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N° RG 22/08159 – N° Portalis DBVX-V-B7G-OU5E
Décision du Tribunal de Commerce de BOURG EN BRESSE en référé du 21 novembre 2022
RG : 2022/06114
[N]
C/
S.A.S. SAS JULIAND
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRÊT DU 15 Novembre 2023
APPELANTE :
Mme [H] [N]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475
Ayant pour avocat plaidant Me Martine VELLY, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
SAS JULIAND, Société par actions simplifiée au capital de 203 200,00 € immatriculée au RCS de BOURG-EN-BRESSE sous le n° 805 273 083 dont le siège social est [Adresse 2]
Représentée par Me Johan GUIOL, avocat au barreau de LYON, toque : 2450
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 03 Octobre 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 03 Octobre 2023
Date de mise à disposition : 15 Novembre 2023
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Bénédicte BOISSELET, président
– Véronique MASSON-BESSOU, conseiller
– Véronique DRAHI, conseiller
assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier
A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
Exposé du litige
La société Juliand est une société exerçant une activité de marchand de biens.
[H] [N] exerce une activité d’agent immobilier dans le cadre de l’entreprise SAFTI.
Depuis plusieurs années, la société Juliand et [H] [N] sont en contact à raison de leurs activités professionnelles respectives.
Au cours de l’année 2020, un mandat écrit a été régularisé entre l’entreprise SAFTI, représentée par [H] [N], agent commercial, et la société Julian, relatif à une opération immobilière, mandat au titre duquel une commission a été versée par la société Juliand.
En date du 25 août 2022, [H] [N] a assigné la société Juliand devant le juge des référés du Tribunal de commerce de Bourg en Bresse, au visa des articles 872 et 873 du Code de procédure civile, aux fins d’obtenir au principal sa condamnation provisionnelle à lui payer la somme de 10 000 €, outre intérêts, au titre d’une prestation qu’elle avait exécutée.
Elle faisait valoir notamment qu’un virement de 10 000 € avait été opéré à son bénéfice à ce titre le 28 avril 2022 par la société Julian, mais que ce virement avait été par la suite annulé.
En défense, la société Juliand a soulevé in limine litis l’incompétence du juge des référés et à titre subsidiaire sollicité le rejet de la demande de provision, et en tout état de cause des dommages et intérêts pour procédure abusive.
Par ordonnance du 21 novembre 2022, le juge des référés du Tribunal de commerce de Bourg en Bresse a :
Constaté que les demandes de [H] [N] ne caractérisent pas une situation d’urgence et se heurtent à des contestations sérieuses.
En conséquence,
S’est déclaré incompétent pour connaitre du présent litige et renvoyé [H] [N] à mieux se pourvoir ;
Débouté la société Juliand de sa demande de dommages-intérêts ;
Condamné [H] [N] au paiement de la somme 2 000 € à la société Juliand au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Rejeté toutes autres demandes ;
Condamné [H] [N] aux dépens de l’instance.
Le juge des référés a retenu en substance, in limine litis et au visa des articles 872 et 873 du Code de procédure civile, qu’il était incompétent pour statuer sur la demande de [H] [N], aux motifs :
que [H] [N] ne produit aucun élément permettant de caractériser que sa situation présente un caractère d’urgence ;
que sa demande se heurte à une contestation sérieuse que seul le juge du fond peut trancher, dès lors qu’elle ne détient aucun mandat écrit, qu’elle prétend qu’en matière commerciale la preuve est libre alors que de son côté, la société Juliand soutient que l’apporteur d’affaires est soumis aux dispositions de la loi Hoguet et donc au mandat écrit obligatoire ;
que sa demande se heurte également à une contestation sérieuse, en ce qu’elle présente à l’appui de sa demande une facture qui ne correspond pas aux conditions de la prestation dont elle fait état.
Par acte régularisé par RPVA le 7 décembre 2022, [H] [N] a interjeté appel de l’intégralité des chefs de décision figurant au dispositif de l’ordonnance de référé du 21 novembre 2022, dont elle a repris les termes dans sa déclaration d’appel, à l’exception du chef de décision relatif au rejet de la demande de dommages et intérêts de la société Juliand pour procédure abusive.
Aux termes de ses dernières écritures, régularisées par RPVA le 27 septembre 2023, [H] [N] demande à la Cour de :
Vu les articles 872 et 873 du Code de procédure civile, 1109 du Code civil, L110 -3 et
L 441-9 du Code de commerce et L 113-6 et suivants du Code monétaire et financier,
Débouter la société Juliand de son appel incident,
Réformer la décision rendue par le tribunal de commerce de Bourg en Bresse le 21 novembre 2022 en ce qu’elle a retenu l’existence d’une contestation sérieuse, retenu que [H] [N] ne rapportait pas la preuve de l’urgence, débouté [H] [N] de sa demande tendant à voir obtenir la condamnation de la société Juliand à lui régler une somme de 10 000 €, condamné [H] [N] à verser à la société Juliand une somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
Statuant à nouveau :
Dire qu’il n’existe aucune contestation sérieuse,
Dire qu’il existe une situation d’urgence,
Condamner la société Juliand à titre provisionnel au règlement d’une somme de 10 000 € outre intérêts de droit au jour de l’assignation,
Condamner la société Juliand au paiement d’une somme de 2 500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance.
L’appelante expose :
qu’en sa qualité de conseillère immobilière de l’entreprise SAFTI, elle a été approchée par le dirigeant de la société Juliand, qui cherchait un terrain pouvant faire l’objet d’une division et que dans ce contexte, a été signé le 11 février 2020 un mandat de recherche, entre l’entreprise SAFTI et la société Juliand concernant la recherche d’un terrain constructible, sur lequel cette dernière envisageait de faire 4 lots ;
qu’une facture de 20 000 € TTC a été établie le 18 février 2022 par l’entreprise SAFTI, consécutivement à l’achat par la société Juliand d’un terrain appartenant aux consorts [O] ;
que dans la vente à construire, il est d’usage que la personne qui a réalisé la vente à la suite du mandat de recherche commercialise les lots effectués par l’acquéreur du terrain, mais que dans ce cas précis, l’entreprise souhaitant le faire elle-même, il a alors été prévu un contrat qualifié d’apporteur d’affaires, pour l’indemniser de cette perte de revenu, aux termes duquel elle devait recevoir une somme forfaitaire de 2 500 € par lot vendu, la facturation et le paiement devant intervenir à l’issue de la vente du 4ème lot ;
que le 31 mars 2022, elle a donc envoyé sa facture à la société Julian, sur ses indication, que celle-ci a approuvé par SMS et honoré en procédant le 28 avril 2022 à un virement d’un montant de 10 000 € à son profit, mais que le virement a par la suite été annulé le 4 mai 2022, raison pour laquelle elle a assigné la société Juliand afin d’obtenir le paiement de ce qui lui était dû.
[H] [N] soutient principalement que le juge des référés avait bien compétence pour statuer sur sa demande et y faire droit.
Elle fait valoir en premier lieu et au visa des articles 872 et 873 du Code de procédure civile, qu’il n’existait aucune contestation sérieuse à sa demande de provision, en ce que :
le virement effectué par la société Juliand correspondait à la somme qui lui était demandée dans la facture, facture que la société Juliand n’a pas contestée lors de son courriel pas plus qu’elle n’a contesté avoir passé le contrat litigieux avec elle, outre que la société Juliand ne démontre pas qu’il s’agit d’une erreur de la banque ;
qu’un virement, qui ne peut être effectué sans l’accord du payeur, peut s’assimiler à la remise d’un chèque, laquelle est irrévocable, au sens des articles L 113-6 et L 113-7 du Code monétaire et financier ;
qu’en l’espèce, il existe une parfaite connexité entre le virement effectué et la facture qu’elle a éditée et d’autre part les échanges de messages téléphoniques avec [H] [U], compagne et commerciale de [D] [F], l’annonce du virement par cette dernière étant sans ambiguïté sur l’existence de la relation d’affaire et de la créance ;
Rappelant qu’entre commerçants, la preuve est libre, l’appelante ajoute rapporter la preuve d’une relation d’affaires avec la société Juliand, faisant valoir :
qu’il ressort incontestablement des échanges et messages téléphoniques entre elle même, [H] [U] et [D] [F], qu’il existait une relation d’affaires entre les parties, étant observé que la théorie du mandat apparent peut être retenue concernant [H] [U] ;
que cette relation d’affaires est corroborée dans son principe et sa rémunération par l’attestation circonstanciée de Monsieur [V] qu’elle verse aux débats ;
que c’est à tort que le premier juge n’a pas pris en compte l’importance de l’existence du virement préalable et contrepassé, ni les échanges de messages entre elle-même et [H] [U] sur la facturation à effectuer.
En second lieu, l’appelante soutient que, contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, l’urgence était amplement caractérisée, alors que :
l’ensemble des dispositions législatives, impose des délais de règlement brefs ;
qu’ayant eu la somme sur son compte le 28 avril, contrepassée 11 jours plus tard, elle avait budgétisé cette somme dans son actif de trésorerie, la contrepassation de l’écriture et la situation créée est en elle-même étant bien constitutive d’une situation d’urgence ;
que sa situation, comme toutes les entreprises, étant fragilisée par la crise sanitaire, il lui était très difficile de supporter une perte immédiate de 10 000 €.
L’appelante indique enfin :
qu’en raison de l’équité, il n’était pas justifié de la condamner en première instance à payer la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles ;
que la demande de condamnation pour procédure abusive faite par la société Juliand doit être rejetée, alors que la procédure d’appel, n’est pas en soit constitutive d’une procédure abusive et qu’il n’est pas démontré par la société Juliand en quoi la procédure qu’elle a diligentée en appel relève de l’abus.
Aux termes de ses dernières écritures, régularisées par RPVA le 15 septembre 2023, la société Juliand demande à la Cour de :
Vu les articles 9, 73 et suivants, 872 et suivants du Code de procédure civile, les articles L. 721-3 et L. 441-9 du Code de commerce, la loi n°70-9 du 2 janvier 1970, le décret n°72-678 du 20 juillet 1972, les articles 1353, 1342 et 1305-2 du Code civil,
Déclarer recevable et bien fondé l’appel incident formé par la société Juliand,
Infirmer l’ordonnance de référé du 21 novembre 2022 uniquement en ce qu’elle a débouté la société Juliand de sa demande de dommages et intérêts,
La confirmer pour le surplus, et, statuant à nouveau :
Condamner [H] [N] à lui payer une somme de 1 500 € au titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
Débouter [H] [N] de l’intégralité de ses demandes fins et prétentions,
Condamner [H] [N] au règlement de la somme de 3 000 € au profit de la société Juliand au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
Condamner [H] [N] aux entiers dépens de l’instance avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Johan Guiol.
La société Juliand soulève in limine litis, au visa des articles 73, 74 et 75 du Code de procédure civile, l’incompétence du juge des référés.
Elle soutient en premier lieu que l’urgence requise pour saisir le juge des référés n’était pas caractérisée en première instance et qu’elle ne l’est pas plus en cause d’appel.
En second lieu, elle soutient que la demande provisionnelle de [H] [N] se heurte à des contestations sérieuses, et qu’elle ne relevaient donc pas de la compétence du juge des référés.
L’intimée observe à ce titre :
que [H] [N], professionnelle de l’immobilier, ne détient aucun mandat écrit, lequel est pourtant obligatoire en l’espèce, en vertu des dispositions d’ordre public prévues par la loi Hoguet et que si [H] [N] prétend qu’en matière commerciale la preuve est libre, en toute hypothèse, il n’appartient pas au juge des référés de trancher cette question, qui relève de la compétence du juge du fond ;
que [H] [N] ne rapporte nullement la preuve de la vente de la totalité des quatre lots, pour laquelle elle serait susceptible d’obtenir « la somme forfaitaire de 2.500 € par lot vendu », soit un total de 10 000 € ;
que la facture du 31 mars 2021, produite devant le Juge des référés fait état d’une somme de 10.000 € correspondant à la prétendue vente du lot n° 3 du lotissement « [Adresse 4] à [Localité 5] », alors qu’aux termes de ses propres écritures, [H] [N] indiquait que la vente d’un seul lot aurait dû donner lieu au versement de la somme de 2 500 € et qu’il existe donc une incohérence sur laquelle seul le juge du fond peut se prononcer ;
que le virement d’un montant de 10 000 € ne peut à lui seul fonder l’existence d’une obligation non sérieusement contestable, dès lors qu’il a été annulé, d’une part, et qu’il ne résulte d’aucune obligation dont la société Juliand serait débitrice, d’autre part ;
qu’il ne peut être tiré aucune conséquence des échanges téléphoniques intervenus entre [H] [N] et [H] [U], dont se prévaut l’appelante, alors que [H] [U] n’est pas la représentante légale de la société Juliand, et ne dispose pas davantage d’un pouvoir lui permettant d’engager la société Juliand.
Sur le fond, et au cas où la Cour estimerait que le juge des référés aurait dû se déclarer compétent, la société Juliand soutient que la demande de provision ne pouvait en aucun cas prospérer.
Elle souligne en premier lieu l’inexistence d’un contrat d’apporteur d’affaires, alors que :
en application de l’article 1er de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970, dite loi Hoguet, l’apporteur d’affaires doit disposer obligatoirement d’un mandat écrit et ne peut réclamer aucune commission ou rémunération à l’une des parties à la vente d’un immeuble s’il n’en détient pas ;
[H] [N], qui n’en détient pas, ne peut, à défaut de respecter ce formalisme d’ordre public de la loi Hoguet, prétendre à une commission sur la vente des biens immobiliers en cause ;
[H] [N] ne peut tenter de pallier l’absence de mandat écrit en invoquant l’article L. 110-3 du Code de commerce, selon lequel en matière commerciale la preuve est libre, ces dispositions ne pouvant permettre de déroger aux régles de la loi Hoguet qui sont d’ordre public, ce qui a été confirmé par la Cour de cassation.
En second lieu, à supposer que la Cour retienne que l’existence d’un mandat d’apporteur d’affaires est démontrée, elle oppose, au visa de l’article 1352 du Code civil, le défaut de preuve de l’existence d’une créance dont le quantum serait fixé à 10 000 €, aux motifs :
que pour justifier sa demande de paiement, [H] [N] produit des captures d’écran de SMS qui n’ont aucune valeur probatoire, d’autant qu’elle n’émane nullement du représentant légal de la société, outre une attestation d’un collègue dont l’objectivité peut être remise en cause ;
que par ailleurs, elle ne parvient pas à justifier le quantum de sa créance, étant observé que le virement de 10 000 € a été annulé par la banque en raison d’une erreur de la banque ;
qu’en outre, elle produit une facture du 31 mars 2021, sur laquelle n’apparait nullement la mention manuscrite permettant de prouver l’accord de la société Juliand, ni même la signature de cette dernière, facture au demeurant incompréhensible, et portant un numéro d’enregistrement de 2022 alors qu’elle est datée du 31 mars 2021.
A titre infiniment subsidiaire, la société Juliand relève que la créance alléguée n’est aucunement exigible puisque selon les propres affirmations de [H] [N], la condition de l’accord serait la réalisation de la vente de 4 biens immobiliers par son entremise, ce qu’elle ne prouve pas.
L’intimée dénonce enfin le caractère abusif de la procédure diligentée par [H] [N] justifant selon elle l’octroi de dommages et intérêts, en application des articles 32-1 et 559 du Code de procédure civile, alors que :
[H] [N] est parfaitement consciente que son action est particulièrement infondée et ne peut ignorer que les pièces sur lesquelles elle s’appuie n’ont aucune valeur probante et ne suffisent pas à compenser sa carence, notamment l’absence de mandat écrit conformément à la loi Hoguet dont les dispositions irriguent son activité ;
en cause d’appel, [H] [N] ne fournit aucune pièce nouvelle justifiant le bien-fondé de l’exercice de son recours ;
elle a ainsi agi de mauvaise foi et avec une légèreté blâmable générant un préjudice moral certain pour la société Juliand.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé, par application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I : Sur l’incompétence du juge des référés, soulevée in limine litis
La société Juliand soulève in limine litis l’incompétence du juge des référés, aux motifs d’une part que l’urgence n’est pas caractérisée et d’autre part que la demande de [H] [N] se heurte à une contestation sérieuse.
La Cour rappelle que que le fait que la demande ne réponde pas aux critères d’appréciation des articles 872 et 873 du Code de procédure civile constitue une appréciation sur le fond des pouvoirs du juge des référés en dehors de toute discussion sur sa compétence territoriale ou d’attribution.
La Cour rappelle en ce sens que le débat sur la compétence débouche éventuellement sur une décision d’incompétence qui tend uniquement à déterminer quelle juridiction doit être saisie à raison des matières qui lui sont attribuées ou de sa situation territoriale et que si l’incompétence d’attribution ou territoriale du juge des référés, qui est une exception d’incompétence de procédure, doit être soulevée in limine litis, le débat sur l’exercice des pouvoirs du juge des référés concerne le fond de sa saisine.
Dès lors, le moyen tiré, devant le juge des référés, de l’existence d’une contestation sérieuse (article 873 alinéa 2 du Code de procédure civile) ou de l’absence d’urgence (article 872 du Code de procédure civile) ne constitue pas une exception d’incompétence et n’a pas à être présenté avant toute défense au fond.
Il en résulte que c’est à tort que le premier juge a retenu, in limine litis, qu’il était incompétent pour statuer sur la demande de [H] [N] aux motifs que l’urgence n’était pas caractérisée et que sa demande se heurtait à une contestation sérieuse, le débat portant en réalité sur le fond du référé, et que c’est également à tort que la société Juliand se prévaut, pour les mêmes motifs d’une incompétence du juge des référés, soulevée in limine litis.
La Cour en conséquence infirme l’ordonnance déférée en ce qu’elle s’est déclarée in limine litis incompétente pour connaître du litige et statuant à nouveau dit n’y avoir lieu à statuer sur une exception d’incompétence.
II : Sur le fond du référé
La Cour relève que [H] [N] fonde sa demande de provision sur les dispositions des articles 872 et 873 du Code de procédure civile, sans distinction.
L’article 872 du Code de procédure civile dispose :
« Dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend. »
L’article 873 du Code de procédure civile dispose :
« Le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. »
La Cour retient qu’en réalité, la demande de [H] [N], qui est une demande de provision, s’analyse en une demande fondée sur les dispositions de l’alinéa 2 du l’article 873 du Code de procédure civile.
L’appelante doit donc se limiter à établir que sa demande en paiement provisionnel ne se heurte à aucune contestation sérieuse.
La Cour relève, à l’examen des pièces versées aux débats :
que [H] [N] a établi en date du 31 mars 2021 à l’attention de la société Juliand une facture de 10 000 €, précisant ‘prestation facturée : vente du lot n°3 du lotissement [Adresse 4] ‘ ;
qu’il est incontestable que [H] [N] a reçu le 28 avril 2022 un virement de 10 000 € de la part de la société Juliand (pièce 5 intimée) ;
qu’à l’examen de la teneur des SMS auxquels elle se réfère en sa pièce 2, qui émane d’une dénommée ‘[K]’, ce virement de 10 000 € apparaît correspondre à une rémunération d’apporteur d’affaires consécutif à la la vente du lot 3 du [Adresse 4] à [Localité 5] (département de l’Ain), pour laquelle il lui a été demandé d’établir une facture, la dénommée [K] faisant état par la suite d’une part, de ce que le dernier lot, le lot 4, est en voie d’être vendu, et d’autre part que la facture envoyée par [H] [N] a été validée par le dénommé ‘ [D] ‘, lequel apparaît être le dirigeant de la société Juliand ;
que le virement de 10 000 € a été par la suite annulé le 9 mai 2022, pour ‘ erreur technique ‘, la banque indiquant qu’elle était en droit de restituer le montant du virement dès lors que la demande de restitution des fonds était réalisée dans le délai de 10 jours (pièce 9 appelante) ;
que la société Juliand ne donne explication sur l’annulation de ce virement.
Ces éléments semblent indiquer que le virement opéré correspond à la rémunération de [H] [N] afférente au terrain constructible qu’elle a trouvé pour le compte de la société Juliand, dans un contexte où celle-ci indique que dans la vente à contruire, il est d’usage que la personne qui a réalisé la vente commercialise les lots, mais que dans ce cas précis, l’entreprise souhaitant le faire elle-même, il a alors été prévu un contrat qualifié d’apporteur d’affaires, pour l’indemniser de cette perte de revenu, contrat aux termes duquel elle devait recevoir une somme forfaitaire de 2 500 € pour chacun des quatre lots vendus, cette pratique étant confirmée par l’attestation de [I] [C], agent commercial, que [H] [N] verse aux débats (pièce 23 appelante).
Pour autant, la Cour observe :
que [H] [N] ne justifie pas d’un mandat écrit, alors qu’en défense la société Juliand soutient qu’en application de la loi Hoguet, qui est d’ordre public, un mandat écrit est indispensable pour exiger le paiement d’une commission, et produit un arrêt de la Cour de cassation en ce sens, [H] [N] de son côté soutenant que la loi Hoguet n’est pas applicable, la société Juliand étant un professionnel de l’immobilier, la société Juliand produisant en réplique un arrêt de la Cour de cassation retenant le contraire ;
que la facture qu’elle produit est effectivement référencée sur l’année 2022 (Facture n° 12-2022) alors que la demande de réglement est datée du 31 mars 2021, ce qui certes peut résulter d’une erreur matérielle ;
que la facture fait état d’une somme de 10 000 € due du fait que la vente du troisième lot s’est concrétisée alors que [H] [N] indique elle même que la somme convenue n’était due qu’à la suite de la vente des quatre lots, ce qui peut s’expliquer par le fait, à la lecture des SMS précédemment cités, qu’il y était indiqué que la vente du 4ème lot était imminente ;
que [H] [N] fait état de l’information donnée par la dénommée [K] selon laquelle le dénommé [D] (sans doute le dirigeant de la société Juliand) aurait validé la facture,et rappelle à ce titre la théorie du mandat apparent dont la société Juliand doit répondre.
Il ressort de l’ensemble des observations précitées qu’il est demandé à la juridiction des référés de déterminer :
si la loi Hoguet est applicable et si, en l’absence de mandat écrit, [H] [N] est fondée à solliciter le paiement d’une commission auprès de la société Juliand ;
si le fait que la facture produite soit référencée sur l’année 2022 alors que le courrier s’y référant est daté du 31 mars 2021 ne constitue pas un obstacle au paiement de la somme sollicitée ;
si le fait que la facture litigieuse fasse référence à une somme de 10 000 € due en raison de la vente du 3ème lot ne constitue pas un obstacle au paiement de la facture alors que [H] [N] elle même indique que la somme convenue n’était due qu’à l’issue de la vente des quatre lots ;
si en indiquant que la facture était validée, la dénommée Laetitita était titulaire d’un mandat apparent de nature à engager la société Juliand.
La Cour retient que l’ensemble des interrogations précitées, auxquelles il convient de répondre afin de trancher le litige, démontre à lui seul qu’il existe plusieurs contestations sérieuses à la demande provisionnelle en paiement de [H] [N] et que celle-ci ne relève pas des pouvoirs du juge des référés, juge de l’évidence, seul le juge du fond étant habilité à les trancher.
En conséquence, la Cour dit n’y avoir lieu à référé sur la demande provisionnelle en paiement de [H] [N].
III : Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
Aux termes de l’article 32-1 du Code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive, peut-être condamné à une amende civile d’un maximum de 10’000 euros, sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés.
L’article 559 du Code de procédure civile dispose quant à lui que :
‘En cas d’appel principal dilatoire ou abusif, l’appelant peut être condamné à une amende civile
d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui lui seraient réclamés’.
Au regard des éléments précédemment exposés, il apparaît en réalité qu’un accord semble bien être intervenu quant au paiement d’une commission, mais que pour autant il n’entre pas dans les pouvoirs du juge des référés de trancher le litige.
Dans ces conditions, il ne peut aucunement être considéré que [H] [N], qui a agi en première instance pour faire valoir ses droits et persévéré en cause d’appel, considérant que sa demande avait été injustement rejetée, ait fait preuve ce faisant d’un acte de malice ou de mauvaise foi.
La Cour en conséquence confirme la décision déférée qui a rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par la société Juliand en première instance et rejette cette même demande en cause d’appel.
IV : Sur les demandes accessoires
[H] [N] succombant, la Cour confirme la décision déférée qui l’a condamnée aux dépens de la procédure de première instance ;
En revanche, compte tenu de la nature de l’affaire et des éléments précédemment exposés, l’infirme en ce qu’elle a condamnée [H] [N] à payer à la société Juliand la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, non justifiée en équité et la réduit à la somme de 500 €.
La Cour condamne [H] [N], partie perdante, aux dépens à hauteur d’appel, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Johan Guiol, avocat ;
La Cour condamne [H] [N], qui succombe à hauteur d’appel, à payer à la société Juliand une somme de 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile à hauteur d’appel, justifiée en équité.
PAR CES MOTIFS
La Cour :
Sur l’exception d’incompétence soulevée in limine litis par la société Juliand :
Infirme l’ordonnance déférée en ce que le juge des référés s’est déclaré in limine litis incompétent pour connaître du litige,
Statuant à nouveau :
Dit n’y avoir lieu à statuer sur une exception d’incompétence.
Sur le fond du référé :
Dit n’y avoir lieu à référé sur la demande provisionnelle en paiement de [H] [N].
Sur la demande de dommages et intérêts :
Confirme la décision déférée en ce qu’elle a rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par la société Juliand en première instance ;
Rejette cette même demande en cause d’appel.
Sur les demandes accessoires :
Confirme la décision déférée qui a condamné [H] [N] aux dépens de la procédure de première instance ;
Infirme la décision déférée en ce qu’elle a condamné [H] [N] à payer à la société Juliand la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et,
Statuant à nouveau :
Condamne [H] [N] à payer à la société Juliand la somme de 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne [H] [N] aux dépens à hauteur d’appel, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Johan Guiol, avocat ;
Condamne [H] [N] à payer à la société Juliand une somme de 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile à hauteur d’appel ;
Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.
LE GREFFIER LE PRESIDENT