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SOC.
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 10 juillet 2019
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVET, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10797 F
Pourvoi n° Z 18-20.357
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Capgemini Technology Services, dont le siège est […] ,
contre l’arrêt rendu le 31 mai 2018 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 5), dans le litige l’opposant à M. P… Y…, domicilié […] ,
défendeur à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 12 juin 2019, où étaient présents : M. Chauvet, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, Mme Richard, conseiller, Mme Dumont, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat de la société Capgemini Technology Services, de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. Y… ;
Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l’article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Capgemini Technology Services aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. Y… la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille dix-neuf. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat aux Conseils, pour la société Capgemini Technology Services
Il est fait grief à l’arrêt attaqué, partiellement infirmatif, d’avoir dit que le licenciement de M. P… Y… n’était fondé ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse et d’avoir en conséquence condamné la société Cap Gemini Technology Services à lui payer un rappel de salaire pendant la période de mise à pied (6 008,40 €), une indemnité compensatrice de préavis (33 046,29 €), les congés payés y afférents, une indemnité conventionnelle de licenciement (94 193,16 €) et des dommages et intérêts pour rupture abusive (200 000 €) ;
AUX MOTIFS QU’ aux termes de l’article L. 1121-1 du code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. Il en résulte qu’au sein de l’entreprise, le salarié dispose du droit à sa liberté d’expression sans toutefois que l’usage de cette liberté ne dégénère en abus, notamment en portant atteinte de façon excessive au pouvoir de direction de l’employeur ou bien encore, en portant atteinte à l’honneur ou à la considération de salariés de l’entreprise. En l’espèce, la lettre de licenciement du 16 juin 2014 qui fixe les limites du litige et qui lie les parties et le juge, reproche en substance à Monsieur Y… d’avoir le 27 mai 2014 à 18h24, à la suite de l’annonce du départ de Madame F…, DRH, vers une autre entité, envoyé un courriel ainsi rédigé à certains collaborateurs de l’entreprise en utilisant la fonction « répondre à tous » avec donc l’intention que sa réponse soit lue par l’ensemble des collaborateurs : « Super, j’espère que le nouveau DRH saura promouvoir des idées humanistes et pas seulement l’agressivité stérile qui donne une image tellement négative de la Direction. Etant depuis 26 ans chez Capgemini, je trouve que cette dame n’a porté aucune des valeurs de Capgemini. Elle a fait des dégâts considérables auprès des équipes. Cordialement, P… Y… ». La lettre de licenciement lui reproche également avoir renvoyé son message, après réception d’un message d’erreur, à certains collaborateurs et ajoute que, le lendemain, Madame F… réagissait à ce message en se déclarant profondément choquée. Enfin, la lettre du licenciement lui reproche de ne pas avoir regretté son attitude lors de l’entretien préalable, mais d’avoir alors persisté dans son ressentiment et son manque de respect à l’égard de Madame F…, membre du comité de direction et ce, de façon injustifiée. Contestant son licenciement, l’appelant fait valoir qu’il n’avait aucune intention de nuire puisque l’e-mail n’a été envoyé qu’à cinq destinataires, que l’incident litigieux était un fait mineur, isolé qui n’a emporté aucune conséquence au sein de l’entreprise. Il ajoute avoir mis en oeuvre son droit fondamental qu’est la liberté d’expression et ce, sans en abuser puisqu’il considérait avoir un devoir de conseil de par sa position, son expérience et son activité au sein de la société, aux cinq membres de la direction en mesure de donner une meilleure orientation au nouveau DRH dans l’intérêt des salariés de l’entreprise, certains d’entre eux s’étant plaints du comportement de Madame F…. Pour étayer ses allégations, il verse au débat des compte rendus de l’entretien préalable, des attestations de salariés, des comptes rendus de réunions de syndicat et des e-mails. Au soutien de la faute grave, la société Cap Gemini indique que Monsieur Y… avait parfaitement assumé l’envoi de son mail qu’il a réitéré à deux managers en indiquant expressément qu’il n’avait aucune idée du nombre de destinataires qui ont pu recevoir cet e-mail, démontrant qu’il n’avait aucune conscience de ce que le mail répondant à tous ne serait pas diffusé le plus largement possible. Elle ajoute que le caractère limité de cette communication ne constitue en aucun cas une excuse recevable du comportement du salarié puisque ce dernier a tenu des propos désobligeants à l’encontre de la directrice des ressources humaines auprès de la ligne hiérarchique de cette dernière qui procède à son évaluation annuelle. Elle précise qu’aucune plainte, ni droit d’alerte n’a été mis en oeuvre à l’encontre de Madame F…. Pour étayer ses dires, elle produit des attestations et les bilans sociaux de la société. Cependant, si les propos de Monsieur Y… sont excessifs et constituent donc un abus fautif de sa liberté d’expression, ils ne présentent pas de caractère diffamatoire ou injurieux. Par ailleurs, compte tenu de l’âge de 60 ans de Monsieur Y… au moment de la rupture, de son ancienneté importante de 26 ans au sein de la société durant laquelle il n’a fait l’objet d’aucun reproche, de ses qualités et de son engagement professionnel non contestés, le licenciement pour faute grave constitue en réalité une mesure disproportionnée aux faits commis. Il en résulte que le licenciement n’est fondé ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse de licenciement et le jugement doit donc être infirmé sur ce dernier point ;
1) ALORS QUE l’abus de la liberté d’expression dont jouit le salarié dans l’entreprise résulte de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs ; qu’en considérant que le licenciement n’était fondé ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse en énonçant que « si les propos de Monsieur Y… sont excessifs et constituent donc un abus fautif de sa liberté d’expression, ils ne présentent pas de caractère diffamatoire ou injurieux » la cour d’appel a donné aux critères alternatifs de l’appréciation de l’existence de l’abus un caractère cumulatif, refusant ainsi de tirer les conséquences de sa constatation du caractère excessif des propos tenus et violant, par conséquent, les dispositions des articles L. 1121-1 et L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-3 du code du travail ;
2) ALORS, subsidiairement, QUE la lettre de licenciement reprochait à M. P… Y… d’avoir le 27 mai 2014 à 18h24, à la suite de l’annonce du départ de Mme F…, directrice des ressources humaines, vers une autre entité, envoyé un courriel ainsi rédigé à certains collaborateurs de l’entreprise en utilisant la fonction « répondre à tous » avec donc l’intention que sa réponse soit lue par l’ensemble des collaborateurs : « Super, j’espère que le nouveau DRH saura promouvoir des idées humanistes et pas seulement l’agressivité stérile qui donne une image tellement négative de la Direction. Etant depuis 26 ans chez Capgemini, je trouve que cette dame n’a porté aucune des valeurs de Capgemini. Elle a fait des dégâts considérables auprès des équipes » ; que ces propos étaient non seulement excessifs mais également diffamatoires en ce qu’ils imputaient à Mme F… un management agressif, ne respectant pas les valeurs de l’entreprise et ayant entraîné des dégâts considérables chez les salariés, faits qui étaient suffisamment précis et de nature à porter atteinte à l’honneur et à la considération de Mme F… ; qu’il s’ensuit qu’en considérant, pour dire que le licenciement du salarié ne reposait ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse, que « si les propos de Monsieur Y… sont excessifs et constituent donc un abus fautif de sa liberté d’expression, ils ne présentent pas de caractère diffamatoire ou injurieux », la cour d’appel a violé l’article 29, alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881, ensemble les articles L. 1121-1 et L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-3 du code du travail ;
3) ALORS QU’ en tout état de cause, en se bornant à affirmer, pour considérer que le licenciement du salarié ne reposait ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse, que « si les propos de Monsieur Y… sont excessifs et constituent donc un abus fautif de sa liberté d’expression, ils ne présentent pas de caractère diffamatoire ou injurieux », sans rechercher, comme il lui était demandé, si ces propos tenus à l’encontre d’un membre du comité de direction ne présentaient pas un caractère dénigrant et mensonger, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1121-1 et L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-3 du code du travail ;
4) ALORS QUE, très subsidiairement, pour retenir que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse, les premiers juges avaient retenu que compte tenu de l’expérience et du niveau de responsabilité de M. P… Y…, l’acte de dénigrement d’un membre du comité de direction n’était pas tolérable, que de plus, ces propos avaient été pleinement assumés et aucun regret n’avait été exprimé au cours de l’entretien préalable, que l’existence de griefs personnels, dont il n’était d’ailleurs pas démontré qu’ils étaient fondés, ne justifiait pas l’envoi d’un tel mail de dénigrement à plusieurs collaborateurs, qui plus est, appartenant tous à la ligne hiérarchique de Mme F…, que ce comportement regrettable aurait pu s’expliquer par un simple mouvement d’humeur sans réelle conséquence, mais qu’il était au contraire assumé et revendiqué lors de l’entretien préalable plusieurs jours après ; qu’en considérant que le licenciement de M. P… Y… était dépourvu de cause réelle et sérieuse, sans réfuter ces motifs du jugement, dont la société Cap Gemini demandait, à titre subsidiaire, la confirmation, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile, violant ainsi ledit article.