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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 56A
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 09 NOVEMBRE 2023
N° RG 21/00761 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UJR7
AFFAIRE :
S.A.S. FINANCIERE IMMOBILIERE BORDELAISE
C/
S.A.S. WERESO
S.E.L.A.S. BMA
…
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Janvier 2021 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre : 3
N° RG : 2019F00075
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Mélina PEDROLETTI
Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA
TC NANTERRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A.S. FINANCIERE IMMOBILIERE BORDELAISE
RCS Bordeaux n° 410 312 110
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentée par Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 et Me Patrick MAUBARET de la SCP MAUBARET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0614
APPELANTE
****************
S.A.S. WERESO
RCS Lille n° 798 031 357
[Adresse 1]
[Localité 9]
Représentée par Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 et Me Claude COHEN MIZRAHI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1295
INTIMEE
****************
S.E.L.A.R.L. EKIP ès-qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la SAS FINANCIERE IMMOLIERE BORDELAISE
[Adresse 5]
[Localité 6]
S.C.P. CBF ASSOCIES, prise en la personne de Me [B] [O], ès-qualités d’administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la SAS FINANCIÈRE IMMOBILIÈRE BORDELAISE
[Adresse 8]
[Localité 6]
S.E.L.A.R.L. AJ ASSOCIES prise en la personne de Me Franck MICHEL, administrateur judiciaire de la SAS FINANCIÈRE IMMOBILIÈRE BORDELAISE
[Adresse 11]
[Adresse 11]
S.E.L.A.R.L. FIRMA ès-qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la SAS FINANCIERE IMMOLIERE BORDELAISE
[Adresse 7]
[Localité 6]
Représentées par Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 et Me Patrick MAUBARET de la SCP MAUBARET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
S.E.L.A.S. MJS PARTNERS, pris en la personne de Me [S] [A], ès qualités de mandataire judiciaire de la société WERESO ayant fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire
[Adresse 10]
[Adresse 10]
S.E.L.A.S. BMA, pris en la personne de Me [I] [H], ès qualités d’administrateur judiciaire de la société WERESO ayant fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire
[Adresse 2]
[Localité 9]
Représentées par Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 et Me Claude COHEN MIZRAHI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1295
PARTIES INTERVENANTES
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 12 Septembre 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur François THOMAS, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur François THOMAS, Président,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,
EXPOSE DU LITIGE
La société Financière Immobilière Bordelaise (FIB) a une activité de conseil, marchand de biens et agence immobilière.
La société Wereso est une société spécialisée dans la mise en oeuvre et la gestion d’espaces de coworking.
Par un contrat de gestion signé le 31 juillet 2017, la société FIB a confié à la société Wereso un mandat de gestion sur des locaux sis [Adresse 3], dont la société FIB est locataire.
Ce contrat, entré en vigueur le 1er août 2017, était d’une durée de six ans renouvelable par tacite reconduction par période de 6 ans, sauf dénonciation par l’une des parties avec un préavis de six mois. Un business plan sur 5 ans est annexé au contrat de gestion.
Le 13 octobre 2017, la société FIB a immatriculé la société [Localité 12] Dervaux au RCS de Bordeaux, dédiée au suivi de l’exploitation des locaux précités.
La société Wereso indique qu’en juin 2018, la société FIB lui a adressé un projet de ‘protocole d’accord de résiliation’ aux termes duquel les parties convenaient de mettre fin au contrat de gestion et ce, à compter du 30 juin 2018, sans aucune indemnité pour l’une ou pour l’autre.
Par une lettre du 22 juin 2018, la société Wereso, alléguant que la société FIB ne l’avait pas mise en mesure de respecter les termes du Business Plan et constatant qu’elle résiliait unilatéralement le contrat de gestion, a indiqué qu’il y avait lieu d’appliquer l’article 5 du contrat prévoyant le versement d’une indemnité représentant deux années de rémunération basée sur le Business Plan, estimée à la somme minimum de 360.000 €.
Par lettre du 25 juin 2018, la société FIB a mis la société Wereso en demeure de mettre en oeuvre l’ensemble des moyens nécessaires à la parfaite exécution du mandat de gestion, indiquant ‘les présentes valant commandement d’exécuter’, et ajoutant qu’à défaut d’avoir remédié à ses carences dans le délai d’un mois, elle constaterait la résiliation de plein droit du contrat au 31 juillet 2017, et estimé le montant provisionnel de son préjudice à 4 millions €.
La société Wereso a contesté les griefs qui lui étaient imputés.
Le 28 août 2018, par lettre recommandée adressée à la société Wereso, la société FIB, alléguant sa ‘défaillance persistante’ dans l’exécution de ses engagements contractuels, a constaté ‘la résiliation à vos torts exclusifs du contrat de gestion du 31 juillet 2017 et ce depuis le 6 août dernier, conformément aux dispositions de l’article 5 alinéa 1′ et estimé le montant provisionnel de son préjudice à 4 millions €.
Le 12 octobre 2018, la société Wereso a adressé à la société FIB une facture d’un montant de 625.956 € HT soit 751.147,20 € TTC au titre de deux années de mandat de gestion, en application des dispositions de l’article 5 du contrat de gestion.
Par acte d’huissier en date du 13 décembre 2018, la société FIB a assigné la société Wereso devant le tribunal de commerce de Nanterre.
Par jugement du 7 janvier 2021, le tribunal de commerce de Nanterre a :
– débouté la société FIB de sa demande de condamnation de la société Wereso au paiement de la somme de 4.000.000 € à titre de dommages et intérêts,
– condamné la société FIB à payer à la société Wereso la somme de 751.147,20 € majorée des intérêts au taux légal à compter du 12 octobre 2018, avec anatocisme dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,
– débouté la société Wereso de sa demande de condamnation de la société FIB à une indemnité pour comportement déloyal,
– condamné la société Wereso à transmettre à la société FIB les documents suivants établis par la société Wereso dans le cadre des missions lui ayant incombées (sic) au titre du contrat de gestion du 31 juillet 2017 et réalisées dans les locaux sis [Adresse 3] :
/ un fichier FEC au 6 août 2018, date de la résiliation,
/ l’ensemble des contrats et des factures,
/ la copie de déclarations de TVA,
/ les contrats de travail, bulletins de salaires, journaux de paie, tableaux des charges sociales, contrat de retraite, contrat de prévoyance, contrat santé et justificatifs des DSN,
sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du 15ème jour calendaire de la signification du jugement,
– dit que le tribunal se réserve la liquidation de l’astreinte,
– dit que si les documents précités ne sont pas transmis par la société Wereso à la société FIB sous 30 jours calendaires à compter du 15ème jour de la signification du jugement, il y sera de nouveau fait droit (sic),
– condamné la société FIB à payer à la société Wereso la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire du jugement,
– Condamné la société FIB à supporter les dépens.
Par déclaration du 5 février 2021, la société FIB a interjeté appel du jugement.
Par jugement du 27 septembre 2021, le tribunal de commerce de Lille Métropole a prononcé le redressement judiciaire de la société Wereso, désignant la Selas BMA administrateur judiciaire et la Selas MJS Partner mandataire judiciaire, ces dernières intervenant volontairement à la présente instance.
Par ordonnance d’incident du 17 novembre 2022, le conseiller de la mise en état a :
– rejeté le moyen d’irrecevabilité soulevé par la société Wereso, la Selas BMA administrateurs judiciaires, ès qualités, et la Selas MJS Partners, ès qualités,
– débouté la société FIB de ses demandes d’expertise et de communication de pièces,
– condamné la société FIB aux dépens de l’incident,
– condamné la société FIB à payer à la société Wereso, à la Selas BMA administrateurs judiciaires, ès qualités, et à la Selas MJS Partners, ès qualités, la somme de 1.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 15 février 2023, le tribunal de commerce de Bordeaux a ordonné l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire de la société FIB, désignant comme administrateurs la SCP CBF & Associés et la AJ Associés, et mandataires les Selarl EKIP et FIRMA.
La société Wereso, ses mandataires et administrateurs judiciaires ont assigné le 22 mars 2023 en intervention forcée devant la cour les organes de la procédure collective de la société FIB.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 3 juillet 2023 d’appelante et intervenants forcés, la société FIB et les sociétés Ekip, Firma, CBF & Associés, et Aj associés demandent à la cour de :
– Infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a :
/ débouté la société FIB de sa demande de condamnation de la société Wereso au paiement de la somme de 4.000.000 € à titre de dommages et intérêts,
/ condamné la société FIB à payer à la société Wereso la somme de 751.147,20 € majorée des intérêts au taux légal à compter du 12 octobre 2018, avec anatocisme dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,
/ condamné la société FIB à payer à la société Wereso la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens,
– Débouter la société Wereso de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions dont celles objet de son appel incident,
– Ordonner la résiliation du contrat de gestion du 31 juillet 2017 aux torts exclusifs de la société Wereso, cette dernière n’ayant pas rempli ses obligations contractuelles,
– Confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a condamné la société Wereso à transmettre sous astreinte les documents suivants :
/ un fichier FEC à la date de résiliation,
/ l’ensemble des contrats et des factures,
/ la copie de déclarations de TVA,
/ tout document relatif au social (sic) : contrats de travail, bulletins de salaires, journaux de paie, tableau des charges sociales, contrat de retraite, contrat de prévoyance, contrat santé, justificatifs des DSN,
– condamner la société Wereso au paiement d’une indemnité de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel dont le montant sera employé en frais privilégiés de procédure collective,
A titre subsidiaire :
– ordonner avant dire droit une expertise, l’expert ayant pour mission de déterminer les prestations réalisées par la société Wereso sur le site entre le 1er août 2017 et le 31 août 2018, le nombre de salariés affectés, le personnel étant de la responsabilité du gestionnaire en vertu des dispositions prévues par l’article 2.2.1 du contrat (personnel compétent et spécialisé), les opérations réalisées sur cette période par la société Wereso de gestion commerciale, communication, marketing et marketing digital tel que prévu à l’article 1 du contrat et ses concrétisations effectives,
A défaut,
– réduire les honoraires et sommes revenant à la société Wereso au montant de celles perçues, soit 180.000 € et débouter pour le surplus.
Par dernières conclusions notifiées le 5 septembre 2023, la société Wereso, les sociétés BMA et MJS Partners, ès-qualités respectivement d’administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la société Wereso demandent à la cour de :
– recevoir en leur intervention la Selas BMA administrateurs judiciaires prise en la personne de Maître [I] [H], ès-qualités d’administrateur de Wereso SAS et la Selas MJS Partners représentée par Maître [S] [A], ès-qualités de mandataire judiciaire de Wereso SAS,
– les dire fondés et y faisant droit,
– ordonner la reprise de l’instance,
Statuant à nouveau :
In limine litis
– juger irrecevable et à défaut mal fondée la demande d’expertise judiciaire ;
– débouter la société FIB de sa demande de désignation d’expert ;
– juger irrecevable faute de déclaration de créance au passif de la société Wereso les demandes de la FIB représentée ès qualités par la Selarl Ekip, la Selarl Firma, la Scp CBF & Associés, la Selarl AJ Associés ;
– débouter la FIB représentée ès qualités par la Selarl Ekip, la Selarl Firma, la Scp CBF & Associés, la Selarl AJ Associés, de l’intégralité de ses demandes fins et conclusions ;
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– débouté la société FIB de sa demande de condamnation de Wereso à titre de dommages et intérêts ;
– condamné la société FIB à payer à la SAS Wereso la somme de 751.147,20 € majorée des intérêts au taux légal à compter du 12 octobre 2018, avec anatocisme dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil ;
– condamné la société FIB à payer à la SAS Wereso la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de première instance ;
Et en conséquence du redressement judiciaire de la société FIB :
– fixer la créance de la société Wereso au passif de la société FIB à la somme de 751.147,20 € majorée des intérêts au taux légal à compter du 12 octobre 2018, avec anatocisme dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil ;
– fixer la créance de la société Wereso au passif de la société FIB à la somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles résultant du premier jugement ainsi qu’aux dépens de ladite instance ;
– infirmer le jugement pour le surplus et y ajoutant :
– fixer la créance de la société Wereso au passif de la SAS FIB en réparation du préjudice subi par cette dernière, à lui payer la somme de 1,2 millions d’euros sur le fondement notamment des articles 1240 et suivants du code civil ;
– juger que toutes les condamnations seront capitalisées par application de l’article 1343-2 du code civil ;
– fixer la créance de la société Wereso au passif de la SAS FIB à la somme de 20.000 € en réparation de son préjudice moral ;
– fixer la créance de la société Wereso au passif de la SAS FIB à la somme de 15.000 € supplémentaire en appel au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Soit en définitive :
– fixer la créance de société Wereso au passif de la SAS FIB à la somme de 1.997.147,20 € en principal outre les intérêts et les frais ;
– ordonner l’emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 7 septembre 2023.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
Les interventions volontaires des Selas BMA et MJS Partners, ès qualités d’administrateur et de mandataire judiciaires de la société Wereso, et forcées des sociétés FIB, Ekip, Firma, CBF & Associés, et Aj associés, ès qualités d’administrateur et de mandataire judiciaires de la société FIB, seront déclarées recevables.
Sur l’irrecevabilité des demandes des appelants faute de déclaration de créances
Les intimées sollicitent que les demandes des appelantes soient déclarées irrecevables, la société FIB n’ayant pas procédé à une déclaration de créances au redressement judiciaire de la société Wereso.
Les appelantes ne répondent pas sur ce point.
*****
L’article L.622-26 du code de commerce prévoit notamment que
‘A défaut de déclaration dans les délais prévus à l’article L.622-24, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s’ils établissent que leur défaillance n’est pas due à leur fait ou qu’elle est due à une omission du débiteur lors de l’établissement de la liste prévue au deuxième alinéa de l’article L.622-6. Ils ne peuvent alors concourir que pour les distributions postérieures à leur demande.
Les créances et les sûretés non déclarées régulièrement dans ces délais sont inopposables au débiteur pendant l’exécution du plan et après cette exécution lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus. Dans les mêmes conditions, elles sont également inopposables aux personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie’.
En l’espèce, les appelants ne font pas état d’une déclaration de créances au passif de la société Wereso.
La créance qui n’a pas été déclarée dans le délai prescrit à l’article L.622-24 du code de commerce est inopposable au débiteur pendant l’exécution du plan, de sorte que le créancier n’est pas recevable à agir en paiement.
En conséquence, il ne peut être fait droit à toute demande de condamnation présentée par les appelants.
La cour constate que la société FIB ne présente pas de demandes de condamnation chiffrée à l’encontre de la société Wereso, demandes qui auraient été irrecevables.
Sur la demande d’expertise présentée à titre subsidiaire
Les appelantes indiquent, en cas de doute sur la légitimité de la résiliation du contrat de gestion du fait de la société Wereso, qu’il convient d’ordonner une expertise afin d’examiner les prestations intervenues entre le 1er août 2017 et le mois d’août 2018. Elles ajoutent que cette demande a pour objet de s’opposer au paiement des demandes de la société Wereso invoquant l’exception d’inexécution, et est recevable. Elles précisent, au regard de l’ordonnance du 17 novembre 2022, que l’expertise a pour objet d’identifier les prestations réalisées par la société Wereso au vu desquelles celle-ci sollicite plus de 2 millions d’euros de dommages-intérêts. Elles avancent que seule la société Wereso dispose des éléments relatifs aux prestations qu’elle déclare avoir réalisées.
Les intimées relèvent que la demande d’expertise a déjà été présentée devant le conseiller de la mise en état, qui n’a pas fait droit à la demande, laquelle est irrecevable et mal fondée. Elles soutiennent que cette demande est irrecevable comme nouvelle en appel, a pour seul objet de fonder la demande de la société FIB dont elle a été déboutée en première instance faute de justifier de ses allégations. Elles déclarent qu’une demande d’expertise n’est pas l’accessoire, le complément ou la conséquence des demandes de première instance. Elles indiquent que cette demande est irrecevable au visa de l’article 910- 4 du code de procédure civile, faute d’avoir été présentée dans les premières conclusions de l’appelante.
Elles ajoutent que les premiers juges ont pu rendre leur décision sans une telle mesure, qui a pour objet de démontrer que les reproches des appelants seraient légitimes. EIles relèvent que le site est exploité au travers de la filiale de la société FIB, de sorte que celle-ci a plein accès aux données de son activité. Elles affirment que la société FIB a toujours été en possession des documents utiles et notamment qu’elle a eu accès à tout le process de commercialisation, de marketing, de gestion de la société Wereso.
*****
La cour observe que la société FIB a présenté une même demande d’expertise devant le conseiller de la mise en état qui, par ordonnance du 17 novembre 2022, l’en a débouté, en rappelant les dispositions de l’article 146 du code de procédure civile, et que les premiers juges avaient pu statuer sans recourir à une telle mesure au vu de l’absence d’éléments de preuve de la demanderesse. L’ordonnance du 17 novembre 2022 a notamment relevé que la société FIB disposait d’un accès au système de gestion électronique de la société Wereso, de sorte qu’elle disposait de sources d’information relatives à l’exploitation des locaux, et donc aux prestations effectuées par la société Wereso durant l’exécution du contrat.
Cette décision n’a pas été déférée devant la cour.
Si les appelantes avancent que cette mesure d’expertise tend à permettre à la cour d’apprécier les prestations réalisées par la société Wereso, c’est à cette société qu’il revient de leur fournir les éléments en justifiant.
Le contrat prévoit notamment (article 1.3) s’agissant du contrôle de gestion, que le gestionnaire ‘autorisera le propriétaire à accéder au système de gestion électronique en temps réel’, ce qui permettait à la société FIB, les appelants n’ayant pas contesté l’effectivité de cet accès, d’être informée de l’exploitation des locaux.
En conséquence, et étant rappelé qu’une mesure d’instruction n’a pas vocation à suppléer la carence d’une partie dans l’administration de la preuve, il ne sera pas fait droit à cette demande.
Sur la demande principale
Les appelantes indiquent que la société Wereso, qui s’est présentée comme spécialiste dans la gestion des espaces de co-working, a failli dans l’exécution du contrat, le chiffre d’affaires réalisé représentant moins de 10 % du business plan, ce qui fondait la résiliation. EIles relèvent que la société Wereso ne publie pas ses bilans et n’a qu’un salarié, ce qui explique l’absence de résultats dans l’exécution du contrat. EIles dénoncent la carence opérationnelle de la société Wereso, son absence de force et ressources commerciales comme de stratégie marketing, l’absence de personnel révélant que la société Wereso a privilégié ses propres activités au détriment du développement du site. EIles identifient l’absence de stratégie de commercialisation, la mauvaise gestion des espaces et le sous-dimensionnement de l’équipe comme les causes de l’échec de la société Wereso, qui a néanmoins continué de percevoir sa rémunération. EIles indiquent que le gestionnaire a prétexté une résiliation unilatérale aux torts du propriétaire en invoquant des motifs fallacieux, les retards de livraison de meubles n’étant pas imputables à la société FIB, et les locaux pouvant être loués sans matériel de projection. EIles relèvent que la société FIB n’a jamais été informée de difficultés, de plaintes ou de dysfonctionnements du bâtiment, dont certaines parties ont été utilisées par la société Wereso sans l’accord de la société FIB. EIles ajoutent que la société FIB était fondée à louer des locaux ne relevant pas de l’espace confié à la société Wereso, qui a loué certains emplacements pour des activités n’entrant pas dans son périmètre.
EIles avancent que l’inexécution par la société Wereso de ses obligations justifie la résiliation du contrat à ses torts exclusifs, et que les prétendus griefs avancés par celle-ci ne sauraient justifier ses demandes.
Les intimées indiquent que la résolution unilatérale d’un contrat doit respecter des formes et être motivée par un manquement suffisamment grave, dont la charge de la preuve incombe au demandeur, qui n’en justifie pas. EIles rappellent que la société FIB a d’abord adressé un protocole de résiliation du contrat pour non-respect des objectifs, avant de prononcer, devant le refus de la société Wereso d’une résiliation sans indemnité, une résiliation prétendument fautive.
EIles analysent les obligations contractuelles incombant à la société Wereso, et relèvent que la commercialisation des locaux a été gênée par le défaut de commande des équipements permettant leur exploitation. EIles ajoutent que la gestion des différents niveaux de l’immeuble a été récupérée progressivement par la société FIB, qui avait créé la société [Localité 12] Dervaux pour exécuter le contrat de gestion. EIles font état des réclamations de la société Wereso dont la société FIB n’a pas tenu compte, du retard dans l’équipement des locaux, les meubles n’ayant été livrés qu’à compter de décembre 2017, que presque aucun des devis d’aménagement n’a été validé par la société FIB, ce qui a impacté directement la commercialisation des locaux. EIles font état des démarches et efforts entrepris par la société Wereso pour communiquer et commercialiser le lieu, et de l’immixtion de la société FIB dans sa gestion. Elles relèvent que le business plan annexé au contrat a été dressé avant la livraison des locaux, que les chiffres d’affaires envisagés dépendaient de la réalisation des investissements, dont certains n’étaient pas encore validés en mars 2018 et correspondaient à une exploitation de l’intégralité des surfaces, ce qui empêchait de réaliser les chiffres prévus.
EIles dénoncent la résiliation unilatérale du contrat par la société FIB, par la tentative d’envoi d’un protocole d’accord de résiliation puis par une mise en demeure d’exécuter le mandat de gestion, dont les griefs ont été fermement contestés par la société Wereso, et enfin par une lettre de résiliation dénuée de motif légitime. EIles contestent les arguments des appelantes, expliquent que la résiliation unilatérale du contrat a porté atteinte à la santé financière de la société Wereso, qui a ensuite subi la crise du covid.
EIles sollicitent l’infirmation du jugement quant à la demande de communication de pièces qui auraient, selon la société Wereso, toujours été en possession de la société FIB.
*****
L’article 1226 du code civil prévoit que
‘le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.
La mise en demeure mentionne expressément qu’à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.
Lorsque l’inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.
Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l’inexécution’.
Présentation du contrat
Selon le contrat de gestion conclu le 31 juillet 2017 la société FIB met à la disposition de la société Wereso des locaux dont elle est propriétaire de l’exploitation, au [Adresse 3] à [Localité 12].
La cour observe que les locaux concernés par cette mise à disposition devaient être présentés par un plan joint en annexe, qu’aucune des parties ne fournit.
Le contrat prévoit que la société Wereso propose un service de domiciliation, de conciergerie d’entreprises et d’organisation d’événements, et que les espaces de l’immeuble non compris dans le périmètre du mandat pourront être confiés par le propriétaire à d’autres gestionnaires exploitants afin de proposer diverses prestations.
La société Wereso doit prendre pour le compte de la société FIB les mesures nécessaires pour l’exploitation des locaux et peut négocier, signer, faire appliquer les baux, licences et conventions d’occupation.
Ses différentes missions sont :
– au niveau commercial, la définition de la stratégie commerciale et notamment la définition de la cible clients, la conception et la réalisation de la charte éditoriale pour la communication sur internet et les réseaux sociaux, l’établissement du budget annuel, l’entretien des contacts avec les principaux clients et fournisseurs, le suivi des objectifs de vente, de production et de résultat.
– s’agissant du contrôle de gestion, l’établissement des plans financiers prévisionnels, des budgets et prévisions, la tenue de la comptabilité.
– au niveau de la gestion du personnel, le recrutement du personnel, les actions de promotions auprès des candidats, la définition de la grille de rémunération ; la gestion du personnel, soit la définition de la politique salariale, la gestion des contrats de travail et de la formation.
– s’agissant de la communication, la détermination des supports et messages, la communication interne, l’organisation d’événements notamment publicitaires, la mise en place de rencontres Business et experts, le développement de partenariats avec des institutionnels et influenceurs.
– en matière de marketing, la définition de l’offre de services, la veille de la concurrence, la définition de la grille tarifaire et des ‘uvres promotionnelles ; en matière de marketing digital, la définition du cahier des charges du site internet, la sélection du gestionnaire et la négociation du budget, le suivi de la création, l’optimisation du référencement, la stratégie réseaux sociaux, la mise à jour des équipements informatiques et systèmes de gestion.
S’agissant de l’équipement, la société Wereso doit, au nom et pour le compte de la société FIB :
– sélectionner les fournisseurs, procéder à l’achat ou la location de tout mobilier, aménagement, équipement, fournitures d’exploitation et autres nécessaires à l’exploitation,
– négocier, signer et faire appliquer les baux, licences et conventions d’occupation,
– superviser les travaux d’entretien et de réparation, examiner les besoins, proposer les programmes éventuels d’intervention, de remplacement’
La société Wereso veille à la bonne utilisation et à l’entretien des locaux, s’engage à faire appel en priorité et à toujours interroger les entreprises du propriétaire dans ces domaines.
Le contrat prévoit une rémunération pour la société Wereso constituée d’un honoraire fixe garanti (15.000 € HT / mois), d’honoraires variables et d’honoraires de résultat.
Le contrat est prévu pour une première période de six années commençant au 1er août 2017.
Son article 5 prévoit, au titre des modalités de résiliation, qu’à défaut pour l’une des parties d’exécuter ses obligations contractuelles le contrat sera résilié de plein droit un mois après un commandement de payer ou d’exécuter resté sans effet.
Il précise, en cas de résiliation unilatérale du propriétaire, que celui-ci verse une indemnité représentant deux années de rémunération.
Il ajoute, en cas de résiliation pour non atteinte des objectifs définis au business plan, qu’alors le propriétaire peut aussi résilier le contrat, à l’issue de la 2ème année pleine d’exploitation, si les résultats sont inférieurs de 20 % au business plan.
Le contrat contient un business plan faisant partie intégrante dudit contrat.
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La société FIB indique avoir été contrainte, le gestionnaire ayant failli dans ses obligations, à lui notifier après une mise en demeure la résiliation du contrat par courrier du 28 août 2018 pour non atteinte des objectifs définis au business plan.
Elle fait état d’une lettre qu’elle a adressée à la société Wereso le 25 juin 2018 la mettant en demeure, dans le délai d’un mois, de remplir ses engagements contractuels ; elle a ensuite, par lettre du 28 août 2018 rappelant la mise en demeure du 25 juin, constaté la résiliation du contrat depuis le 6 août 2018.
Les intimées indiquent pour leur part qu’en juin 2018, la société FIB a fait parvenir à la société Wereso un ‘protocole d’accord de résiliation’, signé par aucune des parties, aux termes duquel il était mis fin au ‘contrat sans indemnité de part ni d’autre’.
Elles produisent un courriel de M. [G] [X] du 19 juin 2018 adressé au gérant de la société Wereso ayant pour objet ‘important : passation Wereso / Winn’, indiquant notamment :
‘comme tu le sais FIB m’a demandé d’assurer la continuité du projet. …
Enfin, FIB m’informe qu’ils n’ont toujours pas eu de retour de ta part suite à l’envoi du protocole d’accord convenu avec [K]. …’.
M. [X] signe ce courriel comme responsable des opérations du site Work’Inn domicilié au [Adresse 3], avec signature électronique ‘@work-inn.com’, soit la marque de l’exploitation du site en cause, ce qui établit la réalité de la transmission par la société FIB de ce protocole d’accord.
Du reste, la société Wereso a expressément, dans un courrier du 22 juin 2018 adressé à la société FIB, fait état de ce ‘protocole d’accord de résiliation’, que n’a pas contesté la société FIB dans son courrier de mise en demeure du 25 juin suivant.
Ainsi, contrairement à ses dires, la société FIB a tenté obtenir la signature d’un protocole de résiliation, avant d’adresser le courrier de mise en demeure du 25 juin 2018.
Parmi les griefs invoqués par les appelantes, l’absence de publication de ses bilans par la société Wereso ne peut être invoquée utilement pour justifier de ses manquements dans l’exécution du contrat.
S’agissant du grief de manquement dans l’aspect opérationnel, les appelantes reprochent à la société Wereso un personnel insuffisant et un défaut de savoir-faire.
La cour observe qu’elles ne visent pas de pièces au soutien de ce grief, que les échanges de courriels entre les parties ne contiennent pas de reproche à ce titre avant le courrier du 25 juin 2018 de la société FIB mettant en demeure la société Wereso de respecter ses engagements, mais qui ne peut constituer une preuve suffisante, nul ne pouvant établir de preuve à soi-même, et au vu du moment de son envoi.
Alors que les appelantes relèvent que la société Wereso n’avait qu’un seul salarié, les intimées soutiennent pour leur part que Mme [P], responsable du site Wereso Châtelet, avait été détachée à [Localité 12] pour le début de son activité, et que deux collaborateurs avaient été recrutés pour ce site, Mme [F] et M. [D]. Celui-ci atteste notamment avoir démarré le 2 octobre 2017 l’exploitation de l’immeuble d'[Localité 12], lui ayant été embauché comme manager et Mme [F] comme animatrice, et avoir été présenté à M. [X] représentant la société FIB.
Les intimées justifient également avoir embauché le 25 septembre 2017 M. [U] [J] en tant que directeur commercial marketing et communication, et celui-ci est le signataire de nombreux courriels à l’égard des contacts et prospects liés à la commercialisation des locaux. Elles font aussi état de l’embauche d’une responsable de communication, Mme [E], à compter du 5 mars 2018, laquelle était missionnée principalement sur le site d'[Localité 12].
Le fait que M. [N], dirigeant de la société Wereso, n’ait pu être présent lors de deux visites du site par des clients potentiels ne peut suffire à établir le sous-dimensionnement de l’équipe dédiée à l’exploitation des locaux d'[Localité 12], une des visites intervenant lors d’une période de vacances, et l’intéressé expliquant s’agissant de l’autre visite ‘toute l’équipe sera au rdv. Je suivrai à distance de [Localité 13]” de sorte que malgré cette absence, la société Wereso était représentée lors de ce rendez-vous.
Le départ de M. [D] pour un autre site, ‘au cours de l’été 2018’ selon les appelantes, n’est pas établi par les pièces qu’elles produisent, et ce départ, à le supposer avéré, ne pourrait caractériser un manquement de la société Wereso à ses obligations fondant la résiliation, alors que la société FIB a daté la résiliation au 6 août 2018.
Aussi, les appelantes ne justifient pas, par les pièces qu’elles produisent, de la réalité de ce grief, ni qu’il serait à l’origine des difficultés rencontrées.
S’agissant de la gestion commerciale, il est reproché à la société Wereso de n’avoir pas disposé de force commerciale permettant la réalisation du business plan, de n’avoir pas mis en ‘uvre de stratégies de commercialisation ingénieuses permettant de s’adresser à la clientèle ciblée, l’absence de stratégie marketing ou d’organisation d’événements promotionnels.
Aucune pièce des appelantes n’y fait référence, hormis les courriers de la société FIB de mise en demeure du 25 juin 2018 et de résiliation du 26 août 2018.
Les intimées justifient d’une réflexion menée en interne de la société Wereso en octobre 2017 sur la commercialisation du site d'[Localité 12], avec définition d’un plan d’action et identification des clients et prospects. De même un contrat avec un apporteur d’affaires en septembre 2017 a permis la signature d’un contrat avec un client, Freeze Publishing, le 2 octobre 2017.
Il est justifié par les intimées d’une démarche en octobre 2017 à destination de la mairie d'[Localité 12] pour l’implantation de son incubateur, de démarches et de présentations auprès de clients potentiels, d’un contrat de référencement Web, d’un contrat de partenariat avec la société ‘se domicilier’ afin de développer la domiciliation d’entreprises, d’un projet de partenariat avec la CCI de Paris… une campagne Google Adwords a été entreprise en octobre 2017, une campagne d’affichage publicitaire a aussi été lancée, des liens avec des interlocuteurs institutionnels (ainsi, le [Localité 12] Business Club, la mairie) existaient.
Aussi il apparaît que ce grief n’est pas davantage constitué.
La société Wereso a adressé le 26 octobre 2017 à la société FIB un point sur l’activité du site, présentant notamment le chiffre d’affaires, la stratégie commerciale, les partenariats envisagés.
Elle a adressé un autre point d’activité le 29 mars 2018, abordant les différents points d’importance, et identifiant notamment les freins à la mise en ‘uvre pour indiquer en synthèse que le retard sur le plan initial devrait être rattrapé dans la durée, et proposant une révision du prévisionnel de chiffre d’affaires sur 12 mois.
Les intimées font état d’une immixtion de la société FIB dans l’activité commerciale de la société Wereso, notamment sur le choix des partenaires commerciaux. Si elles citent une intervention de la société FIB, afin de satisfaire une demande de la mairie d'[Localité 12] et de décommander un événement d’un partenaire, il ressort du courriel de M. [X] que sur l’événement annulé ‘on ne gagne pas vraiment d’argent’, de sorte que cette immixtion ne peut être à l’origine d’une faiblesse des résultats d’exploitation du site. Il en est de même de l’indication faite par la société FIB en janvier 2018 de ‘vous appuyer et vous accompagner avec professionnalisme dans notre projet commun de coworking’, avec identification de deux correspondants.
Si les intimées avancent que la société FIB a pris en charge plusieurs niveaux en gestion, la cour observe que l’annexe du contrat de gestion correspondant au plan des locaux n’est pas produite. Par ailleurs, l’article 1er dudit contrat indique notamment ‘les espaces de l’immeuble sis [Adresse 3] non compris dans le périmètre du présent mandat de gestion pourront être confiés par le propriétaire à d’autres gestionnaires ou exploitants afin de proposer notamment les prestations suivantes : restauration ; salle de sport ; espaces ludiques, parkings’ (ci-après dénommées ‘les prestations connexes’).
Il est expressément convenu que les prestations connexes à venir et/ou existantes, sont exclues du présent mandat’.
Dès lors l’exclusion de certains étages de la gestion par la société Wereso ne peut caractériser un comportement fautif retenu à l’encontre de la société FIB, bien que la réduction du périmètre d’exploitation des locaux par la société Wereso a des conséquences directes sur les résultats obtenus par la société Wereso, et donc la réalisation du business plan.
La location d’une salle à une association cultuelle ne peut, en l’absence de pièces l’illustrant et de contre-indications contractuelles, caractériser une faute grave de la société Wereso dans la gestion des locaux, comme le fait qu’à une occasion, la cuisine commune ait été utilisée et laissée dans un état de grande saleté par un locataire.
S’agissant du business plan annexé au contrat de location, la société FIB souligne la différence importante entre les prévisions et les résultats, puisque le chiffre d’affaires qui y était prévu à la fin de la 1ère année d’exercice était de 1.709.512 €, et que le chiffre d’affaires réalisé lors de cet exercice serait de 101.750 €.
Cependant, les intimées ne sont pas contestées lorsqu’elles affirment que ces données ont été arrêtées à l’avance, et déterminées au vu de l’exploitation de la surface totale des locaux, alors que la société Wereso ne s’est pas vue confier l’exploitation de l’entière surface du bâtiment. Il en est de même de l’affirmation des intimées selon laquelle plusieurs niveaux n’étaient pas aménagés en septembre 2017.
Par ailleurs, les intimées font état de retards dans l’équipement des locaux.
Il ressort des courriels produits que la société Wereso s’est, à la mi-novembre 2017, inquiétée de la fourniture du matériel informatique, auprès de la société la société FIB, qui lui répondait que les matériels devraient être prochainement livrés. Il en était de même des commandes de rétroprojecteurs et d’écrans TV, de sorte que ces matériels, nécessaires à l’exploitation n’étaient pas livrés à ce moment.
Les locaux n’avaient pas reçu le matériel Ricoh (écrans, vidéoprojecteurs) le 26 mars 2018.
Du reste, l’examen de la situation réalisée fin mars 2018 par la société Wereso faisait état de ces retards (livraison partielle novembre, solde de livraison en décembre), et notamment que les imprimantes avaient été livrées en mars (2018).
Les appelantes ne contestent pas l’existence de ces retards mais soutiennent qu’il appartenait contractuellement à la société Wereso de s’occuper directement de l’achat et la location des mobiliers et aménagements. Cependant, les échanges de mails montrent que les commandes étaient passées et suivies, les virements assurés, par la société FIB. Dans ces conditions, le retard dans l’équipement des locaux ne peut être reproché à la société Wereso, alors qu’il a eu un impact direct sur l’exploitation des locaux et que le chiffre d’affaires prévu s’en est ressenti.
Au vu de ce qui précède, et malgré le fait que les résultats obtenus aient été très inférieurs aux prévisions, la faute de la société Wereso dans l’accomplissement de ses missions prévues par le contrat de gestion n’est pas à suffisance établie par les appelants.
En conséquence c’est à tort que la société FIB a constaté la résiliation du contrat du 31 juillet 2017 aux torts exclusifs de la société Wereso.
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La résiliation de plein droit pour défaut d’exécution par l’une des parties de ses obligations contractuelles étant écartée, le contrat prévoit (article 5) la résiliation unilatérale du propriétaire, celui-ci s’obligeant alors au versement au gestionnaire d’une indemnité représentant deux années de rémunération, ou la résiliation pour non atteinte des objectifs définis au business plan.
Cependant, cette dernière résiliation n’est envisagée qu’ ‘à l’issue de la 2ème année pleine d’exploitation’, alors qu’en l’occurrence la résiliation est intervenue avant, de sorte que cette hypothèse de résiliation ne peut être retenue, un an seulement après la conclusion du contrat.
Sur la demande en réparation du préjudice de la société Wereso
Les appelantes indiquent qu’en cas de résiliation fautive, le préjudice est constitué de la perte de marge, et qu’en l’espèce la société Wereso ne verse aucun élément pour déterminer le montant de sa marge. Elles sollicitent la réduction des honoraires, ceux-ci étant excessifs car le mandataire n’a réalisé que de façon très parcellaire les prestations convenues, et proposent de les réduire au montant perçu par la société Wereso, soit 180.000 €.
Les intimées demandent la condamnation de la société FIB au paiement de l’indemnité de rupture prévue au contrat, et font état de l’article 5 prévoyant une indemnité de deux années de rémunération telle que déterminée à l’article 3, qui prévoit outre un honoraire fixe, un honoraire de résultat et un honoraire variable. Elles demandent confirmation du jugement en ce qu’il a condamné la société FIB au paiement de 751.147,20 € TTC.
Elles sollicitent également sa condamnation au paiement de dommages-intérêts pour comportement déloyal, dénonçant l’attitude de la société FIB qui a entraîné des retards, les locaux n’ayant été totalement équipés qu’en mars 2018. Elles relèvent le comportement parasitaire de la société FIB, qui a spolié les compétences et connaissances de la société Wereso à son seul profit, et qui a profité de ses investissements.
Elles demandent aussi réparation au titre du préjudice moral.
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Comme indiqué précédemment, l’article 5 du contrat prévoit notamment qu’en cas de résiliation unilatérale par le propriétaire, de façon anticipée, celui-ci ‘s’oblige à verser, afin de compenser le préjudice subi par le gestionnaire du fait de la résiliation anticipée une indemnité représentant deux années de rémunérations telles que déterminées à l’article 3 des présentes et basée sur les données du business plan défini à l’article 6’.
L’article 3 consacré aux honoraires prévoit que le gestionnaire perçoit une rémunération comme suit :
– ‘Honoraires variables : le gestionnaire percevra une rémunération HT fixée à 2,5 % du chiffre d’affaires HT.
– Honoraires résultat : lorsque le RBE aura atteint 35 % du CA, le gestionnaire aura droit à un honoraire HT de résultat égal à 8,5% du RBE (revenus pour une exploitation).
– Honoraires fixes garantis : une rémunération mensuelle fixée à 15.000 € HT… sera réglée au gestionnaire à titre d’acompte à déduire le cas échéant de l’honoraire variable et de l’honoraire de résultat dus au titre de la même période’.
La société Wereso a adressé le 12 octobre 2018 une facture F.18.10.01 au titre du ‘mandat de gestion N+1 et N+2 selon art. 5 de la convention’ de 625.956 € HT, soit 751.147,20 € TTC.
Le business plan prévoit au titre de la rémunération du mandat de gestion, 180.000 € la 1ère année, 272.941 € la 2ème année, et 353.015 € la 3ème année ; l’indemnisation de 625.956 € HT, soit 751.147,20 € TTC, obtenue en 1ère instance, correspond à la somme des 2ème et 3ème années.
Aussi, s’agissant d’une stricte application des dispositions contractuelles convenues entre les parties, cette condamnation sera confirmée.
S’agissant de la demande présentée au titre du parasitisme, il sera rappelé que celui-ci requiert la circonstance qu’une personne morale ou physique s’inspire ou copie, à titre lucratif et de manière injustifiée, une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements. Il consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre en profitant indûment de la notoriété acquise ou des investissements réalisés.
Si les intimées dénoncent le comportement parasitaire de la société FIB, elles ne justifient ni du détournement de savoir-faire commis par la société FIB, ni des investissements engagés par la société Wereso dont la société FIB aurait profité en les récupérant indûment à son profit.
La société Wereso ne justifiant pas de ses pertes ou de son manque à gagner, elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour comportement déloyal, le jugement étant confirmé sur ce point.
Il sera aussi confirmé en ce qu’il a débouté la société Wereso de sa demande en réparation du préjudice moral.
Sur les autres demandes
Au vu de la teneur de la décision, le jugement sera infirmé en ce qu’il a ordonné la communication de certaines pièces, qui n’apparaît pas nécessaire.
Le jugement sera confirmé s’agissant de la condamnation de la société FIB au paiement des frais irrépétibles et dépens de première instance.
Succombant au principal, les appelantes verront les dépens d’appel mise à la charge de la société FIB, comme les frais irrépétibles qu’elle supportera à hauteur de 5.000 €, au profit de la société Wereso.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statutant par arrêt contradictoire,
Déclare recevables les interventions des Selas BMA et MJS Partners, ès qualités d’administrateur et de mandataire judiciaires de la société Wereso, et des sociétés FIB, Ekip, Firma, CBF & Associés, et Aj associés, ès qualités d’administrateur et de mandataire judiciaires de la société FIB,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf s’agissant de la communication de pièces, et sauf à fixer la créance de la société Wereso au passif de la société FIB,
Statuant à nouveau,
Fixe la créance de la société Wereso au passif de la société FIB à la somme de 751.147,20 € majorée des intérêts au taux légal à compter du 12 octobre 2018, avec anatocisme dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,
Fixe la créance de la société Wereso au passif de la société FIB à la somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles résultant du jugement ainsi qu’aux dépens de 1ère instance,
Rejette toute autre demande,
y ajoutant,
Fixe la créance de la société Wereso au passif de la société FIB à la somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles au titre de l’appel, outre les dépens engagés en appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,