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20 septembre 2023
Cour d’appel de Nîmes
RG n°
21/01459
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/01459 – N° Portalis DBVH-V-B7F-IAJO
AV
TRIBUNAL DE COMMERCE DE NIMES
16 mars 2021 RG :2019J295
S.C.E.A. CHATEAU LES AMOUREUSES
C/
S.A.R.L. VIGNOBLES DAVID
Grosse délivrée
le 20 SEPTEMBRE 2023
à Me Franck LENZI
Me Christine TOURNIER BARNIER
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
4ème chambre commerciale
ARRÊT DU 20 SEPTEMBRE 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de NIMES en date du 16 Mars 2021, N°2019J295
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Agnès VAREILLES, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre
Madame Claire OUGIER, Conseillère
Madame Agnès VAREILLES, Conseillère
GREFFIER :
Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 22 Juin 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 20 Septembre 2023.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTE :
S.C.E.A. CHATEAU LES AMOUREUSES, Société Civile d’Exploitation
Agricole immatriculée au RCS d’AUBENAS sous le n°380 340 745, poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité en son siège social,
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Franck LENZI de la SELARL FRANCK LENZI ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau D’AVIGNON
Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉE :
S.A.R.L. VIGNOBLES DAVID, immatriculée au RCS de NIMES sous le numéro 488 944 653, agissant poursuites et diligences de son responsable légal en exercice, domicilié ès qualités audit siège.
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Christine TOURNIER BARNIER de la SCP TOURNIER & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES substitué par Me Alexis FAGES avocat au barreau de NIMES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 08 Juin 2023
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 20 Septembre 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Vu l’appel interjeté le 13 avril 2021 par la S.C.E.A. Château les Amoureuses à l’encontre du jugement prononcé le 16 mars 2021 par le tribunal de commerce de Nîmes dans l’instance n°2019J295,
Vu l’arrêt du 19 avril 2023 rendu par la 4ème chambre commerciale de la cour d’appel de Nîmes,
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 5 juin 2023 par l’appelante, et le bordereau de pièces qui y est annexé,
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 8 juin 2023 par la SARL Vignobles David, intimée et appelante incidente, et le bordereau de pièces qui y est annexé,
Vu l’ordonnance du 2 novembre 2022 de clôture de la procédure à effet différé au 9 mars 2023
La société Vignobles David est spécialisée dans le commerce de gros de boissons (le distributeur). La société Château les Amoureuses a pour activité la production de vin (le producteur).
Par acte sous signature privée du 1er septembre 2016, ces sociétés ont conclu un contrat de vinification et de commercialisation de vin kosher sous le nom commercial ‘Liby Château des Amoureuses’. Le contrat était annuel et reconductible de manière tacite.
Aux termes de cet accord, il a été stipulé que la société Vignobles David réalise les vins avec le producteur, selon un cahier des charges de vinification établi par un oenologue et assure de façon exclusive la vente des vins Kosher produits par la société Le Château des Amoureuses pour une durée de 5 ans.
De son côté, la société Château les Amoureuses s’est engagée à mettre à disposition de la société Vignobles David le matériel pour l’élaboration du vin, sans location, les prestations étant comprises dans le prix facturé par bouteille par la cave. Il a été convenu que l’oenologue déterminerait seul en accord avec la SARL Vignobles David les choix techniques au niveau des vignes destinées aux cuvées Kosher et des différentes phases de production et que la mise en oeuvre serait réalisée par des délégués rabbiniques. Pour bénéficier du label casher, il a été prévu le respect d’un cahier des charges strict commandant que toutes les opérations depuis la fin des vendanges jusqu’à l’embouteillage soient supervisées par des délégués rabbiniques, outre purification des cuves dédiées à la production.
Par lettre recommandée du 12 juillet 2017, la société Château Les Amoureuses a fait part à la société Vignobles David de son refus de renouvellement du contrat en raison des manquements contractuels de cette dernière à ses obligations d’achat des différents vins aux dates prévues.
La société Château Les Amoureuses a fait assigner en justice la société Vignobles David aux fins de voir notamment constater la résolution du contrat de vinification et commercial de vin Kosher du 1er septembre 2016, constater la faute de nature contractuelle commise par la société Vignobles David à son encontre et voir réparer son préjudice.
Par jugement du 16 mars 2021, le tribunal de commerce de Nîmes a, au visa des articles 1224 et suivants, 1231-1 et suivants du code civil, du contrat de vinification et commercial de vin Kosher signé le 1er septembre 2016 :
-Constaté la résiliation du contrat signé le 1er septembre 2016;
-Débouté les parties de leurs demandes de dommages et intérêts;
-Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile;
-Rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires;
-Condamné la SARL Vignobles David aux dépens de l’instance que le tribunal a liquidés et taxés à la somme de 74,18 euros en ce non compris le coût de la citation introductive d’instance, le coût de la signification de la décision, ainsi que tous autres frais et accessoires.
Le 13 avril 2021, la S.C.E.A. Château Les Amoureuses a relevé appel de cette décision aux fins de la voir réformer en toutes ses dispositions.
Par arrêt du 19 avril 2023, la cour d’appel de Nîmes a :
-Infirmé le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu’il a débouté la S.C.E.A. Château les Amoureuses de sa demande en réparation du préjudice moral et la S.A.R.L. Vignobles David de sa demande en dommages-intérêts
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
-Dit et jugé que la S.A.R.L. Vignobles David a engagé sa responsabilité contractuelle à l’égard de la S.C.E.A Château les Amoureuses
-Sursis à statuer sur la demande de dommages-intérêts formée par la S.C.E.A. Château les Amoureuses au titre du préjudice financier
-Ordonné la réouverture des débats à l’audience du 8 juin 2023 à 14 heures 30, sans rabat de l’ordonnance de clôture maintenue au 9 mars 2023
-Invité la S.C.E.A Château les Amoureuses à justifier sa perte de marge brute en relation avec le non-respect par la S.A.R.L. Vignobles David de ses obligations
-Invité la S.C.E.A. Château les Amoureuses à préciser et justifier les modalités du calcul du traitement de débouchage des bouteilles Kosher (enlèvement des bouchons et capsules Kosher)
-Dit que la S.C.E.A. Château les Amoureuses devra communiquer ses pièces justificatives avant le 11 mai 2023
-Dit que la S.A.R.L. Vignobles David pourra faire valoir des observations en réponse relativement à ces nouvelles pièces avant le 25 mai 2023
-Sursis à statuer sur les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, la S.C.E.A. Château les Amoureuses, appelante, demande à la cour, au visa de l’arrêt rendu le 19 avril 2023 par la cour d’appel de Nîmes, du contrat de vinification et commercial de vin Kosher signé le 1er septembre 2016, du constat d’huissier établi le 12 janvier 2018, de l’article 803 du code de procédure civile, de la réouverture des débats, de la cause grave, de :
-Révoquer l’ordonnance de clôture aux fins d’admettre aux débats les conclusions et pièces communiquées sous bordereau annexé
Après réouverture des débats,
-Condamner la SARL Vignobles David au paiement de la somme de 27 945,54 euros correspondant à la perte de marge brute en relation avec le non-respect de ses obligations à l’égard de la SCEA Châteu les Amoureuses;
-Condamner la SARL Vignobles David à payer à la SCEA Château les Amoureuses la somme de 17 654,60 euros au titre du coût de débouchage/rebouchage des bouteilles Kosher;
-Condamner la SARL Vignobles David au paiement d’une somme de 3 360,60 euros due à la SCEA Château les Amoureuses au titre des frais de stockage/gardiennage
-Condamner la SARL Vignobles David au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
-La condamner aux entiers dépens d’appel ainsi que ceux de première instance liquidés et taxés à la somme de 74,18 euros en ce non compris le coût de l’assignation introductive d’instance, le coût de la signification du jugement
-Débouter la SARL Vignobles David de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires.
Au soutien de ses prétentions, l’appelante fait valoir que Monsieur [X] [V], expert-comptable, a délivré le 3 mai 2023 une attestation dont il ressort que le chiffre d’affaires théorique était estimé à 158 000 euros et que le chiffre d’affaires réel était de 130 054,46 euros, soit un manque à gagner de 27 945,54 euros ; les travaux de débouchage/rebouchage des bouteilles conservés pour le compte de la SARL Vignobles David en tire-bouché avec un bouchon Kosher ont été évalués par l’expert-comptable à la somme de 17 654,60 euros HT; l’expert-comptable a estimé les frais de stockage à la somme de 3 360 euros ; son préjudice financier global s’élève à la somme de 48 960,14 euros.
L’appelante précise que la circonstance que l’attestation produite émane de son propre expert comptable n’élague en rien l’authenticité de son contenu. La teneur explicative et détaillée de ce document est suffisante pour éclairer utilement la cour sur le chiffrage des préjudices subis.
L’appelante indique que le fond du litige a déjà été tranché de sorte que la préoccupation de l’intimée visant à voir justifier de l’obligation d’avoir à re-conditionner les bouchons et capsules kosher de la production de l’année 2016 est sans intérêt.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, la S.A.R.L. Vignobles David, intimée, demande à la cour, au vu des éléments communiqués par l’appelante le 10 mai 2023, de :
-Rejeter l’ensemble des prétentions adverses comme injustes et malfondées,
-Débouter la SCEA CHATEAU LES AMOUREUSES de ses demandes en indemnisation, tenant l’absence d’éléments comptables ou de fait permettant de les définir et de les calculer,
Subsidiairement,
-Surseoir à statuer afin que les parties puissent disposer d’un délai suffisant pour présenter leurs demandes en indemnisation d’un préjudice financier sur la base de justificatifs, à peine de rejet ;
-Ordonner à la SCEA CHATEAU LES AMOUREUSES de verser aux débats tous documents permettant de justifier le calcul des préjudices allégués, à peine de rejet
-Réserver les dépens.
Au soutien de ses prétentions, l’intimée fait valoir que le document comptable produit par l’appelante émane de son expert-comptable, sans que les affirmations qui y sont contenues soient étayées par des pièces justificatives. Le produit des ventes réalisées ne tient pas compte du vin stocké en cuve, qui a pu être commercialisé après assemblage. Ensuite, les différents postes de préjudice allégués ne sont pas établis. Les estimations de l’expert-comptable de l’appelante ne permettent pas de porter une appréciation sur la perte financière telle qu’elle a été définie par la cour dans son arrêt du 19 avril 2023, puisqu’elles ne portent que sur la différence entre le chiffre d’affaires escompté (ou marché initial kosher) et le produit des ventes de vins kosher.
S’agissant du coût de l’opération de « débouchage rebouchage », l’intimée fait observer que le nombre d’heures nécessaires à l’opération de reconditionnement, le taux horaire ou encore le coût de matières sèches ne sont aucunement étayés par des pièces justificatives. La date de l’opération de reconditionnement, ou le nombre de bouteilles concernées, ne sont même pas spécifiés. L’appelante ne produit aucune facture de prestataire pour l’opération de débouchage/rebouchage, ou a minima facture de location du matériel nécessaire à une opération de débouchage re-bouchage, ce qui confirme le défaut de cette prestation de re-conditionnement, et la distribution dans le réseau interne de la société de la production du rosé, ainsi que de la commercialisation du stock dans un réseau kosher. En toute hypothèse, l’opération de débouchage rebouchage, à la supposer avérée, ne peut concerner le Village Rouge 2016 conservé en cuve, puis commercialisé sous la forme de « Bib. »
Enfin, l’intimée souligne que le préjudice du chef de frais de gardiennage est purement théorique.
Pour un plus ample exposé, il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
MOTIFS
1) Sur la demande de rabat de l’ordonnance de clôture
En application de l’article 442 du code de procédure civile, la cour a invité la partie appelante à fournir des explications nécessaires à l’appréciation des préjudices invoqués.
Dans ses conclusions après réouverture des débats, l’appelante n’a pas modifié le montant global de ses demandes d’indemnisation et a produit de nouvelles pièces, avec l’autorisation de la cour.
Il n’existe aucune cause grave justifiant qu’il soit procédé au rabat de l’ordonnance de clôture qui n’est au demeurant pas nécessaire pour admettre les nouvelles conclusions et pièces de l’appelante.
2) Sur le préjudice de la société de viticulture
Sur le manque à gagner
Dans son arrêt du 19 avril 2023, la cour, après avoir énoncé que le manque à gagner ne saurait correspondre au chiffre d’affaires escompté non réalisé mais à la perte de marge brute, a estimé devoir inviter l’appelante à justifier de son préjudice réellement subi.
L’appelante verse, après réouverture des débats, une nouvelle attestation de son expert-comptable du 3 mai 2023, accompagnée d’un tableau récapitulatif duquel il ressort que la perte de marge invoquée de 27 945,54 euros correspond en réalité à la différence entre le chiffre d’affaires théorique de 158 000 euros et le chiffre d’affaires réalisé de 130 054, 46 euros. Il s’en suit qu’en dépit de la demande de la présente juridiction, l’appelante n’établit pas le coût de revient du vin qu’elle produit et persiste à ne justifier que d’une perte de chiffre d’affaires et non pas de celle d’une marge brute. Par conséquent, faute pour le producteur de faire la démonstration de l’étendue de son préjudice, il convient de le débouter de sa demande en paiement de la somme de 27 945,54 euros.
Sur le coût du débouchage et rebouchage des bouteilles Kosher
L’expert-comptable de l’appelante a fourni un nouveau calcul aboutissant à un résultat de 17 654,60 euros hors taxes en ce qui concerne le coût du débouchage et rebouchage des bouteilles Kosher.
Il ne s’agit toutefois que d’un calcul purement théorique. Or le producteur ne rapporte pas la preuve d’une dépense effective alors que comme le fait observer le distributeur, il ne produit aucune facture de prestataire pour l’opération de débouchage/rebouchage et pas même une facture de location de matériel adéquat.
Par conséquent, l’appelante ne rapportant pas la preuve de l’existence de son préjudice, elle sera déboutée de sa demande en paiement de la somme de 17 654,60 euros.
Sur les frais de stockage
Lors de sa visite des locaux du 12 janvier 2018, l’huissier de justice mandaté par le viticulteur a constaté la présence de 9 260 bouteilles de 750 millilitres de vin rosé Côtes du Rhône, de 19 254 bouteilles de 750 millilitres de vin rouge Côtes du Rhône, et de 76,50 hectolitres de vin rouge Côtes du Rhône Villages, qui auraient du être retirées par le distributeur avant la fin de l’année 2017. Il est ainsi avéré que du fait de la défaillance du distributeur, le producteur a du conserver de la marchandise qui est restée stockée dans ses caves, ce qui a nécessairement généré des frais de gardiennage à sa charge.
Au vu des tarifs 2019/2020 fournis par un prestataire extérieur et de son offre logistique du 23 avril 2019, l’expert-comptable a évalué le 3 mai 2023, de manière probante, à 3 360 euros les frais de gardiennage exposés par le viticulteur, sur la base de 0,40 euros par hectolitre et par mois.
Dès lors, il convient de condamner l’intimée à payer la somme de 3 360 euros à l’appelante.
3) Sur les frais du procès
L’intimée qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.
L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de l’appelante et de lui allouer une indemnité de 3 500 euros à ce titre.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Déboute la S.C.E.A. Château les Amoureuses de sa demande de révocation de la clôture de l’instruction de l’affaire
Condamne la SARL Vignobles David à payer à la S.C.E.A. Château les Amoureuses la somme de 3 360 euros au titre des frais de gardiennage
Déboute la S.C.E.A. Château les Amoureuses de ses demandes de dommages-intérêts au titre de la perte de marge brute et du coût de débouchage/rebouchage des bouteilles
Condamne la SARL Vignobles David aux entiers dépens de première instance et d’appel,
Condamne la SARL Vignobles David à payer à la S.C.E.A. Château les Amoureuses une indemnité de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Arrêt signé par la présidente et par la greffiere.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,