Diffamation : décision du 20 septembre 2016 Cour de cassation Pourvoi n° 15-81.406

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Diffamation : décision du 20 septembre 2016 Cour de cassation Pourvoi n° 15-81.406
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N° V 15-81.406 F-D

N° 3713

FAR
20 SEPTEMBRE 2016

REJET

M. GUÉRIN président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :


Le Conseil supérieur du notariat, partie civile,

contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, chambre 2-7, en date du 5 février 2015, qui a déclaré irrecevable sa constitution de partie civile contre MM. N… U… , J… O… et X… E…, des chefs de diffamation publique et injures publiques envers un particulier et complicité ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 21 juin 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Parlos, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Zita ;

Sur le rapport de M. le conseiller PARLOS, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général LE DIMNA ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat tel que modifié par la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011, 23, 29, 32, 42 et 43 de la loi du 29 juillet 1881, préliminaire, 2, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

“en ce que la cour d’appel a confirmé le jugement ayant déclaré le demandeur irrecevable à se constituer partie civile ;

“aux motifs que l’appelant fait de nouveau valoir devant la cour que l’article 2 du code de procédure pénale pose le principe selon lequel l’action civile en raison du préjudice résultant d’une infraction appartient seulement à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction, sauf dispositions législatives contraires ; que c’est en ce sens que le législateur a accordé par la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 le droit au Conseil supérieur du notariat (CSN) d’exercer l’action civile afin de défendre l’intérêt collectif de la profession de notaire ; que le tribunal ne pouvait donc déclarer le CSN irrecevable du fait de l’absence d’élément constitutif du délit de diffamation, et faire application d’une jurisprudence de la Cour de cassation, invoquée en défense, antérieure à la modification législative précisée ci-dessus, ainsi qu’à la plainte déposée le 27 mai 2011 ; qu’en outre il ne peut exister une inégalité, contraire au droit d’accès à un tribunal garanti par l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme entre, d’une part, les associations habilitées pouvant exercer les droits reconnus à la partie civile lorsque sont publiés des propos injurieux ou diffamatoires à l’égard des personnes qu’elles ont pour objet de défendre et cela même en l’absence de plainte de la personne concernée, et, de l’autre, des groupements qui défendent également un intérêt collectif conformément à leur statut et qui dispose aussi d’une habilitation législative ; qu’il résulte certes des termes de l’article 24 de la loi du 28 mars 2011 précitée, modifiant l’article 6 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat que « le Conseil supérieur du notariat peut, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice directe ou indirect à l’intérêt collectif de la profession » ; qu’il en résulte que le préjudice, direct ou indirect, résultant de l’infraction, doit être porté à l’intérêt collectif de la profession ; qu’aux termes de l’article 29, alinéa 1 et alinéa 2, de la loi sur la presse les infractions de diffamation ou d’injures publiques ne sont caractérisées que si l’atteinte est portée soit à l’honneur ou à la considération de la personne auquel le fait diffamatoire est imputé, soit à la personne visée par l’expression outrageante ; que l’atteinte éventuellement portée à une profession dans son ensemble, comme en l’espèce, et non pas à une personne physique ou à une personne morale déterminée, ne peut permettre au Conseil supérieur du notariat, qui n’allègue pas être personnellement visé par les propos litigieux, de se constituer partie civile ; qu’il ne résulte pas de cette restriction une quelconque inégalité, dès lors que, les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 qui permettent à certaines associations habilitées à exercer les droits reconnus à la partie civile, y compris lorsque l’infraction aura été commise envers les personnes considérées individuellement, ne concernent que des diffamations ou injures qualifiées de spéciales et visent à protéger les intérêts prévus statutairement par ces associations ; que le jugement sera, en conséquence, confirmé sur l’irrecevabilité à agir du Conseil supérieur du notariat, sans qu’il y ait lieu de répondre sur les autres moyens d’irrecevabilité et autres soulevés par la défense ;

“1°) alors que la recevabilité d’une constitution de partie civile ne dépend pas de la caractérisation de l’infraction, mais de la possibilité d’un préjudice résultant de celle-ci ; qu’en conséquence, c’est par des motifs manifestement erronés que la cour d’appel a considéré que les infractions de diffamation ou d’injures publiques « ne sont caractérisées que si l’atteinte est portée soit à l’honneur ou à la considération de la personne auquel le fait diffamatoire est imputé, soit à la personne visée par l’expression outrageante ; que l’atteinte éventuellement portée à une profession dans son ensemble, comme en l’espèce, et non pas à une personne physique ou à une personne morale déterminée, ne peut permettre au Conseil supérieur du notariat, qui n’allègue pas être personnellement visé par les propos litigieux, de se constituer partie civile » ; que ce faisant, la cour d’appel a subordonné la recevabilité de la constitution de partie civile à la condition que celle-ci ait été visée par les propos litigieux, et privé sa décision de base légale ;

“2°) alors qu’en tout état de cause, aux termes de l’article 6 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat, tel que modifié par la loi du 28 mars 2011, le Conseil supérieur du notariat peut, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession ; que porte nécessairement atteinte à un tel intérêt la publication d’un ouvrage intitulé « Manifeste contre les notaires » et dénigrant explicitement la profession ; que dans ces conditions, c’est en violation du texte précité que la cour d’appel a déclaré irrecevable la constitution de partie civile du Conseil supérieur du notariat” ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué, du jugement qu’il confirme et des pièces de la procédure qu’à la suite de la publication, le 17 mars 2011, d’un ouvrage intitulé “Manifeste contre les notaires”, le Conseil supérieur du notariat a porté plainte et s’est constitué partie civile des chefs susvisés en raison des passages suivants : “La présence (du notariat) dans un pays est désormais un puissant facteur, donc un marqueur fiable de son degré de corruption” ; “parce que les notaires abusent leurs clients ; quand les notaires facturent des documents déjà payés qu’ils n’ont pas eux-mêmes produits” ; et “Lobby – Corruption – Népotisme -monopole – Conflits d’intérêts ; vingt-cinq variations sur le thème de la corruption, de la dénaturation, du détournement, du contournement, du retournement, de la connivence, de la confusion, de la dissimulation, de l’inversion, de l’inflation, de l’illégalité, du frauduleux, de l’insuffisant, de l’inconsistant et autres bienfaits du notariat (latin)” ; que l’éditeur de cet ouvrage, M. U…, et ses auteurs, M. O… et M. E…, ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel, le premier, des chefs de diffamation publique et injures publiques envers un particulier, le deuxième et le troisième, des chefs de complicité de ces délits ; que, par jugement en date du 4 février 2014, le tribunal correctionnel a déclaré irrecevable l’action de la partie civile ; que le Conseil supérieur du Notariat a relevé appel de cette décision ;

Attendu que, pour confirmer le jugement et déclarer irrecevable l’action de la partie civile, l’arrêt énonce que les infractions de diffamation ou d’injures publiques ne sont caractérisées que si l’atteinte est portée soit à l’honneur ou à la considération de la personne à laquelle le fait diffamatoire est imputé, soit à la personne visée par l’expression outrageante ; que les juges ajoutent que l’atteinte éventuellement portée à une profession dans son ensemble, comme en l’espèce, et non pas à une personne physique ou à une personne morale déterminée, ne peut permettre au Conseil supérieur du notariat, qui ne prétend pas être personnellement visé par les propos litigieux, de se constituer partie civile ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, et dès lors que l’article 6, alinéa 2, de l’ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat, qui permet au Conseil supérieur du notariat, d’exercer tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession, n’a pas pour effet de rendre recevable son action lorsque, comme en l’espèce, les propos poursuivis des chefs de diffamation publique et injures publiques envers un particulier n’atteignent que la profession dans son ensemble et ne visent aucune personne physique ou morale déterminée, la cour d’appel a justifié sa décision, sans méconnaître les dispositions légales invoquées ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

 


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