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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-1
ARRÊT AU FOND
DU 03 MAI 2022
N° 2022/ 175
Rôle N° RG 19/06609 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEEX3
[I] [T]
S.A.R.L. ETUDES ET DEVELOPPEMENT IMMOBILIERS (E.D.I.M)
C/
Société DIRECTION REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES DE PACA
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Philippe- Laurent SIDER
Me Virginie ROSENFELD
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 22 Mars 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/03166.
APPELANTS
Maître [I] [T], mandataire judidiaire demeurant [Adresse 1], pris en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan de redressement de la société ETUDES ET DEVELOPPEMENT IMMOBILIERS (E.D.I.M),
représenté par Me Raouf BOUHLAL de la SELARL NEVEU- CHARLES & ASSOCIES, avocat plaidant du barreau de NICE, et Me Philippe- Laurent SIDER, avocat postulant du barreau d’AIX-EN-PROVENCE
S.A.R.L. ETUDES ET DEVELOPPEMENT IMMOBILIERS (E.D.I.M) ayant son siège social sis [Adresse 2], agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège
représentée par Me Raouf BOUHLAL de la SELARL NEVEU- CHARLES & ASSOCIES, avocat plaidant du barreau de NICE, et Me Philippe- Laurent SIDER, avocat postulant du barreau d’AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
EPA DIRECTION REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES DE PACA prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège
représentée par Maître Virginie ROSENFELD-SCP CABINET ROSENFELD & ASSOCIES, avocat au barreau de Marseille
DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES, représentée par le Directeur Régional des Finances Publiques de Provence-Alpes-Côte-d’Azur et du département des Bouches-du-Rhône, qui élit domicile en ses bureaux [Adresse 3]
représentée par Maître Virginie ROSENFELD – SCP CABINET ROSENFELD & ASSOCIES, avocat au barreau de Marseille
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 14 Mars 2022 en audience publique devant la cour composée de :
Monsieur Olivier BRUE, Président
Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller
Mme Danielle DEMONT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Colette SONNERY.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Mai 2022.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Mai 2022,
Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Mme Agnès SOULIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
La société Études et développements immobiliers (EDIM) exerce une activité de marchand de biens. Au cours des années 2005 et 2006, elle a acquis plusieurs biens immobiliers et s’est placée sous le régime de faveur prévu à l’article 1115 du Code Général des Impôts (CGI).
Elle a ainsi bénéficié de l’application d’un taux réduit sur les droits d’enregistrement payés lors de ces acquisitions, en prenant l’engagement systématique de revendre les biens concernés dans un délai maximum de 4 ans.
Or, au 16 mars 2016, les biens immobiliers ayant bénéficié du régime de faveur n’avaient toujours pas été revendus.
La déchéance de ce régime a été notifiée à la société par proposition de rectification n° 02120 du 16 mars 2016, selon la procédure contradictoire prévue à l’article L. 55 du Livre des Procédures Fiscales (LPF).
Les droits notifiés n’ont été assortis d’aucun intérêt de retard, la société EDIM ayant été placée en procédure collective, le 13 janvier 2009, par jugement du tribunal de commerce de Cannes, puis en liquidation judiciaire du 15 mars 2015. Ce jugement a été réformé par la cour d’appel de ce siège le 30 août 2016 au profit d’un redressement judiciaire avec maintien de Me [T], en qualité de commissaire à l’exécution du plan.
Malgré des observations présentées par le contribuable le 18 avril 2016, les termes de cette proposition de rectification ont été intégralement maintenus dans une lettre de réponse n° 3926 du 10 mai 2016.
Les droits supplémentaires issus de ce contrôle ont été mis en recouvrement, pour un montant total de 247 410 €, selon avis de mise en recouvrement n° 201 605M0001 du 17 novembre 2016.
La réclamation contentieuse du 7 juin 2016 a fait l’objet d’un rejet le 2 septembre 2016.
Par exploit du 31 octobre 2016, la Sarl Etudes et développements immobiliers (EDIM) et Me [I] [T] ont assigné l’administration fiscale aux fins d’obtenir un dégrèvement.
Par jugement en date du 22 mars 2019 le tribunal de grande instance de Grasse a constaté l’application de la prescription de six ans aux faits de l’espèce, déclaré l’action de l’administration fiscale non prescrite, s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Cannes pour connaître de la contestation relative à l’opposabilité de la créance de l’administration fiscale à la société EDIM, renvoyé le dossier de l’affaire devant le tribunal de commerce de Cannes à l’expiration du délai d’appel, débouté la société EDIM et Me [I] [T] en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan de la société de ses demandes, et les a condamnés aux dépens.
Le 17 avril 2019, la Sarl Etudes et développements immobiliers (EDIM) et Me [I] [T] ont relevé appel de cette décision.
Par conclusions du 12 juillet 2019 ils demandent à la cour :
‘ de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
‘ de déclarer infondé le rejet de leur réclamation contentieuse par la direction générale des finances publiques le 16 mars 2016 ;
‘ de dire que la prescription triennale est applicable aux impositions contestées et que les impositions contestées sont prescrites ;
‘ de décharger intégralement la société EDIM de impositions mises à sa charge pour un montant de 247’470 € ;
‘ de constater en tout état de cause que le fait générateur des créances fiscales réclamées par l’administration au titre de son redressement ont pour origine des actes de mutation antérieurs à la procédure collective ouverte par le tribunal de commerce de Cannes le 13 janvier 2009 et que l’administration fiscale était donc tenue de déclarer ses créances ; que la direction des finances publiques ne conteste pas avoir omis de les déclarer ; et de déclarer inopposable la créance de l’administration à la procédure de la société EDIM ;
‘ et de condamner la direction générale des finances publiques à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Par conclusions du 24 septembre 2019, la direction générale des finances publiques représentée par le directeur régional des finances publiques de Provence Alpes Côte d’Azur et du département des Bouches-du-Rhône demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de débouter la Sarl Etudes et développements immobiliers (EDIM) et Me [I] [T] de leurs demandes, et de les condamner à lui payer la somme de 3000 €, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
La cour renvoie aux écritures précitées pour l’exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties.
Motifs
Sur la prescription de l’action
En application des dispositions de l’article L180 du Livre des procédures fiscales, dans sa version applicable au litige en vigueur du 11 avril 1997 au 31 juillet 2011, « pour les droits d’enregistrement et la taxe de publicité foncière, les droits de timbre, ainsi que les taxes, redevances et autres impositions assimilées, le droit de reprise de l’administration s’exerce jusqu’à l’expiration de la troisième année suivant celle de l’enregistrement d’un acte ou d’une déclaration ou de l’accomplissement de la formalité fusionnée définie à l’article 647 du CGI.
Toutefois, ce délai n’est opposable à l’administration que si l’exigibilité des droits et taxes a été suffisamment révélée par le document enregistré ou présenté à la formalité, sans qu’il soit nécessaire de procéder à des recherches ultérieures ».
L’article L186 du Livre des procédures fiscales, dans sa version applicable depuis le 22 août 2007, précise toutefois que « Dans tous les cas où il n’est pas prévu un délai de prescription plus court, le droit de reprise de l’administration s’exerce jusqu’à l’expiration de la sixième année suivant celle du fait générateur de l’impôt. ».
La prescription du droit de reprise de l’administration, en cas de déchéance du régime de faveur du marchand de biens, ne court que de l’expiration du délai imparti pour tenir l’engagement de vente.
En l’espèce, la Sarl Etudes et développements immobiliers (EDIM) et Me [I] [T], ne plaident pas utilement que la prescription triennale s’appliquerait, en estimant que lors d’une précédente vérification de comptabilité en 2014, l’administration aurait eu connaissance des registres de marchand de biens et des livres comptables, faisant état de l’enregistrement des biens immobiliers litigieux, ce qui lui aurait permis de relever la déchéance du régime, alors que la vérification opérée en 2014 et les informations recueillies par l’administration fiscale ne concernaient pas la problématique de la déchéance du régime de faveur.
Son objet distinct n’était donc pas de nature à révéler des manquements à l’engagement de revendre ses biens dans le délai imparti.
L’existence d’un engagement de revente, souscrit aux termes de l’acte authentique relatif à l’acquisition, ne pouvant révéler à l’administration fiscale le manquement commis postérieurement par le contribuable, le tribunal a justement écarté le bénéfice de la prescription triennale, l’administration fiscale ayant dû opérer des recherches ultérieures pour apprendre le manquement de la société EDIM à son engagement de revendre.
L’administration fiscale bénéficiant d’un délai de six ans à compter de l’expiration du délai de quatre ans qui lui était imparti pour revendre, la fin de non recevoir tirée de la prescription de l’action a été à bon droit écartée par le tribunal.
Sur l’existence de la créance de l’administration fiscale et sa déclaration au passif de la société
La société Etudes et développement immobilier fait valoir qu’elle a fait l’acquisition de divers biens immobiliers, entre le 21 décembre 2005 et le 31 janvier 2007, avec obligation de revendre dans les cinq ans ; qu’elle a connu des difficultés financières, et que par jugement du 13 janvier 2009, un redressement judiciaire a été ouvert à son encontre ; que tous les biens ont été placés sous main de justice, ce qui l’a privée de la libre disposition de pouvoir les réaliser ; qu’elle a obtenu un plan de continuation du tribunal de commerce de Cannes le 4 mai 2010 ; que par arrêt de la cour d’appel du 30 juin 2016, elle a obtenu la réformation du jugement prononçant sa liquidation judiciaire et que Me [T] a été maintenu dans ses fonctions de commissaire à l’exécution du plan ; qu’à présent, la société est à jour de ses paiements ; que l’administration fiscale lui a notifié une proposition de rectification le 16 mars 2016 et a conclu le 26 janvier 2017 au rejet de la demande de dégrèvement, tout en reconnaissant que sa créance n’avait pas été déclarée à la procédure collective, et que de ce fait elle était inopposable à ladite procédure; que toutefois l’administration fiscale a soutenu que ce constat d’inopposabilité relevait de la compétence du tribunal de commerce qui avait ouvert la procédure collective ; que la société EDIM, entre-temps, a saisi par voie de requête le juge-commissaire du tribunal de commerce de Cannes pour voir constater, au contradictoire de la direction des finances publiques, l’inopposabilité de la créance de celle-ci, portant sur les droits d’enregistrement, pour un montant de 244’470 € à la procédure collective ouverte à l’encontre de la société EDIM, par jugement de redressement judiciaire du 13 janvier 2009 ; et que par ordonnance du 19 décembre 2017, le juge-commissaire près le tribunal de commerce de Cannes a prononcé un sursis à statuer dans l’attente de la décision définitive du tribunal de grande instance de Grasse.
Les appelants ajoutent que l’incompétence retenue par le jugement déféré ne se justifiait pas au regard des demandes de la société EDIM qui souhaitait simplement faire constater que la créance invoquée par l’administration fiscale, si elle était établie, n’avait pas été déclarée et qu’elle lui était donc inopposable ; et que le tribunal de grande instance de Grasse était donc compétent pour constater l’inopposabilité de la créance à la procédure collective, l’administration fiscale ne contestant pas l’absence de déclaration, ni sa conséquence.
L’administration fiscale, qui avait soulevé, en première instance, l’incompétence du tribunal judiciaire, au profit du tribunal de commerce, répond que demeurent de la seule compétence du tribunal de la procédure collective, c’est-à-dire du tribunal de commerce de Cannes, où la procédure toujours en cours a été ouverte, les contestations relatives à la régularité de la déclaration de créance, au déroulement même de la procédure collective ou au fait générateur de créance.
À titre subsidiaire, l’administration fait valoir qu’en l’absence de déclaration à la procédure collective, sa créance n’est pas éteinte ou prescrite, mais seulement inopposable à la procédure collective, de sorte que la mise en recouvrement étant intervenue en 2016, dans l’hypothèse où le plan ne serait pas respecté, et où le tribunal ouvrirait une procédure de liquidation judiciaire sur la résolution du plan, le comptable aurait la possibilité de déclarer sa créance à cette nouvelle procédure de liquidation judiciaire.
*
En premier lieu il convient de relever que la Sarl Etudes et développement immobiliers et Me [T] font état à tort à plusieurs reprises d’un délai de revente de 5 ans, alors que dans sa version en vigueur aux dates des mutations, faits générateurs des impositions, soit du 1er janvier 2005 au 21 février 2007, l’article 1115 du CGI imposait un délai de 4 ans pour revendre les biens immobiliers acquis.
Ensuite, entre la date ses acquisitions le 21 décembre 2005 et le 31 janvier 2007, et les dates-butoirs quatre ans plus tard, des 21 décembre 2009 et 31 janvier 2011, la société EDIM est demeurée inerte plusieurs années durant, sans motif, jusqu’à l’ouverture de la procédure le 13 janvier 2009.
Après cette date, la société EDIM n’était pas davantage dans l’impossibilité de vendre, pouvant demander à être autorisée par le juge-commissaire, ce qu’elle aurait obtenu, d’où il suit le bien-fondé de l’exercice du droit de reprise par l’administration fiscale, et le rejet de la demande de dégrèvement présentée par la société EDIM des droits supplémentaires mis en recouvrement le 17 novembre 2016.
Le contentieux relatif aux déclarations de créances relève de la compétence exclusive du juge-commissaire, et non du tribunal de commerce lui-même, si le premier juge s’est donc justement déclaré incompétent pour connaître de cette question, l’affaire sera en revanche renvoyée non pas devant le tribunal de commerce, mais devant le juge-commissaire qui a déjà été saisi par la société EDIM de la question de l’opposabilité à la procédure collective de la créance de l’administration fiscale, par une requête en date du 7 décembre 2017, et qui a sursis à statuer par ordonnance du 19 décembre 2017.
Le jugement sera donc réformé sur ce point.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a déclaré non prescrite l’action de l’administration fiscale,
L’infirmant pour le surplus, statuant à nouveau et ajoutant,
Rejette la demande de dégrèvement présentée par la société EDIM et Me [T], valide l’avis de mise en recouvrement n° 200 605 M0001 en date du 17 novembre 2016.
Dit que la demande tendant à voir déclarer inopposable à la procédure collective cette créance de l’administration fiscale excède la compétence de la juridiction civile,
Constate que le juge-commissaire a déjà été saisi par requête du 7 décembre 2017, et renvoie les parties à le saisir à nouveau,
Dit que chacune des parties supportera la charge de ses dépens,
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
Dit n’y avoir lieu de faire application de ce texte.
LE GREFFIERLE PRESIDENT