Your cart is currently empty!
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
————————————
COUR D’APPEL DE NANCY
Première Chambre Civile
ARRÊT N° /2023 DU 18 DECEMBRE 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/00529 – N° Portalis DBVR-V-B7H-FEMJ
Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire d’EPINAL
R.G.n° 22/00998, en date du 17 janvier 2023,
APPELANTS :
Monsieur [I] [Z], exerçant sous l’enseigne Ets KOPRO
né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 5] (88)
domicilié [Adresse 3]
Représenté par Me Renaud GERARDIN de l’AARPI G2A, avocat au barreau d’EPINAL
S.C.I. MIRVILLE, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 3]
Représentée par Me Renaud GERARDIN de l’AARPI G2A, avocat au barreau d’EPINAL
INTIMÉE :
MUTUELLE DE POITIERS ASSURANCES, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 4]
Représentée par Me Violaine GUIDOT substituée par Me Alain BEGEL de la SELARL BGBJ, avocats au barreau d’EPINAL
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 23 Octobre 2023, en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre,
Madame Mélina BUQUANT, Conseiller,chargée du rapport, chargée du rapport,
Madame Claude OLIVIER-VALLET, Magistrat honoraire,
qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Madame Laurène RIVORY ;
A l’issue des débats, le Président a annoncé que l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 18 Décembre 2023, en application de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
——————————————————————————————————–
Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
——————————————————————————————————–
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 18 Décembre 2023, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [I] [Z], exerçant une activité d’agence immobilière – marchand de biens sous l’enseigne Ets Kopro, a souscrit le 9 août 2014 auprès de la société Mutuelle de Poitiers Assurances un contrat d’assurance multirisque professionnel couvrant l’immeuble dans lequel exerçait son activité situé [Adresse 2] à [Localité 6] (Vosges) et appartenant à la SCI Mirville.
Un incendie dont la cause n’a pas pu être déterminée a endommagé le bien assuré le 4 janvier 2018.
Une expertise amiable contradictoire a arrêté la valeur des dommages subis par le propriétaire à 233690 euros et ceux causés au locataire à 132887 euros. Elle a mis en évidence que le locataire avait stocké dans les lieux des matériaux d’électricité de plomberie d’une valeur d’environ 50000 euros.
Considérant que ce stockage n’excédait l’activité d’agence immobilière – marchand de bien déclarée au contrat, la compagnie d’assurance a opposé la règle proportionnelle et a versé à la SCI une indemnité de 71870 euros calculée à partir de la valeur vénale du bâtiment et au locataire une indemnité de 36133 euros.
Par acte du 31 juillet 2020, la SCI Mirville et Monsieur [I] [Z], exerçant sous l’enseigne Ets Kopro, ont fait assigner la Mutuelle de Poitiers Assurances devant le tribunal judiciaire d’Epinal, afin de voir :
– condamner la Mutuelle de Poitiers Assurances à verser à la SCI Mirville la somme de 161820 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 janvier 2018,
– condamner la Mutuelle de Poitiers Assurances à verser à Monsieur[I] [Z] la somme de 96754 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 janvier 2018,
– ordonner l’anatocisme par application de l’article 1154 du code civil,
– condamner la Mutuelle de Poitiers Assurances à verser à la SCI Mirville la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la Mutuelle de Poitiers Assurances à verser à Monsieur [I] [Z] la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 7 mars 2022, le juge de la mise en état a ordonné la radiation de cette affaire.
Celle-ci a été remise au rôle suite au dépôt de conclusions des demandeurs en date du 30 mai 2022.
Par jugement contradictoire du 17 janvier 2023, le tribunal judiciaire d’Epinal a :
– débouté la SCI Mirville et Monsieur [Z], exerçant sous l’enseigne Ets Kopro, de leurs demandes indemnitaires, de leur demande de capitalisation des intérêts et de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum la SCI Mirville et Monsieur [Z], exerçant sous l’enseigne Ets Kopro, aux dépens dont distraction au profit de Maître Violaine Guidot,
– condamné in solidum la SCI Mirville et Monsieur [Z], exerçant sous l’enseigne Ets Kopro, à payer à la Mutuelle de Poitiers Assurances la somme de 1200 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté la Mutuelle de Poitiers Assurances de sa demande tendant à écarter l’exécution provisoire de droit.
Pour statuer ainsi, le tribunal a relevé que Monsieur [Z] avait omis de déclarer l’activité secondaire de rénovation de biens immobiliers, impliquant le stockage de matériaux d’une valeur de près de 50000 euros HT dans les lieux assurés, et qu’il convenait en conséquence d’appliquer la réduction proportionnelle prévue par l’article L. 113-9 du code des assurances.
Dès lors que la cotisation annuelle se serait élevée à 668 euros dans le cas d’une déclaration exacte et complète du risque assuré au lieu de 510 euros, le tribunal a retenu une réduction proportionnelle de 510/668èmes.
Sur l’indemnité due au titre du préjudice immobilier subi par la SCI Mirville, il a considéré que celle-ci ne pouvait prétendre au versement d’une indemnité conforme à la valeur à neuf de l’immeuble dès lors qu’elle n’avait pas reconstruit le bâtiment détruit par l’incendie dans les deux ans suivant la date du sinistre, sans pour autant justifier d’une impossibilité absolue, comme le prescrivait l’article 23 des conditions générales du contrat d’assurance. Il a précisé que cette impossibilité absolue ne pouvait résulter du seul fait que l’assureur ait refusé de verser une indemnité d’un montant égal à la valeur à neuf du bien.
Le tribunal a décidé de prendre en compte la valeur vénale du bien, soit 94136 euros, en lui appliquant la réduction proportionnelle de 510/668èmes, pour juger que la société Mutuelle de Poitiers Assurances était redevable d’une indemnité de 71870 euros.
Concernant le contenu, le tribunal a appliqué la même réduction proportionnelle au plafond de garantie prévu (40940 euros), en allouant une indemnité de 31257 euros.
Il a en revanche jugé qu’aucune indemnité ne devait être allouée au titre des frais de reconstitution des informations dans la mesure où il n’était pas contesté que l’incendie du 4 janvier 2018 avait détruit les documents ou données de base nécessaires à la reconstitution.
De même, aucune indemnité n’a été allouée au titre de la garantie des loyers, en l’absence de remise en état effective des locaux sinistrés.
Il a retenu enfin que Monsieur [Z] ne justifiait pas de frais annexes, faute d’avoir entrepris la reconstruction de l’immeuble détruit par l’incendie, et que les frais d’expertise qu’il avait effectivement supportés pouvaient donner lieu à une indemnité de 5% de l’indemnité totale, soit 5156 euros.
Le tribunal a constaté que la société Mutuelle de Poitiers Assurance avait au total versé les indemnités dont elle était contractuellement redevable et que Monsieur [Z] et la SCI Mirville devaient être par conséquent déboutés de leurs demandes indemnitaires.
Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 14 mars 2023, Monsieur [Z] et la SCI Mirville ont relevé appel de ce jugement.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 13 juin 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [Z] et la SCI Mirville demandent à la cour de :
– infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d’Epinal en date du 17 janvier 2023 rejetant leurs demandes,
Et statuant à nouveau,
– dire n’y avoir à application de la règle proportionnelle de l’article L. 113-9 du code des assurances,
– condamner la Mutuelle de Poitiers Assurances à verser à la SCI Mirville la somme de 161820 euros avec intérêts moratoires au taux légal à compter du 4 janvier 2018,
– condamner la Mutuelle de Poitiers Assurances à verser à Monsieur [I] [Z] exerçant sous l’enseigne Ets Kopro la somme de 96754 euros avec intérêts moratoires au taux légal à compter du 4 janvier 2018,
– ordonner l’anatocisme dans les conditions prévues à l’article 1154 du code civil,
– condamner la Mutuelle de Poitiers Assurances à verser à la SCI Mirville la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la Mutuelle de Poitiers Assurances à verser à Monsieur [I] [Z] exerçant sous l’enseigne Ets Kopro la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la Mutuelle de Poitiers Assurances aux entiers frais et dépens de l’instance.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 6 septembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la société d’assurance mutuelle à cotisations variables (SMCV) Mutuelle de Poitiers demande à la cour de :
– confirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions,
– condamner in solidum Monsieur [I] [Z] et la SCI Mirville à lui verser la somme de 3500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner in solidum Monsieur [I] [Z] et la SCI Mirville aux entiers dépens de la procédure.
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 10 octobre 2023.
L’audience de plaidoirie a été fixée le 23 octobre 2023 et le délibéré au 18 décembre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Vu les dernières conclusions déposées par Monsieur [Z] et la SCI Mirville le 13 juin 2023 et par la SMCV Mutuelle de Poitiers le 6 septembre 2023 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l’article 455 du code de procédure civile ;
Vu la clôture de l’instruction prononcée par ordonnance du 10 octobre 2023 ;
* Sur l’application de la règle proportionnelle à l’indemnisation de la valeur du bâtiment et du matériel
Vu l’article L. 113-9 du code des assurances, dont il découle que l’omission ou l’inexactitude de la déclaration de la part de l’assuré dont la mauvaise foi n’est pas établie, découverte après la réalisation du sinistre, n’entraîne pas la nullité du contrat d’assurance mais justifie la réduction de l’indemnité en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues, si les risques avaient été complètement et exactement déclarés,
En l’espèce, Monsieur [Z] a souscrit pour son bénéfice en tant que locataire et pour celui de la SCI Mirville, propriétaire, un contrat d’assurance multirisque professionnelle, assurant le bâtiment loué situé [Adresse 2] à [Localité 6], où il exerce une activité déclarée de ‘agence immobilière – marchand de biens’ (pièce 2 appelants).
Suite à l’incendie subi par l’immeuble et aux réclamations de l’assuré, il a été mis en évidence qu’il y entreposait des matériaux d’électricité et de plomberie sanitaire.
Estimant que ce stockage ne relevait pas des activités déclarées mais d’une activité secondaire de rénovation de bien qui ne l’a pas été, l’assureur oppose l’application d’une réduction proportionnelle que les appelants contestent.
L’activité de marchand de bien n’est pas réglementée, son statut n’est pas déterminé.
Elle se définit comme l’achat pour son compte et la revente de biens, notamment immobiliers, dans une intention lucrative et elle s’accompagne en général, dans cette optique, de la réhabilitation du bien acquis (‘Leur activité est en principe moins spécialisée que celle des promoteurs et des lotisseurs, dans la mesure où ils achètent en vue de revendre sans que les biens concernés ne subissent d’importantes transformations ; la pratique révèle toutefois qu’à l’heure actuelle, ils tendent à développer les achats d’immeubles qu’ils ne revendent qu’après les avoir aménagés ou transformés’, répertoire de droit immobilier, fascicule marchand de biens par [K] [L] § 1 ; ‘L’opération de marchand de biens est celle qui consiste à acheter un bien et à le revendre en réalisant un bénéfice au passage. (…) En principe, l’opération de marchand de biens est indépendante de l’acte de construire, toutefois l’activité de promotion immobilière au sens large du terme englobe parfois des opérations de marchand de biens. Par ailleurs, lorsque le marchand de biens procède à des travaux de réhabilitation avant de revendre, le plus souvent, il sera conduit à endosser la responsabilité de constructeur.’ Dalloz Action droit de la construction n°390.05).
L’activité de marchand de biens immobilier inclut donc, en pratique, la rénovation des biens acquis par le marchand de biens dans l’intention de les revendre avec une marge bénéficiaire et nécessite donc, la détention du matériel et des matériaux indispensables à la réalisation de ces travaux.
Sauf à établir que les matériaux d’électricité et de plomberie sanitaire entreposés dans les lieux loués étaient employés ou destinés à être employés dans des biens immobiliers dont Monsieur Mirville n’était pas le propriétaire, ce qui n’est ni allégué, ni démontré par l’assureur, leur détention et leur stockage entraient donc dans le cadre de l’activité de marchand de biens déclarée. Monsieur Mirville n’était en conséquence pas tenu de déclarer une activité annexe de rénovation de bien et l’assureur devait, s’il l’estimait nécessaire pour déterminer le risque garanti et calculer la prime, demander des renseignements supplémentaires sur la manière dont l’activité de marchand de biens était exercée, ce qu’il n’a pas fait.
Aucune violation des stipulations figurant aux conditions particulières sur la composition et l’importance du stock n’est invoquée.
Il s’ensuit qu’en l’absence d’omission et de déclaration inexacte du risque, il n’y a pas lieu d’appliquer la règle proportionnelle.
Dès lors, l’assureur est tenu de verser à titre d’indemnité, à la SCI Mirville, la somme de 94136 euros correspondant à la valeur vénale de l’immeuble sinistré selon l’évaluation non contestée des deux experts intervenus pour le compte de chacune des parties, et, à Monsieur [Z], la somme de 40940 euros, correspondant au plafond de garantie du contenu professionnel, les deux experts ayant conjointement estimé le contenu à plus de 77000 euros.
Compte-tenu des versements déjà intervenus, l’assureur reste redevable d’un complément d’indemnité de 22266 euros au propriétaire et de 9683 euros au locataire, la franchise ayant déjà été déduite lors des versements auquel l’assureur a déjà procédés.
** Sur les indemnisations complémentaires
– Sur l’indemnité du bâtiment incendié sur une valeur à neuf
S’agissant du complément d’indemnisation réclamé par le propriétaire au titre d’une indemnisation sur la valeur à neuf du bien sinistré, il résulte des conditions particulières et des conditions générales (article 38) que pour pouvoir prétendre à une indemnisation de la valeur à neuf du bien endommagé, il est nécessaire que l’assuré fasse ‘reconstruire ou réparer [les bâtiments], sans apporter de modification importante à leur destination initiale, dans un délai de deux ans à partir de la date du sinistre, sur le site de l’établissement assuré, sauf impossibilité absolue’.
L’absence de versement par l’assureur de la totalité de l’indemnité dûe dans un premier temps, laquelle s’élève à la valeur vénale du bien endommagé, ne constitue pas un cas d’impossibilité absolue de reconstruire au sens des conditions générales du contrat.
Faute d’avoir entrepris les travaux de reconstruction dans un délai de deux ans, la SCI Mirville ne peut pas réclamer le versement d’une indemnité égale à la valeur à neuf du bien sinistré.
– Sur l’indemnité pour frais de reconstitution des informations
L’article 25 des conditions générales sur les frais de reconstitution des informations garantit, à la suite d’un événement garanti atteignant les biens informatiques assurés, les frais de reconstitution des informations – tels que la saisie nouvelle des données ou des traitements non encore sauvegardés ; les frais de report des sauvegardes sur de nouveaux supports ; les frais de réadaptations des logiciels. Cet article ajoute que ne sont pas garantis, notamment, ‘les frais de reconstitution : lorsque les documents ou données de base (doubles, dossiers d’analyse, de programmation, archives et tous documents directement utilisables en clair) nécessaires a la reconstitution n’existent pas ou ont disparu pour quelque cause que ce soit’.
L’absence de garantie des frais de reconstitution lorsque les documents nécessaires à cette reconstitution ont eux mêmes disparu ne prive pas la garantie de toute substance, puisque l’assureur demeure tenu de verser une indemnisation dès lors que l’assuré justifie disposer des données qui devront faire l’objet d’une reconstitution.
Il appartient à l’assuré de rapporter la preuve que la garantie est due, c’est-à-dire qu’il détient toujours les documents ou données de bases dont il doit réaliser un nouveau traitement du fait de l’endommagement des biens informatiques assurés.
En l’espèce, Monsieur [Z] ne rapporte pas la preuve des données ou des documents de base dont il va devoir assurer un nouveau traitement en raison de l’endommagement dans l’incendie d’équipement informatique.
Sa demande d’indemnisation de 500 euros à ce titre doit en conséquence être écartée.
– Sur la garantie perte de loyer
L’article 27 des conditions générales garantit, pour le propriétaire d’un bâtiment donné en location, ‘la perte effective des loyers des locataires dont l’assuré propriétaire peut se trouver légalement privé à la suite d’un sinistre garanti à l’exception des catastrophes naturelles article 4. L’indemnité est calculée proportionnellement au temps nécessaire, à dire d’expert, pour la remise en état des locaux sinistrés. Nous ne garantissons pas le défaut de location après achèvement des travaux de réparation ou de reconstruction’.
Pour que cette garantie soit mobilisable, les conditions générales et les conditions particulières n’imposent pas que la reconstruction du bien loué soit entreprise, l’indemnité étant calculée au temps nécessaire à la réalisation des travaux fixée à dire d’expert, sans qu’il ne soit distingué selon qu’ils aient ou non été entrepris, et dans la limite de 18 mois. Il est dès lors inopérant de faire valoir qu’aucune reconstruction n’a été entreprise en l’espèce, puisque cette condition n’est pas prévue au contrat.
Il ressort de l’analyse commune, et non contestée, des deux experts des parties que la perte durant les travaux de remise en état des lieux sinistrée s’élève à 18 mois de loyer de 642 euros, soit la somme de 11556 euros qui doit revenir à la SCI Mirville.
– Sur les frais annexes
Selon l’article 28, l’assureur garanti :
– ‘les frais de démolition, de déblais et d’enlèvement des décombres, justifiés et réellement engagés à la suite d’un sinistre garanti et dans le cadre des mesures préparatoires rendues nécessaires pour la remise en état des biens sinistrés’ (28 A),
– ‘les honoraires d’expert et les frais de devis exposés par l’assuré. L’indemnité servant d’assiette au calcul de la sous-limite ‘honoraires d’expert’ s’entend hors ‘frais annexes’ tels que visés au présent article 28 B à O et hors honoraires de l’architecte reconstructeur’ (28 B),
– ‘les frais de décontamination, c’est-à-dire les frais de destruction ou de neutralisation, avant mise en décharge des biens assurés, contaminés par une substance toxique à la suite d’un sinistre – autre qu’un attentat au sens de l’article L. 126-2 du code – imposée par la législation ou la réglementation, ainsi qu’aux frais de transport, éventuellement jusqu’au lieux désignés par les pouvoirs publics, pour l’accomplissement de ce traitement ou pour une mise en décharge’ (28 E)
– ‘ les frais de mise en conformité, c’est à dire les frais nécessités par une remise en état, en conformité avec la législation et la réglementation en matière de construction, en cas de reconstruction ou de réparation des locaux assurés à la suite du sinistre’ (article 28 G),
– ‘les honoraires de décorateurs, de bureaux d’études, de contrôle technique et d’ingénierie dont l’intervention serait nécessaire, à dire d’expert, à la reconstruction ou à la réparation des biens sinistrés’ (28 H),
– ‘les honoraires du coordonateur en matière de sécurité et de protection de la santé dont l’intervention serait rendue obligatoire à la suite d’un sinistre en vertu de l’article L. 4532-2 du code du travail’ (28 I).
Les conditions particulières portent la mention, pour la garantie complémentaire frais annexes B à O : ‘frais réels justifiés dans la limite de 274320 euros sans excéder pour les honoraires d’expert 5% de l’indemnité jusqu’à 233975 € et 2,5% au-delà de 233975 €, pour les pertes indirectes 10% de l’indemnité’.
Les conditions particulières limitent donc l’indemnité pour les frais annexes visé à l’article 28 B à O à ceux que l’assuré justifie avoir exposés.
Il en va de même des frais de démolition, déblais et d’enlèvement des décombres (28 A), lesquels ne sont indemnisables que s’ils ont été engagés.
L’assuré ne justifie pas l’engagement de tels frais, à l’exception des frais d’assistance par un expert, c’est donc à juste titre que le premier a exclu le versement d’une indemnité pour l’ensemble des autres frais annexes.
S’agissant de l’indemnité pour les frais de l’expert désigné par l’assuré, dont la mise en jeu n’est pas remise en cause par l’assureur, il n’est pas contesté qu’elle doit être calculée ‘dans la limite de 280770 € sans excéder pour les honoraires d’expert 5% de l’indemnité jusqu’à 233975 € et 2,5% au-delà de 233975 €, pour les pertes indirectes 10% de l’indemnité’. Dans la mesure où l’application de la règle proportionnelle est écartée et la perte de loyer garantie, la base de calcul est portée de 103127 euros à 1346632 euros, de telle sorte que l’indemnité pour les frais d’expert se monte à 7331,60 euros, somme sur laquelle l’assureur a déjà réglé 5156 euros.
Le jugement sera donc infirmé et la compagnie Mutuelle de Poitiers Assurance sera donc condamnée à payer :
– un complément d’indemnité de 22266 euros à la SCI Mirville correspondant à l’indemnité due au titre de la valeur, vétusté déduite, de l’immeuble endommagé,
– un complément d’indemnité de 9683 euros à Monsieur [Z] correspondant à l’indemnité due au titre du contenu professionnel,
– une indemnité de perte de loyer de 11556 euros à la SCI Mirville,
– un complément d’indemnité de 2175,60 euros à Monsieur [Z], correspondant à l’indemnité due pour les frais d’expertise.
Le jugement sera en conséquence infirmé en ce sens.
En application de l’article 1231-6 du code civil, ces sommes produiront intérêts à compter du 28 mars 2019, date de la mise en demeure adressée à l’assureur, s’agissant d’une assurance de chose.
Ces intérêts seront capitalisés dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil.
*** Sur les frais de procédure
Les dépens de première instance et d’appel seront mis à la charge de l’assureur, qui est condamné à verser certaines des sommes réclamées par les assurés.
Le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné Monsieur [Z] et la SCI Mirville à payer à la compagnie Mutuelle de Poitiers Assurance une indemnité de 1200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La compagnie Mutuelle de Poitiers Assurance sera condamnée à payer à Monsieur [Z] et la SCI Mirville la somme de 2000 euros chacun à Monsieur [Z] et la SCI Mirville en application de l’article 700 du code de procédure civile et déboutée de sa propre demande sur ce fondement.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement rendu le 17 janvier 2023 par le tribunal judiciaire d’Epinal en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la SMCV Mutuelle de Poitiers à payer :
– un complément d’indemnité de 22266 euros (VINGT-DEUX MILLE DEUX CENT SOIXANTE-SIX EUROS) à la SCI Mirville correspondant à l’indemnité due au titre de la valeur, vétusté déduite, de l’immeuble endommagé,
– un complément d’indemnité de 9683 euros (NEUF MILLE SIX CENT QUATRE-VINGT-TROIS EUROS) à Monsieur [Z] correspondant à l’indemnité due au titre du contenu professionnel,
– une indemnité de perte de loyer de 11556 euros (ONZE MILLE CINQ CENT CINQUANTE-SIX EUROS) à la SCI Mirville,
– un complément d’indemnité de 2175,60 euros (DEUX MILLE CENT SOIXANTE-QUINZE EUROS ET SOIXANTE CENTIMES) à Monsieur [Z], correspondant à l’indemnité due pour les frais d’expertise ;
Dit que ces sommes produiront intérêts à compter du 28 mars 2019 et dit que ces intérêts seront capitalisés dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil ;
Condamne la SMCV Mutuelle de Poitiers aux dépens de première instance et d’appel ;
Condamne la SMCV Mutuelle de Poitiers à payer au titre de l’article 700 du code de procédure civile :
– la somme de 2000 euros (DEUX MILLE EUROS) à Monsieur [Z],
– la somme de 2000 euros (DEUX MILLE EUROS) à la SCI Mirville.
Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d’Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Signé : C. PERRIN.- Signé : N. CUNIN-WEBER.-
Minute en onze pages.