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N° RG 23/00197 – N° Portalis DBV2-V-B7H-JIRC
COUR D’APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ORDONNANCE DU 12 DECEMBRE 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
20/02272
Tribunal judiciaire de Rouen du 14 décembre 2022
DEMANDEUR A L’INCIDENT :
SARL CPNJ
RCS de Rouen 600 500 623
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée et assistée par Me Sébastien MARETHEU de la SELARL ADVOCARE, avocat au barreau de Rouen plaidant par Me FARGUES
DEFENDEUR A L’INCIDENT :
Monsieur [P] [Y]
né le 11 mai 1971 à [Localité 6] (Tunisie)
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté et assistée par Me Marlène PERSONNAT, avocat au barreau de Rouen
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Edwige WITTRANT, présidente de la mise en état, à la 1ère chambre civile, assistée de Catherine CHEVALIER, greffier,
Après avoir entendu les parties en leurs observations lors de l’audience publique du 14 novembre 2023, l’affaire a été mise en délibéré, pour décision être rendue ce jour.
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La Sarl Cpnj s’est engagée par promesse de vente notariée du 6 juin 2019 à vendre à M. [Y] un ensemble immobilier à usage commercial situé [Adresse 5] moyennant le prix de 1 500 000 euros.
Par avenant du 7 février 2020, la promesse de vente consentie initialement pour une durée expirant le 31 janvier 2020 a été prorogée jusqu’au 30 avril 2020.
En raison de différentes difficultés, la Sarl Cpnj a refusé la régularisation d’un avenant afin que la date de signature de l’acte authentique soit de nouveau reportée.
Par acte du 12 juin 2020, M. [Y] a fait assigner la Sarl Cpnj devant le tribunal judiciaire.
Par jugement du 14 décembre 2022, le tribunal judiciaire de Rouen a :
– prononcé la caducité de la promesse de vente du 6 juin 2019 ;
– débouté M. [Y] de l’ensemble de ses autres demandes ;
– condamné M. [Y] à payer à la Sarl Cpnj la somme de 150 000 euros au titre de l’indemnité d’immobilisation ;
– condamné M. [Y] à payer à la Sarl Cpnj la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné M. [Y] aux dépens ;
– rappelé que la décision était de droit exécutoire à titre provisoire.
Par déclaration reçue au greffe le 17 janvier 2023, M. [Y] a formé appel de la décision et a conclu au fond le 29 mars 2023. L’intimée a conclu au fond par écritures notifiées le 27 juin 2023.
Par conclusions sur incident notifiées le 16 mars 2023 puis par dernières conclusions d’incident notifiées le 10 novembre 2023, la Sarl Cpnj demande au conseiller de la mise en état, au visa de l’article 514 du code de procédure civile, de :
– ordonner la radiation de l’appel interjeté par M. [Y], enregistré sous le numéro RG 23/00197 ;
– rappeler que l’instance ne pourra être établie, dans le délai de l’article 386 du code de procédure civile, que sur justification, par l’appelant, de l’exécution des causes du jugement dont appel ;
– débouter M. [Y] de l’ensemble de ses demandes ;
– condamner M. [Y] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [Y] aux dépens de l’incident.
Elle estime que M. [Y] a organisé son insolvabilité pour justifier l’inexécution des condamnations prononcées. À ce titre, elle précise que M. [Y] est actuellement associé et gérant de quinze sociétés. Il est notamment le gérant et l’associé unique de l’une d’entre elles de sorte qu’il détermine seul le montant de sa rémunération. Le défaut de publication des comptes de la société empêche de connaître ses résultats.
Elle estime démesurée la charge de loyer qu’il allègue (4 500 euros par mois) pour justifier de ses charges mensuelles, et ce, alors même que le bailleur est l’une des sociétés dont il est le gérant. Elle fait également état de dons aux ‘uvres à hauteur de 77 165 euros déclarés à l’administration fiscale pour un revenu net de
139 914 euros. Elle vise une condamnation de M. [Y] pour abus de bien sociaux et la confusion pratiquée par M. [Y] entre son patrimoine privé et celui des sociétés qu’il dirige.
Concernant la demande de prêt alléguée, la Sarl Cpnj invoque l’absence de taux, durée ou garanties dans les modalités de la demande sollicitée de sorte que le refus opposé ne saurait être valablement pris en compte dans l’analyse de la situation financière de M. [Y].
Par dernières conclusions notifiées le 2 mai 2023, M. [Y] demande au conseiller de la mise en état, au visa de l’article 524 du code de procédure civile, de :
– débouter la Sarl Cpnj de sa demande en radiation de l’affaire au vu de l’impossibilité d’exécution et des conséquences manifestement excessives ;
– débouter la Sarl Cpnj de sa demande de le voir condamner à la somme de
2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la Sarl Cpnj aux dépens.
Il ne conteste pas le caractère exécutoire du jugement ni son inexécution. Il allègue une incapacité financière à faire face à ses obligations et l’existence d’un risque de conséquences manifestement excessives de l’exécution provisoire. Il justifie de différentes obligations financières, telles que la somme de 87 509,21 euros due à l’URSSAF sur condamnation de la cour d’appel de Rouen du 31 mai 2021, ainsi que la somme de 98 077 euros due selon le jugement du tribunal judiciaire du 15 septembre 2020. Il déclare un salaire de 2 949,23 euros net par mois en 2023 et a trois enfants à charge. La Sa Bnp Paribas lui a refusé l’obtention d’un prêt d’un montant de 152 583, 42 euros. Dans ces conditions, il estime que sa situation patrimoniale justifie l’inexécution de la décision de sorte que la radiation ne saurait être prononcée.
L’affaire a été plaidée à l’audience du 14 novembre 2023.
MOTIFS
Sur la radiation de l’affaire
En application de l’article 524 du code d eprocédure civile, lorsque l’exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu’il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d’appel, décider, à la demande de l’intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l’affaire lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l’article 521, à moins qu’il lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision.
M. [Y] est marié et a trois enfants.
L’avis d’imposition sur les revenus le plus récent, celui qui porte sur les revenus de l’année 2022, porte mention d’un revenu fiscal de référence de 528 207 euros et d’une imposition due de 145 926 euros (solde dû de 121 087 euros déduction faite des prélèvements à la source de 24 839 euros).
Si les revenus de M. [Y] sont de l’ordre de 33 510 euros, de son épouse
92 622 euros et de l’un de ses enfants de 25 976 euros, le foyer a bénéficié de revenus fonciers de 261 591 euros.
Si M. [Y] est salarié de la Sas C1, la fiche de paie révèle qu’il en est le président et a dès lors, comme le soutient la partie adverse, la faculté de déterminer ses revenus et le choix du sort réservé aux dividendes de la société. L’extrait K bis produit par la Sarl Cpnj révèle qu’il en est l’associé unique : les résultats de l’activité de marchand de biens sont croissants.
Quant au loyer de 4 500 euros que la famille doit à la Sarl Théma, M. [Y] n’apporte aucune justification quant à la nécessité, aux circonstances relatives à cette obligation d’assumer un loyer aussi élevé pour quatre personnes. Dans les mêmes conditions, la production de l’extrait K bis de la société par la partie adverse démontre que directement ou par une autre personne morale, M. [Y] est associé majoritaire de l’entité.
Enfin, les arrêts prononcés les 31 mars 2021 et 16 novembre 2022 par la chambre sociale de notre cour portent sur des cotisations et majorations impayées de longue date, dès 2015, ayant indument contribué à son enrichissement par le défaut de respect de ses obligations : ces condamnations ne peuvent venir au soutien de ses intérêts.
La Sarl Cpnj communique encore quatorze extraits K bis de sociétés dans lesquelles M. [Y] détient des parts soit exclusivement, majoritairement ou minoritairement : ce dernier ne verse aux débats aucun élément permettant à la juridiction d’avoir une vision exhaustive, fin 2023, de ses revenus, le patrimoine qu’il peut négocier pour payer ses dettes. Les comptes de ces sociétés ne sont pas communiqués.
Le refus de la Sa Bnp Paribas de lui accorder un prêt de 152 583,42 euros sans argumentation particulière ne signifie pas pour autant que le débiteur ne bénificie pas de ressources et de garanties suffisantes pour faire face à ses engagements.
M. [Y] n’apporte pas de pièces quant aux emprunts qui seraient souscrits par le foyer.
En conséquence, M. [Y] ne rapporte ni la preuve de l’impossibilité de faire face au paiement des condamnations prononcées, ni même d’un risque de conséquences manifestement excessives de l’exécution provisoire.
L’affaire sera radiée.
Sur les frais de procédure
M. [Y] succombe à l’instance et en supportera les dépens.
En équité, il sera condamné à payer à la Sarl Cpnj la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
statuant par ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe,
Ordonne la radiation du rôle de la cour de l’affaire enregistrée sous le n°RG 23/00197 à la suite de la déclaration d’appel du 17 janvier 2023,
Rappelle que l’affaire ne sera réinscrite au rôle que sur la production des pièces justifiant l’exécution de la décision entreprise,
Condamne M. [P] [Y] à payer à la Sarl Cpnj la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [P] [Y] aux dépens de l’incident.
Le greffier, La présidente de chambre,