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délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre civile
ARRET DU 22 JUIN 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 19/00766 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OABE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 17 JANVIER 2019
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER
N° RG 17/02532
APPELANTE :
SCI MAS CLAIRETTE
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 1]
Représentée par Me Yvan MONELLI de la SELARL MBA & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEE :
Madame [K] [X]
née le 17 Janvier 1973 à [Localité 1]
de nationalité Française
[Adresse 11]
[Localité 2]
Représentée par Me Nicolas BEDEL DE BUZAREINGUES de la SCP BEDEL DE BUZAREINGUES, BOILLOT, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué sur l’audience par Me Joseph VAYSSETTES, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 28 Mars 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 avril 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
M. Gilles SAINATI, président de chambre
M. Fabrice DURAND, conseiller
Mme Emmanuelle WATTRAINT, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Sabine MICHEL
ARRET :
– contradictoire,
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Sabine MICHEL, Greffière.
*
* *
EXPOSE DU LITIGE
Par acte notarié du 28 février 2013, madame [X] a vendu à la SCI Mas Clairette, les parcelles AL [Cadastre 7] à AL [Cadastre 8] ainsi que la parcelle AL [Cadastre 9], d’une superficie totale de 30 ares et 37 ca sises lieu-dit [Localité 12] à [Localité 2] pour un prix total de 485 230 euros payable par exécution avant le 30 juin 2014 au plus tard, de deux maisons de type T4 et deux maisons de type T3 avec deux places de parking par logement.
Il était prévu qu’en cas de défaut d’exécution au terme convenu, sauf cas de force majeure ne remettant pas en cause la finalité de l’opération et ne repoussant pas son achèvement de plus de six mois, le prix de vente deviendrait immédiatement exigible, l’obligation de faire devenant alors caduque.
Le 1er octobre 2013, le maire de [Localité 2] a pris un arrêté interruptif des travaux pour violation de l’article 11 du PLU et méconnaissance du permis de construire.
Les maisons dues n’ont pu être livrées avant le 30 juin 2014 à madame [X], qui dès le 1er juillet 2014 a mis en demeure la SCI Mas Clairette de payer la somme de 485 230 euros et a fait constater l’état des lieux par huissier.
Madame [X] a pu obtenir le paiement de la somme par diverses saisies.
Les constructions inachevées sur sa propriété représentent un coût de 213 904, 06 euros HT.
Considérant que madame [X] ne saurait bénéficier à la fois du prix de vente et des constructions, la SCI Mas Clairette l’a assignée par exploits d’huissier du 15 mai 2017 devant le tribunal de grande instance de Montpellier.
Par jugement contradictoire du 17 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Montpellier a notamment :
– déclaré l’action de la la SCI Mas Clairette irrecevable comme prescrite,
– condamné la SCI Mas Clairette aux dépens et à payer à Mme [K] [X] une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du CPC.
Par acte du 31 janvier 2019, la SCI Mas Clairette a interjeté appel de ce jugement.
Par ses conclusions enregistrées au greffe le 21 février 2019, la SCI Mas Clairette sollicite l’infirmation du jugement, la condamnation de madame [X] au paiement par provision de la somme de 474 136, 62 euros TTC correspondant aux frais qu’elle a engagés au titre de la construction partielle des 4 maisons convenues en exécution de son obligation de faire et la désignation d’un expert afin de donner tous éléments d’appréciation de la plus-value apportée aux 4 fonds concernés ou le coût des matériaux et le prix de la main d”uvre estimée à la date du remboursement compte tenu de l’état dans lequel se trouvent lesdites constructions, plantations et ouvrages.
En tout état de cause, elle sollicite la condamnation de madame [X] au paiement de la somme de 10 000 euros pour résistance abusive et de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens.
Par ses conclusions enregistrées au greffe le 27 février 2019, madame [X] sollicite la confirmation du jugement.
A défaut, elle demande le rejet de l’ensemble des demandes telles que formulées par la SCI Mas Clairette et en conséquence, le rejet de toute demande en paiement à ce titre.
En tout état de cause, elle demande de :
– évaluer le prix du terrain en cause en prenant en compte la présence de constructions inachevées au 30 juin 2014,
– évaluer le montant des frais pour la remise en état du terrain en prenant en compte les travaux réalisés au 30 juin 2014,
– évaluer le coût des travaux à entreprendre ou entrepris à compter du 1er juillet 2014 pour terminer les maisons telles qu’initialement prévues,
– évaluer la perte de revenus locatifs engendrés par l’absence de réalisation – complète des travaux prévus à la date du 30 juin 3014.
Enfin, elle sollicite la condamnation de la SCI Mas Clairette au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens.
La clôture de la procédure a été prononcée le 28 mars 2023.
MOTIFS
Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription de l’action de la SCI Mas clairette
Le tribunal a déclaré l’action de la SCI Mas clairette prescrite au visa de l’article L 218-2 du code de la consommation, retenant que madame [K] [X] avait la qualité de consommateur, contrairement à la SCI Mas clairette, professionnelle de l’immobilier, et que les créances des parties étaient nées le 1er juillet 2014, de sorte que la prescription était acquise le 30 juin 2016, soit antérieurement à l’assignation délivrée par la SCI Mas clairette à madame [K] [X] le 15 mai 2017.
La SCI Mas Clairette conteste cette analyse soutenant que madame [K] [X], gérante de la SARL JNSI ayant pour objet l’achat et la vente d’immeubles et associée de la SCI Mas clairette. Elle souligne par ailleurs que son action est fondée sur l’article 555 du code civil et qu’elle agit en indemnisation pour construction sur sol d’autrui et non en paiement d’un bien ou service qu’elle aurait fourni à un acheteur.
Il s’évince des pièces du dossier (pièces 1, 20 et 21 de l’appelante) que madame [K] [X] a participé au programme immobilier de la SCI Mas clairette en sa qualité de gérante de la SARL JNSI, associée de la SCI Mas clairette et qui a pour objet social l’ «achat et vente de tous biens immeubles, locations de biens immeubles loués ou non, droits sociaux, toutes activités de marchand de biens par achat et revente de ces biens », étant précisé que les quatre villas édifiées sur les terrains appartenant à madame [K] [X] sont, ainsi qu’il n’est pas contesté par l’intimée, destinées à la location.
Dans ces conditions, madame [K] [X] ne peut être considérée comme un simple consommateur au sens de l’article L 218-2 du code de la consommation.
Au surplus, cet article concerne l’action des professionnels exclusivement «pour les biens et les services qu’ils fournissent (‘)» et non pour une construction qu’il édifie, laquelle ne constitue ni un bien ni un service mais relève d’un louage d’ouvrage.
Dans ces conditions, les dispositions de l’article L 218-2 du code de la consommation sont en l’espèce inapplicables.
Le jugement sera par conséquent infirmé et la fin de non recevoir tirée de la prescription de l’action de la SCI Mas clairette sera écartée.
Sur le bien fondé de la demande en paiement de la SCI Mas Clairette
Il n’est pas contesté que la SCI Mas clairette a entrepris d’édifier quatre maisons sur quatre terrains appartenant à madame [K] [X] sans percevoir aucune rémunération de ce fait.
La SCI Mas clairette fonde son action en paiement sur l’article 555 du code civil, les quatre villas ayant été édifiées par elle et avec des matériaux lui appartenant, alors que madame [K] [X] n’a versé aucun prix, les travaux résultant d’une obligation de faire à laquelle la SCI Mas clairette s’est obligée en paiement du terrain que lui a vendu madame [K] [X].
Madame [K] [X] soutient que l’article 555 du code civil serait en l’espèce inapplicable, du fait de l’existence d’une convention liant les parties relative aux constructions litigieuses.
Certes, l’article 555 du code civil n’est pas d’ordre public et l’existence d’une convention entre les parties relativement à la construction litigieuse fait obstacle à son application.
Cependant, en l’espèce, la convention passée entre les parties (pièce 1 de l’appelante) porte à titre principal sur l’achat par la SCI Mas clairette d’un terrain appartenant à madame [K] [X], le prix de cet achat étant converti en une obligation pour la SCI Mas clairette d’édifier sur les parcelles AL [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 6] demeurant la propriété de madame [K] [X] quatre maisons, deux garages et six places de parking. La convention précise qu’à défaut de livraison au terme convenu, le prix de vente deviendrait immédiatement exigible et l’obligation de faire deviendrait caduque.
La livraison n’étant pas intervenue à terme convenu, le prix de vente est devenu immédiatement exigible, permettant à madame [K] [X] de faire procéder à plusieurs saisies attributions (pièces 7 à 10 de l’appelante), et l’obligation de faire est devenue caduque en application de la loi des parties, de sorte qu’aucune convention ne régit désormais plus les constructions édifiées sur les terrains de madame [K] [X] et que l’article 555 du code civil a vocation à s’appliquer au présent litige.
L’action de la SCI Mas clairette est par conséquent fondée en son principe.
Sur le quantum des sommes dues à la SCI Mas Clairette
Aux termes de l’article 555 du code civil, le propriétaire du fonds peut soit exiger la suppression des constructions aux frais du tiers, soit conserver la propriété des constructions, auquel cas il doit, à son choix, rembourser au tiers, soit une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur, soit le coût des matériaux et le prix de la main-d’oeuvre estimés à la date du remboursement.
Aux termes de ses écritures, madame [K] [X] souhaite manifestement conserver les constructions édifiées sur son fonds, puisqu’elle indique avoir poursuivi les travaux débutés par la SCI Mas clairette.
En revanche, elle n’indique pas clairement si elle souhaite rembourser une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur ou le coût des matériaux et le prix de la main-d”uvre.
Il lui appartiendra par conséquent de préciser son choix.
Cependant, au regard de l’état des constructions au 30 juin 2014 (hors d’eau) (procès verbal de constat d’huissier, pièce 11 de l’appelante) et de l’attestation du maître d”uvre d’exécution du 19 octobre 2018 (pièce 25 de l’appelante), la somme due par madame [K] [X] ne sera manifestement pas inférieure à la somme de 150 000 euros.
Dans ces conditions, elle sera condamnée à titre de provision à verser cette somme à la SCI Mas clairette.
Sur la demande d’expertise judiciaire
Les parties sollicitent l’une et l’autre une mesure d’expertise judiciaire.
Or, une expertise n’est en l’espèce possible que sur pièces puisque les travaux de construction des maisons se sont poursuivies au delà du 30 juin 2014, date à laquelle la SCI Mas clairette a cessé son intervention sur les chantiers.
Par ailleurs, en l’absence de malfaçons, non conformités ou nonfaçons alléguées, une simple consultation d’un expert peut suffire à répondre aux points techniques dont dépendra la solution du litige.
Il sera par conséquent ordonné une consultation technique, confiée à monsieur [N] [S], expert judiciaire.
Madame [K] [X] souhaite demander à l’expert, en sus d’évaluer la plue value apportée aux quatre fonds concernés du fait des constructions édifiées d’une part et le coût des matériaux et le prix de la main d”uvre d’autre part, le tout à la date du 30 juin 2014, d’ :
– évaluer le montant des frais pour la remise en état du terrain en prenant en compte les travaux réalisés au 30 juin 2014,
évaluer le coût des travaux à entreprendre ou entrepris à compter du 1er juillet 2014 pour terminer les maisons telles qu’initialement prévues,
– évaluer la perte de revenus locatifs engendrés par l’absence de réalisation complète des travaux prévus à la date du 30 juin 2014.
Or, l’évaluation du montant des frais pour la remise en état du terrain est sans intérêt pour le présent litige puisque madame [K] [X] a manifestement choisi de conserver les constructions en les achevant.
S’agissant des deux autres demandes, elles dépassent largement le cadre du présent litige limité à l’évaluation de la somme qu’aura à verser madame [K] [X] à la SCI Mas clairette en application de l’article 555 du code civil, les demandes de madame [K] [X] au titre du coût des travaux à entreprendre ou entrepris à compter du 1er juillet 2014 et de la perte de revenus locatifs étant sans objet en l’absence de convention entre les parties (devenue caduque) régissant les constructions litigieuses.
Dans ces conditions, la mission confiée à l’expert sera limitée à celle énoncée au dispositif de la présente décision.
Sur la demande de la SCI Mas clairette au titre de la résistance abusive, les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Il sera sursis à statuer sur ces demandes dans l’attente de la consultation.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 17 janvier 2019 par le tribunal de grande instance de Montpellier ;
Statuant de nouveau,
Ecarte la fin de non recevoir tirée de la prescription de l’action de la SCI Mas Clairette ;
Déboute les parties de leurs demandes d’expertise judiciaire ;
Ordonne une mesure de consultation ;
Commet en qualité de consultant monsieur [N] [S], expert judiciaire, avec pour mission de :
1°/ prendre connaissance des pièces du dossier et des conventions intervenues entre les parties,
2°/ donner tous éléments de la plue value apportée aux fonds cadastrés AL n° [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 6] appartenant à madame [K] [X] du fait des travaux de construction réalisés à la demande de la SCI Mas Clairette à la date du 30 juin 2014,
3°/ donner tous éléments de chiffrage, s’agissant des travaux de construction réalisés à la demande de la SCI Mas Clairette sur les fonds cadastrés AL n° [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 6] appartenant à madame [K] [X] jusqu’au 30 juin 2014, du coût des matériaux et du prix de la main d’oeuvre estimés à la date du remboursement ;
Dit que les parties devront transmettre leur dossier complet directement au consultant et ce, au plus tard le jour de la première réunion ;
Dit que la consignation de 2 000 euros à valoir sur la rémunération du technicien sera versée directement entre les mains de ce dernier et ce par moitié par chacune des parties et ce, dans le mois de la notification du présent arrêt ;
Dit que le consultant devra déposer auprès du greffe de la cour d’appel de Montpellier troisième chambre civile, une note dans un delai de trois mois à compter du versement de l’avance sur honoraires et qu`iI en adressera copie complète, y compris la demande de fixation de rémunération, à chacune des parties ;
Dit qu’une copie de la consultation sera adressée à l’avocat de chaque partie ;
Dit que le consultant mentionnera dans sa note l’ensemble des destinataires a qui il l’aura adressée ;
Dans le but de limiter les frais de consultation, invite les parties, pour leurs échanges contradictoires avec le consultant et la communication des documents nécessaires à la réalisation de la mesure, à utiliser la voie dématérialisée via l’outil OPALEXE. Cette utilisation se fera dans le cadre déterminé par le site http://www.certeurope.fr et sous réserve de l’accord exprès et préalable de l’ensemble des parties ;
Invite chaque partie à communiquer sans délai à l’expert une version numérisée de ses conclusions et au consultant à transmettre à la juridiction une version numérique de sa consultation sous forme de clef USB ;
Condamne madame [K] [X] à payer à la SCI Mas clairette à titre de provision la somme de 150 000 euros TTC ;
Surseoit à statuer sur les autres demandes, les demandes en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Renvoie la cause et les parties à l’audience de mise en état du 08 janvier 2024.
Le greffier, Le président,