Marchand de Biens : décision du 21 septembre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 23/00454

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Marchand de Biens : décision du 21 septembre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 23/00454
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5

ARRÊT AU FOND

DU 21 SEPTEMBRE 2023

N° 2023/

GM/KV

Rôle N° RG 23/00454 – N° Portalis DBVB-V-B7H-BKS77

[H] [E]

C/

S.A. AST GROUPE

Copie exécutoire délivrée

le : 21/09/23

à :

– Me Lola NIETO, avocat au barreau de MARSEILLE

– Me Pierre-yves IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ARLES en date du 08 Décembre 2022 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 21/00404.

APPELANT

Monsieur [H] [E], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Antoine MINIER, avocat au barreau de CARPENTRAS,

et Me Lola NIETO, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

S.A. AST GROUPE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Véronique FOURNIER de la SELARL ARTEM AVOCATS, avocat au barreau de LYON,

et Me Pierre-yves IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Karen VANNUCCI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Septembre 2023.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Septembre 2023.

Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Karen VANNUCCI, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

M. [H] [E] a été engagé par la société AST Groupe à compter du 3 septembre 2018, en qualité de commercial, par contrat de travail à durée indéterminée.

Le contrat de travail prévoyait une clause de non-concurrence laquelle devait s’appliquer pendant une durée d’une année à compter de la rupture effective du contrat de travail.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de la promotion immobilière du 18 mai 1988.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 12 décembre 2019, la société AST Groupe licenciait M.[H] [E] pour faute grave.

Elle lui indiquait qu’elle ne le déliait pas de son obligation de respecter la clause de non-concurrence et lui rappelait que cette clause resterait valable pendant une année à compter de la date de cessation effective de ses fonctions.

Le contrat de travail de M. [H] [E] expirait le 12 décembre 2019.

En application de la clause de non-concurrence, la société AST Groupe a versé à chaque mois au salarié le montant de l’indemnité de non-concurrence prévue par le contrat de travail.

Estimant que M. [H] [E] violait sa clause de non-concurrence, la société AST Groupe l’a mis en demeure de lui rembourser la contrepartie financière et de lui payer le montant de la clause pénale, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 28 juillet 2021.

Le 27 décembre 2021, la société AST Groupe a saisi la juridiction prud’homale pour demander le remboursement par son ancien salarié de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence ainsi que le paiement de la clause pénale.

Par jugement du 8 décembre 2022, le conseil de prud’hommes d’Arles a :

-dit que la clause de non-concurrence est applicable,

-condamné M.[H] [E] à payer à la société AST Groupe les sommes suivantes :

-9405,17 euros bruts à titre de remboursement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence,

– 24 086,52 euros nets à titre de paiement de la clause de pénalité,

-dit que les intérêts au taux légal porteront effet sur ces sommes à compter du 27 décembre 2021 ;

-ordonné la capitalisation des intérêts dans les termes de l’article 1343-2 du code civil,

-dit infondée la demande de la société AST Groupe relative à l’exécution provisoire,

-condamné M.[H] [E] aux entiers dépens, comprenant les éventuels frais d’huissier et cas d’exécution forcée de la présente décision,

-condamné M.[H] [E] à payer à la société AST Groupe la somme de 1 000 euros nets au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-débouté M.[H] [E] de l’ensemble de ses demandes.

Le 9 janvier 2023, M. [H]-[E] a interjeté appel dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués.

Par ordonnance du 30 janvier 2023, l’affaire a été fixée à bref délai à l’audience du 30 mai 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Par conclusions notifiées par voie électronique le 9 mars 2023, l’appelant demande à la cour de :

-infirmer le jugement en ce qu’il a :

– dit que la clause de non-concurrence est applicable,

– condamné M. [H] [E] à payer à la société AST Groupe les sommes suivantes :

– 9 405,17 euros bruts à titre de remboursement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence,

-24 086,52 euros nets à titre de paiement de la clause de pénalité,

-dit que les intérêts au taux légal porteront effet sur ces sommes à compter du 27 décembre 2021,

-ordonner la capitalisation des intérêts dans les termes de l’article 1343-2 du code civil,

-dit infondée la demande de la société AST Groupe relative à l’exécution provisoire,

– condamné M. [H] [E] aux entiers dépens, comprenant les éventuels frais d’huissier et cas d’exécution forcée de la présente décision,

– condamné M. [H] [E] à payer à la société AST Groupe la somme de 1.000 euros nets à titre d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté M. [H] [E] de l’ensemble de ses demandes.

statuant de nouveau,

– à titre principal

dire que M. [E] a respecté son obligation de non-concurrence,

– à titre subsidiaire

si par extraordinaire, le Conseil de Prud’hommes venait à considérer que la clause de non-concurrence n’a pas été respectée :

dire que la clause de non-concurrence prévue au contrat de travail de M. [E] est nulle et inopposable,

en conséquence,

débouter la Société AST Groupe de l’ensemble de ses demandes,

condamner la Société AST Groupe à lui payer :

2000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d’appel.

A titre principal, M. [H] [E] fait valoir l’absence de toute violation de la clause de non-concurrence . La société AST Groupe qui supporte la charge de la preuve d’une telle violation est défaillante.

Il ajoute que la clause de non-concurrence précise seulement qu’il ne doit pas exercer d’activités susceptibles de concurrencer la société AST Groupe. Il ne lui était donc pas interdit de travailler pour une société concurrente à la société AST Groupe, du moment que lui-même n’exerçait pas une activité concurrente.

S’agissant de son travail pour la société Provence Villa avant la rupture du contrat de travail avec la société AST Groupe, ce fait n’est pas constitutif d’une violation de la clause de non-concurrence mais d’un manquement à son obligation de loyauté. Or, il a déjà été sanctionné pour ces faits, ayant été licencié.

S’agissant ensuite de son travail pour cette même société Provence Villa, suite à la rupture du contrat de travail avec la société AST Groupe, il a travaillé pour elle en tant que mandataire à compter du 13 mai 2020 dans le cadre d’un contrat de prestation commerciale.

Il importe peu de savoir que la société Provence Villa est une société concurrente de la Société AST Groupe tant que lui-même n’exerçait pas une activité concurrente au sein de la société Provence Villa et ne se livrait donc pas à une activité interdite par la clause de non-concurrence.

S’agissant des faits de concurrence reprochés tenant à son inscription au registre spécial des agents commerciaux, cette inscription fait uniquement suite à la conclusion de son contrat de prestation commerciale avec la société Provence Villa. Or, il n’a pas exercé d’activité concurrente prohibée dans le cadre de contrat.

Pour ce qui est enfin des faits de concurrence reprochés liés à son inscription au réseau national de consultants immobiliers Meg Agence, la société AST Groupe ne démontre pas l’activité concurrente dont elle se prévaut.

A titre subsidiaire, M. [H] [E] estime que la clause de non-concurrence est toutefois dépourvue d’effet, étant tout à la fois nulle et inopposable.

Au soutien de son affirmation selon laquelle la clause de non-concurrence est dépourvue de liceité, le salarié rappelle que, pour être licite, celle-ci doit :

‘ être indispensable pour la protection des intérêts légitimes de l’entreprise,

‘ limitée dans le temps,

‘ limitée dans l’espace,

‘ tenir compte des spécificités de l’emploi du salarié,

‘ prévoir une contrepartie financière.

Il ajoute que, en fait, la clause n’est pas licite, dans la mesure où elle ne satisfait pas à deux des conditions précédentes : elle n’est pas précise en ce qui concerne sa limitation dans l’espace et en ce qui concerne l’activité proscrite.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 31 mars 2023, la société AST Groupe demande à la cour de :

confirmer le jugement en ce qu’il a :

– condamné M. [H] [E] à régler à la société AST Groupe :

9 405,17 euros en remboursement de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence indûment perçue,

24 086,52 euros nets au titre de la clause pénale prévue à l’article 18 du contrat de travail conclu en date du 3 septembre 2018,

– dit que les intérêts au taux légal porteront effet sur ces sommes à compter du 27 décembre 2021,

– ordonné la capitalisation des intérêts dans les termes de l’article 1343-2 du code civil,

– condamné M. [H] [E] à lui verser 2 000 euros en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [H] [E] aux entiers dépens de 1 ère instance et d’appel, ceux d’appel distraits au profit de la société Lexavoué Aix-En-Provence, avocats aux offres de droit.

Sur la violation par le salarié de son engagement de non-concurrence, la société AST Groupe fait valoir que le salarié a violé celle-ci postérieurement à l’expiration de son contrat de travail le 12 décembre 2019 et ce pendant la période d’application de la clause.

Cette violation de la clause a eu lieu de plusieurs façons.

Le salarié a d’abord collaboré avec la société Provence Villas, laquelle exerce des activités identiques et concurrentielles aux siennes. En outre, contrairement à ce qu’il prétend, il a lui-même exercé une activité concurrente au sein de la société Provence Villas.

L’intimée précise que la principale activité, de cette société, à l’instar de la société AST Groupe, est la construction de maison individuelle, l’extension et la rénovation.

En outre, elle intervient essentiellement dans les régions suivantes : Vaucluse, Gard, Ardèche et Bouches du Rhône. Elle propose des terrains à moins de 100 kilomètres de [Localité 4], l’ancien lieu de travail du salarié.

Sur l’argument du salarié qui indique que cette activité a notamment été exercée avant son licenciement et qu’il a donc déjà été sanctionné pour celle-ci, la société AST Groupe répond qu’elle est parfaitement en droit de lui en faire reproche au titre de la violation de la clause de non-concurrence. En effet, le salarié a continué à collaborer avec cette société concurrente postérieurement à son licenciement.

Sur l’argument du salarié qui indique que même s’il travaillait dans cette société concurrente, il n’exerçait pas pour autant une activité concurrente, la société AST Groupe répond que :

-le salarié exerçait bien une activité concurrente au sein de la société Provence Villas, alors même qu’il se présente, sur les salons professionnels, comme étant le représentant de ladite société,

-en outre, la société AST Groupe commercialise des extensions de maisons, à l’instar de la société Provence Villas et fournit des conseils en agrandissement de maisons, comme en témoigne son site internet.

Le salarié a encore violé son engagement de non-concurrence en s’immatriculant en qualité d’agent commercial le 13 février 2020 à une adresse professionnelle située à [Localité 5], soit dans le périmètre d’interdiction des 100 kilomètres.

Enfin, la violation de l’engagement de non-concurrence par le salarié est encore caractérisée par le fait qu’il a intégré, en mars 2020, le réseau national de consultants immobiliers, MegAgence, avec le périmètre d’intervention suivant : « [Localité 5], Provence-Alpes-Côte d’Azur, France ».

Sur le rejet de la demande subsidiaire du salarié tendant à voir déclarer nulle et inopposable la clause de non-concurrence, la société AST Groupe rétorque que celle-ci est parfaitement licite.

Elle est limitée dans le temps (une année), dans l’espace (rayon de 100 kms) et comporte une contrepartie financière (25 %), strictement conforme à la jurisprudence et est indispensable à la protection des intérêts de la société AST Groupe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes relatives à l’exécution du contrat de travail

1-Sur la demande principale du salarié tendant à dire que la clause de non-concurrence a été respectée

C’est à l’employeur qu’il appartient d’apporter la preuve d’une éventuelle violation de la clause de non-concurrence par le salarié.

Pour déterminer s’il y a eu violation de l’interdiction de non-concurrence, la portée de la clause doit s’apprécier par rapport à l’activité réelle de l’entreprise et non par rapport à son objet social défini dans les statuts.

Enfin, il est de principe que :

– si la clause de non-concurrence prévoit une interdiction de collaborer ou de s’intéresser directement ou indirectement à une entreprise ayant le même objet social et que le salarié est entré au service d’une entreprise concurrente, la diversité des activités du nouvel employeur et le fait que cette diversité aurait permis de confier au salarié un travail sans relation avec ses anciennes activités importent peu,

-toutefois, en présence d’une clause interdisant au salarié d’exercer directement ou indirectement pour son propre compte ou pour le compte d’une entreprise une activité le plaçant en concurrence avec son précédent employeur, l’intéressé ne viole pas ladite clause dès lors que sa fonction chez le nouvel employeur, concurrent du précédent, ne porte pas sur cette activité concurrente.

L’article 18 du contrat de travail relatif à l’obligation de non-concurrence stipule :

« [‘] M. [H] [E] s’interdira :

D’exercer, directement ou indirectement, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, gratuitement ou à titre onéreux, pour son propre compte ou celui d’un tiers, toutes activités susceptibles de concurrencer la société ;

de créer ou participer à la création, directement ou indirectement, de toute structure, qu’elle qu’en soit la forme juridique, susceptible de concurrencer la société

(…)

Ces interdictions sont applicables pendant une durée d’un an à compter de la rupture effective du présent contrat de travail (échéance du préavis) ou du dernier jour de travail en cas de dispense ou d’absence de préavis et visent la zone géographique suivante : rayon de 100 kms. ‘

Il résulte de la lecture de ces stipulations contractuelles, en considération du principe d’interprétation stricte de la clause non-concurrence, que ladite clause, par la généralité de ses termes, n’interdisait pas à M. [H] [E] de travailler pour un nouvel employeur concurrent du précédent si ce travail ne portait pas sur cette activité concurrente.

Concernant l’activité qui est exercée par la société AST Groupe, il n’est pas contesté qu’elle porte sur la construction des maisons individuelles et qu’elle assure la promotion immobilière et aménage des terrains. Son extrait Kbis mentionne qu’elle assure la promotion immobilière des bâtiments à usage d’habitation et qu’elle exerce une activité de marchand de biens. Une capture d’écran de son site internet démontre qu’elle construit des biens immobiliers, qu’elle vend des villas neuves, des appartements, des terrains à bâtir.

Toutefois, les pièces produites, démontrent que celle-ci a d’autres activités encore et notamment celle du conseil en extension de maison comme en témoigne une capture d’écran de son site internet intitulée ‘ « Comment agrandir sa maison ‘ ».

La société AST Groupe procède aussi à la vente d’extensions de maison, notamment la vente de studios de jardin ossature bois. En effet, on peut lire, sur une autre capture d’écran de son site internet, qu’elle propose à la vente des « Natibox », c’est-à-dire des studios de jardin livrés « prêt-à- vivre » avec notamment une ‘cuisine équipée et une salle d’eau ».

S’agissant ensuite des activités exercées par la société Provence Villas, il est suffisamment démontré qu’elles sont en partie identiques à celles exercées par l’ancien employeur du salarié.

La société AST Groupe verse en effet les éléments suivants :

-l’extrait Kbis de la société Provence Villas qui mentionne que ses activités principales sont : « entreprise générale de bâtiment, construction de maison individuelle, extension, rénovation»,

-l’article 2 des statuts de ladite société qui stipule : « la société a pour objet : les travaux de maçonnerie générale, construction et rénovation des maisons »,

-le site internet de la société Provence Villas, lequel mentionne que l’activité de cette dernière, tout comme pour la société AST Groupe, est la construction de maison individuelle, la vente de terrains dans les départements du Vaucluse, du Gard, de l’Ardèche, des Bouches-du-Rhône.

Il résulte de ces éléments que la société Provence Villas se livrait à des activités concurrentes à celles exercées par l’ancien employeur, à savoir la construction de maisons individuelles, la vente de terrains mais également des activités portant sur les extensions.

S’agissant du champ d’intervention géographique de cette société concurrente, il est établi qu’il correspond à l’aire géographique interdite au salarié par la clause de non-concurrence (‘rayon de 100 kilomètres’ autour du lieu de travail de ce dernier situé à [Localité 4], Bouches-Du-Rhône).

En effet, d’une part, le siège social de la société concurrente est situé à [Localité 3] soit à 46 kilomètres de [Localité 4], siège de l’établissement secondaire de la société AST Groupe au sein duquel travaillait le salarié.

D’autre part, la société AST Groupe se livre à des activités (notamment la vente de terrains) sur des communes situées dans le rayon géographique interdit, comme en témoignent les captures d’écran de sites internet de ladite société (terrains situés à [Localité 6], [Localité 3], [Localité 5]).

Au delà du fait que la société pour laquelle le salarié travaillait concurrençait bien son employeur et avait bien un rayon d’intervention couvrant celui du secteur géographique interdit au salarié (en estimant que la clause était bien définie concernant son aire géographique d’application), la société AST Groupe doit cependant établir que le salarié exerçait bien lui-même, chez son nouvel employeur, de fonctions portant sur ces activités concurrentes.

Pour soutenir qu’il n’exerçait pas une activité concurrente à celle de son ancien employeur en travaillant pour la société AST Groupe, le salarié précise qu’il était seulement mandaté par cette dernière, dans le cadre d’un contrat de prestation commerciale conclu le 13 mai 2020.

Il précise que, dans le cadre de ce contrat de prestation commercial, il vendait des extensions de maisons ainsi que des piscines.

Toutefois, comme relevé précédemment, l’activité de vente d’extensions de maisons, à laquelle il reconnaît qu’il se livrait, est bien concurrente à l’activité identique qui était exercée par la société AST Groupe.

M. [H] [E] ne conteste pas qu’il s’est livré à cette activité durant la période d’application de la clause de non-concurrence (soit pendant l’année ayant suivi de la rupture effective du présent contrat de travail à l’échéance du préavis).

Ainsi, le salarié a bien violé son engagement de non-concurrence en exerçant un contrat de prestation commerciale de vente d’extensions de maisons pour le compte de la société concurrente Provence Villas et ce à compter du 13 mai 2020, date de conclusion du contrat de prestation commercial avec cette dernière.

S’agissant de l’activité reprochée au salarié concernant le fait qu’il aurait représenté la société Provence Villas dans le cadre d’un salon de l’habitat, la réalité de cet agissement n’est pas suffisamment démontrée par l’intimée. La société AST Groupe verse en effet seulement aux débats une capture d’écran d’un salon de l’habitat-laissant apparaître l’appelant comme représentant de la société Provence Villas- dont on ignore si elle a été mise à jour. Aucune autre pièce ne vient corroborer les dires de l’intimée sur ce point.

Pour ce qui est enfin des activités reprochées au salarié consistant dans le fait qu’il s’est immatriculé au registre spécial des agents commerciaux et à celui des agents commerciaux, l’intimée ne démontre pas en quoi le salarié aurait violé la clause de non-concurrence.

Il résulte de ce qui précède que le salarié a bien violé son engagement de non-concurrence à compter du 13 mai 2020. La société AST Groupe ne démontre pas que les actes de concurrence interdits seraient antérieurs à cette date.

La cour rejette donc la demande du salarié tendant à voir dire qu’il a respecté son obligation de non-concurrence.

2-Sur la demande de l’employeur relative à la validité et à l’opposabilité de la clause de non-concurrence

Vu le principe fondamental de libre exercice d’une activité professionnelle et l’article L.1121-1 du code du travail,

Il est de principe qu’une clause de non-concurrence n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, qu’elle tient compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives.

Pour apprécier la validité de la clause, les juges doivent prendre en compte l’ensemble des limitations qu’elle comporte, dans le temps, dans l’espace, quant aux activités concernées et en tenant compte des spécificités de l’emploi.

En l’espèce, la clause de non-concurrence dont la validité est discutée par les parties est rédigée ainsi :

« [‘] Monsieur [H] [E] s’interdira :

D’exercer, directement ou indirectement, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, gratuitement ou à titre onéreux, pour son propre compte ou celui d’un tiers, toutes activités susceptibles de concurrencer la société ;

[‘]

Ces interdictions sont applicables pendant une durée d’un an à compter de la rupture effective du présent contrat de travail (échéance du préavis) ou du dernier jour de travail en cas de dispense ou d’absence de préavis et visent la zone géographique suivante : rayon de 100 kms.

Tout manquement de Monsieur [H] [E] à son interdiction de concurrence le rendrait automatiquement redevable à la Société d’une pénalité fixée dès à présent et forfaitairement au montant des salaires nets perçus au cours des douze derniers mois précédant la notification de la rupture de son contrat.

[‘] Toute violation de ladite clause de non concurrence entraînerait la suspension immédiate du versement de cette indemnité, sans préjudice des dommages et intérêts dont Monsieur [H] [E] serait redevable au titre de la présente clause [‘] »

Le salarié se prévaut de la nullité de la clause de non-concurrence pour deux motifs : L’imprécision géographique de ladite clause et son imprécision quant à l’activité proscrite.

Pour déterminer si la clause de non-concurrence est valide ou non, la cour n’examinera pas les conditions de validité qui ne sont pas critiquées par le salarié (à savoir sa limitation dans le temps et son caractère indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise).

S’agissant de la condition de liceité liée à la limitation de la clause de non-concurrence dans l’espace, le salarié indique à tort qu’elle n’a pas été respectée.

En effet, par application des articles 6 et 18 du contrat de travail, le champs géographique concerné par la clause de non-concurrence est un rayon de 100 kilomètres autour du lieu de travail du salarié contractuellement défini comme se situant à [Localité 4] (Bouches-Du-Rhône).

En conséquence, le motif d’inopposabilité de la clause, tiré de l’imprécision de sa limitation dans l’espace, est infondé.

S’agissant du motif de nullité tenant au fait que la clause est également imprécise en ce qui concerne les activités prohibées, il est de principe que la clause de non-concurrence doit permettre au salarié d’exercer une activité conforme à sa formation et à son expérience professionnelle

En l’espèce, s’agissant du champs des activités proscrites, la clause est ainsi rédigée : ‘D’exercer, directement ou indirectement, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, gratuitement ou à titre onéreux, pour son propre compte ou celui d’un tiers, toutes activités susceptibles de concurrencer la société’.

Même si l’objet de cette clause de non-concurrence est très large quant aux actes de concurrence interdits au salarié, cette dernière n’avait toutefois vocation à s’appliquer que pendant une durée d’une année et dans un périmètre de 100 kilomètres autour du lieu de travail de ce dernier.

Au regard de la durée limitée dans le temps de la clause de non-concurrence et également de son champs d’application géographique bien défini, M. [H] [E] n’établit pas en quoi la clause de non-concurrence ne lui permettait pas d’exercer une activité conforme à sa formation et à son expérience professionnelle.

Ce dernier ne fournit d’ailleurs pas de détails et de pièces pertinents quant à cette formation et son expérience professionnelle.

Ainsi, le moyen du salarié, tiré de l’imprécision de l’activité proscrite, n’est pas fondé.

La clause de non-concurrence est donc licite et opposable au salarié. Le jugement est confirmé en ce qu’il dit que ladite clause est applicable. Les demandes du salarié tendant à voir dire nulle et inopposable la clause sont rejetées.

-3-Sur la demande de l’employeur de remboursement de la contrepartie financière versée

L’article 18 du contrat de travail prévoit : ‘En contrepartie de cette obligation de non-concurrence, M. [H] [E] percevra, après la cessation effective de ses fonctions et pendant toute la durée d’application de cette clause, une indemnité compensatrice de non-concurrence forfaitaire, d’un montant égal à 25 % de la rémunération moyenne mensuelle des 12 derniers mois, hors primes annuelles (…)Toute violation de ladite clause de non-concurrence entraînerait la suspension immédiate du versement de cette indemnité, sans préjudice des dommages-intérêts dont M. [H] [E] serait redevable au titre de la présente clause’.

Le salarié n’ayant pas respecté la clause de non-concurrence à compter du 13 mai 2020, laquelle est licite, il doit être privé du bénéfice de l’indemnité de non-concurrence durant la période où il a concurrencé de façon illicite son ancien employeur.

Ainsi, la société AST Groupe est fondée à solliciter le remboursement des indemnités de non-concurrence versées pendant toute la période où le salarié n’a pas respecté la clause de non-concurrence soit entre le 13 mai 2020 (date de la conclusion de son contrat d’agent commercial avec la société Provence Villas) et le 12 décembre 2020 (date d’expiration de l’application de la clause dans le temps).

Le salarié a indûment perçu les sommes suivantes : 330, 38 euros en mai 2020, 825, 95 euros x 5 en juin, août, septembre, octobre et novembre 2020, 319,72 euros en décembre 2020.

Ainsi, infirmant le jugement, la cour condamne M. [H] [E] à rembourser à la société AST Groupe la somme de 4 779,85 euros au titre de la contrepartie financière indûment versée.

4-Sur la demande de l’employeur en paiement du montant prévu par la clause pénale

L’article 1231-5 du code civil, dans sa version en vigueur depuis le 1er octobre 206, dispose : Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre.Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.Lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d’office, à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l’application de l’alinéa précédent.Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.

Sauf inexécution définitive, la pénalité n’est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.

L’article 18 du contrat de travail prévoit une clause pénale, libellée en ces termes : ‘En contrepartie de cette obligation de non-concurrence, M. [H] [E] percevra, après la cessation effective de ses fonctions et pendant toute la durée d’application de cette clause, une indemnité compensatrice de non-concurrence forfaitaire, d’un montant égal à 25 % de la rémunération moyenne mensuelle des 12 derniers mois, hors primes annuelles (…)Toute violation de ladite clause de non-concurrence entraînerait la suspension immédiate du versement de cette indemnité, sans préjudice des dommages-intérêts dont M. [H] [E] serait redevable au titre de la présente clause’.

En l’espèce, la clause de non-concurrence a été respectée pendant plusieurs mois par le salarié. De plus, l’employeur ne renseigne pas suffisamment précisément le préjudice subi du fait de la violation de la clause de non-concurrence par le salarié.

Une indemnité de 2 500 euros, mise à la charge du salarié, réparera suffisamment le préjudice subi et ce en exécution de la clause pénale.

Infirmant le jugement, la cour condamne M. [H] [E] à rembourser à

la société AST Groupe la somme de 2500 euros en exécution de la clause pénale.

Sur les intérêts

La condamnation du salarié au paiement d’une indemnité en exécution de la clause pénale (2500 euros) produira des intérêts à compter du présent arrêt, s’agissant d’une créance indemnitaire.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil.

Sur les frais du procès

En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, M. [H] [E] sera condamné aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 2000 euros.

M. [H] [E] est débouté de sa demande d’indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud’homale,

-confirme le jugement en ce qu’il rejette la demande de M. [H] [E] tendant à voir dire qu’il a respecté son obligation de non-concurrence et en ce qu’il dit que la clause de non-concurrence est applicable,

-infirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau,

– condamne M. [H] [E] à payer à la société AST Groupe :

4 779,85 euros outre intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation au salarié de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation (au titre du remboursement de la contrepartie financière indûment versée),

2500 euros outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt (en application de la clause pénale),

-ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,

-condamne M. [H] [E] à payer à la société Ast Groupe une somme de 2000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

-déboute M. [H] [E] de sa demande indemnité de procédure en application des dispositions de l’article 700 du code de Procédure civile.

– condamne M. [H] [E] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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