Diffamation : décision du 9 janvier 2020 Cour d’appel de Douai RG n° 18/06550

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Diffamation : décision du 9 janvier 2020 Cour d’appel de Douai RG n° 18/06550
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République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 09/01/2020

N° de MINUTE : 20/13

N° RG 18/06550 – N° Portalis DBVT-V-B7C-R73H

Jugement (N° 17/04963) rendu le 15 novembre 2018 par le tribunal de grande instance de Lille

Ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Lille du 8 février 2018

APPELANT

Monsieur [A] [W]

né le [Date naissance 3] 1978 à [Localité 6] (Maroc)

de nationalité franco-marocaine

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me François Deleforge, avocat au barreau de Douai et Maître Lorraine Gay, avocate au barreau de Paris

INTIMÉ

Monsieur [S] [U]

ayant élu domicile chez Maître Alain Cockenpot, avocat

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Alain Cockenpot, avocat au barreau de Douai et Me Jérôme Pianezza, avocat au barreau de Lille

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Hélène Château, première présidente de chambre

Benoît Pety, conseiller

Sara Lamotte, conseillère

———————

GREFFIÈRE LORS DES DÉBATS : Fabienne Dufossé

DÉBATS à l’audience publique du 14 novembre 2019 après rapport oral de l’affaire par Hélène Château

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 09 janvier 2020 (date indiquée à l’issue des débats) et signé Par Hélène Château, présidente, et Fabienne Dufossé, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 8 octobre 2019

Exposé du litige et de la procédure

Le 15 mars 2017, M. [A] [W] publiait sur son blog public « [010] » ainsi que sur son profil facebook, en accès public permettant d’accéder au même blog, un article intitulé « La promotion de l’islamiste [U] : France 2 récidive ».

Par acte d’huissier en date du 14 juin 2017, M. [S] [U] a fait assigner M. [A] [W] devant le tribunal de grande instance de Lille dans le cadre d’une action en diffamation publique.

Par une ordonnance en date du 8 février 2018, le juge de la mise en état a débouté M. [A] [W] de sa demande de nullité de l’assignation délivrée à son encontre par M. [S] [U], le 14 juin 2017.

Par un jugement en date du 15 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Lille a :

– Dit que les propos suivants tenus par Monsieur [W] sur son blog public ‘[010]’, également accessible via son profil Facebook,

« [08] » dans l’écrit intitulé : « La promotion de l’islamiste [U]: France 2 récidive » sous-titré Enquête de [A] [W] 14 mars 2017, publié le 15 mars 2017 :

« les mauvaises langues diraient que cette histoire est terriblement floue. « Et quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup » comme le dit pertinemment [K] [X]. Les mauvaises langues supposeraient que le système de [R] [D], alors Conseiller Général, aurait peut-être aidé [S] [U] pour avoir des subventions publiques pour son projet « Garage Solidaire ». Et qu’après sa défaite aux élections départementales de mars 2015, [S] [U] aurait versé une partie de cet argent public, au titre de prestations effectives, à « Inédit conseil ». Et que cette société aurait reversé une partie de cet argent (public) à [S] [U], en rémunérant ses supposées prestations de « consultant, expert » au service d’« Inédit conseil ». Un peu comme qui dirait, un circuit intelligent de supposées « rémunérations » et « rétro-rémunérations » ;

« En principe toujours, pour bénéficier des services à tarif social, il faut être demandeur d’emploi de plus de douze mois mais dont les revenus sont inférieurs au SMIC ; ou bénéficiaire du RSA, ASS, AAH ; ou accompagné par le PILE ; ou jeune de moins de 26 ans à la recherche d’un emploi suivi par Pôle Emploi ou par la Mission Locale ; ou salarié des structures de l’insertion par l’activité économique. En principe, l’intéressé doit produire des justificatifs de sa situation, et surtout une « prescription » délivrée par les administrations publiques compétentes. Ma source me confirme que ce principe ne serait pas respecté. Ce qui voudrait dire, que le « Garage Solidaire » de [S] [U], bénéficiant de l’argent public et des tarifs des pièces auto à prix coûtant, pratiquerait une concurrence déloyale, en ne visant pas uniquement ceux pour qui ce projet a été pensé au départ, mais tout le monde, et divisant, au passage, le prix des réparations par deux, si ce n’est plus, selon mes témoins » ;

« Non seulement ces pneus ne sont pas restés dans le Denaisis, pour bénéficier à leurs destinataires initiaux ‘ quelques centaines de pneus ont traversé la Méditerranée pour aller en Corse ‘ mais il semblerait que l’équipe de l’islamiste, bien qu’elle ait vendu quelques pneus à des bénéficiaires justifiant des « prescriptions », le reste des pneus aurait été vendu et monté de manière indifférenciée, à monsieur tout le monde, y compris à des salariés en bonne situation, ne répondant aucunement aux critères sociaux de base. Quant aux visiteurs de samedi, cela est une autre histoire ! » ;

« Mais si ce tarif, comme le confirment mes témoins, est aussi proposé au commun des mortels, parmi les personnes en activité professionnelle stable et non-précaire, cela pose d’énormes questions, liées a l’attribution de l’argent public à de tel projet, et rend plutôt crédible l’hypothèse selon laquelle le « Garage Solidaire » de [S] [U] ne créerait pas plus d’emplois aidés, par l’Etat, que ce qu’il en détruirait au passage, plongeant d’autres salariés dans le chômage et la précarité. Des soupçons de la vente des pneus à la sauvette, « moyennant quelques billets sous le manteau », sont sur toutes les lèvres, ou presque. On dit que « l’argent n’a pas d’odeur » mais les pneus Michelin, si. La direction de la « Fondation Michelin » est-elle au courant de ces pratiques ‘ » ;

« A défaut de respecter ladite procédure, les recettes de toutes ces ventes en dehors du circuit normatif, sont-elles consignées quelque part ‘ Sont-elles déclarées ‘ Combien de voitures au total le « Garage Solidaire du Hainault » a pu vendre, à des particuliers, sur « leboncoinfr » ‘ Cela ne représente-t-il pas un flagrant délit de « concurrence déloyale », envers des professionnels du secteur, qui, eux, ne bénéficient pas des subventions de l’Etat ‘ Pourrait-on supposer que la même démarche de vente sur « leboncoin.fr » serait pratiquée, illégalement, pour la vente d’autres pièces auto ‘ Des pneus Michelin CrossClimate 205/55/16, par exemple ‘(‘) »

Sont constitutifs d’une diffamation publique à l’encontre de [S] [U] ;

Condamné [A] [W] à payer à [S] [U] la somme de 800 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice moral subi par ce dernier ;

Condamné [A] [W] aux entiers dépens de l’instance ;

Condamné [A] [W] à payer à [S] [U] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Dit n’y avoir lieu au prononcé de l’exécution provisoire,

Rejeté toutes demandes, fins et prétentions, plus amples ou contraires, des parties.

Par déclaration en date du 4 décembre 2018, M. [A] [W] a formé appel du jugement en date du 15 novembre 2018 et de l’ordonnance du juge de la mise en état du 8 février 2018.

Au terme de ses dernières conclusions signifiées le 3 septembre 2019, M. [A] [W] demande à la cour d’appel au visa des articles 10 de la convention européenne des droits de l’homme, 65, 53,29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881 de :

Constater la prescription de l’action de M. [S] [U]

A titre subsidiaire,

Infirmer l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Lille du 8 février 2018,

Constater la nullité de l’assignation que M. [S] [U] lui a fait délivrer le 14 juin 2017

A titre très subsidiaire,

Infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Lille en date du 15 novembre 2018 et constater l’absence de caractère diffamatoire à l’encontre de M. [S] [U] des propos poursuivis,

Infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Lille du 15 novembre 2018 et

A titre infiniment subsidiaire,

Infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Lille en date du 15 novembre 2018 et constater sa bonne foi,

En tout état de cause,

Débouter M. [S] [U] de l’intégralité de ses demandes,

Condamner M. [S] [U] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner M. [S] [U] aux entiers dépens

Sur la prescription de l’action, il fait valoir que celle-ci est acquise depuis le 14 mai 2019, puisqu’aucun acte interruptif n’est intervenu depuis le 14 février 2019.

Sur la nullité de l’assignation, il constate que l’assignation délivrée à la requête de M. [S] [U] ne respecte aucune des exigences de qualification et de précision.

Sur l’absence de diffamation, il soutient que la diffamation consiste en l’imputation d’un fait précis, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Il fait valoir en outre qu’il est de bonne foi.

Au terme de ces dernières conclusions signifiées le 27 août 2019, M. [S] [U] demande à la cour d’appel au visa des articles 23, 29, 32, 35bid, 53, 65 de la loi du 29 juillet 1881 et R211-4 du code de l’organisation judiciaire de :

Débouter l’appelant de sa demande de constatation de prescription

Débouter M. [A] [W] de son appel sur le fond de ses demandes

Confirmer les termes de l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Lille du 8 février 2018

Confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Lille du 15 novembre 2018 en toutes ses dispositions.

Constater le caractère diffamatoire des propos tenus par M. [A] [W] en son blog public « [010] » directement, mais « également via son profil facebook, en accès public à l’adresse suivante : [08] dans l’écrit intitulé : « La promotion de l’islamiste [U] : France 2 récidive » sous-titré Enquête de [A] [W] 14 mars 2017, publié le 15 mars 2017 et confirmer en cela le jugement du tribunal de grande instance de Lille du 15 novembre 2018 en toutes ses dispositions.

En conséquence :

Confirmer la condamnation de M. [A] [W] à verser à M. [S] [U] la somme de 800 € au titre des dommages et intérêts et de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

Condamner M. [A] [W] à verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile concernant la procédure d’appel.

Condamner M. [A] [W] à régler les entiers frais et dépens.

Sur la prescription, il fait valoir qu’il est de jurisprudence constante qu’est interruptif de prescription, tout acte régulier de procédure par lequel le demandeur manifeste son intention de continuer l’action engagée. Il précise qu’il a signifié des conclusions les 14 février 2019 et 28 juin 2019 et que M. [W] a de son côté notifié des conclusions les 18 avril 2019 de sorte qu’aucune prescription n’est établie.

Sur le caractère diffamatoire des propos tenus par M. [A] [W], il soutient que l’imputation des faits diffamatoires est parfaitement claire puisque le texte en date du 14 mars 2017 explique expressément que M. [S] [U] serait l’auteur de comportements qui peuvent être qualifiés pénalement de détournement de fonds publics et/ou d’abus de confiance. Il démontre la réalité de son préjudice.

Sur l’appel de l’ordonnance du juge de la mise en état du 8 février 2018, il conclut que celui-ci est obsolète étant donné qu’un jugement sur le fond a été rendu depuis.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1° Sur la prescription de l’action

L’action engagée par M. [U] est une action en réparation d’une diffamation qu’il impute à M.[W], laquelle obéit aux dispositions de l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 qui prévoit que l’action civile résultant des crimes, délits et contraventions prévus par cette loi se prescrivent après trois mois révolus à compter du jour où ils auront été commis ou du dernier acte d’instruction ou de poursuite s’il en a été fait.

M. [W] oppose la prescription de l’action à raison de l’absence de tout acte interruptif de prescription entre le 14 février 2019, date à laquelle M. [U] intimé a régulièrement conclu en réponse aux conclusions d’appel qui lui avaient été signifiées le 3 janvier 2019, et le 26 août 2019, date de notification d’un nouveau jeu de conclusions par M. [U].

En l’espèce, M. [U] intimé a en effet conclu le 14 février 2019 pour la première fois en cause d’appel à la confirmation de la décision de première instance dans le délai de trois mois à compter de la décision même frappée d’appel, confirmant son intention de poursuivre son action en réparation du préjudice né des propos de M. [W] qu’il juge diffamatoires.

En revanche, il est inexact d’affirmer que M. [U] n’a pas conclu entre le 14 février 2019 et le 26 août 2019, dès lors qu’il a aussi notifié entre ces deux dates des conclusions via le réseau privé virtuel des avocats les 28 juin 2019 et 1° juillet 2019, M. [W] étant représenté par avocat dans cette procédure devant la cour d’appel depuis l’acte d’appel du 4 décembre 2018.

S’il s’est bien passé plus de trois mois entre le 14 février 2019 et le 28 juin 2019, la notification le 18 avril 2019, de conclusions par M [W] défendeur à l’action mais appelant, peut être considérée comme un acte interruptif de prescription.

Il y a lieu en conséquence de rejeter la demande de M. [W] de voir constater la prescription de l’action engagée par M. [U].

2° Sur la demande en nullité de l’assignation

Il est constant que M. [W] avait formé cette demande devant le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Lille, qui par décision du 8 février 2018 avait rejeté cette demande.

Il importe peu que depuis soit intervenu le jugement sur le fond en date du 15 novembre 2018, dès lors que M. [W] a régularisé tant un appel du jugement du 15 novembre 2018 qu’un appel à l’encontre de la décision du juge de la mise en état du 8 février 2018, ce qu’il était recevable à faire en application de l’article 776 du code de procédure civile, qui précise que les ordonnances du juge de la mise en état ne peuvent être frappées d’appel qu’avec le jugement sur le fond

Vu l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse,

La citation délivrée à M. [W] se devait de préciser et qualifier le fait incriminé, d’indiquer le texte de loi applicable à la poursuite, toutes ces formalités étant observées à peine de nullité de la poursuite, ces dispositions étant pleinement applicables à l’action civile exercée sur la base de la loi du 29 juillet 1881 devant une juridiction civile.

M. [W] reproche en premier lieu à l’assignation du 14 juin 2017 de viser globalement l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sans préciser quels alinéas M. [U] entend voir appliquer alors même que l’alinéa 1 de l’article 29 vise la diffamation, alors que l’alinéa 2 vise l’injure.

S’il est bien exact que c’est l’article 29 qui est visé dans sa globalité, M. [U] n’a pas néanmoins entretenu une quelconque équivoque sur le fondement juridique de sa demande, dès lors qu’il ne fait état dans cette assignation que de propos diffamatoires, le terme d’injures n’étant jamais employé.

M. [W] reproche par ailleurs à l’assignation du 14 juin 2017 de viser globalement l’article 32 de la loi du 29 juillet 1881 sans préciser quels alinéas M. [U] entend voir appliquer alors même que l’alinéa 1 de l’article 32 vise la diffamation envers un particulier, que l’alinéa 2 vise la diffamation envers une personne à raison de son origine ou de son appartenance ou sa non appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée et que l’alinéa 3 vise la diffamation envers une personne à raison de son sexe, de son orientation ou identité sexuelle ou de son handicap.

Le juge de la mise en état dans sa décision du 8 février 2018 a toutefois fait justement observer qu’en page 4 de son assignation, M. [U] visait expressément et exclusivement l’alinéa 1 de l’article 32 et ne faisait état que de la diffamation envers un particulier de sorte que là aussi, aucune ambiguïté ne pouvait exister dans l’esprit de M. [W] à réception de cette assignation sur ce point.

M. [W] reproche en dernier lieu à l’assignation du 14 juin 2017 de ne pas préciser ni d’articuler les faits poursuivis dans l’assignation et notamment dans le dispositif de celle-ci.

S’il est bien exact que le dispositif de l’assignation renvoie à la totalité du texte publié le 15 mars 2017, par M. [A] [W] sur son blog public « [010] » ainsi que sur son profil facebook, en accès public permettant d’accéder au même blog, un article intitulé ‘La promotion de l’islamiste [U] : France 2 récidive’, lequel fait six pages d’une écriture serrée de police 10, tel que repris dans le procès-verbal de constat du 5 juin 2017 établi par Maître [G] [C] huissier de justice à [Localité 9], l’assignation précise dans ses motifs les passages qu’elle estime diffamatoires, ces passages étant repris entre guillemets de sorte qu’il ne pouvait y avoir d’incertitude dans l’esprit de M. [W] pour déterminer quels propos étaient jugés diffamatoires, ce qui lui permettait de présenter une offre de preuve des faits allégués de diffamation.

Sera en conséquence confirmée la décision du juge de la mise en état du 8 février 2018 qui a rejeté la demande en nullité de l’assignation.

3° Sur la qualification de propos diffamatoires

Vu l’article 29 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881,

Dans la mesure où M. [U] n’a nullement formé appel incident du jugement du tribunal de grande instance de Lille du 15 novembre 2018 qui n’a qualifié de diffamatoires que cinq passages du blog litigieux, se contentant de demander la confirmation du jugement, alors même qu’initialement dans son assignation, il reprenait huit passages de ce blog qu’il jugeait diffamatoires, la cour d’appel n’a à se prononcer que sur le caractère diffamatoire ou non des cinq passages retenus par le tribunal.

A. ‘les mauvaises langues diraient que cette histoire est terriblement floue. Et quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup comme le dit pertinemment [K] [X]. Les mauvaises langues supposeraient que le système de [R] [D], alors Conseiller Général, aurait peut-être aidé [S] [U] pour avoir des subventions publiques pour son projet Garage Solidaire et qu’après sa défaite aux élections départementales de mars 2015, [S] [U] aurait versé une partie de cet argent public, au titre de prestations effectives, à « Inédit conseil ». Et que cette société aurait reversé une partie de cet argent (public) à [S] [U] en rémunérant ses supposées prestations de « consultant, expert » au service d’« Inédit conseil ». Un peu comme qui dirait, un circuit intelligent de supposées « rémunérations » et « rétro-rémunérations »;

M. [W] estime que seul le système de [R] [D] est visé et non M. [U] ; toutefois l’allégation au terme de laquelle M. [S] [U] a perçu de la société Inédit Conseil des rémunérations pour des supposées prestations, porte bien atteinte à l’honneur ou à la considération de M. [S] [U] auquel il est reproché en réalité un recel d’argent provenant d’un abus de bien social.

B. ‘En principe toujours, pour bénéficier des services à tarif social, il faut être demandeur d’emploi de plus de douze mois mais dont les revenus sont inférieurs au SMIC ; ou bénéficiaire du RSA, ASS, AAH ; ou accompagné par le PILE ; ou jeune de moins de 26 ans à la recherche d’un emploi suivi par Pôle Emploi ou par la Mission Locale ; ou salarié des structures de l’insertion par l’activité économique. En principe, l’intéressé doit produire des justificatifs de sa situation, et surtout une « prescription » délivrée par les administrations publiques compétentes. Ma source me confirme que ce principe ne serait pas respecté. Ce qui voudrait dire, que le Garage Solidaire de [S] [U], bénéficiant de l’argent public et des tarifs des pièces auto à prix coûtant, pratiquerait une concurrence déloyale, en ne visant pas uniquement ceux pour qui ce projet a été pensé au départ, mais tout le monde, et divisant, au passage, le prix des réparations par deux, si ce n’est plus, selon mes témoins’ ;

C. ‘ …Non seulement ces pneus ne sont pas restés dans le Denaisis, pour bénéficier à leurs destinataires initiaux ‘ quelques centaines de pneus ont traversé la Méditerranée pour aller en Corse ‘ mais il semblerait que l’équipe de l’islamiste, bien qu’elle ait vendu quelques pneus à des bénéficiaires justifiant des « prescriptions », le reste des pneus aurait été vendu et monté de manière indifférenciée, à monsieur tout le monde, y compris à des salariés en bonne situation, ne répondant aucunement aux critères sociaux de base. Quant aux visiteurs de samedi, cela est une autre histoire !’ ;

D. ‘… Mais si ce tarif, comme le confirment mes témoins, est aussi proposé au commun des mortels, parmi les personnes en activité professionnelle stable et non-précaire, cela pose d’énormes questions, liées a l’attribution de l’argent public à de tel projet, et rend plutôt crédible l’hypothèse selon laquelle le « Garage Solidaire » de [S] [U] ne créerait pas plus d’emplois aidés, par l’Etat, que ce qu’il en détruirait au passage, plongeant d’autres salariés dans le chômage et la précarité. Des soupçons de la vente des pneus à la sauvette, « moyennant quelques billets sous le manteau », sont sur toutes les lèvres, ou presque. On dit que « l’argent n’a pas d’odeur » mais les pneus Michelin, si. La direction de la « Fondation Michelin » est-elle au courant de ces pratiques ”;

E. ‘ A défaut de respecter ladite procédure, les recettes de toutes ces ventes en dehors du circuit normatif, sont-elles consignées quelque part ‘ Sont-elles déclarées ‘ Combien de voitures au total le « Garage Solidaire du Hainault » a pu vendre, à des particuliers, sur « leboncoinfr » ‘ Cela ne représente-t-il pas un flagrant délit de « concurrence déloyale », envers des professionnels du secteur, qui, eux, ne bénéficient pas des subventions de l’Etat ‘ Pourrait-on supposer que la même démarche de vente sur « leboncoin.fr » serait pratiquée, illégalement, pour la vente d’autres pièces auto ‘ Des pneus Michelin CrossClimate 205/55/16, par exemple ‘(‘)’.

M. [W] estime que seul le garage solidaire est visé dans ces passages, que ce dernier n’a pas engagé de poursuite et que M. [S] [U] n’est visé qu’indirectement et qu’il n’existe pas de diffamation indirecte.

Toutefois en accolant le nom de M. [S] [U] à celui du garage solidaire, ces propos portent bien atteinte à l’honneur ou à la considération de M. [S] [U] auquel il est reproché d’avoir mis en place une concurrence déloyale par le biais de procédés illégaux.

Seront en conséquence confirmées les dispositions du jugement du 15 novembre 2018 en ce qu’elles ont qualifié de diffamatoires ces propos.

4° Sur la bonne foi de M. [W]

– la poursuite ou non d’un but légitime

Le tribunal a à juste titre retenu que M. [W] traitait d’un sujet d’intérêt général en réagissant dans son blog à un reportage du journal télévisé de 20 heures de France 2 en date du 13 mars 2017 relatif à M. [S] [U] et son initiative de créer un garage solidaire à Denain dans le Nord dans le cadre d’un sujet plus général sur les chômeurs au coeur de la campagne, la finalité des propos du blog étant de rechercher s’il y a eu ou non bonne utilisation de fonds publics.

La cour en conclut que M. [W] poursuivait un but légitime.

– l’absence ou non de toute animosité personnelle

Il n’est nullement allégué que M [W] ait une animosité personnelle à l’encontre de M. [S] [U], aucune pièce versée aux débats justifiant d’un contentieux personnel antérieur entre Messieurs [W] et [U], et ce même si M. [W] avait déjà écrit en janvier 2016 un livre intitulé ‘Pourquoi j’ai quitté les frères musulmans’ dans lequel il évoquait le rôle de la famille [U], la cour notant d’ailleurs que les propos tenus n’épargnent pas d’autres personnes physiques tel notamment que M. [R] [D].

La cour en conclut à l’absence d’animosité personnelle de M. [W].

– le sérieux de l’enquête et le principe du contradictoire

Il n’est pas contesté que M. [W] a pris contact tant avec M. [R] [D] qu’avec M. [S] [U] avant de publier ses propos jugés diffamatoires dans son blog de sorte qu’il a bien respecté le contradictoire.

Il convient d’examiner les pièces versées par M. [W] pour justifier du sérieux de son enquête :

Ne peuvent être pris en compte au titre de base factuelle :

– Les pièces 1,15, 33,34 les propres écrits de M. [W] ou les articles de journaux qui s’en font seulement l’écho

– Les pièces n° 2, 3 et 16 dès lors qu’elles se rapportent non point à M. [S] [U], mais à son père [H]

– Les pièces n° 4 à 10 qui présentent M. [S] [U] comme porte parole de la mosquée de [Localité 12] ou d'[Localité 7] ou comme présent à l’inauguration de la mosquée de [Localité 11], sans lien avec les accusations portées,

– Les éléments postérieurs à la date du 15 mars 2017 pour apprécier le sérieux de l’enquête et doivent donc être écartées la pièce 24 relative à la procédure collective de l’association Garage Solidaire, les articles en date du 25 novembre 2017 de la Voix du Nord et de l’observateur du Valenciennois (pièces 25 et 26) relatifs à la liquidation judiciaire de l’association Garage Solidaire, tout comme l’article de M [O] [N] ‘quand la faillite ouvre la voie royale’ de novembre 2017, (pièce 28), la pièce 30 du 17 novembre 2017 ainsi que les pièces 35 , 36 et 39 respectivement des 28 décembre 2018, 10 mars 2018 et 25 mars 2017.

La lecture attentive des autres pièces versées aux débats relatives à l’association Garage Solidaire, au prix reçu par M [S] [U] au titre de l’entrepreneur de l’année 2016 pour la région Nord-De-France ne permet nullement de trouver d’élément permettant d’asseoir les allégations jugées diffamatoires, à la seule exception de la lettre ouverte de M. [O] [N] du 18 mars 2014.

Au vu de ce seul élément, la cour ne peut que constater l’absence de base factuelle suffisante, pour appuyer les allégations jugées diffamatoires.

En conclusion, au regard de l’insuffisance de base factuelle, la bonne foi de M. [W] ne sera pas reconnue de sorte que M. [U] est bien fondé en sa demande de dommages et intérêts.

Les dispositions civiles du jugement du tribunal de grande instance de Lille du 15 novembre 2018 seront donc confirmées, M. [U] sollicitant dans le dispositif de ses conclusions qui lient la présente cour la confirmation de la condamnation de M. [W] à lui payer la somme de 800 euros de dommages et intérêts.

5° Sur les demandes accessoires

M. [W] partie perdante sera condamné aux dépens de première instance, le jugement du tribunal de grande instance de Lille étant confirmé sur ce point et d’appel et ce en application de l’article 696 du code de procédure civile.

Par ailleurs, en application de l’article 700 du code de procédure civile, M. [U] est fondé à obtenir une indemnité complémentaire à celle qui lui avait été allouée par le tribunal de grande instance dès lors qu’il a du faire face à de nouveau frais de représentation par avocat dans le cadre de la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme la décision du juge de la mise en état du 8 février 2018,

Confirme la décision du tribunal de grande instance de Lille du 15 novembre 2018,

Y ajoutant,

Condamne M. [A] [W] aux dépens d’appel,

Condamne M. [A] [W] à payer à M. [S] [U] 1500 euros d’indemnité d’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Rejette la demande de M. [W] formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente

Fabienne DUFOSSÉ Hélène CHÂTEAU

 


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