l’huissier a réalisé des diligences suffisantes au sens de l’article 659 pour tenter de signifier l’acte à la personne de Monsieur [T] et de dire régulièrel’assignation délivrée.
Sur la prescription de l’action engagée à l’encontre de Monsieur [O]
Monsieur [O] soulève la prescription de l’action engagée à son encontre.
Il soutient que seul l’acte signifié par l’huissier belge le 25 octobre 2018 était de nature à interrompre le délai de prescription, de sorte que l’action en comblement engagée à son encontre était prescrite depuis le 14 octobre 2018.
Il expose que s’il était retenu que c’est la date d’envoi du courrier de l’huissier français à l’huissier belge qui devait être retenu force est de constater que la Selarl Axyme ne rapporte pas la preuve de la date d’envoi de ce courrier de nature à interrompre la prescription.
La SELARL Axyme ès qualités fait valoir que c’est à bon droit que le tribunal de commerce de Paris a retenu par jugement du 1er février 2022 que « l’examen des documents produits par le demandeur confirme que les 3 assignations ont été produites le 10 octobre 2018 soit moins de 3 ans après la liquidation judiciaire de la société du 14 octobre 2015 », de sorte que la fin de non-recevoir tirée d’une prétendue prescription de son action devait effectivement être rejetée.
Elle indique qu’il est de jurisprudence constante que c’est la date d’envoi, et non la date de réception, qui interrompt la prescription dans le cadre d’une notification d’acte judiciaire ou extrajudiciaire à l’étranger ; qu’en l’espèce, l’acte interruptif de prescription a été signifié le 10 octobre 2018 par l’huissier français, Me [N] [C], selon PV d’accomplissement des formalités de significations internationales dressé à cette date, afin de toucher Monsieur [O], domicilié en Belgique.
Le ministère public s’aligne sur la position du liquidateur et ajoute que dans le cadre de la présente instance, il n’a été fait appel que du jugement du tribunal de commerce de Paris du 5 juillet 2022 (RG n°2019002484) alors qu’il a été statué sur ces moyens par un jugement du 1er février 2022 du tribunal de commerce de Paris qui n’est pas objet du présent appel ; que les moyens de M. [O] sont donc inopérants.
Sur ce
L’action engagée par la Selarl Axyme est fondée sur l’article L.651-1 du Code de commerce, qui prévoit qu’elle peut être engagée à l’encontre des dirigeants de droit ou de fait pouvant être déclarés solidairement responsables de l’insuffisance d’actif, dès lors qu’ils ont contribué à la faute de gestion et que l’action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire.
Le jugement de liquidation judiciaire est en date du 14.10.2015 de telle sorte que l’action en comblement de passif devait être introduite au plus tard le 14.10.2018.
En l’espèce Monsieur [O] résidant en Belgique l’huissier français a établi un acte d’accomplissement des formalités par lequel il transmet à l’huissier belge l’acte à signifier. Cet acte d’accomplissement des formalités est adressé à l’huissier belge par lettre recommandée et la date d’envoi de la lettre recommandée interrompt la prescription.
L’acte d’accomplissement des formalités est daté du 10.01.2018.
Cependant le tribunal a été saisi de 4 procédures par la selarl Axyme à l’encontre de Monsieur [T], dirigeant de droit, et de messieurs [O] et [J], associés et dont elle soutenant qu’ils étaient dirigeants de fait:
– une action en responsabilité pour insuffisance d’actif de la SAS Phinéo,
– une action en sanction personnelle dans le cadre de la liquidation judiciaire de la SAS Phinéo,
– une action en responsabilité pour insuffisance d’actif de la SAS Groupe Phinéo,
– une action en sanction personnelle dans le cadre de la liquidation judiciaire de la SAS Groupe Phinéo.
Ces 4 procédures sont référencées chez l’huissier français de la façon suivante:
RIA SAS Phineo n°045132
Sanctions personnelles SAS Phineo n° 045133
RIA Groupe Phineo n°045134
Sanctions personnelles SAS Groupe Phineo n°045135.
Les numéros indiqués sont ceux mentionnés sur les 4 actes d’accomplissement des formalités tous datés du 10.01.2018.
Dans les 4 procédures le liquidateur judiciaire a produit les mêmes pièces s’agissant de la pièce 44 qui est une photocopie des lettres recommandées adressées.
On constate à la lecture de cette pièce qu’un seul envoi recommandé a été adressé à Me [H], l’huissier belge, s’agissant de la lettre recommandée RK 05 395 048 9 FR avec la mention sous l’adresse du destinataire de ‘colis 133″;
Or 4 lettres auraient dû être envoyées correspondant aux 4 assignations à délivrer.
La Selarl Axyme ne verse aux débats qu’un seul recommandé.
Le recommandé produit correspond, ainsi qu’indiqué, à la procédure 133, c’est à dire à la procédure Sanctions personnelles SAS Phinéo.
Il en découle que la preuve n’est pas rapportée de l’envoi d’un courrier à l’huissier belge avant le terme de la prescription pour le dossier 132.
De telle sorte que la prescription est acquise à l’encontre de Monsieur [O] pour la procédure de recouvrement de l’insuffisance d’actif de la SAS Phinéo qui est la présente action.
Il en résulte que l’action en responsabilité d’insuffisance d’actif engagée par le liquidateur judiciaire à l’encontre de Monsieur [O] est irrecevable.
Sur l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif
Préliminairement
Il ressort des différents documents produits et de la proposition de rectification de l’administration fiscale en date du 23.12.2013 les éléments suivants concernant l’actionnariat direct et indirect de la société Phinéo.
La société Phinéo a été créée et immatriculée le 4.05.2007 par messieurs [T] et [Y]
La propriété de son capital a évolué au cours des années:
– lors de la création de la société les deux associés détenaient chacun 50% des parts sociales.
– le 1.01.2009 le capital est détenu par Monsieur [Y] à hauteur de 97,60% et Monsieur [L] à hauteur de 2,40%
– Monsieur [Y] cède sa participation à la société Futur Technologies le 30.03.2009
– Monsieur [L] cède sa participation à Monsieur [T] le 19.01.2010
– le capital social est donc détenu à partir de cette date par la société Futur Technologies à hauteur de 97,60% et Monsieur [T] à hauteur de 2,40%, ce dernier se substituant ensuite sa société Vicap Conseil dont lui et son épouse sont les seuls associés.
La société Futur Technologies est une société luxembourgeoise créée le 5.12.2008.
Son capital était détenu lors de sa création par la société Excelliance et par la société Comitium International chacune à hauteur de 50%.
La société Excelliance était détenue par la société Comitium International à hauteur de 99,99% et par Monsieur [F] à hauteur de 1%.
La société Comitium International est détenue par 4 associés personnes physiques à hauteur de 25% chacun qui sont Messieurs [F], [P], [Z] et [B].
Le 5.12.2013 Monsieur [O] créé la société de droit luxembourgeois Tesli dont il est l’associé unique.
Le même jour Monsieur [J] crée la société Blue Equity, également société de droit luxembourgeois, dont il est l’associé unique.
Ces deux sociétés ont acquis les parts sociales de la société Futur Technologies à une date qui n’est pas précisée mais qui ne peut être que équivalente ou postérieure au 5.12.2013, date de leur création.
Il ressort des statuts des sociétés Tesli et Blue Equity qu’à la date de création de chacune des sociétés, le 5.12.2013,Messieurs [O] et [J] étaient déjà actionnaires de la société Futur Technologies. En effet l’un et l’autre apporte au capital de leur société personnelle, 500 actions de la société Future Technologies évalués à 12.500.000 euros.
Il apparait en outre de la pièce 24 produite par Monsieur [J] qu’il était salarié de la société Futur Technologies du 01.01.2011 au 13.08.2013 en qualité de responsable du développement interne.
Les éléments exposés par l’administration fiscale dans sa proposition de rectification indiquent qu’aucun document juridique n’a été mis à sa disposition concernant l’actionnariat de Futur Technologues sinon l’attestation de l’administrateur de la société concernant l’identité des 4 actionnaires au 31.12.2011 ([F], [P], [Z] et [B]).
Il ressort cependant du registre du commerce et des sociétés du Luxembourg, dont les mentions sont rappelées dans la proposition de rectification, que le 1.08.2012 un acte a été enregistré intitulé ‘modification administrateur/gérant’, ce qui laisse à penser à une modification de l’actionnariat à cette date. Il peut ainsi être retenu que Monsieur [O] et Monsieur [J] sont devenus actionnaires de Future Technologies entre le 1.08.2012 et le 4.12.2013 sans cependant qu’aucune date plus précise ne puisse être établie.
Le 6.12.2013 la SAS Groupe Phinéo, société de droit français est créée. Ses associés sont Futur Technologies à hauteur de 97,60% et Vicap Conseil à hauteur de 2,40%.
Elle acquiert, le 13.12.2013, une partie des parts sociales de la SAS Phinéo appartenant à la société Futur Technologies et à la société Vicap Conseil grâce au prêt bancaire souscrit le même jour.
S’agissant de la procédure de vérification fiscale elle a concerné la société Phinéo pour les années 2009, 2010 et 2011 mais la proposition de rectification fiscale communiquée par le liquidateur ne concerne que les années 2010 et 2011, une proposition fiscale ayant été adressée le 21.12.2012 pour l’année 2009.
Elle vise plusieurs irrégularités comptables et fiscales s’agissant:
– de la TVA sur l’affacturage au titre de l’année 2010
– de la TVA sur les factures SHT réglée en 2011 et Conseil Attitude réglées en 2010
– du caractère fictif des factures SHT et Conseil Attitude
– du caractère fictif de la facture Eolen datée du 31.12.2011
– du caractère fictif des redevances versées à la société Futur Technologies pour l’utilisation de la marque Phinéo Technologies en 2010 et 2011
– du caractère non justifié des provisions pour dépréciation sur créances client au 31.12.2011.
Elle remet en cause le fait que la société puisse prétendre à un crédit impôt recherche pour les années 2010 et 2011 ainsi que la qualité de Jeune Entreprise Innovante obtenue par la société Phinéo le 29.03.2011 ayant permis à celle ci de bénéficier d’allégements fiscaux.
Une transaction a été signée entre la société Phinéo et l’administration fiscale pour un montant de 2.070.541 euros, le 12.12.2014, visant les années 2009, 2010 et 2011 aux termes de laquelle:
-les sommes en principal dues au titre de la TVA 2009, 2010 et 2011 sont maintenues et les intérêts et majorations supprimés ou diminués
-les sommes en principal sur l’impôt sur les sociétés pour les années 2009, 2010, 2011, outre l’IFA 2011 et la CSB 2011 sont maintenus et les intérêts et majorations supprimés ou diminués
-les CVAE 2010, 2011 et la taxe additionnelle 2011 sont maintenus en principal et intérêts,
– les pénalités sont maintenues sur le principe mais diminuées sur le montant.
La cour souligne cependant que l’ensemble des rectifications opérées par l’administration fiscale concerne une période antérieure à l’entrée au capital de messieurs [O] et [J] dans la société Phinéo par l’intermédiaire de la société Groupe Phinéo et de la société Futur technologies et de leurs sociétés personnelles puisque la détention de parts sociales de la société Futur Technologies par messieurs [O] et [J] n’est avérée de façon certaine par l’intermédiaire de leurs sociétés respectives, Tesli et Blue Equity, que postérieurement au 5.12.2013 et que la seule mention sur le RCS de la société Futur Technlogies d’un changement d’administrateur ou de gérant le 1.08.2012 ne permet pas de retenir qu’ils sont entrés au capital de la société à cette date.
S’agissant des rectifications opérées par l’administration fiscale l’une concerne le caractère fictif des factures des sociétés SHT et Conseil Attitude.
La société SHT avait pour associés messieurs [O] et [J] à hauteur de 45% chacun et Monsieur [D] à hauteur de 10%. Elle n’avait pas de salarié. Créée le 25.05.017 elle fait l’objet d’une liquidation amiable à compter du 17.03.2011 et l’administration fiscale a retenu que la facture d’un montant de 149.500 euros du 8.02.2011 était fictive comme ne correspondant à aucune prestation réalisée.
La société Conseil Attitude immatriculée le 15.12.2008 avait pour associés messieurs [O] et [J], comme gérant Monsieur [D], employait trois salariés: les deux associés et Monsieur [R], et a fait l’objet d’une liquidation amiable à compter du 19.01.2011. Elle a établi des factures pour un montant total HT de 1.022.441, 50 euros entre 2008 et 2010 et a perçu des règlements sur l’année 2010 d’un montant total HT de 832.583,61 euros.
Lorsque les factures litigieuses ont été réglées Messieurs [O] et [J] n’étaient pas associés de la société Phinéo.
Sur la direction de fait de Monsieur [J]
La SELARL Axyme, ès qualités, expose qu’il existe de nombreux actes positifs de gestion effectués par Monsieur [J] pour le compte de la SAS Phineo :
-M. [J] s’identifiait comme Directeur de département Phineo avec l’adresse courriel suivante : « [Courriel 18] », ce alors qu’il n’a jamais été salarié ;
– Il s’occupait de la négociation des frais bancaires de la société Phineo ainsi que de la relation avec l’un des principaux clients de la société, Bouygues Telecom (suivi des bons de commande et facturation associée) ;
– Il s’est porté candidat à la reprise de la SAS Phineo, aux termes du jugement de cession du 03 décembre 2015 ;
– Dans le cadre du prêt consenti par le pool bancaire à la SAS Groupe Phineo le 13 décembre 2013 pour un montant de 7 800 000 €, seuls Messieurs [O] et [J] se sont portés cautions solidaires, et non Monsieur [T], pourtant dirigeant de droit.
Monsieur [J] fait valoir que la SELARL Axyme échoue à démontrer l’existence d’actes positifs de gestion comme celle de son indépendance totale, conditions cumulatives pourtant nécessaires à la caractérisation de la direction de fait.
Il fait notamment valoir qu’alors que la gestion de fait doit être caractérisée à l’époque des fautes reprochées, les éléments avancés par la SELARL Axyme datent de 2011 uniquement, pour des fautes alléguées en 2013.
Sur ce
Il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que le dirigeant de fait est celui qui exerce une activité positive de gestion et de direction en toute souveraineté et indépendance.
Les actes positifs de gestion doivent avoir été effectués au cours de l’activité de la société.
A ce titre le fait que Monsieur [J] se soit porté candidat à la reprise de la SAS Phinéo est, d’une part, postérieur à la période d’activité de la société et, d’autre part, ne constitue pas un acte de gestion de celle ci.
Par ailleurs le fait que Monsieur [J] se soit porté caution du prêt consenti à la SAS Groupe Phinéo ne constitue pas un acte de gestion de la SAS Phinéo mais un engagement de l’ actionnaire pour permettre la souscription d’un emprunt bancaire par la société holding.
Monsieur [J] reconnait qu’il a rempli des fonctions de directeur commercial, par l’intermédiaire de sa société de conseil, auprès de la société Phinéo pour participer à l’évolution de l’activité de la société qui intervient dans le domaine de l’industrie automobile. C’est dans ce cadre qu’il explique avoir utilisé une adresse ‘[Courriel 18]’.
Il explique que c’est aussi dans le cadre de ses fonctions de directeur de département qu’il a négocié des frais bancaires de la société Phinéo et géré le contrat Bouygues.
Cependant Monsieur [J] ne produit aucun contrat de prestation de service entre lui et la société Phinéo aux termes duquel il intervient pour exercer des fonctions de directeur commercial ou directeur de département.
La preuve du cadre contractuel dans lequel il intervient n’est donc pas rapportée, et en particulier il n’est nullement établi qu’il exerçait ses fonctions de directeur commercial sous la responsabilité de Monsieur [T] président de la société, puisqu’aucun écrit ne le rappelle expressément, alors qu’il reconnait par ailleurs avoir pu engager la société auprès de la banque, ou auprès d’un des clients les plus importants s’agissant de Bouygues.
En d’autres termes Monsieur [J] intervenait pour le compte de la société Phinéo en dehors de tout statut de salarié ou de prestataire de service et ne peut soutenir s’être inscrit dans un cadre hiérarchique défini par écrit.
En outre sur une partie de l’année 2011 Monsieur [J] était salarié de l’actionnaire principal de la société Phinéo, Futur Technologies. Il a perçu du 01.01.2013 au 13.08.2013 une rémunération nette de 70.015 euros soit environ 7400 euros par mois. Ainsi, alors qu’il était salarié de l’actionnaire et alors qu’aucun contrat de mise à disposition n’existe entre Futur Technologie et Phinéo, Monsieur [J] a exercé des fonctions de directeur commercial dans Phinéo dont l’importance implique nécessairement qu’il s’y soit consacré à temps plein.
Il ressort par ailleurs des emails produits qu’en 2011 il est l’interlocuteur de la compagnie d’assurance. Il signe à ce titre un avenant, et discute du montant de la prime d’assurance et de son versement, alors que la négociation du contrat d’assurance relève des fonctions d’un directeur administratif et financier et non d’un directeur commercial et qu’il s’agit, pour la signature d’un avenant, d’un acte engageant la société.
En 2015 le directeur administratif et financier lui demande, aux termes des emails communiqués, de contacter SFR pour obtenir paiement des factures impayées. Or le recouvrement de la facturation impayée ne relève pas, a priori, du directeur commercial. La demande du DAF démontre en outre le fait que Monsieur [J] exerçait des fonctions plus étendues que les seules fonctions de directeur commercial qu’il aurait exercé alors.
Monsieur [J] excipe d’un mail de Monsieur [T] interdisant au directeur financier, Monsieur [W], de lui communiquer les éléments comptables qu’il avait demandés, pour démontrer qu’il n’avait pas accès à certaines informations comptables et financières et donc n’exerçait pas des fonctions de dirigeant de fait.
Cependant d’une part ce mail démontre que Monsieur [J] demandait directement aux salariés de l’entreprise des informations alors que si cette information lui était due du fait de sa qualité d’associé de la société (par l’intermédiaire de la SAS Groupe Phinéo, de Futur Technologies et de Blue Equity) elle aurait du être délivrée par le président de la société ou sous son couvert.
D’autre part le mail de Monsieur [W], directeur financier, démontre que Monsieur [J] disposait d’une carte bancaire sur le compte de la société Phinéo, et pouvait donc utiliser le crédit de la société en toute indépendance.
Enfin la réponse de Monsieur [T] fait état d’un refus en faisant valoir que ces deux personnes (messieurs [O] et [J]) n’ont aucune autorité en interne et ont généré suffisamment de perturbation au sein de la société ces dernières années, démontrant que le dirigeant de droit estimait que les associés avaient fait preuve d’ingérence.
Au regard des fonctions exercées par Monsieur [J], de la réalité de ses interventions en toute indépendance dans la gestion de la société, d’une part reconnues par lui -banque et client Bouygues- , d’autre part dont la preuve est rapportée -contrat d’assurance et paiement SFR-, de l’absence de tout contrat de travail ou de contrat de prestation de service permettant d’établir qu’il intervenait dans un cadre de subordination au dirigeant de droit il est établi que Monsieur [J] s’est comporté comme un dirigeant de fait à compter de l’année 2011.
Sur l’insuffisance d’actif de la liquidation judiciaire de la SAS Phineo
La SELARL Axyme ès qualités expose qu’en l’espèce, le préjudice permettant l’ouverture d’une action en responsabilité pour insuffisance d’actif est constitué par une insuffisance d’actif à hauteur de 10 665 264 €.
Sur les fautes de gestion
Il résulte de l’article L.651-2 du code de commerce que lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée.
i) L’omission de déclarer l’état de cessation des paiements dans le délai légal
La SELARL Axyme ès qualités fait valoir que les dirigeants de droit et de fait n’ont pas déclaré la situation de cessation des paiements de la SAS Phineo dans le délai légal de 45 jours, puisque la SAS Phineo se trouvait dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible depuis le 17.03.2015, date de fixation de l’état de cessation des paiements par le jugement de liquidation judiciaire du 14.10.2015.
Elle expose que les dirigeants ne pouvaient ignorer cette situation, compte tenu des 14 inscriptions de privilèges, et que le retard de déclaration de cinq mois et demi a généré la création de nouvelles dettes auxquelles la SAS Phineo n’a pas été en mesure de faire face, ce qui a aggravé l’insuffisance d’actif.
Monsieur [U] [T] fait valoir qu’il a sollicité l’ouverture d’une procédure de conciliation auprès du tribunal de commerce le 15 décembre 2014, que les perspectives de la société étaient alors rassurantes, mais que la SFR a ensuite refusé d’honorer plusieurs factures pour plus d’un million d’euros.
Il indique avoir alors immédiatement régularisé une déclaration de cessation des paiements.
Monsieur [J] réplique que cette obligation incombe au représentant légal, à savoir M. [T], de sorte qu’il n’avait pas qualité pour procéder à la déclaration de cessation des paiements.
Le ministère public expose que la faute est caractérisée au regard de la date de cessation des paiements fixée par le tribunal au 17.03.2015 et au fait que les dirigeants ne pouvaient ignorer l’état de cessation des paiements compte tenu des 14 inscriptions de privilèges prise à compter de cette date. Il souligne que le passif généré pendant la période suspecte a été chiffré par le liquidateur à 2.912.658 euros soit 27% de l’insuffisance d’actif.
Sur ce
Alors que l’article L 634-1 fait obligation à toute entreprise d’effectuer une déclaration de son état de cessation des paiements et de demander l’ouverture d’une procédure collective dans le délai de 45 jours de la survenance de celle-ci, M. [T] s’est abstenu d’y procéder. En effet, alors que le tribunal a fixé au 17.03.2015 la date de cessation des paiements, cette date s’imposant au juge de la sanction, M. [T] n’a effectué une déclaration de l’état de cessation des paiements que le 1.09.2015.
Contrairement à ce que soutient Monsieur [J], bien qu’il ne puisse pas effectuer cette démarche qui relève des pouvoirs du dirigeant de droit, il n’en demeure pas moins qu’en qualité de dirigeant de fait il lui appartenait de demander au dirigeant de droit d’effectuer cette démarche. Force est de constater que alors qu’il connaissait la situation très tendue de la société puisqu’il avait été sollicité par le directeur administratif et financier pour demander paiement des factures impayées au client SFR et qu’il connaissait la situation très tendue de la trésorerie dès janvier 2015 puisqu’il donnait des ordres au directeur financier de laisser un solde de 500 euros sur le compte bancaire sur lequel il disposait d’une carte bancaire, il n’a donné aucune instruction pour que la cessation des paiements soit déclarée.
Il convient donc de retenir cette faute à l’encontre des deux dirigeants.
Le retard dans la déclaration de cessation des paiements a généré un passif pendant la période suspecte que le liquidateur judiciaire établit à 2.912.658 euros selon un tableau récapitulant les créances déclarées pour les montants afférents à la période suspecte dont en particulier 860.409 euros de TVA due en septembre 2015, 905.537 euros de cotisations Urssaf pour les mois d’avril à septembre 2015, 475.712 euros pour les cotisations auprès d’Humanis pour la période d’avril à septembre 2015.
ii) Le paiement de prestations non justifiées à des sociétés appartenant aux dirigeants de fait
La SELARL Axyme ès qualités expose que :
– le 1er septembre 2010, les SAS Phineo et SARL SHT ont signé un contrat pour une durée de 3 mois et un montant forfaitaire de 125 000 €, réglé par la SAS Phineo le 17 mars 2011, que cepdant la SARL SHT était détenue directement par Messieurs [J] (45%) et [G] [O] (45%) et que la réalité des travaux réalisés par la SARL SHT peut être remise en cause.
– Le 17 décembre 2008, les sociétés SAS Phineo et SARL Conseil Attitude (depuis dissoute) ont signé un contrat d’assistance et conseil en réorganisation, pour un montant de 250 000 € HT dû dès la signature du contrat par la société Phineo, ainsi qu’une facture journalière de 2 500 € payable tous les mois à titre échu, que la rémunération totale de la SARL Conseil Attitude à ce titre s’est élevée à la somme de 1 222 840 €, qu’il a été précisé au service vérificateur de l’Administration fiscale que les intervenants avaient été Messieurs [J] et [O], qu’au regard des éléments communiqués à l’Administration fiscale par les sociétés, les factures de la SARL Conseil Attitude sont fictives.
Le liquidateur conclut que ces facturations fictives constituent un abus de biens sociaux qui a inéluctablement appauvri la SAS Phineo sans réelle contrepartie, de sorte que cette faute de gestion a concouru à l’insuffisance d’actif de la SAS Phineo.
Monsieur [T] réplique que la société Conseil attitude a notamment remis à la société Phineo un rapport pour mieux gérer la crise de 2008/2009, sur lequel il s’est fondé pour décider de nouvelles orientations stratégiques pour Phineo, que la mission de la SARL SHT a également porté ses fruits pour redorer l’image de Phineo, de sorte qu’aucun de ces contrats ne peut être qualifié de fictif.
Monsieur [J] indique que ces contrats de prestations de services, indéniablement réels, ont contribué au développement considérable du chiffre d’affaires de la SAS Phineo, passé de 5 millions d’euros en 2009 à 15 millions d’euros en 2012.
Le ministère public expose que la cour pourra suivre la position de l’administration fiscale qui a conclu que les factures de la SARL Conseil Attitude ont un caractère fictif et la facture de la SARL SHT a un caractère de complaisance.
Sur ce
L’administration fiscale aux termes de ses opérations de vérification a retenu le caractère fictif des prestations réalisées par les sociétés SHT et Conseil Attitude et a donc réintégré dans le bénéfice de la société les factures payées qui avaient été incluses dans les charges de la société.
Il ressort du protocole transactionnel signé entre la société Phinéo et l’administration fiscale que l’ensemble des redressements en principal a été maintenu et donc le redressement d’impôt sur les sociétés motivé en partie par le caractère fictif des factures des sociétés SHT et Conseil Attitude a été reconnu comme justifié par la société et ses dirigeants de droit et de fait.
Ni Monsieur [T], ni Monsieur [J] ne rapportent pas la preuve de la réalité du travail effectué en versant aux débats par exemple, les comptes rendus de mission et les rapports établis par les deux sociétés comme démontrant l’exécution des prestations facturées alors que l’administration fiscale a retenu:
– pour SHT qui était censée avoir créé le site de la SAS Phinéo, l’avoir hébergé et avoir assuré son référencement dans les moteurs de recherche selon la proposition commerciale du 1.10.2019, qu’elle n’était pas capable d’indiquer le nom de ses intervenants dans le cadre de l’exécution du contrat, qu’elle ne disposait pas elle-même de site internet alors qu’elle se présentait comme un leader dans la création de site internet, que la société Phinéo qui a présenté lors de la procédure de vérification deux documents relatifs à l’audit technique qui aurait été réalisé par SHT lors de l’exécution du contrat a refusé de remettre les deux documents, que la société Phinéo a refusé de remettre le contrat signé et qu’enfin la mission exécutée a été réalisée, en réalité, par la société Linkeo.com qui est mentionnée sur la page d’accueil du site internet de la société Phinéo comme ayant réalisé ledit site et qui interrogée par l’administration fiscale, a confirmé être intervenue pour la société Phinéo pour des prestations équivalentes à celles facturées par la société SHT,
– pour Conseil Attitude que celle ci aurait réalisé un audit et aurait émis des préconisations pour une restructuration de la société Phinéo mais que les comptes rendus n’ont pas été produits, que la facture du 2.04.2010 mentionne une référence de bon de commande daté du 6.09.2010 donc postérieure à la facture, que la société Conseil Attitude n’avait aucune expérience dans le domaine des restructurations de société puisqu’elle a été immatriculée deux jours avant la date de signature du contrat, que le fait que les intervenants avaient pour leur part l’expérience requise n’a pas été prouvé par la société, que les investigations menées auprès des clients démontrent que la plupart des clients, et en particulier ceux n’étant pas dans l’automobile, étaient déjà des clients de la SAS Phinéo avant les travaux de la société Conseil Attitude.
Le caractère fictif des factures est établi par le redressement fiscal.
Le paiement des factures des deux sociétés a donc été contraire à l’intérêt de la société.
Monsieur [T] a commis une faute en procédant au paiement de factures fictives.
Monsieur [J] n’était pas dirigeant de fait lorsque les factures de Conseil Attitude pour un montant de 1 222 840 € ont été réglées puisque les règlements ont été opérés en 2009 et 2010.
Par contre sa direction de fait a été retenue pour la période de l’année 2011 aux cours de laquelle la facture de la société SHT de 149.500 euros a été réglée. Il y a lieu de retenir qu’il a commis une faute en procédant au paiement de cette facture, étant en outre souligné que ce paiement a été effectué dans son intérêt puisqu’il était associé de la société SHT.
iii) La conclusion d’un contrat d’apporteur d’affaires avec la société Eolen
La Selarl Axyme expose que le 30 décembre 2011, la SAS Phineo a conclu un contrat d’apporteur d’affaires avec la SAS Eolen spécialisée dans le conseil aux entreprises avec pour mission de mettre en relation la société Phineo avec la société Bouygues Telecom, moyennant le versement de 1 600 000 € et prévoyant que la facture émise par l’apporteur d’affaires tiendrait lieu de note d’avoir, qu’une facture a été présentée par la SAS Eolen en date du 31 décembre 2011, que la SAS Phineo indique que ledit contrat a été finalement rompu et qu’aucune prestation ni règlement n’ont été réalisés.
Le liquidateur soutient que la facture de 1 600 000 € adressée par la société Eolen à la SAS Phineo le 31 décembre 2011 est une facture fictive ; de sorte que la direction générale des finances publiques, qui a procédé à la vérification de la comptabilité de la SAS Phineo, a conclu qu’en mettant à sa charge une dépense ne correspondant pas à l’exécution d’une prestation de services, la SAS Phineo a conclu un acte anormal de gestion.
Monsieur [T] réplique que la facture émise par Eolen a fait l’objet d’un avoir, de sorte qu’elle n’a jamais été réglée et ne peut donc raisonnablement être à la source d’une faute de gestion.
Il précise que la majoration de 40% appliquée par l’administration fiscale au titre de cette facture a été abandonnée dans le cadre de la transaction conclue en décembre 2014.
Monsieur [J] fait valoir que ce grief ne le concerne pas dans la mesure où seul Monsieur [T] a tenté d’engager Phineo auprès de la société Eolen ; qu’en tout état de cause, aucun paiement n’est intervenu.
Sur ce
Il ressort de la lettre de rectification fiscale qu’au cours des opérations de vérification fiscale la société Phinéo a modifié sa liasse fiscale pour réintégrer dans les comptes de la société la somme correspondant au paiement de la facture Eolen d’un montant de 1.6000.000 euros.
Aucun paiement n’est donc finalement intervenu, en raison même de l’intervention de l’administration fiscale et non par une volonté des dirigeants.
Cette modification de la comptabilité en cours de vérification fiscale démontre le caractère fictif de la facture. Pour autant aucun paiement n’étant intervenu l’insuffisance d’actif n’a pas été augmentée de telle sorte que cette faute ne sera pas retenue.
iv) Les redevances de marques versées à la société Futur Technologies,
La SELARL Axyme, ès qualités, indique que l’administration fiscale a relevé le paiement de redevances non causées à l’actionnaire majoritaire de la holding de la SAS Phineo, la société Futur Technologies.
Elle indique que l’objet du contrat de licence conclu le 1er juin 2009, ayant justifié le versement de 1 057 274 € de dividendes à la SA Futur Technologies lors de l’AG du 25 décembre 2011, se rapportait en réalité à une marque qui n’a pas d’ancienneté, non déposée, et donc non protégée à l’époque, de sorte que ces redevances n’étaient pas justifiées.
Monsieur [T] réplique que la SAS Phineo a profité d’une licence exclusive sur la marque « Phineo Technologies » qui a été utilisée dans l’intégralité de sa communication et pour tout le temps de sa croissance entre 2009 et 2013, exercices amplement bénéficiaires, de sorte que les redevances sont justifiées.
Monsieur [J] fait valoir que ces redevances ont permis le développement commercial de Phineo et qu’elles ont en tout état de cause cessé le 1er janvier 2014.
Le ministère public est d’avis de dire que la faute est caractérisée en faisant valoir que la SA Futur Technologies a été créée le 5.12.2009, que le service vérificateur a établi qu’aucun élément ne permettait d’apprécier le développement d’une éventuelle marque Phinéo Technologies entre la date de création – 5.12.2008- et la date de signature du contrat de redevance de marque -1.06.2009-, qu’aucun document de valorisation de la marque n’a été produit, qu’enfin La marque a été enregistrée auprès de l’INPI 18 jours après la signature du contrat de licence.
Sur ce
L’administration fiscale aux termes de ses opérations de vérification a retenu le caractère fictif des redevances réglées par la société Phinéo à la société Futur Technologies en retenant:
– qu’aucun élément ne permet d’apprécier le développement d’une éventuelle marque Phinéo Technologies sur le territoire français entre la date de sa création et la date de signature du contrat de redevance de marque soit en moins de 6 mois
– la société Phinéo n’a apporté aucun élément de valorisation de la marque Phinéo Technologies qui aurait permis de déterminer les modalités de calculs des montants des redevances ainsi que les taux appliqués
– que l’objet du contrat de licence se rapporte donc à une marque qui n’a pas d’ancienneté avec une exclusivité sur un territoire où elle n’est pas connue
– qu’ainsi la marque Phinéo Technologies n’ayant pas de renommée, une contrepartie financière dans son principe et son montant n’est pas justifiée
– que la marque Phinéo Technologies a été enregistrée auprès de l’INPI 18 jours après la signature du contrat
– que les marques Phinéo et Phinéo Technologies ne se différencient que par le suffixe Technologies,
– que contrairement à ce qu’a soutenu la société Phinéo le chiffre d’affaires réalisé relève de clients qui utilisent les services de la société Phinéo et n’utilisent pas la marque Phinéo Technologies de telle sorte qu’il n’existe pas de chiffre d’affaires associé à la marque Phinéo Technologies justifiant les redevances.
Elle a donc réintégré dans le bénéfice de la société les redevances payées incluses initialement dans les charges de la société.
Il ressort du protocole transactionnel signé entre la société Phinéo et l’administration fiscale que l’ensemble des redressements en principal a été maintenu et donc le redressement concernant l’impôt sur les sociétés qui retenait le caractère fictif des redevances versées a été reconnu comme justifié par la société et ses dirigeants de droit et de fait.
Au regard des constatations de l’administration fiscale il convient de retenir cette faute de gestion s’agissant d’avoir réglé des redevances non justifiées, à l’encontre de Monsieur [T] qui savait parfaitement le caractère fictif de la marque déposée puisque:
– il avait créé la société en 2007, qui dès le départ avait pour nom Phinéo,
– il savait que la marque Phinéo Technologies avait été déposée postérieurement à la création de la société Phinéo
– il n’est pas établi par des éléments versés par lui aux débats, que la société Futur Technologies avait développé la marque Phinéo Technologies antérieurement à la création de la société Phinéo
– la marque a été déposée après la signature du contrat de licence ce qui établit son caractère fictif.
Enfin il n’apparaît pas que ce soit l’utilisation de la marque Phinéo Technologies, dont la preuve n’est pas rapportée qu’elle faisait l’objet d’une diffusion pour accroitre son audience et sa connaissance dans les milieux professionnels susceptibles d’avoir recours aux services développés par les sociétés l’exploitant, qui ait été à l’origine de l’augmentation de l’activité de la société Phinéo, aucun chiffre d’affaires n’étant associé à une activité développée sous le nom de Phinéo Technologies.
Il convient de retenir également cette faute à l’égard de Monsieur [J] qui était dirigeant de fait au moment où l’avenant augmentant la redevance a été signée, sur le même fondement étant précisé que le versement des redevances l’a été à une société dont il est devenu actionnaire dans le courant de l’année 2013 a minima et qu’il était donc intéressé directement par la perception de ces sommes.
v) Perception de dividendes pour une large partie composés des subventions CIR
La SELARL Axyme, ès qualités, souligne que le rapport du cabinet Syndex expose que plus de 20 millions d’euros ont été transférés vers l’actionnaire Futur Technologies sous forme de dividendes sur la période 2007-2013, dont une part significative est issue de fausses déclarations de subventions Crédit Impôt Recherche auprès du Service des Impôts des Entreprises (3 180 788 euros au total), qu’ainsi, alors que la société se trouvait au 31 décembre 2013 dans une situation obérée et que ses créanciers n’étaient plus payés, les dirigeants n’ont pas hésité à accorder plus de 3 millions d’euros de dividendes à l’actionnaire ultra-majoritaire Futur Technologies, opération à laquelle ils étaient directement intéressés, en leur qualité d’actionnaires indirects de cette société.
M. [T] réplique que les dividendes ont été versés à Futur Technologies au titre des seuls exercices 2010, 2012 et 2013, en application de décisions collectives des associés et non de sa seule initiative. Il ajoute que sur ces exercices, la SAS Phineo avait réalisé un chiffre d’affaires très satisfaisant avec des résultats largement bénéficiaires.
Monsieur [J] indique que la SELARL Axyme ès qualités ne produit aucune pièce pour justifier que les sommes versées au titre du CIR étaient indues.
Il fait valoir qu’au contraire, aux termes du rapport de Mme [E] [I] produit en pièce n°19, rien ne permet de remettre en cause le bienfondé du CIR.
Le ministère public est d’avis de dire que la faute est caractérisée au regard des sommes remontées à la holding.
Sur ce
Dans sa proposition de rectification fiscale en date du 23.12.2013 l’administration fiscale remet en cause le CIR versé pour les années 2010 d’un montant de 1.431.424 euros et 2011 pour 1.138.888 euros.
Or à réception de la proposition de rectification aucune provision n’a été passée dans les comptes 2013 de la société au titre des sommes reçues au titre du CIR 2010 et 2011, ce qui a entrainé un refus de certification des comptes 2013 par le commissaire aux comptes tel qu’indiqué dans son rapport daté du 19.09.2014.
Cependant contrairement à ce que soutient le liquidateur judiciaire il n’apparait pas dans les comptes 2014 que le résultat bénéficiaire de l’exercice comptable 2013 ait été distribué. En effet il est indiqué dans le bilan 2013, au passif, un compte report à nouveau de 1 euro et un compte résultat de l’exercice de 1.342.152 euros. Le bilan 2014 fait état, au passif d’un compte report à nouveau de 1.342.152 euros démontrant en conséquence que le résultat 2013 n’a pas été distribué.
S’agissant du résultat 2012 d’un montant de 3.264.827 euros il ressort par contre de la même comparaison entre le passif du bilan 2012 et le passif du bilan 2013 que cette somme a été distribuée.
La date de la distribution n’est pas connue puisque le procès-verbal de l’assemblée générale qui a validé les comptes et voté la distribution du bénéfice n’est pas produit, mais cette assemblée générale a eu lieu avant que la proposition de rectification fiscale remettant en cause le CIR ne soit reçue par la société. Ainsi il ne peut être reproché à aux dirigeants de la société d’avoir proposé une distribution de bénéfices en ayant connaissance de la remise en cause du CIR ce qui était de nature à affecter les comptes de l’exercice 2012.
Au contraire à la date où cette distribution a eu lieu, courant 2012, la société présentait un développement important et des résultats largement bénéficiaires de telle sorte que la proposition des dirigeants faite à l’assemblée générale des actionnaires de procéder à une distribution des dividendes n’apparait pas comme une faute de gestion.
Cette faute n’est pas retenue.
vi) Sur le manquement aux obligations fiscales
La SELARL Axyme ès qualités expose que la DGFIP a constaté de multiples manquements délibérés aux règles d’exigibilité en matière de TVA collectée.
Elle indique que la SAS Phineo a eu recours à des sociétés d’affacturage, sans pour autant s’enquérir auprès de celles-ci du paiement effectif par les clients des créances confiées, de sorte qu’un décalage s’est produit.
Elle expose que les dirigeants de la SAS Phineo ont donc commis une faute de gestion liées au non-respect des obligations fiscales, entraînant une augmentation du passif de la société dès lors qu’une majoration de 40% a assorti les rappels de TVA pour l’exercice 2010.
Monsieur [T] réplique que les déclarations fiscales de la SAS Phineo étaient réalisées par un cabinet d’expertise comptable et que ses comptes étaient certifiés par un Commissaire aux comptes de premier plan (KPMG).
Il ajoute qu’en tout état de cause, une transaction a été régularisée avec l’administration en 2014, et que les conséquences de ces éventuels manquements ont dont été effacées.
Monsieur [J] fait valoir que cette faute n’est reprochée qu’à Monsieur [T], de sorte qu’il sera nécessairement mis hors de cause.
Le ministère public est d’avis de dire que la faute est caractérisée au regard de la vérification de comptabilité.
Sur ce
Contrairement à ce que soutient Monsieur [J] la faute constituée par les redressements fiscaux au titre de la TVA et de l’impôt sur les sociétés lui a été reprochée par le liquidateur judiciaire en première instance ainsi qu’il ressort de la lecture des pages 8 et 9 de la décision critiquée de telle sorte qu’il ne s’agit pas d’une nouvelle faute en cause d’appel.
Dans le cadre de la procédure de vérification fiscale l’administration fiscale a procédé à une régularisation de la TVA du fait du décalage dans la liquidation de la TVA au titre des créances affacturées mais également s’agissant du paiement de la TVA indûment déduite sur les factures fictives d’honoraires réglées aux SARL SHT et Conseil Attitude.
Par ailleurs l’administration fiscale ayant déclaré fictives les factures des sociétés SHT et Conseil attitude a réintégré le montant de celles ci dans le bénéfice de la société et en a fait de même pour les redevances de marque.
Enfin l’administration fiscale a réintégré les provisions pour dépréciation sur créances client qu’elle a estimé non justifiées.
Contrairement à ce que soutient Monsieur [T] la transaction intervenue avec l’administration fiscale n’a pas ‘effacée’ les manquements constatés par celle ci dans le cadre de la vérification de comptabilité. Au contraire il résulte de ladite transaction:
– le maintien du redressement de TVA pour 2009, 2010 et 2011 y compris une partie des pénalités,
– le maintien du redressement concernant l’impôt sur les sociétés 2009, 2010 et 2011 incluant donc les sommes réintégrées au titre des factures, redevances et provisions fictives
– le maintien des pénalités sur le principe mais la diminution du montant,
de telle sorte qu’en signant la transaction la société et ses dirigeants de fait et de droit ont reconnu les irrégularités affectant sa comptabilité.
En conséquence la faute est caractérisée à l’encontre des deux dirigeants en ce qu’ils n’ont pas respecté les obligations fiscales de la société qui a du supporter le paiement de pénalités pour la somme au total de 278.322 euros étant cependant précisé que les pénalités dues pour l’impôt sur les sociétés pour l’exercice 2011, année à partir de laquelle la direction de fait de Monsieur [J] a été retenue, s’élève à 72.122 euros.
vii) Comptabilité irrégulière
La SELARL Axyme expose que le contrôle fiscal opéré le 23 décembre 2013 par la Direction Générale des Finances Publiques au titre des années 2009, 2010 et 2011 a dénoncé clairement la gestion de la comptabilité de la société et a retenu son caractère irrégulier.
Monsieur [J] indique que cette faute est issue d’un redressement fiscal qui a abouti à une transaction d’un montant de 2 070 541 euros, qui a été intégralement réglée puisqu’elle ne figure pas dans la liste des créances déclarées.
Monsieur [T] rappelle que les comptes étaient certifiés par le cabinet KPMG, y compris pour les exercices 2013 et 2014.
Le ministère public expose que la facture Eolen démontre que la comptabilité était manifestement irrégulière puisque aucun élément n’a été produit justifiant de la comptabilité de cette charge au titre d’apporteur d’affaires et que la société a déposé en cours de vérification de la comptabilité deux déclarations rectificatives dont l’une pour annuler cette facture.
Il expose que la SAS PHINEO a reconnu dans la transaction signée avec l’administration fiscale le 12 décembre 2014 ‘le bien-fondé et la régularité de l’imposition visée (impôts en principal, pénalités et intérêts)’ et a renoncé à ‘engager toute action contentieuse concernant cette imposition’, que dans la mesure où l’administration fiscale a relevé que plusieurs des dépenses présentes dans les comptes de la SAS PHINEO ne se rattachaient pas à une gestion normale de l’entreprise ou n’auraient pas été exposées dans l’intérêt direct de l’entreprise la cour pourra estimer que la comptabilité de Phineo n’était pas régulière.
Sur ce
En application des articles L.123-12 et suivants du code de commerce toute personne morale ayant la qualité de commerçant doit tenir une comptabilité qui doit être régulière, sincère et donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l’entreprise.
Dans le cadre de la procédure de vérification fiscale l’administration fiscale a procédé à une régularisation de la TVA du fait du décalage dans la liquidation de la TVA au titre des créances affacturées mais également s’agissant du paiement de la TVA indûment déduite sur les factures fictives d’honoraires réglées aux SARL SHT et Conseil Attitude.
Par ailleurs l’administration fiscale ayant déclaré fictives les factures des sociétés SHT et Conseil attitude a réintégré le montant de celles ci dans le bénéfice de la société et en a fait de même pour les redevances de marque.
Enfin l’administration fiscale a réintégré les provisions pour dépréciation sur créances client qu’elle a estimé non justifiées.
Ces redressements opérés par l’administration fiscale démontrent le caractère irrégulier et insincère de la comptabilité.
S’agissant de la facture Eolen aucun paiement n’est intervenu mais il ressort de la procédure de vérification fiscale qu’une modification de la liasse fiscale 2011 a été opérée après le début du redressement fiscal pour réintégrer dans les comptes de la société la somme correspondant au paiement de la facture Eolen d’un montant de 1.6000.000 euros.
Si le paiement n’est pas intervenu c’est en raison même de l’intervention de l’administration fiscale et non par une volonté des dirigeants et cette modification de la comptabilité en cours de vérification fiscale démontre son caractère irrégulier.
La faute constituée par le fait que la comptabilité était irrégulière est donc caractérisée à l’encontre du dirigeant de droit Monsieur [T] mais également de Monsieur [J], dirigeant de fait, pour la comptabilité 2011 et 2013.
viii) Sur la faute de Monsieur [U] [T] tirée de son absence de suivi de la conciliation
Le liquidateur de la SAS Phineo fait valoir qu’en empêchant toute tentative de redressement de la SAS Phineo via une procédure de conciliation sollicitée par la société elle-même, Monsieur [T] a commis une faute de gestion traduisant une incurie manifeste et une incompétence avérée de la part du dirigeant.
Monsieur [T] fait valoir qu’il a sollicité lui-même la conciliation en décembre 2014, suite à la dénonciation brutale du contrat d’affacturage conclu avec la société Natixis, qu’il a, à l’occasion de la conciliation noué une nouvelle relation commerciale avec la société factor Delubac, que c’est en raison du départ de ce factor à l’été 2015 qu’il a régularisé une déclatation de cessation des paiements et a participé sans faillir au suivi des opérations de liquidation judiciaire de la société Phinéo, que le tribunal n’a pas caractérisé le lien de causalité existant entre l’incurie prétendue de Monsieur [T] pendant la période de conciliation et l’insuffisance d’actifs.
Le ministère public expose que le conciliateur n’a eu d’autre choix que de solliciter qu’il soit mis fin à sa mission compte tenu du fait que les dirigeants n’ont retourné aucun appel ni courriel.
Il conclut que la faute doit être retenue.
Sur ce
Il ressort de la requête du conciliateur en date du 9.03.2025 que celui ci a demandé qu’il soit mis fin à la conciliation faute d’avoir obtenu des réponses précises et les documents réclamés de Monsieur [T].
Monsieur [T] n’a donc pas participé à la mission de conciliation avec le sérieux nécessaire au succès de celle ci, puisqu’il n’a pas communiqué les éléments financiers réclamés par le conciliateur qui aurait permis à celui ci de réaliser sa mission.
La faute d’incurie au titre de la conciliation est donc caractérisée. Cependant il n’est pas établi par le liquidateur l’insuffisance d’actif qui résulterait de cette incurie puisque la date de cessation des paiements n’a pas été fixée à une date antérieure à la fin de la mission du conciliateur.
Cette faute n’est donc pas retenue.
Sur l’aggravation de l’insuffisance d’actif résultant des fautes de gestion des dirigeants
La SELARL Axyme ès qualités expose que le préjudice permettant l’ouverture d’une action en responsabilité pour insuffisance d’actif est constitué par une insuffisance d’actif à hauteur de 10 665 264 euros.
Le liquidateur fait valoir que l’ensemble des fautes de gestion commises pas Messieurs [U] [T], et [S] [J] a contribué à la création et à l’aggravation de l’insuffisance d’actif de la liquidation judiciaire de la SAS Phineo et que ces fautes justifient que tout ou partie de l’insuffisance d’actif, laquelle s’élève à 10 665 265 euros, soit mise solidairement à leur charge.
Monsieur [J] met en avant l’absence de lien de causalité entre le passif généré pendant la période suspecte (après le 17 mars 2015) que le liquidateur évalue à la somme de 2 912 658 euros, et les fautes qui lui sont reprochées, dans la mesure où il n’est pas allégué qu’il ait été dirigeant au moment de la cessation des paiements en 2015.
S’agissant du passif existant déjà à la date de cessation des paiements, il fait valoir qu’il se compose pour plus de 50% d’une créance déclarée par le Trésor public au titre du CIR, laquelle est infondée.
A titre subsidiaire, si la cour devait le condamner à supporter le passif de la société Phineo, il demande que son montant soit amputé du passif généré pendant la période suspecte, soit la somme de 2 912 658 euros.
Monsieur [T] sollicite l’application du principe de proportionnalité dans la détermination de sa sanction, afin que la cour limite sa responsabilité éventuelle à la somme de 50 000 €. Il fait valoir qu’il n’a retiré aucun bénéfice personnel des diverses opérations réalisées entre 2009 et 2015 et qu’il a exercé son mandat au mieux.
Le ministère public est d’avis de confirmer la condamnation de Monsieur [T] et de condamner Monsieur [J] à payer 3.000.000 euros.
Sur ce
Monsieur [T] a été dirigeant de la société de sa création à sa liquidation.
Il a retiré de ce mandat de président des rémunérations importantes.
Il a été, lors de la création de la société, actionnaire de celle ci à 50%, puis après avoir vendu ses parts a repris une participation moindre puisqu’à hauteur de 2,40% dans la société, participation qu’il a tranmise à sa société Vicap Conseil puis vendue à la société Groupe Phinéo dont sa société Vicap Conseil était associée, pour 180.000 euros.
Dans le cadre de sa gestion de la société il a commis de nombreuses fautes qui ont porté atteinte à la robustesse de la société et à sa capacité à faire face à des périodes d’activité plus difficiles en relation avec la perte de certains clients, ce qui a précipité la déconfiture de la société.
Diverses fautes ont été retenues à son encontre au titre de sa gestion de la société qui ont participé à l’insuffisance d’actif s’agissant:
– du paiement de factures fictives pour 1 222 840 euros et 145.000 euros
– du paiement de redevances indues pour 849.639 euros pour l’exercice 2010, 1.227.280 euros pour l’exercice 2011,
– du paiement de pénalités fiscales pour 278.322 euros
– d’une augmentation du passif pendant la période suspecte de 2.912.658 euros .
En conséquence c’est à juste titre que le tribunal de commerce, faisant application du principe de proportionnalité, a condamné Monsieur [T] à payer à la Selarl Axyme la somme de 1.000.000 euros au titre de sa responsabilité pour insuffisance d’actif.
S’agissant de Monsieur [J] les diverses fautes qui ont été retenues à son encontre ont participé à l’insuffisance d’actif de la façon suivante:
– paiement de factures fictives pour 145.000 euros
– paiement de redevances indues pour 1.227.280 euros pour l’exercice 2011,
– paiement de pénalités fiscales pour 72.122 euros
– augmentation du passif pendant la période suspecte de 2.912.658 euros .
Faisant application du principe de proportionnalité il y a lieu de condamner Monsieur [J] à payer la somme de 1.000.0000 euros à la Selarl Axyme au titre de sa responsabilité pour insuffisance d’actif.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
La SELARL Axyme ès qualités sollcite la condamnation solidaire de Messieurs [U] [T], [G] [O] et [S] [J] au paiement de la somme de 10.000€ en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
Monsieur [T] sollicite la condamnation de la SELARL Axyme ès qualités à lui verser 10 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.
Monsieur [S] [J] sollicite la condamnation de la SELARL Axyme ès qualités à lui verser 10 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.
Monsieur [O] sollicite la condamnation de la SELARL Axyme ès qualités à lui verser 15 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en première instance, 15 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en cause d’appel, enfin, les entiers dépens.
Sur ce,
Il est inéquitable de laisser la Selarl Axyme ès qualités, supporter les frais irrépétibles engagés pour assurer sa défense et Monsieur [J] et Monsieur [T] sont condamnés in solidum à lui verser la somme de 10.000 euros.
Monsieur [J] et Monsieur [T] sont par ailleurs déboutés de leur demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et la décision de première instance qui n’a pas accordé de sommes sur ce même fondement à Monsieur [J] est confirmée.
En ce qui concerne Monsieur [O] au regard des faits de l’instance, il n’apparaît pas inéquitable de laisser à sa charge les frais irrépétibles qu’il a engagé en première instance et en appel de telle sorte que la décision de première instance est confirmée en ce qu’elle l’a débouté de sa demande à ce titre et sa demande en cause d’appel est rejetée.
Les dépens sont mis à la charge de Monsieur [J] et de Monsieur [T].
PAR CES MOTIFS
Prononce la jonction des procédures RG 22/13478, RG 22/16208, et RG 22/17614 sous le numéro RG 22/13478
Déboute Monsieur [T] de son exception de nullité de l’assignation qui lui a été délivrée devant le tribunal de commerce
S’agissant du jugement du 1.02.2022
Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 1.02.2022 sauf en ce qu’il a dit régulière l’assignation de Monsieur [O] et a rejeté en conséquence la prescription de l’action introduite par le liquidateur judiciaire à son encontre
et statuant à nouveau
déclare prescrite l’action de la Selarl Axyme ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Phinéo à l’encontre de Monsieur [O]
S’agissant du jugement du 5.07.2022
Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 5.07.2022 sauf en ce que qu’il a:
– dit que Monsieur [J] n’était pas dirigeant de fait de la SAS Phinéo et dit n’y avoir lieu à sanction à son encontre
– dit que M. [G] [O] n’était pas dirigeant de fait de la SAS Phineo et dit n’y avoir lieu à sanction à son encontre ;
et statuant à nouveau
Déclare irrecevable l’action de la Selarl Axyme à l’encontre de Monsieur [O] comme prescrite,
Dit que Monsieur [J] était dirigeant de fait de la SAS Phinéo à compter de l’année 2011
Condamne Monsieur [S] [J] à payer à la Selarl Axyme la somme de 1.000.000 euros au titre de l’insuffisance d’actif de la SAS Phinéo,
et y ajoutant
Déboute Monsieur [J], Monsieur [T] et Monsieur [O] de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
Condamne in solidum Monsieur [J] et Monsieur [T] à payer à la Selarl Axyme ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Phinéo la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
Condamne in solidum Monsieur [J] et Monsieur [T] aux dépens de l’instance d’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE