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N° RG 19/07858 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MWHB
Décision du
Tribunal de Grande Instance de BOURG-EN-BRESSE
Au fond du 19 septembre 2019
RG : 16/00377
[E]
[G]
C/
SCP MARGUERITE PLUMIER-JAUFFRET ET [M] [H] AIRES ASSOCIÉS
Société FRANCE PIERRE
SARL NEW ABAGE IMMO
Société PELLIER ROCHER HOFFMANN THILL [X]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 03 Mai 2022
APPELANTS :
M. [R] [E]
né le [Date naissance 7] 1984
[Adresse 8]
[Localité 4]
Représenté par Me Amandine BIAGI, avocat au barreau de LYON, toque : 1539
Assisté de la SELARL ASTRA JURIS, avocat au barreau de NICE, toque : 558
Mme [P] [C] épouse [E]
née le [Date naissance 7] 1981
[Adresse 8]
[Localité 4]
Représentée par Me Amandine BIAGI, avocat au barreau de LYON, toque : 1539
Assistée de la SELARL ASTRA JURIS, avocat au barreau de NICE, toque : 558
INTIMÉES :
La SCP PLUMIER-JAUFFRET [H], notaires associés
153 rue du 11 novembre 1943
[Localité 11]
Représentée par la SELARL DE BELVAL, avocats au barreau de LYON, toque : 654
Assistée de la SCP LOUSTAUNAU FORNO, avocats au barreau de DRAGUIGNAN, toque : 47
La Société FRANCE PIERRE, SARL
[Adresse 10]
[Localité 3]
Représentée par la SCP NATHALIE DUBOULOZ, avocats au barreau de l’AIN
La SARL ABA IMMOBILIER
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par la SELARL SUBLET-FURST & FAUVERGUE, avocats au barreau de l’AIN
Société ROMAIN ROCHER, PIERRE HOFFMANN, DAVID THILL, [S] [X] ET ROMAIN LAURENT, notaires associés
[Adresse 6]
[Adresse 14]’
[Localité 1]
Représentée par la SELARL DE BELVAL, avocats au barreau de LYON, toque : 654
******
Date de clôture de l’instruction : 06 Janvier 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 21 Février 2022
Date de mise à disposition : 03 Mai 2022
Audience tenue par Olivier GOURSAUD, président, et Laurence VALETTE, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,
assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier
A l’audience, Laurence VALETTE a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré :
– Olivier GOURSAUD, président
– Laurence VALETTE, conseiller
– Stéphanie LEMOINE, conseiller
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
****
EXPOSÉ DE L’AFFAIRE
M. [R] [E] et Mme [P] [C] épouse [E], après des négociations menées par la SARL New Abage Immo (exerçant sous l’enseigne Aba immobilier), agent immobilier, ont, selon promesse synallagmatique de vente reçue le 18 juin 2015 par Maître [S] [X], notaire à [Localité 13] (Ain), avec la participation de Maître [M] [H], notaire à [Localité 12] (Var), assistant les acquéreurs, promis d’acquérir une maison d’habitation située à [Localité 16] (Ain) que la société France Pierre s’engageait à leur vendre.
Le 6 août 2015, l’agence immobilière a informé M. et Mme [E] que la vente ne pourrait finalement pas être réitérée en la forme authentique, faute pour la société France Pierre d’avoir obtenu le financement nécessaire à son projet.
Par courrier en date du 31 août 2015 adressé au conseil de M. et Mme [E], Maître [X] a confirmé officiellement que le compromis de vente signé par ces derniers ne pourrait pas aboutir, l’informant que ‘la société France Pierre, finalement défaillante au niveau bancaire, n’a pu trouver un partenaire susceptible de reprendre le projet initial malgré les dernières récentes tentatives’ et l’avisant qu’il procède au virement du dépôt de garantie de 23 295 euros sur le compte de Maître [H], notaire de M. et Mme [E].
Par actes d’huissier de justice du 11 janvier 2016, M. et Mme [E] ont fait assigner distinctement la société France Pierre, la SCP Rocher-Hoffmann-Thill (aux droits de laquelle se trouve la société dénommée Romain Rocher, Pierre Hoffmann, David Thill et [S] [X] notaires associés) et la SARL New Abage Immo à comparaître devant le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse pour obtenir le paiement par le vendeur du montant de la clause pénale stipulée dans la promesse de vente et l’indemnisation de leurs préjudices complémentaires.
Par acte du 10 octobre 2017, la société New Abage Immo a appelé en cause la SCP Plumier Jauffret & [H].
Au dernier état de leurs écritures, M. et Mme [E] demandaient, outre la condamnation de la société France Pierre à leur payer la somme de 46 590 outre intérêts au taux légal à compter du 19 octobre 2015, la condamnation in solidum des sociétés France Pierre, Pelier Rocher Hoffmann Thill, et New Abage Immo à leur payer les sommes de 60 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral, 17 123 euros en réparation de leur préjudice matériel correspondant aux honoraires d’un expert immobilier et du surcoût du montant du prêt, et 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire du 19 septembre 2019, le tribunal de grande instance a :
– débouté M. et Mme [E] de l’ensemble de leurs demandes ;
– débouté la SCP Rocher Hoffmann Till et [X] de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts compensatoires ;
– dit qu’il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire du présent jugement ;
– condamné M. et Mme [E] à payer à la société France Pierre, à la SCP Romain Rocher Pierre Hoffmann, David Till et [S] [X], notaires associés et à la société Aba Immobilier, chacune, la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la société Aba immobilier à payer à la SCP Marguerite Plumier-Jauffret et [M] [H] notaires associés, la somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné in solidum M. et Mme [E] aux dépens, et admis la SCP Nathalie Dubouloz, société d’avocats, au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Par déclaration enregistrée le 16 novembre 2019, M. et Mme [E] ont interjeté appel des dispositions de ce jugement les ayant :
* déboutés de l’ensemble de leurs demandes
* condamnés à payer à la société France Pierre, à la SCP Romain Rocher Pierre Hoffmann, David Till et [S] [X], notaires associés et à la société Aba Immobilier, chacune, la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civil,
* et condamnés in solidum aux dépens et admis la SCP Nathalie Dubouloz, société d’avocats, au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de leurs dernières conclusions, M. et Mme [E] demandent à la cour, au visa des articles 1382, 1383, 1134 et 1147anciens du code civil et 1599 du même code, de :
– déclarer l’appel recevable, ainsi que les présentes conclusions.
Sur le fond
– infirmer le jugement rendu par le TGI de Bourg en Bresse le 19 septembre 2019 en toutes ses dispositions et en ce qu’il a :
* débouté M. et Mme [E] de l’ensemble de leurs demandes,
* condamné M. et Mme [E] à payer à la société France Pierre, à la SCP Rocher Hoffmann, Till et [X], notaires associés et à la société Aba Immobilier, chacune, la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
* condamné in solidum M. et Mme [E] aux dépens et admet la SCP Nathalie Dubouloz, société d’avocats, au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile
Sur ce et statuant à nouveau,
– dire et juger que la société civile professionnelle Pellier Rocher Hoffmann Thill a commis des fautes dans la rédaction du compromis de vente et engagé sa responsabilité délictuelle vis-à-vis des époux [E],
– dire et juger que les fautes et man’uvres de la SARL New Abage Immo ont trompé M. et Mme [E] et que la responsabilité délictuelle de ladite société est engagée vis-à-vis des époux [E],
– dire et juger que la société France Pierre a commis une faute contractuelle et a engagé sa responsabilité contractuelle vis-à-vis des époux [E],
– dire et juger que ces fautes et man’uvres ont conduit M. et Mme [E] à s’engager dans une opération immobilière sans en connaître un élément essentiel à savoir que la société France Pierre n’était pas propriétaire du bien,
– constater que ces fautes et man’uvres sont à l’origine des dommages qu’ils ont subis,
En conséquence,
– constater l’acquisition de la clause pénale contenue au compromis des ventes au bénéfice des époux [E],
– condamner la société France Pierre à verser aux époux [E] la somme de 46 590 euros au titre de la clause pénale, augmenter les intérêts de retard capitalisés au taux légal à compter de la réception par cette dernière du courrier du 7 octobre 2015,
– condamner in solidum la SCP Pellier Rocher Hoffmann Thill, la SARL France Pierre, la SARL New Abage Immo à verser aux époux [E] la somme de 17 123 euros au titre du préjudice matériel,
– condamner in solidum la SCP Pellier Rocher Hoffmann Thill, la SARL France Pierre, la SARL New Abage Immo à verser aux époux [E] la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral,
– condamner in solidum la SCP Pellier Rocher Hoffmann Thill, la SARL France Pierre, la SARL New Abage Immo à verser aux époux [E] la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions, la société France Pierre demande à la cour de :
– débouter M. et Mme [E] de toutes fins et conclusions contraires,
– dire et juger que la SARL France Pierre n’a commis aucune faute tendant à empêcher la réalisation des clauses suspensives du compromis,
– constater que M. et Mme [E] étaient assistés de leur propre notaire lors de la signature du compromis de vente,
– dire et juger que M. et Mme [E] étaient parfaitement informés de ce que la SARL France Pierre n’était pas encore propriétaire du bien litigieux,
– dire et juger que M. et Mme [E] ne rapportent pas la preuve d’avoir subi un quelconque préjudice,
– confirmer purement et simplement le jugement entrepris,
A titre subsidiaire,
– dire et juger que la clause pénale stipulée au compromis de vente et manifestement excessive eu égard à l’absence de préjudice des époux [E],
– réduire à néant la clause pénale,
– dire et juger que la SARL France Pierre sera relevée et garantie de toute condamnation mise à sa charge par la SCP Pellier Rocher Hoffmann Thill,
En tout état de cause,
– condamner M. et Mme [E] à payer à la SARL France Pierre la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, – condamner M. et Mme [E] aux entiers dépens et d’appel dont distraction au profit de la SCP Nathalie Dubouloz, avocat aux offres de droit.
Aux termes de ses dernières conclusions, la société Romain Rocher, Pierre Hoffmann, David Thill, [S] [X] et Romain Laurent, notaires associés, demande à la cour de :
– confirmer le jugement de première instance,
En tout état de cause,
– constater que M. et Mme [E] agissent sur le fondement contractuel,
– dire et juger en conséquence que leur action est mal fondée en droit,
– constater en tout état de cause l’absence de faute, de préjudice et de lien de causalité,
– débouter les époux [E] de l’ensemble de leurs demandes fins et prétention,
– débouter la société France Pierre de son appel en garantie contre la concluante,
– débouter en tant que de besoin toute partie qui formerait des demandes à l’encontre de la concluante,
Reconventionnellement,
– constater que l’action des époux [E] est abusive et les condamner à lui payer la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive,
– condamner les mêmes qui mieux le devra à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner les mêmes aux entiers dépens d’instance.
Aux termes de ses dernières écritures, la SARL New Abage Immo demande à la cour de :
– confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Bourg en Bresse en date du 19 septembre 2019 en ce qu’il a statué comme suit :
* débouté M. et Mme [E] de l’ensemble de leurs demandes,
* condamné M. et Mme [E] à payer à la société France Pierre, à la SCP Rocher Hoffmann, Till et [X], notaires associés et à la société Aba Immobilier, chacune, la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
* condamné in solidum M. et Mme [E] aux dépens et admet la SCP Nathalie Dubouloz, société d’avocats, au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
– réformer le jugement entrepris en ce qu’il a statué comme suit : ‘condamné la société Aba immobilier à payer à la SCP Marguerite Plumier Jauffret et [H], notaires associés, la somme de 1 200 euros sur le fondement du même texte que ci-dessus’,
Y ajoutant :
– condamner M. et Mme [E] à verser à la société New Abage Immo la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. et Mme [E] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS
La promesse synallagmatique de vente ayant été conclue avant le 1er octobre 2016, date de l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, l’action doit être jugée conformément à la loi ancienne.
Sur la demande principale
M. et Mme [E] soutiennent ne pas avoir été avertis que le vendeur n’était pas propriétaire du bien au moment de la conclusion de la promesse synallagmatique ; que seule la clause de droit commun d’effet relatif a été intégré dans l’acte litigieux dans ces termes : ‘Acquisition suivant acte à recevoir par Maître [S] [X], notaire à [Localité 13] (AIN) dont une copie authentique sera publiée au service de la publicité foncière de [Localité 15]’ ; qu’en admettant que cette clause soit valable, elle n’était pas suffisante à protéger les acquéreurs ;
– aucune condition suspensive claire relative à l’acquisition de la propriété du bien par le vendeur n’a été stipulée de sorte qu’ils ne pouvaient se douter que ce dernier n’était pas propriétaire au moment de la signature du compromis ;
– en ne les informant pas de l’absence de qualité de propriétaire du vendeur et en ne prenant pas toutes les dispositions utiles afin d’assurer l’efficacité de l’acte, le notaire ayant reçu l’acte a permis la signature d’un compromis portant sur le bien d’autrui et a manqué à son obligation de conseil ;
– l’agence immobilière a également commis une faute en n’informant pas les acheteurs que son mandant n’était pas encore propriétaire du bien et en ne les alertant pas sur les risques qu’une telle situation pouvait engendrer ; que cette responsabilité est délictuelle, les acheteurs n’ayant signé aucun mandat avec ladite agence ;
– en se présentant comme le véritable propriétaire au cours des négociations et en omettant volontairement de signaler sa véritable qualité, la société France Pierre a empêché que la vente soit effectivement conclue et commis une faute contractuelle qui justifie l’application de la clause pénale stipulée au contrat ;
– les différentes fautes commises par les intimés justifient l’indemnisation des préjudices subis par M. et Mme [E].
La société France Pierre soutient que :
– M. et Mme [E] ne pouvaient ignorer qu’elle n’était pas encore propriétaire puisque le compromis stipule d’une part que la vente sera réalisée à la condition suspensive «que le vendeur justifie de la propriété régulière du bien» et d’autre part, au paragraphe «effet relatif» : «acquisition suivant acte à recevoir»,
– M. et Mme [E] étaient accompagnés de leur notaire, Me [H] qui leur avait indiqué que «le notaire n’avait pas encore régularisé l’acte de propriété»,
– elle n’a ainsi commis aucune faute engageant sa responsabilité et justifiant l’application de la clause pénale puisque ce n’est que parce qu’elle n’a pas pu justifier de sa propriété, comme le stipulait la condition suspensive, que la vente n’a pas pu être réalisée et non en raison d’un comportement fautif de sa part qui aurait empêché la réitération authentique de la vente,
– M. et Mme [E] ne justifient d’aucun préjudice moral.
La SCP Rocher, Hoffmann, Thill et [X] et Laurent demande que sa responsabilité soit écartée au motif que :
– M. et Mme [E] sont mal fondés à engager sa responsabilité contractuelle puisqu’aucun mandat n’a été signé entre eux,
– toutes les clauses du compromis ont été relues par les parties le jour de la signature et ce dernier stipulait clairement une condition suspensive relative à la preuve de la propriété régulière du bien par le vendeur,
– il n’est pas rare qu’un marchand signe une promesse d’un bien qu’il est en train d’acquérir, la question de la propriété se posant au moment du transfert de la propriété, lors de la vente et non au moment du compromis ; que le notaire n’a ainsi opéré aucun acte sur le bien d’autrui.
La SARL Aba Immobilier soutient que :
– sa responsabilité, si elle devait être retenue, ne pourrait l’être sur le fondement délictuel puisque c’est en vertu du mandat qui lui a été confié par le vendeur qu’elle a proposé aux époux [E] la visite de la maison,
– ce mandat a par ailleurs été respecté dans tous ses termes de sorte qu’il ne peut lui être reproché aucune faute,
– le compromis de vente et notamment les clauses relatives à l’effet relatif et aux conditions suspensives étaient suffisamment claires pour permettre aux époux [E] d’être avertis que le vendeur n’était pas encore propriétaire ; que ces derniers étaient par ailleurs accompagnés d’un notaire qui aurait dû les informer,
– aucune preuve de préjudice moral n’est rapportée par M. et Mme [E] ; qu’il en est de même des préjudices financiers allégués,
– c’est dans un souci de bonne administration de la justice qu’elle a appelée en cause en première instance la SCP Plumier Jauffret [H], notaire des acquéreurs, et ce sont les époux [E] qui ont déclaré appel à l’encontre de cette société notariale, de sorte que ce sont les époux [E] qui, succombant dans leur action, devront payer une indemnité de procédure à cette dernière.
La promesse de vente stipule notamment :
1/ dans la clause ‘Identification du bien’
que ‘Le VENDEUR vend, sous réserve de l’accomplissement des conditions stipulées aux présentes, à l’ACQUÉREUR le BIEN dont la désignation suit :
Désignation
A [Adresse 17],
Une maison à usage d’habitation comprenant …
Ainsi que le terrain attenant d’une superficie d’environ 568 m2 à prendre dans une parcelle de plus grande contenance cadastrée …
Le tout figurant sous le lot 4, conformément au plan masse dressé par M. [N] [U], architecte, le 27 juillet 2014, dont une copie est demeurée annexée au présent acte électronique….
Division cadastrale à effectuer
Il est ici précisé que la parcelle ci-dessus cadastrée Section BE numéro [Cadastre 9] est d’une contenance totale de 30a 00ca de laquelle sera distraite la contenance vendue et ce au moyen d’un document d’arpentage à établir aux frais du VENDEUR par tout géomètre-expert de son choix et qui sera visé dans l’acte constatant la réalisation authentique de la vente.
Cette division s’effectuera conformément au plan établi et approuvé par les parties, lequel est annexé.
Groupe d’habitations
Le BIEN constituera le lot numéro 4 du groupe d’habitations qui sera à créer par le VENDEUR suivant acte à recevoir par Maître [S] [X], notaire à [Localité 13] (AIN) au plus tard le jour de la réitération des présentes par acte authentique de vente.’
2/ dans la clause ‘Effet relatif’ : ‘Acquisition suivant acte à recevoir par Maître [S] [X], notaire à [Localité 13] (Ain) dont une copie authentique sera publiée au service de la publicité foncière de [Localité 15]’.
3/ Dans la clause ‘Conditions suspensives et réserves’ , et plus précisément ‘Conditions suspensives de droit commun’ que ‘les présentes, destinées à arrêter la volonté des parties sans attendre l’expiration des délais nécessaires à l’obtention des pièces nécessaires à l’instrumentalisation de la vente, sont conclues sous les conditions suspensives de droit commun suivantes :
Que le vendeur justifie de la propriété régulière du BIEN, par suite il s’engage à fournir à cet effet tous les titres, pièces et renseignements nécessaires au notaire chargé de la rédaction de l’acte authentique …’.
4/ La clause pénale figurant à l’acte prévoit que ‘Au cas où, toutes les conditions relatives à l’exécution des présentes étant remplies, l’une des parties, après avoir été mises en demeure, ne régulariserait pas l’acte authentique de vente et ne satisferait pas ainsi aux obligations exigibles, elle versera la somme de 46 590 euros à titre de clause pénale, conformément aux dispositions des articles 1152 et 1126 du code civil, indépendamment de tous dommages-intérêts …’
5/ Il est établi que la société France Pierre, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Bourg-en-Bresse pour l’activité de ‘achat, vente immobilière, marchand de biens, location’, représentée notamment par M. [Y], n’a pas obtenu le financement pour acquérir le bien qu’elle souhaitait revendre, en partie, aux époux [E].
C’est par une exacte analyse de ces clauses de la promesse de vente, et de justes et pertinents motifs que le premier juge a considéré que :
– M. et Mme [E] étaient bien informés au moment où ils se sont engagés que la réitération de la vente restait subordonnée à la preuve de la qualité de propriétaire de la société France Pierre, supposée hypothétique en raison d’une acquisition à intervenir,
– qu’ils ne peuvent prétendre au paiement de la clause pénale,
– et qu’aucune faute ne peut être imputée au notaire rédacteur et à l’agent immobilier.
La cour ajoute que M. et Mme [E] étaient assistés de leur propre notaire – auquel le notaire rédacteur avait envoyé par courriel du 15 juin 2015 14 heures 40 le projet d’acte en vue de recueillir ses observations – qui était tenu à leur égard une obligation d’information et de conseil, et dont il convient de relever à toutes fins utiles qu’ils ne l’ont pas assigné et qu’ils ne forment aucune demande à son encontre.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, le jugement ne peut qu’être confirmé en ce qu’il a débouté M. et Mme [E] de l’ensemble de leurs demandes au titre de la clause pénale et indemnitaires.
L’appel en garantie de la société France Pierre est en conséquence sans objet.
Sur la demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive
L’exercice d’une action en justice ou d’une voie de recours ne peut en soit caractériser un abus de droit et il n’est pas démontré que l’action ait été engagée, puis que l’appel ait été interjeté par M. et Mme [E] dans une intention malicieuse et dans le but de nuire à la société notariale rédactrice de la promesse de vente.
Il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la SCP Rocher Hoffmann Till et [X], devenue la SCP Rocher, Hoffmann, Thill, [X] et Laurent de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.
Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile
Le jugement doit être confirmé sur ces deux points.
Les dépens d’appel doivent être mis à la charge de M. et Mme [E] qui sont en outre condamnés à payer à chacune des parties intimées, la somme supplémentaire de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré ;
Y ajoutant,
Condamne in solidum M. [R] [E] et Mme [P] [C] épouse [E] à payer à la société Romain Rocher, Pierre Hoffmann, David Thill, [S] [X] et Romain Laurent, notaires associés, la société France Pierre, la SARL Aba immobilier et la SCP Plumier-Jauffret [H], la somme, à chacune, de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum M. [R] [E] et Mme [P] [C] épouse [E] aux dépens d’appel ;
Autorise la SCP Nathalie Dubouloz, avocate qui en a fait la demande, à recouvrer directement à leur encontre les dépens dont elle aurait fait l’avance sans avoir reçu provision.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT