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10 novembre 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
19/17697
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-2
ARRÊT AU FOND
DU 10 NOVEMBRE 2023
N° 2023/308
Rôle N° RG 19/17697 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BFFWF
SARL ARTILOC
C/
[H] [E]
Copie exécutoire délivrée
le : 10 Novembre 2023
à :
Me Emmanuel LAMBREY, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
(Vestiaire 84)
Me François GOMBERT, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AIX-EN-PROVENCE en date du 26 Septembre 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/00311.
APPELANTE
SARL ARTILOC agissant par son représentant légal domicilié de droit audit siège, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Emmanuel LAMBREY de la SCP LAMBREY & ASSOCIÉS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
Madame [H] [E], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me François GOMBERT, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Marianne FEBVRE, Présidente de chambre suppléante, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Marianne FEBVRE, Présidente de chambre suppléante
Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre
Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Novembre 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Novembre 2023
Signé par Mme Marianne FEBVRE, Présidente de chambre suppléante et Mme Cyrielle GOUNAUD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Après avoir démissionné d’un poste qu’elle occupait depuis le début du mois de juin 2016 au sein de la société Compromer Transports, Mme [H] [E] a été engagée par la société Artiloc en qualité de ‘dispatcheuse TP’ pour la période du 8 janvier au 7 avril 2018 dans le cadre d’un contrat à durée déterminée signé le 22 décembre 2017 motivé par un accroissement temporaire d’activité.
Faisant état de ce qu’elle avait été engagée suite à une annonce recherchant un ‘responsable planning pour l’agence de [Localité 2]’ qui correspondait à son expérience professionnelle et d’une promesse de l’employeur concernant une embauche en contrat à durée indéterminée à l’issue du contrat à durée déterminée, la salariée a saisi le conseil des prud’hommes d’Aix-en-Provence le 4 mai 2018 pour réclamer la requalification due ce contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et les indemnités subséquentes.
Vu le jugement rendu le 26 septembre 2019 qui, après avoir accueilli cette demande de requalification et dit que la fin du contrat de travail s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse a :
– condamné la société Artiloc à verser à Mme [E] les sommes suivantes :
– 2.700 € à titre d’indemnité de requalification du contrat de travail,
– 8.100 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 810 € pour les congés payés y afférent,
– 2.700 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 1.180 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné à l’employeur de délivrer à la salariée un bulletin de salaire régularisé concernant le préavis, un certificat de travail et une attestation destinée au Pôle emploi et ce, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification du jugement et limitée à 90 jours, ainsi que de régulariser la situation auprès des organismes de retraite,
– ordonné la capitalisation des intérêts de droit dûs à compter de la demande introductive d’instance,
– ordonné l’exécution provisoire par application de l’article 515 du code de procédure civile,
– condamné l’employeur aux dépens,
Vu la déclaration d’appel de la société Artiloc en date du 20 novembre 2019,
Vu sa saisine, en parallèle et le 20 décembre 2019 (RG 19/00752) du premier président de la cour d’appel en référé pour obtenir la suspension de l’exécution provisoire du jugement et l’ordonnance du 8 juin 2020 qui a rejeté sa demande et l’a condamnée à verser à Mme [E] une indemnité de 1.500 € au titre des frais irrépétibles exposés par cette dernière,
Vu ses dernières conclusions, transmises par le RPVA le 22 avril 2022, par lesquelles la société appelante demande à la cour en substance de :
– à titre principal, réformer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, dire bien fondé le contrat de travail à durée déterminée de Mme [E], constater la légitimité de la rupture à son terme et débouter la salariée de toutes ses demandes,
– à titre subsidiaire, rejeter toutes les demandes indemnitaires non fondées et limiter strictement les dommages et intérêts éventuellement dûs à la salariée,
– condamner cette dernière au paiement d’une somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel,
Vu les uniques conclusions de fond prises pour le compte de Mme [E], transmises par erreur dans le cadre de la procédure de référé le 7 mai 2020, par lesquelles il est demandé à la cour de confirmer le jugement du 26 septembre 2019, tout en mentionnant une somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile (et non les sommes effectivement allouées par le jugement dont la confirmation est pourtant sollicitée),
Vu l’ordonnance de clôture en date du 28 août 2023,
Vu également la note en délibéré expressément autorisée lors de l’audience, et reçue le 12 octobre 2023 de la part du conseil de l’intimée qui expose que ses conclusions du 7 mai 2020 ont bien été reçues au greffe sans message de refus et que l’erreur matérielle quant au numéro de RG n’a causé aucun grief à l’appelante dont le conseil a pu répliquer par le biais de ses dernières conclusions susvisées,
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites susvisées.
A l’issue de cette audience, les parties présentes ont été avisées que la décision était mise en délibéré pour être rendue le 10 novembre 2023 par mise à disposition au greffe.
SUR CE :
Sur la nature du contrat de travail :
Pour accueillir la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et juger que la rupture au terme du contrat s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le conseil des prud’hommes a considéré :
– que la société Artiloc avait eu recours à un contrat à durée déterminée pour un hypothétique accroissement temporaire d’activité alors que ce dernier devait être réel et vérifiable,
– que la salariée produisait un certificat de travail dans lequel la société Artiloc précisait qu’à l’issue de la période d’emploi, le contrat à durée déterminée de la salariée sera transformé en contrat à durée indéterminée, sans que l’employeur n’apporte aucun élément pour justifier ses allégations relatives au contexte d’établissement de ce certificat (à savoir qu’il était exclusivement destiné à aider la salariée dans une recherche de logement),
– que la société Artiloc reconnaissait dans ses écritures avoir indiqué à Mme [E] qu’elle entendait transformer le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée au terme de la période prévue au contrat à durée déterminée dans la mesure où le contrat à durée indéterminée était la règle,
– que l’annonce relative à un emploi en contrat à durée déterminée diffusée le 27 septembre 2017 et produite en cours de délibéré par l’employeur affirmant que c’était celle à laquelle la salariée avait répondu ne pouvait correspondre à l’embauche de Mme [E] dont le contrat prévoyait un salaire mensuel de 2.700 € et non une rémunération comprise entre 1.800 et 1.900 € comme mentionné dans l’annonce en question.
En cause d’appel, l’employeur soutient à nouveau
– qu’il exploite une entreprise de location de matériel et d’engins de travaux, destinés essentiellement à la réalisation du goudronage des routes, dont l’activité est saisonnière et liée aux conditions climatiques,
– qu’elle avait été confrontée à une hausse inhabituelle du nombre des locations sur le 1er trimestre 2018 et avait réalisé un chiffre d’affaires en augmentation au cours de ce trimestre,
– que la salariée avait répondu le 28 septembre 2017 à une annonce pour un emploi de dispatcheur TP en contrat à durée déterminée et qu’elle avait obtenu un salaire nettement supérieur suite à des pourparlers qui avaient tourné à son avantage et avaient aboutis à la signature d’un contrat à durée déterminée le 22 décembre 2017,
– que le certificat de travail établi le 19 janvier 2018 indiquant que le contrat à durée déterminée serait transformé en contrat à durée indéterminée à l’issue des trois mois avait été établi à la demande de Mme [E] pour l’aider à obtenir un logement comme en attestait la comptable, Mme [K].
Cependant et comme l’objecte à juste titre la salariée intimée, le fait qu’elle ait répondu à une annonce ne retire en rien l’intention de la société Artiloc qui était de l’embaucher ensuite en contrat à durée indéterminée.
Par ailleurs, le poste qu’elle occupait, pour un salaire ne correspondant aucunement à celui indiqué dans l’annonce, ne correspondait pas à des tâches résultant d’un accroissement temporaire d’activité, s’agissant d’un emploi de dispatcheuse qui correspondait à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
Les attestations de l’expert comptable ne permettent pas de relever l’accroissement temporaire d’activité invoqué sur le premier trimestre 2018, alors qu’au contraire le nombre des locations était en baisse par rapport aux premiers trimestres des années 2016 et 2017, que ce soit en chiffre ou en pourcentage par rapport à l’activité sur une année.
Quant à l’attestation établie tardivement par la comptable (le 17 février 2020) et le fait que Mme [E] avait eu besoin d’un certificat de travail attestant de la poursuite de la relation de travail en contrat à durée indéterminée à l’issue du contrat à durée déterminée pour obtenir un logement, elle est sans incidence si la promesse avait effectivement été faite et si le contrat à durée déterminée ne correspondait à aucun accroissement temporaire d’activité réel et vérifiable.
Au vu de ces éléments, la cour estime que le jugement entrepris mérite d’être confirmé sur le principe de la requalification de la relation de travail, la condamnation de l’employeur au paiement d’une indemnité de requalification correspondant à un mois de salaire et une indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents (que l’employeur ne discute pas dans son subsidiaire) ainsi que, par voie de conséquence, sur le caractère injustifié de la rupture de la relation contractuelle au terme du contrat à durée déterminée ainsi requalifié.
Sur l’indemnisation résultant de la rupture abusive :
Le conseil des prud’hommes a estimé le préjudice de la salariée à l’équivalent d’un mois de salaire tandis que la société Artiloc appelante soutient à titre subsidiaire que Mme [E] ne rapporte pas la preuve de son préjudice et notamment de démarches actives effectuées pour retrouver un emploi. La cour est ainsi saisie d’une demande de limitation des dommages et intérêts alloués en première instance.
Quant à elle, la cour à laquelle il appartient effectivement d’apprécier le préjudice subi par la salariée constate que Mme [E] ne produit aucun élément concernant ses recherches d’emploi à l’issue des trois mois passés chez Artiloc.
Néanmoins, la rupture anticipée de la relation de travail alors que cette salariée espérait poursuivre son emploi au sein de l’entreprise lui a causé un préjudice qui l’a d’ailleurs conduit à saisir très rapidement la juridiction prud’homale (dès le 4 mai 2018) afin de se voir reconnaître le bénéfice d’un contrat à durée indéterminée, préjudice que la cour estime devoir réparer par l’octroi d’une indemnité d’un montant de 2.000 € en l’état des éléments fournis au sujet du montant de la rémunération, de l’âge de la salariée, de son ancienneté et des circonstances de la rupture.
Le jugement sera donc réformé en ce sens.
Sur les autres demandes :
Les créances de nature salariale produisent des intérêts au taux légal à compter du jour où l’employeur a eu connaissance de la demande (soit à compter de la date de sa convocation devant le bureau de conciliation et les sommes à caractère indemnitaire à compter et dans la proportion de la décision qui les a prononcées.
Le jugement sera donc réformé en ce sens.
La capitalisation des intérêts est de droit conformément à l’article 1343-2 nouveau du code civil (ancien 1154 du code civil), pourvu qu’il s’agisse d’intérêts dûs au moins pour une année entière.
Sur ce point, le jugement mérite donc confirmation, comme sur la remise des documents sociaux.
En l’état de la présente décision, la cour décide de laisser les dépens à la charge de l’employeur et estime qu’il serait inéquitable que Mme [E] supporte l’intégralité des frais irrépétibles qu’elle a exposés tandis que la société Artiloc qui succombe partiellement doit être déboutée de sa demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe et dans les limites de l’appel :
– Infirme le jugement rendu le 26 septembre 2019 par le conseil des prud’hommes d’Aix-en-Provence, mais seulement sur le montant de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et sur le point de départ des intérêts ;
– Le confirme pour le surplus,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
– Condamne la société Artiloc à payer à Mme [H] [E] la somme de 2.000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– Dit que cette indemnité tout comme l’indemnité de requalification seront assorties des intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance partiellement confirmé et que les créances de nature salariale seront majorées des intérêts au taux légal à compter de la convocation de la société Artiloc devant le bureau de jugement du conseil des prud’hommes d’Aix-en-Provence ;
– Déboute la société Artiloc de sa demande d’indemnité au titre de ses frais irrépétibles en cause d’appel ;
– La condamne aux dépens et à payer à Mme [H] [E] la somme de 1.500 € en vertu de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés par cette dernière en cause d’appel.
Le greffier Le président