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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 8
ARRÊT DU 7 MARS 2024
(n° / 2024, 8 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/18804 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CESJC
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 septembre 2021 -Tribunal de commerce de PARIS – RG n° 2020007224
APPELANT
Monsieur [D] [N]
Né le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 5] (80)
De nationalité française
Demeurant [Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090,
Assisté de Me Sandrine MENDES du cabinet ORRA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : D1569,
INTIMÉE
S.A.S. OTEA CAPITAL, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 509 249 629,
Dont le siège social est situé [Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Stéphane FERTIER de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075,
Assistée de Me Philippe BIARD de l’ASSOCIATION BIARD BOUSCATEL & ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque : R146,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 octobre 2023, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,
Madame Constance LACHEZE, conseillère,
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l’audience par Madame [L] [W] dans le respect des conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : M. Valentin HALLOT
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.
***
FAITS ET PROCÉDURE:
La SAS Otea capital est une société de gestion de portefeuille agréée par l’Autorité des marchés financiers et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et exerçant une activité de gestion privée et de gestion collective.
En 2017, son capital était reparti entre ses trois associés fondateurs.
Par contrat de travail du 23 janvier 2017 avec effet au 1er février suivant, la société Otea capital a embauché M. [N] en qualité de ” directeur général délégué responsable développement “.
Le 1er février 2017, il a signé un pacte d’actionnaires et un contrat d’option lui ouvrant le droit de souscrire à une augmentation de capital par la création de nouvelles actions émises à leur valeur nominale d’un euro chacune et ce, jusqu’à 10 % du capital social et sous condition d’une levée d’encours pour un montant de 90.000.000 euros auprès de la clientèle cible de M. [D] [N] ainsi qu’auprès de clients privés dans le cadre de la gestion sous mandat ou de la souscription de contrats d’assurance-vie ou de capitalisation auprès des assureurs partenaires de la société Otea capital.
Par courrier du 11 juillet 2019, M. [N] a été convoqué à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement.
Par courrier du même jour, M. [N] a levé l’option consentie par le contrat d’option et sollicité la convocation d’une assemblée générale extraordinaire afin de mettre en ‘uvre la réalisation de l’opération lui permettant de devenir actionnaire par la souscription d’actions à hauteur de 10% du capital social.
Par courrier du 26 juillet 2019, la société Otea capital a informé M. [N] qu’elle considérait comme non remplie la condition d’exercice de l’option.
Par courrier du même jour, elle a notifié à M. [N] son licenciement.
Après avoir, le 8 novembre 2019, vainement mis en demeure la société Otea capital d’exécuter ses obligations contractuelles et alors que, par courrier du 24 novembre 2019, la société Otea Capital avait résilié le contrat d’option, M. [N] a, par acte du 28 janvier 2020, assigné la société Otea capital devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de désignation d’un mandataire ad hoc ayant pour mission de convoquer une assemblée générale extraordinaire avec pour ordre du jour l’augmentation de capital réservée à
M. [N], de présider cette assemblée générale, d’en dresser le procès-verbal et de constater la réalisation définitive de l’augmentation de capital et la mise à jour des statuts, subsidiairement aux fins de voir ordonner, sous astreinte, à la société Otea capital de procéder à ces opérations, et en toutes hypothèses aux fins de condamnation de la société Otea capital au paiement de dommages et intérêts pour la perte de chance de percevoir un dividende au cours de l’année 2020.
Par jugement du 24 septembre 2021, le tribunal a débouté M. [N] de l’ensemble de ses demandes, l’a condamné à payer la somme de 3.000 euros à la société Otea capital au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens, a rejeté les demandes autres, plus amples ou contraires.
Par déclaration du 28 octobre 2021, M. [N] a fait appel de ce jugement et, par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 9 octobre 2023, il demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau de :
– débouter la société Oteal capital de sa fin de non-recevoir et de le déclarer recevable et bien fondé en ses demandes,
– désigner tout mandataire compétent avec pour mission de procéder dans le mois suivant le prononcé de l’arrêt, à la convocation des associés au siège de la société Otea Capital à une assemblée générale extraordinaire avec pour ordre du jour l’augmentation du capital de la société d’un montant maximum de 10% du capital réservée à M. [N], de présider l’assemblée générale extraordinaire des associés de la société Otea Capital conformément à ses statuts, de faire dresser procès-verbal de tous les débats précédant et/ou accompagnant ou succédant la mise au vote de cette résolution et les motifs allégués par chaque associé au soutien de son vote, de se faire assister le cas échéant par un sténotypiste de son choix aux fins de retranscription la plus fidèle possible des débats, de remettre à
M. [N] une expédition de son procès-verbal et de ses éventuelles annexes dans un délai de quinze jours à compter de la tenue de ladite assemblée à effet de lui permettre de procéder à la souscription ainsi qu’à la libération de son apport, de constater la réalisation définitive de l’opération d’augmentation du capital social, la mise à jour des statuts et de procéder aux formalités subséquentes auprès du greffe, et de dire et juger que la rémunération du mandataire ad hoc sera supportée par la société Otea capital et qu’en cas de contestation, elle sera fixée par la cour d’appel de Paris, à qui le mandataire devra rendre compte de l’exécution de sa mission ;
– subsidiairement, d’ordonner à la société Otea Capital de procéder à la convocation et à la tenue d’une assemblée générale extraordinaire dans le mois de la signification de l’arrêt à intervenir en vue de procéder à une augmentation du capital social de la société Otea Capital d’un montant maximum 10% du capital réservée à M. [N] sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard passé le trente et unième jour suivant la signification de l’arrêt à intervenir, de dire et juger que la société Otea Capital devra remettre à M. [N] un original du procès-verbal de cette assemblée et de ses éventuelles annexes dans un délai de quinze jours à compter de la tenue de ladite assemblée à l’effet de lui permettre de procéder à la souscription ainsi qu’à la libération de son apport sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard passé le quarante-sixième jour suivant la signification de l’arrêt à intervenir, de dire que la société Otea Capital devra constater la réalisation définitive de l’opération d’augmentation du capital social et procéder à la mise à jour des statuts et aux formalités subséquentes dans les quinze jours de la remise du récépissé du dépôt des fonds par M. [N], de se réserver la faculté de liquider les astreintes prononcées ;
– en tout état de cause, de débouter la société Otea Capital de ses demandes, de la condamner à lui payer la somme de 701.950,25 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive consistant en la perte de chance de percevoir un dividende au cours des années 2020 et 2021 (ses droits ultérieurs devant être réservés) et de réaliser une plus-value sur titres, de condamner la société Otea capital à lui verser la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens avec droit de recouvrement direct.
Il soutient que la condition de la levée de l’option, définie par l’atteinte d’un encours sous gestion, est remplie, faisant valoir que le contrat d’option, dépourvu d’ambiguïté contrairement à ce qu’a considéré le tribunal, stipule que cet encours est constitué de l’encours de la société Otea capital et de ses filiales et de la somme des encours de gestion privée et de gestion collective et que le seuil de 90 millions d’euros a été atteint dès lors qu’au jour du contrat d’option, l’encours était de 130 millions d’euros et qu’à la levée de l’option, le 11 juillet 2019, il était de 280 millions d’euros selon les termes de sa lettre de licenciement et les encours globaux/brut de 315,565 millions d’euros en juin 2019. Il ajoute que la résiliation du contrat d’option par la société Otea capital est sans fondement, contractuel ou légal, ce contrat étant indépendant du contrat de travail et la levée d’option antérieure à la notification du licenciement.
Affirmant que la société Otea capital a manqué à son obligation de convoquer l’assemblée générale extraordinaire, M. [N] soutient qu’il y a urgence et qu’il a un intérêt légitime à demander la désignation d’un mandataire pour convoquer une assemblée générale sur le fondement de l’article L. 225-103 du code de commerce et qu’à défaut, il est fondé à demander une exécution en nature de l’obligation pesant sur la société Otea capital. Il ajoute qu’il n’a pu porter atteinte à l’affectio societatis en raison de sa qualité d’associé d’une société considérée par l’intimée comme concurrente alors que lui est déniée la qualité d’associé de la société Otea capital et que ce grief n’est pas établi.
M. [N] soutient par ailleurs que la résistance abusive de la société Otea capital justifie l’indemnisation de son préjudice constitué de la perte de la possibilité de percevoir des dividendes et de céder ses actions, alors que la société a changé de contrôle le 9 janvier 2023. Il évalue la perte de chance de percevoir des dividendes à 95 % de 13.000 euros et celle de réaliser une plus-value lors de la cession de contrôle à 95 % de 754.395 euros. Il réplique à l’intimée que cette dernière demande est recevable car elle tend aux mêmes fins que la demande d’indemnisation de la perte de chance de percevoir des dividendes et qu’elle en est le complément nécessaire du fait de la cession de contrôle intervenue en 2023, pendant l’instance d’appel.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 6 octobre 2023, la société Otea capital demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de déclarer irrecevables les demandes nouvelles de M. [N], de le débouter de l’ensemble de ses demandes, en tout état de cause de le condamner à lui payer la somme de 10.000 euros en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
La société Otea capital soutient que M. [N] ne justifie pas du respect des conditions prescrites par l’article L. 225-103 du code de commerce dans la mesure où l’urgence, qui doit être appréciée au regard de la société et caractérisée par l’impossibilité d’assurer sa gestion d’une manière normale, n’est pas établie en l’espèce et que la demande de M. [N] tend à la satisfaction de ses propres intérêts et non à l’intérêt social.
Elle soutient également que les conditions de la levée de l’option ne sont pas réunies, faisant valoir que les encours à prendre en compte s’entendent exclusivement des encours sous gestion de la société Otea capital, soit les seuls actifs gérés en gestion collective et les actifs gérés sous mandat de gestion et non avec les encours des actifs ” conseillés “, lesquels relèvent du contrôle de l’ACPR, que le montant de la levée d’encours au 11 juillet 2019 est de 28.111.125,30 euros, donc inférieur au seuil de 90 millions d’euros. Elle ajoute qu’ayant valablement résilié le contrat d’option par courrier du 24 novembre 2019,
M. [N] n’est plus en mesure d’exercer l’option et qu’en toute hypothèse, les demandes de M. [N] ne peuvent prospérer car elles portent atteinte à l’affectio societatis dès lors que le 25 octobre 2021, M. [N] s’est associé dans une société concurrente, démontrant ainsi son absence de volonté d’intégrer la société Otea capital comme associé, que cette situation est contraire au statut de la société Otea capital et que M. [N] a porté directement atteinte aux intérêts de la société Otea capital comme cela ressort du jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 9 décembre 2021.
La société Otea capital soutient par ailleurs que les demandes indemnitaires sont mal fondées, M. [N] ne démontrant ni faute, la condition de levée de l’option n’ayant jamais été remplie, ni préjudice de perte de chance – et ce, en l’absence de preuve que le sens du vote lui serait acquis, de démonstration du versement de dividendes dans l’hypothèse d’une souscription au capital et de l’absence de toute probabilité de percevoir des dividendes et de probabilité d’une plus-value – ni lien de causalité. Au préalable, elle soulève l’irrecevabilité de la demande indemnitaire au titre de la perte de chance de réaliser une plus-value en ce qu’elle est formée pour la première fois en cause d’appel.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 10 octobre 2023.
Par conclusions d’incident remises au greffe et notifiées par RPVA le 12 octobre 2023, la société Otea capital demande à la cour de révoquer l’ordonnance de clôture et de renvoyer l’affaire à la mise en état, subsidiairement de rejeter des débats les conclusions et pièces communiquées tardivement par M. [N] le 9 octobre 2023.
En réponse, par conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 13 octobre 2023, M. [N] demande à la cour de rejeter les demandes de la société Otea capital, subsidiairement, en cas de rejet des débats des conclusions et pièces communiquées le
9 octobre 2023, de rejeter les pièces et conclusions communiquées tardivement le 6 octobre 2023 par la société Ortea capital.
A l’audience, les parties ont renoncé à leurs conclusions d’incident et en réponse à incident et M. [N] ne s’est pas opposé à l’admission aux débats de la pièce n° 24 communiquée par la société Otea capital.
SUR CE,
Sur la recevabilité de la demande de dommages et intérêts au titre d’une perte de chance de réaliser une plus-value :
Devant le tribunal, M. [N] a demandé des dommages et intérêts pour la perte de chance de percevoir un dividende au cours de l’année 2020 et réservé ses droits ultérieurs.
La société Otea capital soutient que la prétendue perte de chance de réaliser une plus-value sur titres à hauteur de 701.950,25 euros est une demande nouvelle en cause d’appel irrecevable en application de l’article 564 du code de procédure civile,
M. [N] n’ayant pas formé une telle demande devant le tribunal.
M. [N] réplique que sa demande au titre de cette perte de chance tend aux mêmes fins que celle présentée au tribunal et qu’elle en est le complément nécessaire du fait de la cession de contrôle intervenue en 2023.
M. [N] présente devant la cour une demande fondée sur la résistance abusive de la société Otea capital en réparation de préjudices constitués d’une perte de chance de percevoir un dividende en 2020 et 2021 et d’une perte de chance de réaliser une plus-value sur les titres qu’il aurait dû détenir alors qu’une cession de contrôle de la société Otea capital est intervenue en janvier 2023. Ces chefs de demandes tendent à l’indemnisation de préjudices nés du refus de la société Otea capital de voir exercer l’option levée par
M. [N] et la demande formée au titre de la perte de chance de réaliser une plus-value en est le complément nécessaire car résultant de faits intervenus pendant l’instance d’appel.
La fin de non-recevoir soulevée par la société Otea capital sera donc rejetée.
Sur la levée de l’option :
Aux termes du point 1 du contrat d’option, les actionnaires de la société Otea capital ont décidé à l’unanimité de concéder à M. [N] ” une option sur 10 % du capital de la société Otea capital dont l’exercice est soumis aux conditions et modalités décrites ” dans le contrat.
Le point 2 du contrat précise que les parties ont convenu que la mise en ‘uvre de l’option par Monsieur [N] ” est expressément conditionnée à la levée d’encours (encours de référence) pour un montant de 90 millions d’euros auprès de la clientèle cible de Monsieur [N] ainsi que auprès de clients privés dans le cadre de la gestion sous mandat ou de la souscription de contrat d’assurance-vie ou de capitalisation auprès des assureurs partenaires de la société Otea capital ” (souligné par la cour).
Les encours devant être levés par M. [N] sont donc ceux définis comme ” encours de référence ” par le contrat. S’agissant d’une définition contractuelle de la notion d’encours à prendre en compte pour l’exercice de l’option, il n’y a pas lieu de se référer aux encours déclarés à l’Autorité des marchés financiers comme le fait la société Otea capital.
Le point 3 du contrat intitulé ” définition des encours de référence ” précise notamment que:
– le montant des encours de référence comptabilisés pour la réalisation de la condition s’entend, à tout moment, ” de la différence entre le montant atteint par les encours sous gestion totaux de la société Otea capital et la somme des encours gérés par la société Otea capital au jour de la signature des présentes et portée en en-tête du présent acte sous la rubrique actifs sous gestion, soit 90 millions d’euros ” (souligné par la cour),
– ” la somme des encours s’entend de la somme des souscriptions nettes dans l’un quelconque des OPCVM (créés ou à créer) géré par Otea capital, de l’actif net des comptes et mandats gérés pour compte de tiers par Otea capital ou une de ses filiales (‘) “.
En préambule de ces stipulations, le contrat rappelle, sous l’intitulé ” actifs sous gestion d’Otea capital “, qu’” à ce jour les actifs sous gestion d’Otea capital atteignent la somme de 130 (sic) millions d’euros et sont répartis comme suit :
– gestion collective : 92 millions d’euros (‘)
– gestion privée : 32 millions d’euros
– GSM [gestion sous mandat] : 26 millions d’euros
– Ass Vie [assurance-vie] : 6,2 millions d’euros “.
En outre le point 7 du contrat stipule : ” les encours servant de référence aux seuils d’encours à atteindre s’entendent de la totalité des encours collectés par Otea capital. Il n’est pas fait de distinction selon l’origine des encours ou selon l’associé ayant initié l’acte de collecte. Tous les encours, quelle que soit leur origine, concourent à la détermination des seuils d’encours de référence définis comme condition d’exercice des options dont
M. [N] est le bénéficiaire. ”
La société Otea capital soutient que seuls les encours sous gestion collective et sous gestion sous mandat doivent être pris en compte, ce qui exclut les encours que la société Otea capital désigne comme étant ” des actifs conseillés “.
Or le point 2 du contrat prévoit une levée d’encours auprès de clients privés dans le cadre de la gestion sous mandat ou de la souscription de contrat d’assurance-vie ou de capitalisation auprès des assureurs partenaires de la société Otea capital et les encours de référence sont, d’une part, les encours sous gestion totaux de la société Otea capital et, d’autre part, les encours tels que définis par le préambule qui rappelle les montants de chacun des encours gérés par la société Otea capital en les dénommant ” actifs sous gestion Otea capital “. Ni le préambule ni les stipulations ne distinguent les actifs gérés et les actifs ” conseillés ” comme le fait la société Otea capital dans ses écritures.
Il se déduit des points 2, 3 et 7 du contrat que la mise en ‘uvre de l’option est conditionnée à une levée d’encours pour un montant de 90 millions d’euros, que tous les encours doivent être pris en considération, que ce soit pour connaître le montant de l’encours à la date du contrat ou pour arrêter le montant des encours atteint permettant à M. [N] de lever l’option, le point 3 précisant en outre que ce sont les montants nets qui doivent être utilisés et non les encours bruts. Dans la lettre de licenciement notifiée à M. [N], la société Otea capital indique elle-même qu’à son arrivée dans l’entreprise, les encours étaient de 130 millions d’euros, ce qui correspond à la totalité des encours sans aucune exclusion.
M. [N] a levé l’option le 11 juillet 2019 avant la résiliation du contrat d’option par la société Otea capital intervenue par courrier du 24 novembre 2019 à effet au 29 juillet 2019, date du licenciement de M. [N] selon la lettre de résiliation. Cette résiliation est donc sans effet sur l’exercice par M. [N] de l’option et la société Otea capital ne peut l’opposer à la demande d’exécution du contrat.
Reste à établir si, au 11 juillet 2019, les encours de référence avaient atteint un montant tel qu’il permettait à M. [N] de lever l’option.
Les documents produits par la société Otea capital pour déterminer les encours de référence à cette date se rapportent aux seuls encours déclarés à l’Autorité des marchés financiers alors qu’il a été précédemment dit que ces encours ne constituaient pas la totalité des encours de référence définis par le contrat d’option. Les montants ainsi avancés par la société Otea capital doivent donc être écartés.
Quant à M. [N], les pièces postérieures au 11 juillet 2019 qu’il produit à l’appui de ses prétentions sont inopérantes pour établir que le seuil d’exercice de l’option a été franchi à cette date.
Dans une communication publique institutionnelle, n’émanant manifestement pas de
M. [N] seul mais aussi du président de la société, la société Otea capital a annoncé qu’elle gérait à fin 2018 un encours de 310 millions d’euros, progression obtenue principalement par croissance externe. Il ressort de tableaux récapitulant les encours gérés depuis 2009, non critiqués par la société Otea capital, qu’en 2018, la totalité de ces encours a atteint la somme de 297.421.969 euros. Dans la lettre de licenciement notifiée à
M. [N], la société Otea capital indique ainsi qu’à son arrivée dans l’entreprise, les encours étaient de 130 millions et que les trois acquisitions opérées en 2018 ont représenté un total d’encours de 150 millions d’euros. Elle estime la somme brute des encours au jour de la lettre de licenciement à 319 millions d’euros, précisant au préalable que l’encours de référence est, après les acquisitions de 2018, de 280 millions d’euros.
Il doit ainsi être considéré qu’au jour du contrat d’option, les encours de référence totalisaient la somme de 130 millions d’euros.
Dès lors que la mise en ‘uvre de l’option est conditionnée à une levée d’encours auprès de la clientèle, et non à une augmentation de l’encours géré quelle qu’en soit l’origine, la croissance des encours de référence résultant de la seule acquisition en 2018 de trois sociétés ne peut être prise en considération, comme le fait M. [N], pour déterminer le montant de l’encours levé au jour de l’exercice de l’option. Il s’ensuit que M. [N] ne peut se prévaloir du montant de 319 millions d’euros, comprenant la somme de 280 millions d’euros d’augmentation des encours gérés issue des trois sociétés acquises en 2018, comme étant celui permettant de franchir le seuil de 90 millions d’euros de levée d’encours.
Ainsi, hors extension du périmètre des sociétés du groupe, l’encours de référence s’est accru au jour de l’exercice de l’option de 39 millions et ce, nonobstant le fait que le montant de 319 millions d’euros correspond à des encours bruts [(319 millions d’euros d’encours gérés – 280 millions d’euros d’encours apportés par les acquisitions) – 130 millions d’euros d’encours gérés au jour du contrat d’option].
Au 11 juillet 2019, les encours de référence n’ont donc pas atteint le montant de 90 millions d’euros permettant à M. [N] de lever l’option.
Il s’ensuit que M. [N] doit être débouté de toutes ses demandes afférentes à l’exercice de l’option, dont celles formées à hauteur d’appel, et qu’à ces motifs se substituant à ceux retenus par le tribunal, le jugement sera confirmé.
Sur les demandes accessoires :
Partie perdante, M. [N] sera condamné aux dépens, le jugement étant confirmé sur ce point, et ne peut prétendre à une indemnité au titre des frais irrépétibles. Le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a condamné à payer à la société Otea capital une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, la cour y ajoutant une somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour statuant contradictoirement,
Déclare recevable la demande de dommages et intérêts formée en réparation d’une perte de chance de réaliser une plus-value ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déboute M. [D] [N] de ses demandes de dommages et intérêts formées en réparation d’une perte de chance de percevoir des dividendes en 2021 et d’une perte de chance de réaliser une plus-value ;
Condamne M. [D] [N] à payer à la société Otea capital la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel ;
Condamne M. [D] [N] aux dépens d’appel.
La greffière,
Liselotte FENOUIL
La présidente,
Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT