Your cart is currently empty!
12 décembre 2023
Cour d’appel de Bordeaux
RG n°
22/00065
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
3ème CHAMBRE FAMILLE
————————–
ARRÊT DU : 12 DECEMBRE 2023
N° RG 22/00065 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-MP2P
[V] [T]
c/
[P] [K]
Nature de la décision : AU FOND
28A
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 décembre 2021 par le Juge aux affaires familiales de BORDEAUX (RG n° 19/01638) suivant déclaration d’appel du 06 janvier 2022
APPELANTE :
[V] [T]
née le [Date naissance 7] 1987 à [Localité 15]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 2]
Représentée par Me Audrey TEANI, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉ :
[P] [K]
né le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 14]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 4]
Représenté par Me Marie-Valérie FERRO, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 14 novembre 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :
Président : Hélène MORNET
Conseiller : Danièle PUYDEBAT
Conseiller : Isabelle DELAQUYS
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Véronique DUPHIL
Le rapport oral de l’affaire a été fait à l’audience avant les plaidoiries.
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
* * *
Mme [T] et M. [K] ont vécu en concubinage jusqu’à la fin de l’année 2017.
Ils ont acquis le 22 décembre 2016, en indivision, un immeuble sis à [Adresse 9] (33) par moitié chacun pour le prix de 140 000 euros et souscrit un prêt de 200 000 euros auprès de la [10] pour l’achat et la réalisation de travaux.
Par assignation en date du 7 février 2019, M. [K] a saisi le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins de liquidation de l’indivision constituée par les parties sur ledit immeuble.
Par assignation en date du 18 février 2019, Mme [T] a saisi le même aux fins d’ouverture des opérations de partage de l’indivision, licitation de l’immeuble et évaluation de ses valeurs vénale et locative.
Par ordonnance en date du 1er août 2019, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Bordeaux a principalement :
– ordonné la jonction des instances enregistrées sous les numéros R.G : 19/01638 et 19/01913,
– ordonné la réalisation d’une expertise destinée à déterminer les valeurs vénale et locative (à compter du mois d’octobre 2017) de l’immeuble situé au [Adresse 8]),
– désigné pour ce faire M. [N], expert foncier inscrit sur la liste des experts près la cour d’appel de Bordeaux avec mise à la charge de Mme [T] d’une consignation à valoir sur les frais d’expertise,
– enjoint à M. [K] de cesser tous travaux sur le bien indivis dans l’attente de la réalisation de l’expertise,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes fins et conclusions.
Le rapport d’expertise de M. [N] a été déposé le 10 juillet 2020.
Par ordonnance en date du 19 janvier 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bordeaux a :
– autorisé Mme [T] à régulariser seule un acte de suspension du prêt solidaire souscrit auprès du [10] pour l’achat de l’immeuble litigieux, et ce pour une durée de 6 mois, avec le maintien du montant d’échéance, passé cette suspension,
– autorisé Mme [T] à régulariser seule deux mandats de négociation de vente de l’immeuble litigieux auprès de deux agences immobilières pour un montant net vendeur qui ne saurait être inférieur à l’évaluation donnée par l’expert M. [N], soit 167 000 euros,
– autorisé Mme [T] à procéder seule à un changement des serrures de l’immeuble litigieux afin de faire procéder aux visites de l’immeuble litigieux, dans le cadre des mandats de vente régularisés, avec l’engagement de remettre une nouvelle clé à la disposition de M. [K].
Par jugement du 02 décembre 2021, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bordeaux a :
– ordonné qu’il soit procédé aux opérations de comptes, liquidation et partage des intérêts patrimoniaux de M. [K] et de Mme [T],
– rejeté la pièce n° 7 de M. [K],
– débouté M. [K] de sa demande d’attribution préférentielle,
– débouté Mme [T] de sa demande de licitation du bien immobilier indivis,
– dit que M. [K] est redevable envers l’indivision d’une indemnité d’occupation pour la période d’octobre 2017 au 15 février 2021 de 720 euros par mois soit la somme totale de 29 160 euros et en tant que le besoin l’a condamné à payer cette somme à l’indivision,
– débouté Mme [T] de ses demandes sur les frais prélevés sur le prêt bancaire,
– condamné M. [K] à verser la somme de 13 919,08 euros à l’indivision,
– débouté M. [K] de sa demande de reddition de compte pour la plus value de l’immeuble,
– renvoyé les parties devant le Président de la chambre départementale des notaires, ainsi désigné pour y procéder dans le cadre des dispositions de l’article 1364 du code de procédure civile en considération de ce qui a été tranché par le présent jugement,
– commis le juge aux affaires familiales du cabinet 9 du tribunal judiciaire de Bordeaux pour en surveiller le déroulement et dresser rapport en cas de difficultés,
– dit qu’en cas d’empêchement, le notaire commis pourra être remplacé par simple ordonnance rendue sur requête,
– débouté les parties de leurs demandes de dommage et intérêts pour résistance abusive,
– dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de compte, liquidation et partage et supportés par les parties à proportion de leur part dans l’indivision.
– rejeté les demandes des parties présentées au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Procédure d’appel :
Par déclaration d’appel en date du 06 janvier 2022, Mme [T] a formé appel du jugement de première instance en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de licitation du bien immobilier indivis, dit que M. [K] est redevable envers l’indivision d’une indemnité d’occupation pour la période d’octobre 2017 au 15 février 2021 de 720 euros par mois, soit la somme totale de 29 160 euros et en tant que le besoin l’a condamné à payer cette somme à l’indivision, débouté Mme [T] de ses demandes sur les frais prélevés sur le prêt bancaire, débouté les parties de leurs demandes de dommages et intérêts pour résistance abusive, dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de compte, liquidation et partage et supportés par les parties à proportion de leur part dans l’indivision et rejeté les demandes des parties présentées au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Par déclaration d’appel du même jour, M. [K] a aussi formé appel du jugement de première instance en ce qu’il l’a débouté de sa demande d’attribution préférentielle de l’immeuble indivis ainsi que de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et de sa demande de reddition de comptes entre les parties au titre de la plus-value et en ce qu’il l’a condamné à une indemnité d’occupation d’octobre 2017 à février 2021 ainsi qu’à la somme de 13 919,08 euros au profit de l’indivision.
Les deux appels ont été joints par mention au dossier.
Selon dernières conclusions n° 2 en date du 30 octobre 2023, Mme [T] demande à la cour de :
Sur la procédure,
– ordonner en tant que de besoin, pour une bonne administration de la Justice, la jonction de la procédure d’appel RG 22/00065 avec celle introduite par [P] [K] contre le même jugement du 2 décembre 2021 RG 22/00081,
Sur le fond
– dire et juger Mme [T] recevable et bien fondée en ses observations,
en conséquence,
– rejeter des débats la pièce n° 9 versée par M. [K] comme étant une preuve constituée à lui-même,
– rejeter purement et simplement l’appel partiel de M. [K] comme étant mal fondé,
– pour le surplus, infirmer partiellement le jugement dont appel en ce qu’il :
– débouté Mme [T] de sa demande de licitation du bien immobilier indivis,
– limité l’indemnité d’occupation à la période d’octobre 2017 au 15 février 2021 et son montant à 720 euros par mois (l’expert la fixant à 900 euros par mois),
– débouté Mme [T] de ses demandes sur les frais prélevés sur le prêt bancaire,
– l’a déboutée également de ses demandes de dommages et intérêts pour résistance abusive,
– dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de compte, liquidation et partage et supportés par les parties à proportion de leur part dans l’indivision.
– rejeté les demandes des parties présentées au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– le confirmer pour le surplus,
En conséquence, et statuant à nouveau,
– ordonner la vente par licitation à la barre du tribunal des parcelles indivises cadastrées commune de [Localité 12] section C n° [Cadastre 5], [Cadastre 6] et [Cadastre 3] sur la base d’une mise à prix de 118.000 euros,
– désigner Me Teani à effet de procéder au dépôt du cahier des conditions de vente et des formalités nécessaires à la vente par adjudication,
– dire par ailleurs que M. [K] est redevable envers l’indivision :
* à la date présentes, de la somme de 63.906 euros, au titre de l’occupation privative de l’immeuble, depuis la séparation du couple en octobre 2017, à parfaire au jour de son départ effectif des lieux,
* de la somme de 4.950 euros au titre des frais d’acquisition financés par le prêt solidaire,
* des factures payées à partir du prêt bancaire imputables au seul M. [K] pour la somme totale de 28.039,22 euros,
* du montant des détériorations par travaux et des chais rendus inutilisables pour la somme totale de 32.070,21 euros sous déduction de la somme de 13.919,08 euros due à l’indivision aux termes du jugement dont appel, qui ne pourra qu’être confirmé en cette disposition,
– condamner M. [K] à verser à Mme [T] la somme de 5.000 euros en réparation de son évidente résistance abusive,
– le condamner également au paiement d’une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d’appel ainsi qu’aux entiers dépens d’instance en ce compris en ce compris les frais exposés pour l’établissement du procès-verbal de difficultés et les frais d’expertise,
– rejeter toute autre demande plus ample ou contraire.
Selon dernières conclusions n° 2 en date du 31 octobre 2023, M. [K] demande à la cour de :
– joindre les deux procédures RG 22/00081 et 22/00065,
Sur le fond :
– déclarer M. [K] recevable et bien fondé dans ses observations,
– infirmer la décision entreprise et, statuant à nouveau,
– déclarer quer M. [K] n’est pas redevable d’une indemnité d’occupation,
– constater qu’aucune détérioration du bien indivis ne peut être reprochée à M. [K],
– à titre subsidiaire si une détérioration du chai était retenue, elle ne pourrait qu’être de 5.000 euros,
– constater que l’indivision est redevable envers M. [K] d’une plus-value de 22.000 euros, et la condamner à la lui régler,
– condamner Mme [T] à régler à M. [K] une somme de 5.000 euros pour résistance abusive,
– confirmer la décision pour le surplus,
– débouter Mme [T] de ses demandes,
– condamner Mme [T] à porter et payer à M. [K] la somme de 3.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [T] en tous les dépens, ceux de première instance et d’appel,
– dire que ceux d’appel pourront être recouvrés directement par Me Ferro, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des moyens et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 31 octobre 2023.
L’affaire a été fixée à l’audience collégiale du 14 novembre 2023.
SUR QUOI, LA COUR
Sur le rejet de la pièce 9,
La décision déférée a rejeté des débats la pièce 7 du défendeur, au motif que cette pièce est “uniquement un écrit de M. [K], relatant les travaux qu’il a effectués, sans que le document soit daté ou confirmé par un tiers” et qu”en application de l’adage “nul ne peut se faire de preuve à soi-même”, la pièce n° 7 de M. [K] sera rejetée”.
M. [K] communique derechef cette pièce sous une autre numérotation en appel (pièce 9) en soutenant désormais que “ce document éclairera la cour qui le considérera comme le témoignage de M. [K]”.
Cependant, c’est justement que l’appelante demande que cette pièce désormais n° 9 soit rejetée des débats en ce que nul ne peut s’établir de preuve à soi-même et qu’une attestation d’une partie elle-même n’est pas un témoignage.
Il sera ainsi fait droit à la demande de l’appelante de rejeter des débats la pièce n° 9 de l’intimé.
Sur la licitation de l’immeuble,
Cette demande a été rejetée en première instance au motif que Mme [T] ne justifiait pas du refus de vendre de M. [K] ni d’avoir mis en place des mandats de vente par des agences immobilières alors qu’elle avait été autorisée par le juge à le faire seule.
Il est établi par les pièces versées aux débats que M. [K] offre de racheter les parts de Mme [T] depuis le début de leur séparation sans pour autant s’être jamais mis en possibilité réelle de le faire.
Mme [T] verse aux débats une proposition d’achat de 178 690 € en date du 20 mars 2021.
Il ressort de ses pièces 37 que M. [K] a, le 27 mars, soit 7 jours après cette proposition, envoyé un Email à l’appelante et son avocate dans laquelle il indique “dans la journée de lundi, je vais demander à mon avocat d’accepter l’offre à 167 000 euros (valeur donnée par expert)”.
Force est de constater qu’il n’en a rien fait.
Devant la cour, M. [K] offre toujours d’acquérir l’immeuble pour le prix de 167 000 euros, mais il s’impose de relever que l’intimé persiste à ne verser aux débats aucune pièce établissant avec certitude qu’il dispose des capacités financières pour le faire alors qu’au surplus, son notaire, le 12 juin 2023, demande à ce que le prix de rachat de l’immeuble soit fixé à 147 500 euros quand le 19 juin, soit 7 jours plus tard, son avocat affirme que M. [K] accepte d’acheter la maison à dire d’expert soit 167 000 euros.
Compte tenu de l’ancienneté du litige, il convient de faire droit à la demande de licitation en fixant toutefois la mise à prix à la somme de 150 000 euros, la somme de 118 000 euros proposée par l’appelante ne correspondant pas à la valeur arrêtée par l’expert.
Sur l’indemnité d’occupation,
Aux termes de l’article 815-9 alinéa 2 du code civil, l’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est redevable d’une indemnité à l’indivision.
Il est constant que la jouissance privative du bien indivis, si elle n’exige pas l’occupation effective et régulière de l’immeuble, implique l’impossibilité, de droit ou de fait, d’user du bien pour les autres indivisaires, du fait de l’indivisaire qui jouit de l’immeuble.
La détention des clés permettant d’accéder au bien par un indivisaire, sans nécessairement en user, est assimilée à une occupation effective dans la mesure où elle empêche les autres indivisaires d’accéder au bien.
La décision déférée a retenu que, depuis la séparation du couple en octobre 2017, Mme [T] a toujours formulé une demande d’indemnité d’occupation à la charge de M. [K], que ce dernier occupe seul l’immeuble depuis cette séparation, qu’il a changé la serrure de la maison sans en donner un double à Mme [T], lui interdisant l’accès au logement illustré par la nécessité de la présence du défendeur pour établir des devis et par la demande judiciaire de Mme [T] pour changer les serrures, obtenue le 19 janvier 2021 (ordonnance signifiée le 15 février 2021). Le premier juge a encore rappelé que l’indemnité d’occupation ne nécessite pas obligatoirement l’occupation du bien par l’autre indivisaire mais uniquement l’impossibilité pour les autres indivisaires de jouir du bien et que le fait que M. [K] ne vive plus dans les lieux suite à son départ en Inde n’a pas d’effet sur l’indemnité d’occupation qu’il doit sur la période d’octobre 2017 au 15 février 2021.
M. [K] soutient désormais devant la cour qu’il n’y a pas lieu à indemnité d’occupation au motif que, s’il a changé “le barillet de la porte d’entrée” et proposé à l’appelante de venir chercher le double de cette clé, ce qu’elle n’aurait pas fait, il n’a pas en revanche procédé au changement des trois autres clés permettant l’accès à l’immeuble. Il affirme ainsi qu’ayant été vu, elle ou son véhicule, à plusieurs reprises sur les lieux, elle pouvait “se rendre dans la maison quand elle le souhaitait” et qu’elle a même été récupérer une bétonnière en 2021.
Il soutient encore que l’indemnité ne serait pas dûe au motif qu’il n’aurait pas eu la possibilité de se reloger, bien qu’il explique qu’il résidait en fait chez ses parents ou sur [Localité 11] dans un logement prêté, et qu’il travaillait sur [Localité 17] et [Localité 13] puis sur [Localité 16] et que Mme [T] aurait reconnu qu’au 29 octobre 2018, il n’occupait plus la maison.
Il estime enfin qu’il n’a pas à “payer pour des choix qui n’appartiennent qu’à Mme [T]” celle-ci ayant quitté l’immeuble pour des convenances personnelles et que si il y avait laissé ses affaires et revenait régulièrement pour faire des travaux, aucune indemnité n’est due parce qu’il a géré seul le bien indivis pour le compte de l’indivision et apporté une plus value de 22 000 euros par les travaux qu’il a réalisés.
Mais la circonstance que Mme [T] ait quitté l’immeuble indivis, pour des raisons qui lui sont personnelles, et que M. [K] y soit resté, quelque soit sa motivation, n’autorise pas M. [K] à se considérer comme non redevable d’une indemnité d’occupation.
De même, la circonstance que M. [K] aurait entretenu voire amélioré l’immeuble ne l’exempte pas du paiement d’une indemnité d’occupation mais le rend au mieux recevable à solliciter une créance sur l’indivision.
Enfin, les messages échangés entre les parties démontrent que M. [K] a changé la serrure de la porte d’entrée sans donner le double à Mme [T] et si celle-ci a pu être vue dans la propriété, encore faut-il rappeler que les circonstances de ses venues sont inconnues et qu’il ressort de la pièce 17 de l’appelante que toute venue de Mme [T] dans l’immeuble pour récupérer des affaires personnelles était soumise à la présence de M. [K].
M. [K] a ainsi conservé la jouissance exclusive de l’immeuble, même s’il a pu résider dans d’autres logements, y compris hors de France en Inde, au cours des années 2017 à 2021, n’ayant jamais retiré ses affaires personnelles ni permis à Mme [T] d’user du bien.
Il convient ainsi de confirmer la décision qui a mis à la charge de M. [K] une indemnité d’occupation à compter du mois d’octobre 2017.
Mme [T] conteste devant la cour que l’indemnité cesse d’être due à compter du 15 février 2021 au motif que M. [K] occuperait toujours l’immeuble.
Il est constant que M. [K] occupe toujours l’immeuble depuis le 15 février 2021, mais à cette date cependant, Mme [T] a fait changer les clés de l’immeuble et elle ne verse aux débats aucune pièce démontrant que malgré qu’elle possède les clés, elle aurait été empêchée par M. [K] d’accèder à l’immeuble.
Il convient ainsi de confirmer la décision qui a dit que l’indemnité d’occupation était due jusqu’au 15 février 2021.
Si, pour calculer le montant de l’indemnité d’occupation, il est d’usage de se référer à la valeur locative de l’immeuble et d’y appliquer un abattement de 15 à 30 % pour précarité de l’occupation, il est cependant admis que le critère de la valeur locative ne constitue qu’un élément de référence qui n’a pas vocation à s’imposer aux juges du fond, lesquels ont la possibilité, dans leur pouvoir d’appréciation souveraine, de prendre en compte d’autres éléments propres à l’espèce.
En l’espèce, Mme [T] conteste le montant de l’indemnité fixée par la décision déférée à 720 euros par mois sur la base de la valeur locative du bien arrêtée à 900 € par l’expert judiciaire, en retenant qu’en raison de la précarité de l’occupation, l’indemnité ne peut être égale à la valeur locative du bien.
Mme [T] soutient au contraire qu’il ne serait rapporté aucune preuve de précarité, soutenant que “M. [K] a pris en otage l’immeuble qu’il refuse obstinément de libérer” et que l’expert aurait lui-même considéré que l’occupation n’avait jamais été précaire (page 40 de l’expertise).
Mais le droit de l’occupant indivis est par nature plus précaire que celui d’un locataire protégé par un statut légal et la durée de l’occupation privative dépend de la procédure entre les indivisaires.
Il s’impose dans ces conditions de confirmer la décision déférée qui a fixé le montant de l’indemnité à 720 €/mois.
Sur les frais notariés,
La décision déférée a retenu que les pièces apportées par Mme [T] ne démontraient pas que la part de M. [K] sur ces frais aurait été payée par le prêt mais prouvent simplement l’existence de versements de chacun des concubins sur le compte commun et le payement des fais afférents à la vente au notaire.
Mme [T] soutient que sur l’enveloppe de travaux consentie par le [10] à hauteur de 55 000 €, 4 950 € auraient servi à règler la part de M. [K] des frais notariés afférents à l’acquisition, le solde des frais ayant été financé en ses lieux et place par elle. M. [K] serait ainsi en dette auprès de l’indivision de cette somme de 4 950 euros et devrait être condamné au remboursement de cette somme en faveur de l’indivision. Au soutien de cette demande, elle vise ses pièces 27 et 28.
Mais c’est par une analyse pertinente des pièces 27 et 28 versées aux débats que le premier juge a pu retenir que Mme [T] ne démontrait pas que le prêt a servi à payer la part de M. [K] sur les frais notariés à hauteur de 4 950 € et le jugement sera confirmé.
Sur les factures payées à partir du prêt bancaire,
La décision déférée a rejeté la demande de Mme [T] qui prétendait que M. [K] aurait réglé des factures de garage automobile et des frais de location ainsi que des “cassures du matériel” avec le prêt et que faute d’avoir obtenu son accord pour les factures et/ou les déblocages de fonds, il devait seul les assumer. Le premier juge a en effet retenu que les éléments du dossier et notamment le rapport d’expertise établissaient que la location de la benne et de la mini-pelle ainsi que le changement de vérin étaient des dépenses nécessaires à la réalisation des travaux dans le bien immobilier indivis et que Mme [T] ne démontrait pas que ces éléments avaient eu d’autres fins que celle de leur réalisation.
Mme [T] réitère cette demande à hauteur de 28 039,22 € sans démontrer toutefois que M. [K] doive être tenu au paiement des frais de réparation du vérin de flèche cassé ainsi qu’aux frais de location de benne et de mini-pelle. En effet, l’usage d’une benne, d’une mini-pelle et d’un vérin était nécessaire aux travaux, ainsi que l’a retenu l’expert, ou du moins la preuve contraire n’est pas rapportée par l’appelante, et M. [K] ne peut être sanctionné pour son inexpérience alors même que le couple avait initialement retenu que les travaux seraient exécutés par eux et non par des professionnels, ce qui n’excluait pas les risques de ce type.
Les critiques formulées sur les travaux de clôtures réalisés par M. [K], et par contre coup sur les factures d’achat de parpaings, de ciment et de gravats pour en permettre l’édification, concernent quant à elles une éventuelle moins value et la valeur vénale de l’immeuble.
Enfin, ce n’est pas parce que M. [K] a poursuivi les travaux entre octobre 2017 et mai 2018 et sollicité ainsi le déblocage du prêt à hauteur de 27 084,99 euros qu’il devrait être condamné à assumer seul le déblocage de ces fonds.
La décision doit ainsi être confirmée.
Sur les détériorations par travaux,
Après rappel des dispositions de l’article 815-13 du code civil, et des demandes de Mme [T] tendant à voir pris en compte dans les détériorations le chai, le remplacement de l’intégralité de la laine de verre et le système de chauffage, la décision déférée a rejeté la demande relative au chauffage en retenant que l’expertise établissait que l’état du système de chauffage n’était pas imputable à M. [K] qui s’était contenté de retirer les radiateurs, lesquels pouvaient être remis en place. Quant au chai, le premier juge a retenu que les travaux engagés par M. [K] l’avaient bien détérioré, que la perte pour l’indivision était bien supérieure à la somme de 12 001 € mais que Mme [T] limitant sa demande à ce montant, il devait être fait droit à sa prétention. S’agissant de la laine de verre, le premier juge a retenu que les travaux n’étaient pas nécessaires mais qu’ils avaient été engagés par M. [K] et non terminés entraînant la dégradation de l’isolation, et a retenu un devis fourni par Mme [T] pour évaluer la somme incombant à M. [K] à 1 908,50 €. Enfin, pour les frais d’électricité, le tribunal a rejeté la demande en considérant que l’absence de travaux ne pouvait être assimilé à des détériorations ou des dégradations.
C’est donc la somme de 13 919,08 € que M. [K] a été condamné à verser à l’indivision au titre de la détérioration du bien.
Mme [T] demande à la cour de fixer au contraire ce montant à 32 070,21 euros alors que M. [K] lui demande de constater qu’aucune détérioration du bien indivis ne peut lui être reprochée et à titre subsidiaire que si une détérioration du chai est retenue, elle doit être évaluée à 5 000 €.
Mme [T] ne conteste toujours pas la somme de 12 001 € retenue pour la détérioration du chai qui a été constatée par l’expert. C’est à tort que l’intimé demande de la fixer à 5 000 euros alors que l’expert a bien fixé la valeur des chais à refaire à 12 011 €. La décision ne peut qu’être confirmée.
Quant au chauffage, Mme [T] fournit une facture de “reprise de l’installation de chauffage” à hauteur de 5 850,90 € mais cependant, il résulte de l’expertise que l’expert n’a pu indiquer si le chauffage était en fin de vie lors de l’achat ou du commencement des travaux et que si le système est désormais à changer, il ne peut prendre en compte cette détérioration puisque seuls les radiateurs ont été enlevés et peuvent être réintégrés puisqu’existants et qu’il a tenu compte dans la valeur vénale (850 € du mètre carré) du changement de chauffage. Il convient donc de confirmer la décision qui a rejeté cette demande.
Quant aux frais d’électricité (évalués 12 949,81 €), l’expert les a exclus en rappelant qu’ils étaient compris dans le prix au mètre carré et il s’impose de confirmer la décision qui en a fait de même.
Enfin, s’agissant de la laine de verre, M. [K] soutient qu’en page 21 du rapport, l’expert aurait indiqué que le devis ne devait pas être pris en compte car déjà comptabilisé dans le prix retenu de 850 € le m². Mme [T] ne répond pas à ce moyen.
De fait, c’est à tort que la décision déférée a estimé que cette dégradation était imputable à M. [K] dès lors que l’expert a bien indiqué que si la laine de verre a pris l’humidité et que des travaux sont à terminer, elle ne doit pas être entièrement à remplacer d’une part et d’autre part a pris en compte cette détérioration pour l’estimation de la valeur vénale.
La décision sera ainsi infirmée du chef de la laine de verre et M. [K] condamné à verser à l’indivision la seule somme de 12 011 € au titre de la détérioration du chai.
Sur la plus-value et la reddition des comptes,
Après rappel des dispositions de l’article 815-13 du code civil, le premier juge a rejeté la demande de M. [K] en retenant qu’il ne démontrait pas qu’il avait amélioré à ses frais d’état du bien indivis et retenu que les travaux avaient été financés par un prêt commun et non des deniers propres.
En appel, M. [K] modifie sa demande en sollicitant désormais la rémunération de son activité au visa de l’article 815-12 du code civil, cette activité personnelle ayant selon lui contribué à améliorer le bien indivis à hauteur de 22 000 euros. Il évalue en effet son travail à plus de 2 500 heures en rappelant toutefois que si l’on retient le tarif du SMIC, l’indemnisation serait purement et simplement exorbitante. La somme de 22 000 € correspond ainsi selon lui à la plus-value totale sur la maison entre la séparation du couple et l’évaluation par l’exert. Il ajoute que si le bien s’est ensuite dégradé, c’est parce qu’il s’est vu interdire d’intervenir sur le chantier par Mme [T] et qu’en outre celle-ci serait venue se “servir directement sur place” en enlevant la bétonnière qui lui aurait permis de faire des travaux “très utiles”.
Mme [T] réplique que l’expert, en raison de l’intervention de M. [K] sur l’immeuble, a minoré la valeur à 850 €/m² alors que le prix moyen aux alentours de l’immeuble est de 1 100 €/m² et que l’intimé n’a jamais tenté de faire valider sa demande par l’expert.
Si l’article 815-12 précité dispose que l’indivisaire qui gère un ou plusieurs biens indivis est redevable des produits nets de sa gestion et a droit à la rémunération de son activité, dans les conditions fixées à l’amiable, ou, à défaut, par décision de justice, encore faut-il rappeler que l’indivisaire a droit à la rémunération de l’activité qu’il a réellement fournie et que par ailleurs, les juges du fond, pour fixer les conditions de cette rémunération, peuvent tenir compte de la responsabilité éventuelle du gérant dans ses actes de gestion.
Et en l’espèce, si l’expert a retenu, pages 35 et 36 de son rapport, des factures de travaux et de location de matériel réglées après octobre 2017, M. [K], qui ne conteste pas qu’elles l’ont été au moyen du prêt, n’a pas fait estimer par l’expert l’activité réellement fournie grâce à ces matériaux et à ces locations.
Dans ces conditions, il est impossible de rémunérer l’activité de M. [K] et il convient donc de confirmer la décision déférée et de débouter M. [K] de sa nouvelle demande.
Sur la résistance abusive,
Le premier juge, après rappel des dispositions de l’article 1240 du code civil, a rejeté les demandes réciproques des parties en considérant qu’aucune des parties ne qualifiait ni ne démontrait l’existence d’un lien entre le préjudice et la faute de l’autre.
Mme [T] réitère sa demande au motif que M. [K] a systématiquement fait obstacle à toute sortie de l’indivision. Elle ajoute qu’elle aurait été menacée, insultée et victime de dégradation sur son véhicule et d’envoi d’une lettre anonyme, et sous entend même que le comportement de M. [K] aurait conduit à la perte de l’enfant qu’elle portait à 8 mois de grossesse.
Mais si l’article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, force est de constater que les plaintes déposées par Mme [T] ont été classées sans suite et qu’elle ne verse aux débats aucun certificat médical qui établirait un lien de causalité entre un éventuel comportement de M. [K] et la perte de son enfant.
D’autre part, si l’absence d’empressement de M. [K] pour sortir de l’indivision est évidente, force est de constater que Mme [T] n’a pas fait preuve de plus d’empressement et en tous les cas ne s’est pas donnée les moyens de sortir plus rapidement de cette indivision notamment à partir de février 2021.
Quant à M. [K], s’il maintient avoir toujours affiché sa volonté d’acquérir les parts de Mme [T], et qu’elle l’en aurait empêché, force est de constater qu’il s’agissait d’une volonté de façade et qu’il n’a jamais posé aucun acte concret pour arriver à ce résultat.
Dans ces conditions, c’est à juste titre que le premier juge a rejeté les deux demandes et la décision sera confirmée.
Sur les frais irrépétibles et les dépens d’appel,
La décision est confirmée en ce qu’elle a dit que les dépens de première instance seront partagés par moitié entre chacune des parties et employés en frais privilégiés de partage en rappelant si besoin que ces dépens comprennent les frais exposés pour l’établissement de procès-verbal de difficultés et les frais d’expertise.
Chaque partie succombant partiellement en son appel, il convient de rejeter les demandes au titre des frais irrépétibles et de laisser à chaque partie la charge de ses dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant dans les limites de l’appel, après rapport fait à l’audience,
CONFIRME la décision déférée sauf en ce qu’elle a débouté Mme [T] de sa demande de licitation du bien immobilier indivis et condamné M. [K] au paiement de la somme de 13 919,08 euros à l’indivision ;
Statuant de nouveau de ces chefs,
ORDONNE la vente par licitation à la barre du tribunal judiciaire de Bordeaux des parcelles indivises cadastrées commune de [Localité 12], section C n° [Cadastre 5], [Cadastre 6] et [Cadastre 3] sur la base d’une mise à prix de 150 000 euros ;
DESIGNE Me Teani à effet de procéder au dépôt du cahier des conditions de vente et des formalités nécessaires à la vente par adjudication ;
CONDAMNE M. [K] à verser à l’indivision la somme de 12 011 € ;
Y ajoutant,
DEBOUTE M. [K] de sa demande de rémunération de son activité ;
RAPPELLE que les dépens de première instance comprennent les frais exposés pour l’établissement de procès-verbal de difficultés et les frais d’expertise ;
DEBOUTE les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DIT que chaque partie conservera la charge de ses dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Hélène MORNET, présidente, et par Véronique DUPHIL, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,