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MINUTE N° 412/23
Copie exécutoire à
– Me Patricia CHEVALLIER -GASCHY
– la SCP CAHN ET ASSOCIES
Le 20.09.2023
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION A
ARRET DU 20 Septembre 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : 1 A N° RG 22/00319 – N° Portalis DBVW-V-B7G-HYBI
Décision déférée à la Cour : 10 Décembre 2021 par le Tribunal judiciaire de COLMAR – Service civil
APPELANTS – INTIMES INCIDEMMENT :
Monsieur [D] [P]
[Adresse 4]
Madame [S] [R] épouse [P]
[Adresse 4]
Représentés par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la Cour
INTIMEE – APPELANTE INCIDEMMENT :
S.A. BANQUE POPULAIRE [Adresse 5]
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentée par Me Thierry CAHN, avocat à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 22 Mai 2023, en audience publique, un rapport ayant été présenté, devant la Cour composée de :
Mme PANETTA, Présidente de chambre
M. ROUBLOT, Conseiller
Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE
ARRET :
– Contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
– signé par M. Philippe ROUBLOT, Conseiller, en l’absence de la Présidente de chambre légitimement empêchée, et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu l’assignation délivrée le 31 janvier 2014, par laquelle M. [D] [P] et Mme [S] [R], son épouse, ci-après également dénommés ‘les époux [P]’, ont fait citer la Banque Populaire [Adresse 1], aux droits de laquelle vient la SA Banque Populaire [Adresse 5], ci-après également ‘la Banque Populaire’ ou ‘la banque’, devant le tribunal de grande instance, devenu le 1er janvier 2020, par application de l’article 95 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 et de ses décrets d’application n° 2019-965 et 2019-966 du 18 septembre 2019, le tribunal judiciaire de Colmar,
Vu le jugement rendu le 10 décembre 2021, auquel il sera renvoyé pour le surplus de l’exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance, et par lequel le tribunal judiciaire de Colmar a statué comme suit :
‘DEBOUTE Monsieur [D] [P] et Madame [S] [R] épouse [P] de leurs demandes tendant à la nullité des actes de cautionnement, au paiement de dommages et intérêts, ainsi qu’à leur demande fondée sur l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
ORDONNE la déchéance des intérêts échus au titre des sommes dues à la Banque Populaire par Monsieur [D] [P] et par Madame [S] [R] épouse [P] en vertu de l’acte de cautionnement souscrit le 11 juillet 2012 au profit de la SAS 3IC IMMO pour la période du 5 janvier 2015 au 6 janvier 2017 ;
DEBOUTE Monsieur [D] [P] et Madame [S] [R] épouse [P] du surplus de leur demande concernant la déchéance des intérêts et pénalités échus ;
CONDAMNE Monsieur [D] [P] et Madame [S] [R] épouse [P] à payer à la Banque Populaire [Adresse 5] la somme de 1.500 € (mille-cinq cents euros) sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
CONDAMNE Monsieur [D] [P] et Madame [S] [R] épouse [P] aux dépens
DIT n’y avoir lieu à exécution provisoire.
Vu la déclaration d’appel formée par M. [D] [P] et Mme [S] [R], épouse [P], contre ce jugement, et déposée le 14 janvier 2022,
Vu la constitution d’intimée de la SA Banque Populaire [Adresse 5] en date du 28 janvier 2022,
Vu les dernières conclusions en date du 2 mars 2023, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n’a fait l’objet d’aucune contestation des parties, et par lesquelles M. [D] [P] et Mme [S] [R], épouse [P] demandent à la cour de :
‘DECLARER l’appel de Monsieur [D] [P] et Madame [S] [C] recevable et bien fondé.
Y faisant droit,
INFIRMER le Jugement du 10 décembre 2021, sauf en tant qu’il ordonne la déchéance du droit aux intérêts de la banque pour la période du 5 janvier 2015 au 6 janvier 2017.
REJETER l’appel incident de la BANQUE POPULAIRE [Adresse 5].
Statuant à nouveau dans les seules limites de l’appel principal
DECLARER les demandes de Monsieur et Madame [P] recevables et bien fondées.
Y faisant droit,
A titre Principal,
PRONONCER la nullité du cautionnement personnel souscrit par Monsieur et Madame [P] en date du 11 juillet 2012.
CONDAMNER la BANQUE POPULAIRE [Adresse 5] à verser à Monsieur et Madame [P] la somme de 329.720,80 € à titre de restitution des montants versés, majorés des intérêts légaux à compter de l’assignation.
A titre subsidiaire,
CONDAMNER la BANQUE POPULAIRE [Adresse 5] à verser à Monsieur et Madame [P] la somme de 329.720,80 € à titre de dommages et intérêts majorée des intérêts légaux à compter de l’assignation.
DIRE ET JUGER que les intérêts échus pour une année entière se capitaliseront par application des dispositions de l’Article 1154 du Code Civil.
DEBOUTER la BANQUE POPULAIRE de toutes conclusions plus amples ou contraire.
CONDAMNER la BANQUE POPULAIRE [Adresse 5] au paiement d’un montant de 6.000 € au titre des dispositions de l’Article 700 du Code de Procédure Civile.
LA CONDAMNER aux entiers frais et dépens’
et ce, en invoquant, notamment :
– la dissimulation, par la banque, qui aurait contracté de mauvaise foi, conduisant à la déconfiture de la cessionnaire et à l’obligation pour les cautions de faire face à leurs engagements, de la réalité de la situation financière de la cédante, et de son intention de ne pas maintenir la ligne de crédit pour l’activité de marchand de biens, alors que sans cette ligne de crédit l’activité n’était pas viable, dans un contexte de collusion entre le directeur de l’établissement et le cédant, caractérisant un dol au préjudice de la caution, la motivation du jugement ayant retenu, en substance que les cautions ne parviennent pas à démontrer que la banque savait que le projet financier n’était pas viable et qu’elle l’aurait délibérément caché pour transférer le risque sur les cautions, étant contestée, alors que, si la banque s’était engagée à faire des vérifications sur la viabilité économique du fonds, soit elle en aurait dissimulé le résultat, ce qui constituerait un dol, soit elle n’aurait rien fait, ce qui mettrait en cause sa responsabilité, peu important la présence d’un professionnel ou d’un averti aux côtés des cautions, elles-mêmes non averties, contrairement à la banque que la lecture des bilans aurait dû interpeller, outre qu’il aurait été indispensable et convenu que serait maintenue la ligne de crédit marchand de biens dont disposait la cédante, ce point ayant déterminé leur consentement,
– subsidiairement, la responsabilité de la banque au regard de l’absence d’informations loyales délivrées aux cautions et à la cessionnaire, alors que les acteurs de la reprise du fonds de commerce n’auraient pas été avertis et que l’opération présentait un risque financier incontestable, la banque ne pouvant se dédouaner de son obligation de mise en garde au motif que ses interlocuteurs étaient assistés d’un expert-comptable, les faits étant constitutifs, à défaut de dol à tout le moins clairement d’une faute, le maintien de la ligne de crédit pour l’activité de marchand de biens, qui faisait partie du champ de la cession, étant essentiel pour assurer la viabilité de l’ensemble de l’activité, et la banque étant tenue de s’enquérir du financement de cette activité, et d’aviser les cautions du risque encouru en refusant ce financement,
– à tout le moins, un manquement, à ce titre, au devoir de loyauté de la banque et à ses obligations contractuelles,
– sur leur préjudice, l’indemnisation d’une perte de chance totale, emportant l’octroi de dommages-intérêts, emportant décharge à dû concurrence dans leur engagement de caution, et, principalement, en cas de nullité pour dol, le droit à restitution des sommes payées,
– sur l’appel incident, la confirmation du jugement sur la déchéance du droit aux intérêts et pénalités, à défaut de preuve de la délivrance de l’information annuelle.
Vu les dernières conclusions en date du 11 avril 2023, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n’a fait l’objet d’aucune contestation des parties, et par lesquelles la SA Banque Populaire [Adresse 5] demande à la cour de :
‘REJETER l’appel principal
RECEVOIR l’appel incident
CONFIRMER le jugement entrepris en son dispositif sauf en ce qu’il a ordonné la déchéance des intérêts échus en vertu de l’acte de cautionnement du 11 juillet 2012 pour la période du 5 janvier 2015 au 6 janvier 2017
REJETER toutes prétentions de Monsieur [D] [P] et Madame [S] [R] épouse [P] à l’encontre de la Banque Populaire [Adresse 5]
Statuant sur l’appel incident
DIRE n’y avoir lieu à déchéance des intérêts échus pour la période du 5 janvier 2015 au 6 janvier 2017 et là encore DEBOUTER les consorts [P] de leur demande
CONFIRMER le jugement entrepris pour le surplus
CONDAMNER Monsieur [D] [P] et Madame [S] [R] épouse [P] à payer à la Banque Populaire [Adresse 5] la somme de 3 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile pour l’instance d’appel outre les frais et dépens d’appel’
et ce, en invoquant, notamment :
– la grande expérience des appelants en matière immobilière et la capacité du gérant de la structure cautionnée de comprendre son fonctionnement,
– un recours à l’emprunt choisi par l’acquéreur et une proposition négociée,
– la circonstance, retenue par le premier juge, qu’elle aurait bien attiré l’attention des acheteurs sur l’existence des mauvais résultats du fonds, permettant de faire douter de la viabilité de celui-ci, les intéressés ayant été assistés d’un professionnel du chiffre, qui a pu établir un prévisionnel d’activité, et ayant pu consulter les documents comptables et déclarer s’être, par leurs investigations personnelles, informés, sans qu’il ne soit, par ailleurs, démontré que la concluante était en possession d’autres informations, sachant que la cessation des paiements n’était pas démontrée, ce de plus que cela n’avait d’ailleurs aucune incidence sur l’état même du fonds de commerce, puisqu’il ne s’agissait pas de vendre des parts mais uniquement de céder des actifs du fonds,
– l’absence de demande d’ouverture d’un crédit pérenne, dont le caractère indispensable pour la pérennité de l’activité de marchand de biens ne serait, en outre, pas démontré, mais uniquement d’un crédit pour acquérir un fonds de commerce et un fonds de roulement, et l’absence de man’uvres frauduleuses, dès lors que ce sont les époux [P] qui ont signé une exception à l’interdiction d’exercice d’une activité concurrente de la part du cédant et non pas la concluante,
– l’absence, également, de tout manquement de la concluante à ses devoirs de loyauté ou de mise en garde, s’agissant d’une opération simple souscrite par des personnes averties, ne nécessitant la délivrance d’aucun conseil spécifique, notamment quant à l’activité de marchand de biens dont rien ne démontrerait la nécessité pour la rentabilité de l’opération,
– subsidiairement, un préjudice devant réparer une perte de chance et non correspondre à la totalité des montants versés,
– l’information des cautions selon courriers des 5 janvier 2015 et 2016.
Vu l’ordonnance de clôture en date du 17 mai 2023,
Vu les débats à l’audience du 22 mai 2023,
Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l’article 455 du code de procédure civile, pour l’exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS :
Sur la demande en nullité du cautionnement souscrit par les époux [P] :
La cour rappelle qu’un compromis de vente a été signé, le 26 juin 2012, entre les époux [P], auxquels s’est ensuite substituée, en date du 11 juillet 2012, la SAS 3IC Immo, créée le 21 juin 2012, dont le gérant était M. [H] [P], fils des époux [P], également associés de cette société, et la SARL Immo Girardin, portant cession d’un fonds de commerce d’agence immobilière, pour la somme de 240 000 euros, cette acquisition étant financée au moyen d’un prêt consenti par la Banque Populaire [Adresse 1] à la SAS 3IC Immo à hauteur de 300 000 euros en principal, au taux de 3,4 %, remboursable en 84 échéances mensuelles de 4 018,30 euros, et garanti à la fois par le nantissement en premier rang du chef de la SAS 3IC Immo du fonds de commerce et par le cautionnement personnel solidaire et indivisible des époux [P], à concurrence de 360 000 euros couvrant le principal, les intérêts, frais et accessoires pour une durée de 108 mois appuyée, engagement appuyé d’une hypothèque par les deux époux en premier rang pour un montant de 100 000 euros sur un immeuble sis [Adresse 1].
La SAS 3IC Immo ayant été placée en liquidation judiciaire selon jugement en date du 19 novembre 2013, la banque a
déclaré sa créance dans le cadre de la procédure collective, tout en sollicitant le règlement du solde du prêt, soit la somme de 252 233,90 euros, par les cautions.
Ces dernières soutiennent avoir été, ainsi que la débitrice principale, trompées dans le cadre de l’opération d’achat du fonds de commerce, reprochant à la banque de leur avoir dissimulé la réalité de la situation financière de la cédante, ainsi que son intention de ne pas maintenir la ligne de crédit pour l’activité de marchand de biens, alors que sans cette ligne de crédit l’activité n’était pas viable.
Les époux [P] entendent, en conséquence, solliciter le prononcé de la nullité du cautionnement personnel souscrit en date du 11 juillet 2012, invoquant un dol par réticence sur la réalité de la situation du fonds cédé qui, s’ils l’avaient connue, les aurait dissuadés de s’engager.
À ce titre, il convient encore de rappeler qu’aux termes de l’article 1116 du code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man’uvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident, que sans ces man’uvres, l’autre partie n’aurait pas contracté.
Cela étant, la cour observe que les époux [P], qui se sont fait assister dans leurs démarches par un professionnel du chiffre, disposaient des éléments comptables reflétant, sans que la sincérité de ces éléments ne soit remise en question, la réalité de la situation financière du fonds de commerce, aucune dissimulation de la banque quant à cette situation n’étant caractérisée, leur attention ayant même été attirée, par le directeur de l’agence bancaire, ainsi que cela ressort des pièces mêmes qu’ils produisent, sur les mauvais chiffres d’affaires réalisés, en particulier au titre de l’année 2011, par la société exploitant le fonds, sans pour autant qu’il ne résulte suffisamment de ces éléments que la viabilité à terme, fût-il court, de l’activité était en cause.
De surcroît, les époux [P], qui ont pris une part active à la reprise du fonds, exploité par leur fils, eux-mêmes étant associés de la société cessionnaire, ont bénéficié des éléments du prévisionnel établi, au profit de cette dernière, par le cabinet d’expertise comptable ‘Cofimé’. Il ressort, certes de ce document, qu’une part importante est dédiée à l’activité de marchand de biens, qui contribue à l’équilibre de l’activité, sans pour autant que la question du financement de cette activité, en particulier par le biais d’une ligne de crédit pérenne, comme celle dont bénéficiait auprès de la banque la société Immo Girardin, ne soit évoqué dans le document, qui ne fait référence qu’au prêt d’un montant de 320 000 euros initialement prévu.
Au demeurant, la reprise de l’activité de marchand de biens relève des prévisions du contrat de cession et ce alors qu’il n’est pas établi que la banque aurait pris un engagement en vue de l’octroi d’une ligne de crédit pérenne, sans incidence de la circonstance qu’une telle facilité ait été octroyée à la société cédante, d’autant que, comme l’a rappelé le premier juge, il ne s’agit pas d’une cession de parts sociales. En outre, il n’est pas justifié de démarches, en tout cas suffisantes, auprès d’autres établissements, en vue d’assurer un financement effectif de cette activité.
Pour le surplus, ainsi que l’a justement relevé le juge de première instance, il n’est pas démontré que la banque aurait disposé d’autres éléments de nature à remettre en cause la viabilité de l’activité du fonds de commerce.
Dans ces conditions, la cour estime que sur ce point, le premier juge a fait une juste analyse des faits de la cause, appliqué à l’espèce les règles de droit qui s’imposaient et pertinemment répondu aux moyens des parties pour la plupart repris en appel. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a débouté les époux [P] de leur demande de prononcé de la nullité du cautionnement.
Sur la demande subsidiaire en responsabilité de la banque :
En application de l’article 1134 du code civil, dans sa version applicable à la cause, les conventions doivent être exécutées de bonne foi.
Par ailleurs, la banque est tenue à un devoir de mise en garde à l’égard de la caution non avertie s’il existe un risque d’endettement né de l’octroi du prêt garanti, lequel résulte de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur, qu’il appartient alors à la caution d’établir.
À défaut d’avoir exécuté son devoir de mise en garde, la banque sera tenue de réparer le préjudice causé à la caution, lequel ne peut s’analyser qu’en une perte de chance de ne pas contracter.
En l’espèce, au regard des conclusions auxquelles est parvenue la cour sous l’angle de l’examen de la validité de l’engagement de caution des époux [P], aucun comportement déloyal de la banque, de nature à mettre en cause sa responsabilité, n’apparaît suffisamment caractérisé, et ce alors qu’aucun engagement n’avait été pris, par l’établissement, quant à l’octroi d’une ligne de crédit destinée à assurer un financement pérenne de l’activité de marchand de biens, dont il a été rappelé qu’il n’en est pas fait mention dans le prévisionnel établi pour le compte de la société cautionnée, et qu’il n’appartenait pas à la banque, qui n’était tenue d’aucune obligation de conseil qui n’aurait été sollicité ni par l’emprunteur ni par les cautions, de s’enquérir, ainsi que l’a rappelé justement le juge de première instance, de la nécessité de solliciter une telle ouverture de crédit au moment de la cession du fonds de commerce, ni de savoir comment elle allait financer cette activité.
En outre, même en retenant, comme l’a fait le premier juge, que les époux [P] n’avaient pas la qualité de cautions averties, peu important, à cet égard, la teneur de leur patrimoine ou le fait qu’il ait été fait recours, au demeurant non par les intéressés mais par l’emprunteur, à un professionnel du chiffre et fait établir un prévisionnel d’activité, éléments qui ne démontrent pas, en eux-mêmes, qu’ils aient été suffisamment rompus au monde des affaires pour apprécier à suffisance la portée de leur engagement, alors même qu’est en cause non l’achat d’un bien immobilier mais d’un fonds de commerce dont ils n’assuraient ni n’avaient vocation à assurer la gérance, il n’en demeure pas moins que d’une part, la banque avait attiré l’attention des intéressés sur la réalité de la situation financière du fonds, et notamment les résultats négatifs de l’année 2011, et que d’autre part, non seulement elle a procédé à un examen de la situation patrimoniale des cautions, dont la viabilité à ce titre n’est pas contestée, mais elle s’est également assurée, au vu des éléments dont elle disposait, et en particulier du prévisionnel remis par la société 3IC Immo, sans qu’aucune dissimulation de sa part ne soit établie, de la viabilité du projet lui-même, les échéances du prêt, conclu le 11 juillet 2012, ayant, du reste, été honorées, fût-ce dans un premier temps avec la contribution des associés, jusqu’au 15 novembre 2013, sans qu’il ne soit établi que le paiement de ces échéances, soit à l’origine des difficultés connues par la société.
En conséquence, sur ce point également, le premier juge a, par des motifs pertinents que la cour adopte, fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties, ce qui emporte confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a débouté les époux [P] de ce chef.
Sur la déchéance du droit aux intérêts du prêteur :
La banque, qui produit à hauteur de cour les courriers d’information des cautions du 5 janvier 2015 et du 5 janvier 2016 entend former appel incident sur ce point, estimant avoir respecté son devoir d’information annuelle des cautions.
Cela étant, faute pour l’établissement de démontrer l’envoi effectif de ces courriers, et en tout cas du courrier du 5 janvier 2016, aux cautions, il convient, également, de confirmer le jugement entrepris sur ce point.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Les appelants, succombant pour l’essentiel, seront tenus, in solidum, des dépens de l’appel, par application de l’article 696 du code de procédure civile, outre confirmation du jugement déféré sur cette question.
L’équité commande en outre de mettre à la charge des appelants, une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 2 000 euros au profit de l’intimée, tout en disant n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile à l’encontre de cette dernière et en confirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef.
P A R C E S M O T I F S
La Cour,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 10 décembre 2021 par le tribunal judiciaire de Colmar,
Y ajoutant,
Condamne in solidum M. [D] [P] et Mme [S] [R], épouse [P], aux dépens de l’appel,
Condamne in solidum M. [D] [P] et Mme [S] [R], épouse [P], à payer à la SA Banque Populaire [Adresse 5] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de M. [D] [P] et Mme [S] [R], épouse [P].
La Greffière : Le Conseiller :