Location de matériel : décision du 27 octobre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/01981

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Location de matériel : décision du 27 octobre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/01981
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27 octobre 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/01981

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 11

ARRET DU 27 OCTOBRE 2023

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/01981 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFDZW

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Décembre 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2021000597

APPELANTE

S.A.S. OXY SANTE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Boris AYACHE BOURGOIN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1856

INTIMEES

S.A.S. INUMERIC

[Adresse 1]

[Adresse 1]

immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Bobigny sous le numéro 491 335 188

représentée par Me Michel-alexandre SIBON de l’AARPI FOURNIER LABAT-SIBON ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0204

assistée de Me Virginie FOURNIER-LABAT, avocate au barreau de PARIS

S.A.S. LOCAM – LOCATION AUTOMOBILES MATERIELS

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 3]

[Adresse 3]

N° SIRET : 310 .88 0.3 15 ( SAINT-ETIENNE)

représentée par Me Guillaume MIGAUD de la SELARL ABM DROIT ET CONSEIL AVOCATS E.BOCCALINI & MIGAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC430

S.A.S. VIATELEASE

[Adresse 5]

[Adresse 5]

N° SIRET : 480 821 503 ( NANTERRE)

représentée par Me Nicolas KOHEN, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 250

assistée de Me Hélène ADRIAN, avocate au barreau de VAL-DE-MARNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Denis ARDISSON, Président de chambre

Mme Marion PRIMEVERT, Conseillère,

Mme Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, Conseillère,

Qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M.Damien GOVINDARETTY

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, Conseillère faisant fonction de Président, et par Damien GOVINDARETTY, Greffier présent lors de la mise à disposition.

Le 16 janvier 2017, la société Oxy Santé, qui exerce une activité d’assistance respiratoire, a signé avec la société I-Numéric, spécialisée dans la vente et la location de matériels informatiques, bureautique et fournitures liées, un bon de commande portant sur la location de matériel de téléphonie. Elle a signé le même jour un contrat de service avec la société I-Numéric.

Le contrat a été conclu pour une durée de 21 trimestres moyennant un loyer de 580 euros HT soit 696 euros TTC outre 36,21 euros au titre de l’assurance soit la somme totale de 732,21 euros TTC. La société Viatelease, mandataire, s’est portée contrepartie au contrat de location en signant le contrat le 17 février 2017.

La société Locam ‘ Location Automobiles Matériels est intervenue en qualité de bailleur cessionnaire en signant le contrat de location.

La société Oxy Santé a signé le procès-verbal de réception du matériel le 16 février 2017.

La société Locam a réglé le montant de la facture de la société Viatelease et a adressé à la société Oxy Santé la facture unique de loyer.

La société Oxy Santé a cessé de régler le montant du loyer à compter de l’échéance du 20 avril 2019.

Suivant lettre recommandée avec accusé de réception du 26 septembre 2019, la société Locam l’a mise en demeure de régulariser les loyers impayés, en vain.

Suivant exploit du 23 avril 2020, la société Locam a fait assigner la société Oxy Santé en paiement devant le tribunal de commerce de Paris.

Suivant actes des 25 et 26 août 2020, la société Oxy Santé a fait assigner en intervention forcée les sociétés Viatelease et Inuméric devant le tribunal de commerce de Paris.

Par jugement du 2 décembre 2021, le tribunal de commerce de Paris a :

joint les affaires enrôlées sous les numéros RG 2020018216 et RG 202045253,

déclaré la société Oxy Santé mal fondée en sa demande de nullité des contrats de service de la société Inumeric et du contrat de financement de la société Locam,

déclaré la société Oxy Santé mal fondée en sa demande de caducité du contrat de financement de la société Locam,

débouté la société Oxy Santé de ses demandes autres, plus amples ou contraires,

condamné la société Oxy Santé à payer à la société Locam la somme de 1.464,42 euros au titre des loyers échus TTC impayés et la somme de 7.456,14 euros HT au titre de l’indemnité de résolution, l’ensemble majorée des intérêts au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter de la mise en demeure du 26 septembre 2019, avec anatocisme,

condamné la société Oxy Santé à restituer le matériel à la société Locam sous astreinte de 20 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement et pour une période de 30 jours à l’issue de laquelle il pourra être à nouveau fait droit,

condamné la société Oxy Santé à payer à la société Inumeric la somme de 796,05 euros au titre des créances impayées,

condamné la société Oxy Santé aux dépens,

condamné la société Oxy Santé à payer à la société Locam la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamné la société Oxy Santé à payer à la société Inumeric la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamné la société Oxy Santé à payer à la société Viatelease la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

rappelé que l’exécution provisoire est de droit.

La société Oxy Santé a formé appel de ce jugement par déclaration du 24 janvier 2022 enregistrée le 3 février 2022.

A la suite des premières conclusions d’appelant déposées par la société Oxy Santé le 21 février 2022, la société Viatelease a régularisé le 18 mai 2022 des conclusions d’intimée, au fond, soulevant notamment l’irrecevabilité des demandes considérées comme nouvelles de l’appelante. Elle a également saisi le même jour le conseiller de la mise en état d’un incident au visa des articles 446-2, 564 du code de procédure civile afin de voir :

déclarer la société Oxy Santé irrecevable en l’ensemble de ses demandes à l’égard de la société Viatelease,

condamner la société Oxy Santé à lui verser la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner la société Oxy Santé aux dépens de l’incident.

Par conclusions transmises le 18 mai 2022, la société Oxy Santé a demandé au conseiller de la mise en état, au visa des articles 564 et suivants du code de procédure civile :

de déclarer la société Viatelease irrecevable à soulever le présent incident,

de débouter la société Viatelease de l’ensemble de ses demandes au titre du présent incident et la dire mal fondée,

de condamner la société Viatelease à lui verser la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code procédure civile,

de condamner la société Viatelease aux dépens de l’incident.

La société Viatelease a transmis le 29 septembre 2022 de nouvelles conclusions d’incident maintenant ses précédentes demandes.

Les sociétés Inumeric et Locam n’ont pas conclu sur l’incident.

Par ordonnance du 27 octobre 2022, le conseiller de la mise en état :

a dit que l’incident soulevé par la société Viatelease tendant à dire irrecevables des demandes nouvelles excède les pouvoirs du conseiller de la mise en état ;

a déclaré en conséquence irrecevable devant le conseiller de la mise en état l’incident soulevé par la société Viatelease sur le fondement des articles 564 à 566 du code de procédure civile et en a renvoyé l’examen à la cour ;

Dans cette attente, a renvoyé l’affaire à la mise en état ;

a réservé les frais et dépens de l’incident.

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 18 mars 2022, la société Oxy Santé demande à la cour, au visa des articles 1103 et suivants du code civil,Vu les articles 1216 et 1216-1 du code civil, L.121-1 et suivant du code de la consommation :

d’infirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau

A titre liminaire,

de dire et juger que « le protocole d’accord » emportant cession entre la société I-Numéric et JFM Audit du contrat de maintenance de la société Oxy Santé est inopposable à cette dernière pour avoir été conclu en violation de l’article 1216 et 1216-1 du code civil ;

A titre principal,

de dire et juger que la société Oxy Santé employait moins de six (6) salariés à la date à laquelle elle a été démarchée par la société Locam ;

de dire et juger que ni la société I-Numéric ni la société Locam n’ont jamais fourni la moindre information ni le moindre formulaire de rétraction à la société Oxy Santé dans le cadre de son démarchage hors établissement en violation de ses obligations légales ;

de prononcer tant la nullité du bon de commande et du contrat de service de la société I-Numéric, et la société Viatelease ainsi que la nullité du contrat de financement de la société Locam pour non-respect des obligations légales sus-rappelées et notamment de l’article L.121-16-1 III du code de la consommation ;

A titre subsidiaire,

de dire et juger que ni la société I-Numéric n’a jamais respecté l’engagement qu’elle a elle-même pris dans son email du 27 avril 2018 ;

de prononcer tant la résiliation du bon de commande et du contrat de service de la société I-Numéric et de la société Viatelease que la caducité du contrat de financement de la société Locam pour non-respect des obligations contractuelles prises à l’égard de la société Oxy Santé depuis le 27 avril 2018 ;

En tout état de cause,

de débouter la société I-Numéric, Viatelease et Locam de l’ensemble de leurs prétentions, fins et conclusions contraires ;

de constater que le contrat de location financière n°1318611 de la société Locam a été signé concomitamment sinon successivement avec les contrats de fourniture et de prestation de service litigieux de telle sorte que ce contrat de location financière est nécessairement interdépendant ;

de condamner toute partie succombant à restituer à la société Oxy Santé le montant des loyers injustement prélevés au titre du contrat de location financière litigieux depuis l’origine en cas de nullité du contrat ou depuis le 27 avril 2018 en cas de caducité ;

de donner acte à la société Oxy Santé de ce qu’elle tient le matériel à dispositif de la société Locam pour restitution aux frais de cette dernière et/ou des sociétés I-Numéric et/ou Viatelease ;

de condamner in solidum les Intimées à verser la somme de 7.000 euros à la société Oxy Santé au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

de condamner la société Locam aux entiers dépens ;

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 11 mai 2022, la société I-Numéric demande à la cour, au visa des articles L 221-3 du code de la consommation, 1112-1, 1137, 1182 et 1186 du code civil, et de l’adage « Nemo auditur propriam turpitudinem allegans » :

A titre principal,

de confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 2 décembre 2021 en toutes ses dispositions, à l’exception de celle ayant déclarée la SAS Oxy Santé mal fondée en sa demande de nullité des contrats de service de la SAS I-Numéric et du contrat de financement de la SAS Locam ;

Réparant l’omission de statuer du tribunal de commerce de Paris et statuant : 

de juger la société Oxy Santé irrecevable à solliciter la nullité du contrat de location de longue durée régularisé auprès de la société Viatelease le 17 février 2017, aux droits de laquelle vient la société Locam, et du contrat de service régularisé auprès de la société I-Numéric le 16 janvier 2017,

Subsidiairement,

– de confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 2 décembre 2021 en toutes ses dispositions.

En tout état de cause, sur la réparation d’omission de statuer sollicitée par la société Oxy Santé,

de juger la demande d’inopposabilité du « protocole d’accord » emportant cession entre la société I-Numéric et la société JFM AUDIT des contrats de service de la société Oxy Santé sans objet, à défaut, de l’y déclarer mal fondée et de l’en débouter,

Y ajoutant,

de condamner la société Oxy Santé à verser à la société I-Numéric la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

de condamner la société Oxy Santé aux entiers dépens de première instance et d’appel, ces derniers pouvant être recouvrés par Maître Michel-Alexandre Sibon de l’AARPI FLS et Associés, avocat constitué, par application de l’article 699 du code de procédure civile.

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 20 mai 2022, la société Locam demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104 et 1343-2 du code civil :

de juger la société Locam recevable et bien fondée en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

A l’inverse,

de dire et juger la société Oxy Santé mal-fondée en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions et de l’en débouter.

En conséquence

de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et y ajoutant,

de condamner la société Oxy Santé au paiement de la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

de condamner la société Oxy Santé aux entiers dépens de la présente instance.

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 18 mai 2022, la société Viatelease demande à la cour, au visa des articles 446-2, 542, 561, 562, 563 et 564 du code de procédure civile, L. 221-3 du code de la consommation et 1303-1 du code civil :

A titre principal

de déclarer la société Oxy Santé irrecevable en l’ensemble de ses demandes à l’égard de la société Viatelease,

A titre subsidiaire

de déclarer la société Oxy Santé mal fondée en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l’égard de la société Viatelease,

de l’en débouter,

En conséquence, de confirmer le jugement entrepris le 2 décembre 2021 par le tribunal de commerce de Paris,

En tout état de cause

de condamner la société Oxy Santé à verser à la société Viatelease la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

de condamner la société Oxy Santé aux dépens de première instance et d’appel.

*

La clôture a été prononcée suivant ordonnance en date du 16 mars 2023.

SUR CE, LA COUR,

Sur l’opposabilité de la cession I-Numéric/JFM Audit

La société Oxy Santé fait valoir que les premiers juges n’ont pas statué, en violation de l’article 5 du code de procédure civile, sur la demande tendant à voir dire que le protocole d’accord emportant cession entre la société I-Numéric et JFM Audit du contrat de maintenance lui est inopposable. Elle soutient qu’il a été conclu en violation des articles 1216 et 1216-1 du code civil.

La société I-Numéric fait valoir qu’elle n’a jamais eu l’intention de se prévaloir de ce protocole qui a été versé aux débats par la société Oxy Santé après une sommation délivrée à I-Numéric le 16 septembre 2020. Elle en conclut que la demande d’inopposabilité est dépourvue d’objet. Elle évoque en outre la possibilité de substitution figurant dans le contrat.

Aux termes de l’article 1216 du code civil :

« Un contractant, le cédant, peut céder sa qualité de partie au contrat à un tiers, le cessionnaire, avec l’accord de son cocontractant, le cédé.

Cet accord peut être donné par avance, notamment dans le contrat conclu entre les futurs cédant et cédé, auquel cas la cession produit effet à l’égard du cédé lorsque le contrat conclu entre le cédant et le cessionnaire lui est notifié ou lorsqu’il en prend acte.

La cession doit être constatée par écrit, à peine de nullité. »

En vertu de l’article 1216-1 du même code :

« Si le cédé y a expressément consenti, la cession de contrat libère le cédant pour l’avenir.

A défaut, et sauf clause contraire, le cédant est tenu solidairement à l’exécution du contrat. »

Il est tout d’abord relevé que la clause relative à la substitution possible d’une « autre entreprise » « pour l’exécution du présent contrat de maintenance » n’évoque pas une cession mais une simple substitution (clause 1.7 du contrat de service ‘ conditions générales de maintenance). Or, il importe peu que la société I-Numéric n’ait pas entendu se prévaloir du protocole, la cession ainsi intervenue devait être notifiée à la société Oxy Santé.

Il en résulte que le protocole d’accord emportant cession entre la société I-Numéric et la société JFM Audit du contrat de maintenance de la société Oxy Santé est inopposable à cette dernière.

Sur la recevabilité des demandes à l’encontre de la société Viatelease

La société Viatelease fait valoir que toutes les demandes formées par la société Oxy Santé à son encontre en appel sont nouvelles et partant irrecevables au visa de l’article 564 du code de procédure civile. Elle verse aux débats les dernières conclusions de la société Oxy Santé devant le tribunal de commerce de Paris.

Dès le 17 février 2017, la société Viatelease a cédé le contrat de location à la société Locam, conformément à l’article 5.2 des conditions générales du contrat de location.

Il résulte de l’examen des dernières écritures de la société Oxy Santé devant les premiers juges que celle-ci ne formait plus de demande à l’encontre de la société Viatelease alors qu’en cause d’appel, elle émet désormais des prétentions tendant notamment à voir déclarer nul le contrat Viatelease.

Toutes les demandes de la société Oxy Santé à l’encontre de la société Viatelease doivent être déclarées irrecevables comme étant nouvelles en appel.

Sur l’application du code de la consommation

Il sera relevé à titre liminaire que les contrats de location, de fourniture de matériel et de maintenance sont interdépendants, le financement de la location du matériel fourni par I-Numéric étant désormais assuré par Locam et le nom du fournisseur apparaissant sur le contrat Viatelease/Locam.

La société Oxy Santé explique avoir été démarchée par la société I-Numéric début janvier 2017 pour la fourniture de matériels de téléphonie mobile et la portabilité de ses lignes téléphoniques. Elle revendique l’application du code de la consommation, expliquant remplir toutes les conditions requises par l’article L. 121-16-1 de ce code.

La société Locam soutient à l’inverse que la société Oxy Santé ne peut se prévaloir des dispositions de l’article L. 221-3 du code de la consommation dans la mesure où elle a souscrit le contrat pour les besoins de son activité principale. Elle fait valoir en outre qu’elle n’est pas soumise au code de la consommation, étant une société de financement agréée auprès de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution, soumise au code monétaire et financier.

La société I-Numéric fait valoir que la téléphonie s’inscrit dans le cadre de l’exploitation professionnelle de la société Oxy Santé « pour être disponible vis-à-vis de ses clients 24h24 et 7j7 ».

Aux termes de l’article L. 221-3 du code de la consommation : « Les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq. ».

Le contrat hors établissement est ainsi défini par l’article L. 221-1 :

« 2° “Contrat hors établissement” tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur :

a) Dans un lieu qui n’est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties, y compris à la suite d’une sollicitation ou d’une offre faite par le consommateur ;

b) Ou dans le lieu où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle ou au moyen d’une technique de communication à distance, immédiatement après que le consommateur a été sollicité personnellement et individuellement dans un lieu différent de celui où le professionnel exerce en permanence ou de manière habituelle son activité et où les parties étaient, physiquement et simultanément, présentes ;

c) Ou pendant une excursion organisée par le professionnel ayant pour but ou pour effet de promouvoir et de vendre des biens ou des services au consommateur. ».

L’article L. 121-16-1 III issu de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 est devenu l’article L. 221-3 du code de la consommation à la faveur de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016. Le contrat ayant été conclu le 16 janvier 2017, ces dispositions lui sont applicables.

La société Oxy Santé produit le registre du personnel (liste des entrées/sorties du 01/01/2011 au 19/01/2017), attestant qu’elle employait, à la date de signature du contrat, moins de six salariés.

Il est manifeste que l’appelante ne s’est déplacée ni au siège de la société I-Numéric ni à celui de la société Viatelease, puisque c’est par l’intermédiaire du fournisseur I-Numéric qui s’est rendu en son établissement que le contrat a été conclu. Démarchée par I-Numéric, la société Oxy Santé a signé le contrat au lieu de son siège social et de l’exercice de son activité professionnelle, à [Localité 4]. Le contrat a donc été donc conclu « hors établissement » selon la définition précitée.

En outre, la location et l’exploitation de matériel de téléphonie n’entrent pas dans le champ de l’activité principale de la société Oxy Santé qui est « spécialiste de l’oxygénothérapie et l’assistance respiratoire à domicile ». Le fait qu’elle propose une assistance 24h/24 et 7j/7 ne modifie pas l’objet de son activité principale et n’en fait pas une professionnelle de la téléphonie.

La société Oxy Santé bénéficie donc des dispositions protectrices du code de la consommation et le jugement sera infirmé sur ce point.

En outre, le moyen soulevé par la société Locam selon lequel le code de la consommation serait inapplicable à son propre contrat au bénéfice du code monétaire et financier en ses dispositions sur le démarchage bancaire et financier ne résiste pas à l’examen de l’article L. 341-1 in fine qui prévoit que « L’activité de démarchage bancaire ou financier est exercée sans préjudice de l’application des dispositions particulières relatives (…) à la réalisation d’opérations sur biens divers, (…) ». L’interdépendance des contrats conclus par la société Oxy Santé qui a signé le même jour toute la liasse qui lui était soumise permet ainsi de soumettre aux dispositions du code de la consommation querellées l’intégralité de l’ensemble contractuel.

Sur la nullité du bon de commande, du contrat de service et du contrat de location financière

Sur la recevabilité de la demande de nullité

Tant la société I-Numéric que la société Locam soulèvent l’irrecevabilité de la demande de nullité formée par la société Oxy Santé en ce qu’elle aurait exécuté le contrat pendant plus de deux ans, et ce au visa de l’article 1182 du code civil.

Aux termes de l’article 1182 du code civil :

« La confirmation est l’acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce. Cet acte mentionne l’objet de l’obligation et le vice affectant le contrat.

La confirmation ne peut intervenir qu’après la conclusion du contrat.

L’exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation. En cas de violence, la confirmation ne peut intervenir qu’après que la violence a cessé.

La confirmation emporte renonciation aux moyens et exceptions qui pouvaient être opposés, sans préjudice néanmoins des droits des tiers. »

Or, les intimées ne démontrent pas que la société Oxy Santé aurait eu connaissance des causes de nullité, découlant de l’application des dispositions protectrices du code de la consommation lui bénéficiant, affectant les contrats litigieux.

Il en résulte que la demande de nullité formée par la société Oxy Santé à l’encontre du contrat de service conclu avec I-Numéric et du contrat de location financière conclu avec Viatelease aux droits de laquelle vient Locam est recevable.

Sur la demande de nullité

La société Oxy Santé soutient que les contrats conclus avec les sociétés I-Numéric, Viatelease et Locam sont soumis aux dispositions des articles L. 121-6 et suivants du code de la consommation. Elle fait valoir que ces contrats sont frappés de nullité puisqu’aucun d’entre eux ne l’a informée de l’existence de son droit de rétractation ni ne lui a fourni le formulaire correspondant.

La société Locam fait valoir que l’appelante s’est engagée en parfaite connaissance de cause.

La société I-Numéric rappelle que la société Oxy Santé a également régularisé le 1er février 2017 auprès d’elle un bon de commande relatif à la location d’un photocopieur Canon accompagné d’un contrat de service et d’un contrat de location de longue durée avec la société Locam. Elle souligne que le courriel du 27 avril 2018 produit par l’appelante concerne ainsi ce dernier contrat et non le contrat relatif au matériel de téléphonie.

En vertu de l’article L. 221-5 du même code : « Préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;

2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu’il contient sont fixées par décret en Conseil d’État ;

3° Le cas échéant, le fait que le consommateur supporte les frais de renvoi du bien en cas de rétractation et, pour les contrats à distance, le coût de renvoi du bien lorsque celui-ci, en raison de sa nature, ne peut normalement être renvoyé par la poste ;

4° L’information sur l’obligation du consommateur de payer des frais lorsque celui-ci exerce son droit de rétractation d’un contrat de prestation de services, de distribution d’eau, de fourniture de gaz ou d’électricité et d’abonnement à un réseau de chauffage urbain dont il a demandé expressément l’exécution avant la fin du délai de rétractation ; ces frais sont calculés selon les modalités fixées à l’article L. 221-25 ;

5° Lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l’article L. 221-28, l’information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation;

6° Les informations relatives aux coordonnées du professionnel, le cas échéant aux coûts de l’utilisation de la technique de communication à distance, à l’existence de codes de bonne conduite, le cas échéant aux cautions et garanties, aux modalités de résiliation, aux modes de règlement des litiges et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d’État.

Dans le cas d’une vente aux enchères publiques telle que définie par le premier alinéa de l’article L. 321-3 du code de commerce, les informations relatives à l’identité et aux coordonnées postales, téléphoniques et électroniques du professionnel prévues au 4° de l’article L. 111-1 peuvent être remplacées par celles du mandataire. ».

En vertu de l’article L. 221-7 : « La charge de la preuve du respect des obligations d’information mentionnées à la présente section pèse sur le professionnel. ».

En vertu de l’article L. 221-8 : « Dans le cas d’un contrat conclu hors établissement, le professionnel fournit au consommateur, sur papier ou, sous réserve de l’accord du consommateur, sur un autre support durable, les informations prévues à l’article L. 221-5. Ces informations sont rédigées de manière lisible et compréhensible. ».

En vertu de l’article L. 221-9 du même code : « Le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l’accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l’engagement exprès des parties.

Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l’article L. 221-5.

Le contrat mentionne, le cas échéant, l’accord exprès du consommateur pour la fourniture d’un contenu numérique indépendant de tout support matériel avant l’expiration du délai de rétractation et, dans cette hypothèse, le renoncement de ce dernier à l’exercice de son droit de rétractation.

Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l’article L. 221-5. ».

En vertu de l’article L. 242-1 du même code : « Les dispositions de l’article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement. ».

A cet égard, aucun des documents contractuels remis à la société Oxy Santé ne comporte d’information sur le droit de rétractation ni formulaire pour ce faire. La sanction prévue par l’article L. 242-1 étant d’ordre public, l’extension de la possibilité de rétractation à un délai de douze mois au lieu de quatorze jours – en application des articles L. 221-18 à L. 221-20 du code de la consommation – ne peut y faire échec.

Il en résulte que le bon de commande et le contrat de service signés avec la société I-Numéric, et le contrat de location financière conclu avec la société Locam venant aux droits de la société Viatelease ne respectent pas les exigences issues des articles L. 221-5 et L. 221-9 du code de la consommation et encourent de ce fait la nullité.

Il convient par conséquent d’infirmer le jugement en ses dispositions déférées et de prononcer la nullité du bon de commande et du contrat de service signés avec la société I-Numéric, et du contrat de location financière conclu avec la société Locam venant aux droits de la société Viatelease.

Les loyers versés depuis l’origine par la société Oxy Santé doivent donc lui être restitués par la société Locam.

Enfin, il sera donné acte à la société Oxy Santé de ce qu’elle tient le matériel objet du contrat de location financière à la disposition de la société Locam qui devra le récupérer à ses frais.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La société Locam succombant à l’action, il convient d’infirmer le jugement en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles. La société Locam sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel. Il apparaît en outre équitable de la condamner à payer à la société Oxy Santé la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Les sociétés Viatelease et I-Numéric seront déboutées de leurs demandes au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DECLARE irrecevables les demandes formées en cause d’appel par la société Oxy Santé à l’encontre de la société Viatelease ;

DECLARE inopposable à la société Oxy Santé le protocole d’accord emportant cession entre la société I-Numéric et la société JFM Audit du contrat de maintenance de la société Oxy Santé ;

DECLARE recevable la demande de nullité formée par la société Oxy Santé à l’encontre du contrat de service conclu avec I-Numéric et du contrat de location financière conclu avec Viatelease aux droits de laquelle vient Locam ;

PRONONCE la nullité du bon de commande et du contrat de service signés par la société Oxy Santé avec la société I-Numéric, et du contrat de location financière conclu avec la société Locam venant aux droits de la société Viatelease ;

CONDAMNE la société Locam à restituer à la société Oxy Santé tous les loyers versés depuis l’origine ;

DONNE ACTE donné acte à la société Oxy Santé de ce qu’elle tient le matériel objet du contrat de location financière à la disposition de la société Locam qui devra le récupérer à ses frais ;

CONDAMNE la société Locam aux dépens de première instance et d’appel ;

CONDAMNE la société Locam à payer à la société Oxy Santé la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les sociétés I-Numéric et Viatelease de leurs demandes respectives sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LEGREFFIER LA CONSEILÈRE FAISANT FONCTION DE PRÉSIDENT

 


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