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COUR D’APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE – SECTION B
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ARRÊT DU : 9 janvier 2020
(Rédacteur : Madame Catherine MAILHES, conseillère)
PRUD’HOMMES
N° RG 17/05884 – N° Portalis DBVJ-V-B7B-KCYU
Monsieur [I] [X]
c/
SAS CODIS
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée aux avocat le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 septembre 2017 (R.G. n°F 16/00139) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ANGOULEME, Section Encadrement, suivant déclaration d’appel du 19 octobre 2017,
APPELANT :
Monsieur [I] [X] de nationalité Française
Profession : Boulanger pâtissier, demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Marie-Isabelle TEILLEUX, avocat au barreau de BORDEAUX
assisté de Me GABORIAU, avocat au barreau de BORDEAUX substituant Me DADI de la SELAS DADI, avicat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
SAS CODIS prise en la personne de son représentant légal domicilié en
cette qualité au siège [Adresse 1]
représentée par Me Philippe LECONTE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX
assistée de Me SOURNIES, avocat au barreau de POITIERS
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 13 novembre 2019 en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Luce Grandemange, présidente,
Catherine Mailhes, conseillère,
Mme Emmanuelle Leboucher, conseillère,
qui en ont délibéré.
greffière lors des débats : Mme Sylvaine Déchamps,
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
EXPOSE DU LITIGE
Selon un contrat de travail à durée indéterminée du 15 mai 2003, la société Codis a engagé M. [X] en qualité de responsable du rayon boulangerie-pâtisserie.
Par avenant du 29 septembre 2007, la société Codis a confié à M. [X] la responsabilité de la gestion de la brasserie de la galerie marchande. Il en a été déchargé à compter du mois d’avril 2011.
A compter du 15 janvier 2016, M. [X] a été placé en arrêt de travail.
Le 10 mai 2016, la médecine du travail a déclaré M. [X] inapte à la reprise de son poste de travail, en une seule visite, pour danger immédiat et fixé une étude de poste le 13 mai 2016.
Le 11 mai 2016, M. [X] a saisi le conseil de prud’hommes d’Angoulême de diverses demandes.
Par courrier du 23 mai 2016, la médecine du travail a notifié à la société Codis l’impossibilité d’aménagement de poste ou de reclassement de M. [X] au sein de l’établissement.
Le 26 mai 2016, la société Codis a convoqué M. [X] à un entretien préalable à son éventuel licenciement, fixé le 4 juin 2016 M. [X] ne s’y est pas rendu.
Le 9 juin 2016, la société Codis a notifié à M. [X] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Au dernier état de ses demandes devant le conseil de prud’hommes, M. [X] avait sollicité qu’il :
fixe la moyenne mensuelle des salaires mensuelle des salaires comprenant les heures supplémentaires sollicitées à 4 586,95 euros bruts (3 727,50 euros bruts + 30 940,08 euros bruts d’heures supplémentaires : 36 mois]), ou subsidiairement 3 727,50 euros bruts (calculé sur la base de 3 550 euros bruts de salaire de base + 177,50 euros bruts de prime d’ancienneté),
condamne la société Codis à lui payer les sommes suivantes :
1 000 euros bruts à titre de rappel de primes Except Fa 2015 en 2016 outre 100 euros bruts au titre des congés payés afférents,
500 euros bruts à titre de rappel de primes d’assiduité en novembre 2015 outre 50 euros bruts au titre des congés payés afférents,
23 750,43 euros bruts à titre de paiement d’heures supplémentaires à 125% outre 2 375,04 euros au titre des congés payés afférents,
7 189,65 euros bruts à titre de paiement d’heures supplémentaires à 150% outre 718,97 euros bruts au titre des congés payés afférents, ou subsidiairement, 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de convention de forfait écrite et d’un accord collectif suffisamment précis,
27 521,70 euros à titre d’indemnité forfaitaire légale pour dissimulation d’emploi salarié,
8 062,24 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de contrepartie obligatoire en repos outre 806,22 euros bruts au titre des congés payés afférents,
10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la durée maximale de travail et de repos hebdomadaires,
20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
60 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul ou, subsidiairement, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
13 760,85 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 1376,09 euros bruts au titre des congés payés afférents, ou subsidiairement, 11 182,50 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 1118,25 euros bruts au titre des congés payés afférents,
2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
ordonne la communication de :
la charte Leclerc et le contrat de panonceau sous astreinte de 100 euros par jour de retard par document,
la méthode de calcul de la participation sous astreinte de 100 euros par jour de retard,
tout accord relatif à la participation et à l’intéressement de 2013 à 2016 sous astreinte de 100 euros par jour de retard,
du montant du chiffre d’affaires, des bénéfices et de l’intéressement globale accordé aux employés de 2013 à 2016 sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
convoque les parties à une nouvelle audience afin de statuer au vu des éléments fournis sur le montant du rappel de primes « 25% Leclerc » à accorder au salarié,
ordonne, en fonction des condamnations intervenues, la délivrance des documents suivants sous astreinte journalière de 100 euros par jour de retard et se réserver le pouvoir de liquider l’astreinte :
attestation Pôle emploi,
certificat de travail ;
bulletins de salaire.
ordonne la capitalisation des intérêts au taux légal en application de l’article 1154 du code civil (anatocisme), à compter de la première demande, soit la saisine du conseil de prud’hommes.
Par jugement du 25 septembre 2017, le conseil de prud’hommes d’Angoulême a :
rejeté l’ensemble des demandes formulées par M. [X],
rejeté la demande formulée par la société Codis au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 19 octobre 2017, M. [X] a relevé appel ‘total – infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau :
fixer la moyenne mensuelle des salaires mensuelle des salaires comprenant les heures supplémentaires sollicitées à 4 586,95 euros bruts (3 727,50 euros bruts + 30 940,08 euros bruts d’heures supplémentaires : 36 mois]), ou subsidiairement 3 727,50 euros bruts (calculé sur la base de 3 550 euros bruts de salaire de base + 177,50 euros bruts de prime d’ancienneté),
condamner la société Codis à lui payer les sommes suivantes :
1 000 euros bruts à titre de rappel de primes Except Fa 2015 en 2016 outre 100 euros bruts au titre des congés payés afférents,
500 euros bruts à titre de rappel de primes d’assiduité en novembre 2015 outre 50 euros bruts au titre des congés payés afférents,
23 750,43 euros bruts à titre de paiement d’heures supplémentaires à 1252% outre 2 375,04 euros au titre des congés payés afférents,
7 189,65 euros bruts à titre de paiement d’heures supplémentaires à 150% outre 718,97 euros bruts au titre des congés payés afférents, ou subsidiairement, 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de convention de forfait écrite et d’un accord collectif suffisamment précis,
27 521,70 euros à titre d’indemnité forfaitaire légale pour dissimulation d’emploi salarié,
8 062,24 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de contrepartie obligatoire en repos outre 806,22 euros bruts au titre des congés payés afférents,
10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la durée maximale de travail et de repos hebdomadaires,
20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
60 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul ou, subsidiairement, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
13 760,85 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 1376,09 euros bruts au titre des congés payés afférents, ou subsidiairement, 11 182,50 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 1118,25 euros bruts au titre des congés payés afférents,
2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
ordonner la communication de :
la charte Leclerc et le contrat de panonceau sous astreinte de 100 euros par jour de retard par document,
la méthode de calcul de la participation sous astreinte de 100 euros par jour de retard,
tout accord relatif à la participation et à l’intéressement de 2013 à 2016 sous astreinte de 100 euros par jour de retard,
du montant du chiffre d’affaires, des bénéfices et de l’intéressement globale accordé aux employés de 2013 à 2016 sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
convoquer les parties à une nouvelle audience afin de statuer au vu des éléments fournis sur le montant du rappel de primes « 25% Leclerc » à accorder au salarié,
ordonner, en fonction des condamnations intervenues, la délivrance des documents suivants sous astreinte journalière de 100 euros par jour de retard et se réserver le pouvoir de liquider l’astreinte :
attestation Pôle emploi,
certificat de travail ;
bulletins de salaire.
voir ordonner la capitalisation des intérêts au taux légal en application de l’article 1154 du code civil, à compter de la première demande, soit la saisine du conseil de prud’hommes.’
Par ses dernières conclusions du 29 décembre 2017, M. [X] sollicite de la cour qu’elle infirme le jugement déféré et, statuant à nouveau :
fixe la moyenne mensuelle des salaires mensuelle des salaires comprenant les heures supplémentaires sollicitées à 4 586,95 euros bruts (3 727,50 euros bruts + 30 940,08 euros bruts d’heures supplémentaires : 36 mois]), ou subsidiairement 3 727,50 euros bruts (calculé sur la base de 3 550 euros bruts de salaire de base + 177,50 euros bruts de prime d’ancienneté),
condamne la société Codis à lui payer les sommes suivantes :
1 000 euros bruts à titre de rappel de primes Except Fa 2015 en 2016 outre 100 euros bruts au titre des congés payés afférents,
500 euros bruts à titre de rappel de primes d’assiduité en novembre 2015 outre 50 euros bruts au titre des congés payés afférents,
23 750,43 euros bruts à titre de paiement d’heures supplémentaires à 125% outre 2 375,04 euros au titre des congés payés afférents,
7 189,65 euros bruts à titre de paiement d’heures supplémentaires à 150% outre 718,97 euros bruts au titre des congés payés afférents, ou subsidiairement,
27 521,70 euros à titre d’indemnité forfaitaire légale pour dissimulation d’emploi salarié,
8 062,24 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de contrepartie obligatoire en repos outre 806,22 euros bruts au titre des congés payés afférents,
10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la durée maximale de travail et de repos hebdomadaires,
20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
60 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul ou, subsidiairement, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
13 760,85 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 1376,09 euros bruts au titre des congés payés afférents, ou subsidiairement, 11 182,50 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 1118,25 euros bruts au titre des congés payés afférents,
2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
ordonne la communication de :
la charte Leclerc et le contrat de panonceau sous astreinte de 100 euros par jour de retard par document,
la méthode de calcul de la participation sous astreinte de 100 euros par jour de retard,
tout accord relatif à la participation et à l’intéressement de 2013 à 2016 sous astreinte de 100 euros par jour de retard,
du montant du chiffre d’affaires, des bénéfices et de l’intéressement globale accordé aux employés de 2013 à 2016 sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
convoque les parties à une nouvelle audience afin de statuer au vu des éléments fournis sur le montant du rappel de primes « 25% Leclerc » à accorder au salarié,
ordonne, en fonction des condamnations intervenues, la délivrance des documents suivants sous astreinte journalière de 100 euros par jour de retard et se réserver le pouvoir de liquider l’astreinte :
attestation Pôle emploi,
certificat de travail,
bulletins de salaire ;
ordonne la capitalisation des intérêts au taux légal en application de l’article 1154 du code civil, à compter de la première demande, soit la saisine du conseil de prud’hommes,
ordonne l’exécution provisoire en application des dispositions de l’article 515 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions du 29 mars 2018, la société Codis sollicite de la cour :
à titre principal, qu’elle juge que l’appel formé par M. [X] est partiel et ne concerne pas les dispositions de la décision entreprise relatives à la prime ‘25% Leclerc’, à la licéité de la convention de forfait et à sa demande de résiliation judiciaire, ces dispositions étant dès lors définitives,
à titre subsidiaire, qu’elle confirme le jugement déféré sur ces points,
en tout état de cause, qu’elle :
confirme, pour le surplus, le jugement déféré,
condamne M. [X] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 30 octobre 2019.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l’étendue de l’appel
Selon les dispositions de l’article 562 du code de procédure civile, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et ceux qui en dépendent. La dévolution s’opère pour le tout lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
En l’occurrence la déclaration d’appel de M. [X] ne mentionne pas que l’appel porte sur le rejet de la demande de résiliation judiciaire du contrat et sur les primes 25% Leclerc. D’ailleurs aucune demande n’est formulée par M. [X] sur ces points. Il s’ensuit que le jugement a acquis force de chose jugée en ce qu’il a rejeté les demandes tendant à prononcer la résiliation du contrat de travail et à condamner la société Codis au paiement des primes 25% Leclerc.
Devant le conseil de prud’hommes, l’illicéité de la convention de forfait a été invoquée à titre de moyen au soutien de la demande en paiement d’heures supplémentaires. Aucune demande d’annulation ou d’inopposabilité de la convention de forfait n’a été sollicitée et le jugement a rejeté la demande d’heures supplémentaires. En conséquence, la demande tendant à dire que la disposition du jugement à ce titre est définitive est sans objet.
Ce faisant la cour n’est pas saisie des demandes de communication de pièces sous astreinte de 100 euros par jour de retard, toutes liées à la prime de 25% Leclerc.
Sur l’exécution du contrat de travail
1/ Sur la prime Except Fa
M. [X] soutient ne pas avoir été réglé de sa prime Except FA en 2016 payée de deux versements de 1000 euros bruts vers avril, mai ou juin puis en août.
La société Codis conclut à la confirmation et précise que cette prime n’a pas de caractère automatique, s’agissant d’une prime exceptionnelle assise sur les résultats et les performances qui n’est pas prévue au contrat de travail ni même à la convention collective nationale mais relève du pouvoir discrétionnaire de l’employeur.
Il ressort des bulletins de salaire versés aux débats que cette prime n’a pas été versée en 2013 et que son versement bisannuel de 1000 euros est variable, en août et en avril ou en juin au cours des années 2014 et 2015, en sorte qu’à défaut de constance dans son versement, c’est à bon droit que les premiers juges ont retenu qu’elle n’avait aucun caractère automatique et qu’elle relevait du pouvoir discrétionnaire de l’employeur. M. [X] sera donc débouté de sa demande à ce titre et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté la dite demande en paiement.
2/ Sur la prime d’assiduité de novembre 2015
M. [X] soutient que la prime d’assiduité de 500 euros bruts versée en novembre ne lui a pas été payée en novembre 2015 et qu’il y a droit dès lors qu’en ne lui versant pas cette prime en raison d’un arrêt maladie de 12 jours sur la période de référence, l’employeur opère une discrimination car il ne traite pas toutes les absences de la même façon au regard de la note de service interne.
La société Codis répond que cette prime d’ancienneté a été instituée volontairement par l’employeur et qu’il s’agit d’un avantage spécifique Codis, calculé sur la base d’un pourcentage déterminé en fonction du temps de présence dans l’entreprise (2% après deux ans…5% après 5 ans et plafonné à 5%) du salaire brut.
Si l’employeur peut tenir compte des absences, même motivées par la grève, pour le paiement d’une prime, c’est à la condition que toutes les absences, hormis celles qui sont légalement assimilées à un temps de travail effectif, entraînent les mêmes conséquences sur son attribution.
La note interne de la société Codis sur la suppression d’un usage en cours dans l’entreprise et mise en place de la prime annuelle d’assiduité prévoit que celle-ci est versée à tous les salariés présents dans l’entreprise et ayant au moins 5 mois d’ancienneté au 20 novembre de l’année en cours et qu’elle est conditionnée au fait que le salarié ne devra pas avoir fait l’objet de plus de 5 jours d’absences cumuls non payés entre le 21 novembre de l’année N-1 et le 20 novembre de l’année N. Il y est précisé que les congés payés, les RTT, les périodes de formation sauf CIF ainsi que les absences autorisées pour circonstances de famille telles que définies à la convention collective ne seront pas pris en compte dans les décomptes des jours d’absence, outre qu’un prorata de la prime sera versé pour les salariés bénéficiaires du congé légal maternité, du congé paternité et pour ceux ayant plus de cinq mois d’ancienneté.
Il résulte de la liste de motifs d’absences n’ayant pas d’impact sur la prime parmi lesquels figurent les absences autorisées pour circonstances de famille telles que définies à la convention collective que la suppression de la prime d’assiduité en cas d’absence pour maladie constitue une mesure discriminatoire.
En conséquence, il sera fait droit à la demande de rappel de prime d’assiduité de 500 euros de novembre 2015 et la société Codis condamnée au paiement de cette somme avec intérêts au taux légal à compter de la demande, soit du jour de la réception par l’employeur de la convocation au bureau de conciliation.
Le jugement entrepris qui a débouté M. [X] de cette demande sera infirmé.
3/ Sur les heures supplémentaires
Pour réclamer des heures supplémentaires calculées de manière hebdomadaire, M. [X] soutient que la convention de forfait jours sur l’année à laquelle il est soumis est privée d’effet dès lors qu’il n’est pas déterminé que l’employeur a respecté les stipulations de la convention collective visant à s’assurer de la charge de travail du salarié. Il soutient ainsi avoir, à de multiples reprises dépassé le maximum de la durée de travail journalière de 10 heures en violation de l’article L.3121-34 du code du travail et que durant la période de Noël, il travaillait sept jours ou plus en continu, sans respect du jour de repos hebdomadaire minimal légal.
La société Codis rétorque que M. [X] ne précise pas quelle garantie ne serait pas satisfaite le concernant, qu’il ne fonde pas sa demande. Elle précise qu’un contrôle du temps de travail hebdomadaire était organisé, que M. [X] signait et qui était validé par l’employeur, que la convention de forfait jours convenue est licite dès lors que M. [X] est un cadre autonome dans l’organisation de son emploi du temps, sa catégorie d’emploi étant visée dans la convention collective nationale comme entrant dans le champs d’application des conventions de forfait jours, que le forfait jours est de 216 jours, soit inférieur à la limite posée par le code du travail .
Le bulletins de salaire font mention d’un forfait de 216 jours de travail annuel et il est constant que M. [X] était soumis à une convention de forfait annuel de 216 jours.
Le salarié qui soutient que l’employeur n’a pas respecté les dispositions conventionnelles dans la mise en oeuvre de la convention de forfait, n’a pas mis en place un système visant à s’assurer du nombre d’heures effectuées par le salarié et sa charge de travail et qui met en exergue des dépassements de la durée maximale de travail journalière, hebdomadaire et du non respect du repos hebdomadaire en indiquant les dispositions légales, fonde sa demande en fait et en droit permettant à la cour d’y répondre.
En l’occurrence, la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire applicable prévoit que, au moins une fois par an, le salarié en forfait jours bénéficie à l’initiative de sa hiérarchie d’un entretien portant sur sa charge et son amplitude de travail, sur l’organisation du travail dans l’entreprise ou l’établissement, sur l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale, ainsi que sur sa rémunération.
Un entretien doit également être proposé par la hiérarchie du salarié lorsque le document mensuel de décompte visé ci-dessus fait apparaître des anomalies répétées mettant en évidence des difficultés en matière de temps de travail. Cet entretien a pour objet d’examiner les mesures correctives à mettre en ‘uvre.
Un entretien supplémentaire peut en outre avoir lieu à tout moment de l’année à l’initiative du salarié si celui-ci rencontre des difficultés d’organisation de sa charge de travail l’amenant à des durées de travail trop importantes. Cette alerte doit aboutir à des décisions concrètes.
Or en l’occurrence, si la société Codis effectuait un décompte hebdomadaire des demi-journées de travail effectuées par semaine, mentionnant les repos, il n’en demeure pas moins qu’elle ne justifie pas de l’entretien annuel ainsi prévu, s’intégrant dans le contrôle de la charge de travail lui incombant et dont elle doit justifier s’être déchargée.
En conséquence, la convention de forfait jours est inopposable à M. [X] et le calcul de la durée de travail doit être effectué de manière hebdomadaire, selon le droit commun, nonobstant l’absence de demande d’annulation de la convention de forfait du salarié.
M. [X] prétend avoir effectué 200 heures supplémentaires en 2013, 376 heures supplémentaires en 2014 et 392 heures supplémentaires en 2015, pour réclamer un total de 773 heures supplémentaires à 125% et 195 heures supplémentaires à 150%
La société Codis s’opposant à cette demande soutient que M. [X] ne produit que des décomptes non contradictoires établis postérieurement à son départ de l’entreprise qui ne sont corroborés par aucun élément objectif et elle avance que les fiches contradictoires qu’elle verse aux débats démentent les décomptes de M. [X].
En application des dispositions de l’article L.3171-4 du code du travail, des articles 1315 devenu 1353 du code civil, 6 et 9 du code de procédure civile, la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties. Si l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié, il incombe à ce dernier qui demande le paiement d’heures supplémentaires de fournir préalablement des éléments de nature à étayer sa demande, suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.
Il est admis que le salarié n’étaye pas sa demande lorsqu’il produit seulement un décompte récapitulatif établi mois par mois du nombre d’heures qu’il affirme avoir réalisé et un tableau ne laissant pas apparaître pour chaque jour précis, de chaque semaine précise, les horaires de travail accomplis.
En l’espèce, M. [X] verse aux débats un décompte établi pour chacune des années 2013, 2014 et 2015, semaine par semaine avec mention des heures d’embauche de débauche et de pause quotidiennes, suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre en fournissant ses propres éléments.
L’employeur apporte les fiches individuelles de décompte en jours de la durée de travail de M. [X] signées par ce dernier et la direction. Ces fiches mentionnent les demi-journées de présence et d’absence en précisant la nature de l’absence (repos, congés payés, jour férié…), sans indication du nombre d’heures ou des horaires effectués.
Elles ne sont pas de nature à contredire les horaires mentionnés par M. [X] dès lors que le nombre de demi journées travaillées qui y figure n’est pas moindre que celui que M. [X] prétend avoir travaillé au regard des horaires qu’il avance et qu’il explique qu’il notait sur la fiche contradictoire, deux demi-journées lorsqu’il avait travaillé le matin plus de 5 heures dans la matinée.
Il s’ensuit que les décomptes fournis par M. [X] seront retenus par la cour. Ils laissent apparaître que M. [X] a travaillé :
– en 2013 : 200 heures supplémentaires correspondant à 164 heures supplémentaires à 125% et 36 heures supplémentaires à 150%,
– en 2014 : 376 heures supplémentaires correspondant à 301 heures supplémentaires à 125% et 75 heures supplémentaires à 150%,
– en 2015 : 392 heures supplémentaires correspondant à 308 heures supplémentaires à 125 % et 84 heures supplémentaires à 150%, soit un total de 773 heures supplémentaires à 125% et 195 heures supplémentaires à 150%.
Au regard des bulletins de salaire, M. [X] était réglé sur la base forfaitaire de 3550 euros bruts mensuelle correspondant pour 35 heures hebdomadaires à 23,40 €/h.
Aussi en fonction des majorations de 25% pour les huit premières heures hebdomadaires et de 50% pour les suivantes, et de la base horaire brute de 23,40 euros, la société Codis doit verser à M. [X] la somme de 29.454,75 euros bruts au titre du rappel de salaire outre 2.945,47 euros bruts au titre de l’indemnité de congés payés y afférent, avec intérêts à compter de la demande, soit de la réception de la convocation à l’audience du bureau de conciliation, avec capitalisation des intérêts.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a débouté M. [X] de toute demande au titre des heures supplémentaires.
4/ Sur la contrepartie obligatoire en repos
M. [X] fonde sa demande sur les dispositions de l’article L. 3121-11 du code du travail, lesquelles prévoient dans leur rédaction issue des dispositions de la loi n°2008-789 du 20 août 2008, que :
Une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement …fixe l’ensemble des conditions d’accomplissement d’heures supplémentaires au-delà du contingent annuel ainsi que les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel, la majoration des heures supplémentaires étant fixée selon les modalités prévues à l’article L. 3121-22… A défaut d’accord collectif, un décret détermine ce contingent annuel et les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel.
Selon les dispositions de l’article 18-IV de la loi sus visée, la contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent est fixée à 50% pour les entreprises de vingt salariés au plus et à 100% pour les entreprises de plus de vingt salariés.
La convention collective nationale applicable ne prévoit pas de contingent particulier, en sorte que le contingent applicable est celui déterminé par l’article D. 3121-14-1 du code du travail soit de 220 heures par an.
Tout salarié dont le contrat est rompu avant qu’il ait pu bénéficier d’un repos compensateur reçoit une indemnité en espèce correspondant à ses droits acquis. Il ne peut prétendre à une indemnité compensatrice de congés payés spécifique sur cette indemnité.
En considération des heures supplémentaires accomplies au delà du contingent annuel de 220 heures, du droit à repos compensateur équivalent à 100% de ces heures puisque l’entreprise comprend plus de vingt salariés, M. [X] est en droit de bénéficier d’une indemnité de 8.442,72 euros ainsi calculée : 328 heures supplémentaires hors contingent sur l’ensemble des années 2014 et 2015 x 23,40 euros + 10 % au titre des congés payés.
Or M. [X] ne sollicite que 8.062,24 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de contrepartie obligatoire en repos en sorte qu’il sera fait droit à cette demande. En revanche il sera débouté de sa demande au titre des congés payés afférents à l’indemnité compensatrice de contrepartie obligatoire.
La société Codis sera donc condamnée à verser à M. [X] la somme de 8.062,24 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de contrepartie obligatoire en repos et le jugement entrepris infirmé en ce qu’il l’a débouté de sa demande à ce titre.
5/ Sur la demande dommages et intérêts pour non respect de la durée maximale de travail et du repos hebdomadaire
M. [X] soutient qu’au vu de son décompte des heures supplémentaires, les durées maximales légales hebdomadaires et quotidienne ont été violées ainsi que le repos hebdomadaire minimal légal.
La société Codis qui s’oppose à cette demande soutient que M. [X] ne produit aucun document venant étayer cette affirmation.
La charge de la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par les articles L.3121-34 et L.3121-35 relatifs à la durée quotidienne et hebdomadaire maximale incombe uniquement à l’employeur.
Au regard des décomptes du salarié non contredits par les documents de l’employeur comme indiqué ci-dessus, il ressort d’une part que :
* le maximum légal de la durée hebdomadaire de travail de 48 heures a été dépassé au cours des semaines suivantes :
– année 2014, semaine 21,
– année 2015, semaines 11,18 et 50 ;
* le maximum légal de la durée quotidienne de travail de 10 heures a été dépassé au cours des journées suivantes :
– année 2013, semaine 2 le jeudi, semaine 10 le mercredi, semaine 24 le vendredi, semaine 36 le vendredi, semaine 45 le samedi, semaine 48 le vendredi, semaine 50 le samedi,
– année 2014, semaine 2 le vendredi, semaine 5 le samedi, semaine 6 le vendredi, semaine 11 le samedi, semaine 12 le vendredi, semaine 14 le samedi, semaine 18 le vendredi, semaine 21 le samedi, semaine 25 le vendredi, semaine 27 le samedi, semaine 31 le vendredi, semaine 32 le pardi, semaine 36 le samedi, semaine 37 le vendredi, semaine 42 le samedi, semaine 43 le vendredi, semaine 49 le vendredi, semaine 50 le samedi,
– année 2015, semaine 11 le samedi, semaine 16 le samedi, semaine 18 le jeudi et le samedi, semaine 22 le vendredi, semaine 31 le vendredi, semaine 32 le mardi, semaine 37 le vendredi, semaine 43 le vendredi, semaine 44 le samedi, semaine 49 le vendredi, semaine 50 le samedi.
Par ailleurs, il ressort des l’examen comparé des fiches individuelles versées par l’employeur et des décomptes du salarié que ce dernier n’a pas bénéficié du repos hebdomadaire d’une durée minimale de 24 heures consécutives auxquelles s’ajoutent les heures consécutives de repos quotidien de 11 heures issues des dispositions de l’article L. 3132-3 du code du travail au cours des semaines suivantes :
– année 2013, semaine 25, 38, 50, 51,
– année 2014, semaines 50, 51,
– année 2015, semaines 11, 12, 16,18, 44 et 50.
Les dispositions relatives aux seuils et plafonds en matière de durée du temps de travail confinent à l’obligation de sécurité.
Ainsi, au regard des manquements réguliers de l’employeur au cours de ces trois années, M. [X] a subi un préjudice moral qui sera entièrement réparé par la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Le jugement entrepris qui a débouté M. [X] de sa demande sera infirmé.
4/ Sur la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral
M. [X] prétend avoir fait l’objet de harcèlement moral qui s’est manifesté par :
– d’avril 2010 à janvier 2011, le directeur sapait l’autorité de M. [X] notamment à l’égard Melle [D],
– des menaces de licenciement de cadres lors de deux réunions en octobre et novembre 2010,
– retrait de sa fonction de responsable de la brasserie le 2 avril 2011 modifiant de manière unilatérale l’avenant au contrat de travail du 1er octobre 2007,
– dénigrement auprès de subordonnés en déclarant qu’ils pouvaient se passer de lui car il était trop payé,
– des allusions visant M. [X] sur le fait qu’un responsable divulgue des information à la concurrence,
– absence de réponse à une demande de pose de réduction du temps de travail (rtt) du 10 au 17 novembre 2014 et un refus catégorique peu de temps avant la date prévue,
– refus d’une formation en février 2015,
– un reproche injustifié sur l’utilisation de l’imprimante,
– dénigrement avec menaces de licenciement notamment lors de la réunion du 18 novembre 2015, qui ont eu pour effet de dégrader sa santé mentale et ses conditions de travail et que l’employeur qui ne rapporte pas la preuve que les agissement reprochés s’expliquent par des éléments objectifs est tenu d’une obligation de sécurité résultat dont il ne peut s’exonérer en rapportant l’absence de faute de sa part.
La société Codis s’opposant à cette demande, soutient que M. [X] ne s’est jamais plaint d’un quelconque harcèlement moral au cours de son contrat , ni même lors de la saisine du conseil de prud’hommes, que ce n’est que quelques mois après que cette demande a été formée.
Elle expose qu’aucune diminution du nombre de salariés n’a été enregistrée pendant cette période et aucunement du nombre de cadres qui a au contraire augmenté entre 2010 et 2011 et que nombre des affirmations de M. [X] ne sont pas corroborées par des éléments extrinsèques à sa personne.
Elle prétend que Mme [D] était l’adjointe de M. [X] et le suppléait totalement dans la gestion de la brasserie, que l’employeur a fait un usage normal de son pouvoir de direction face à l’attitude de M. [X] décrite par son adjointe et qu’à la suite de sa reprise du travail en février 2011, M. [X] a émis le souhait de ne plus être en charge de la brasserie tout en conservant sa prime, ce qui a été fait, précisant que M. [X] a toujours gardé son statut de cadre.
Elle conteste la valeur probante des attestations versées aux débats qui ne reprennent pas les formes légales et qui ne contiennent pas de copie de la carte d’identité de leur auteur et que la réflexion selon laquelle M. [X] était trop payé est sans lien avec le travail et est tout au plus une réflexion maladroite ou un trait d’humour mal exprimé ou incompris.
Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l’article L. 1154-1 du code du travail dans ses dispositions applicables au litige, lorsque survient un litige relatif à l’application de ce texte, le salarié établit des faits qui permettent de présumer d’un harcèlement ; au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
L’écrit de M. [X] sans date ni destinataire n’est pas, à lui seul, de nature à établir que le défaut de fonctionnement de l’imprimante lui était imputé par la direction.
Aux termes du courrier du 17 janvier 2011, M. [X] s’est plaint auprès du directeur de ce qu’au cours des réunions d’octobre et de novembre 2010, le président directeur général avait annoncé que certaines ‘grosse têtes sauteraient’. Toutefois dès le 3 février M. [J], PDG de la société, a dénié les accusations portées à leur encontre en sorte qu’en l’absence d’attestations d’autres salariés cette menace de licenciement n’est pas avérée.
Par ailleurs, les déclarations de M. [X] portant sur des insultes, dénigrement et menace de licenciement lors de la réunion du 18 novembre 2015 qu’il a évoqués dans la déclaration de main courante du 18 novembre 2015 et le courriel au président directeur général pour se plaindre de menaces de diminution du nombre de responsables lors de la réunion du 18 novembre 2015 sont contredites par les attestations de MM [M] et [U], également managers de rayon, présents aux réunions d’encadrement desquelles il ressort que, lors des réunions d’encadrement, aucun propos ‘diffamatoire’ ou déplacé n’était tenu par le président et le directeur et qu’elles se déroulaient dans un bon état d’esprit, à l’exception d’une réunion du mois de novembre 2015 qui a été tendue avec la direction mais qui n’a pas donné lieu à insultes à l’égard des responsables présents.
M. [M] précise en outre que l’ambiance dans ce Leclerc était familiale et que la pression était beaucoup plus forte dans une autre enseigne pour laquelle il avait travaillé accréditant la thèse de la direction selon laquelle la société devait alors faire face à un sur stock et qu’il était demandé aux manager de faire le nécessaire pour le gérer. Les faits d’insultes, dénigrement et menace de licenciement ne sont pas établis.
Par courrier du 17 janvier 2011, M. [X] s’est plaint auprès du directeur que des décisions qu’il avait prises sur la brasserie avaient été supprimées pendant ses congés et que des reproches concernant son management envers Melle [D] lui avaient été faits, outre que son autorité à l’égard de cette salariée était mise à mal dès lors qu’elle l’évinçait de son rôle de responsable de la brasserie et de supérieur hiérarchique en s’adressant directement au président directeur général de la société.
Il a été effectivement déchargé de ses fonctions de responsable de la brasserie à compter du 2 avril 2011.
Il est établi par les attestations versées aux débats que le 27 mai 2014 dont la valeur probante n’est pas utilement remise en cause, que le directeur M. [T] est entré dans la pâtisserie et a dit devant M. [X] et deux de ses collègues qu’il était trop payé, caractérisant une parole de nature à le discréditer et à le dénigrer dans le travail qu’il effectuait.
Le 25 septembre 2014, M. [T] a annulé la réunion prévue le 30 septembre suivant. Par courrier du jour même, M. [X] lui a répondu qu’il trouvait inacceptable qu’il mette en cause ‘son intégrité’ ou plus vraisemblablement sa loyauté envers la société en émettant l’hypothèse qu’un responsable pourrait être à l’origine de la divulgation de leur projet de publicité à la concurrence. Ce mail n’a donné lieu à aucune dénégation de M. [T], en sorte que la mise en cause de la loyauté des responsables de la société Codis est avérée.
Il est établi que M. [X] a effectué une demande de réduction du temps de travail (rtt) les 9 et 20 septembre 2014 concernant la période du 10 au 17 novembre 2014 et que cette demande a été refusée.
M. [X] a été placé en arrêt de travail en 2011 et du 17 janvier au 9 juin 2016. Les prescriptions d’antidépresseur établissent qu’il se trouvait dans un état dépressif fin novembre 2014 puis en novembre 2015.
Pris dans leurs ensemble, ces faits sont de nature à laisser présumer le harcèlement moral.
En ce qui concerne les faits de 2011 portant sur la brasserie, le fait pour le président directeur général ou le directeur de s’entretenir avec un autre salarié sur le fonctionnement du service auquel il est intégré rentre dans l’exercice du pouvoir de direction exempt de tout harcèlement moral.
A la suite de son courrier du 17 janvier 2011, le dirigeant de l’entreprise a, par courrier du 3 février 2011, proposé de le rencontrer afin de reprendre avec lui tous les éléments et répondre à ses interrogations. Il est constant qu’un entretien s’est déroulé le 15 mars 2011.
Il ressort de l’attestation de Mme [D] que l’équipe de la brasserie faisait l’objet de remarques désobligeantes et insultantes de la part de M. [X], notamment en disant à une des salariée Mme [B], en public que ‘si elle n’y arrivait pas, il allait lui mettre les nuggets dans le cul’ et que ce dernier ne travaillait jamais à la brasserie pendant le service, se permettant d’insulter l’équipe pendant ses pauses interminables. Or Mme [D] était l’adjointe de M. [X] et le comportement inadapté de ce dernier est également corroboré par le courrier de démission de Mme [Q], dont la valeur probante n’est pas utilement remise en cause, qui en juin 2015 imputait la responsabilité de sa décision notamment aux insultes émanant de son chef de rayon M. [X]. Ce faisant, la perte d’autorité de M. [X] envers l’équipe n’est imputable qu’à lui-même et il ne saurait prétendre à la sape de son autorité par le dirigeant.
La décision de décharger M. [X] de la responsabilité de la brasserie est justifiée par le management inadapté de ce dernier. En outre cette décision ne constitue pas une modification du contrat de travail puisque M. [X] gardait ses fonctions de manager et l’intégralité de son salaire et de ses primes.
Aussi le retrait de la responsabilité de la brasserie est justifié par des éléments objectifs exempts de tout harcèlement.
Il ressort des attestations versées aux débats que les propos du directeur le 27 mai 2014 s’inscrivaient, certes dans le cadre d’une discussion entre collègues sur les impôts sur les revenus, mais au temps et au lieu du travail, de sorte que l’intervention du directeur ne saurait être considérée comme extérieure et sans lien avec le travail. La réflexion selon laquelle M. [X] était trop payé n’est aucunement justifiée par des éléments exempts de tout harcèlement moral, s’agissant d’une réflexion à tout le moins ironique et dont le caractère humoristique n’est pas décelable lorsqu’elle émane d’un supérieur hiérarchique, ce d’autant que M. [X] avait gardé la prime liée à la brasserie.
La mise en cause de la loyauté des responsables par le directeur le 25 septembre 2014 n’était pas à la seule destination de M. [X] et s’insère dans une interrogation générale liée à la parution d’une publicité Auchan similaire au projet interne et réduisant à néant leurs efforts, caractérisant des éléments objectifs exempts de tout harcèlement moral.
M. [X] n’a pas été autorisé à poser des rtt du 10 au 17 novembre 2014. Or il s’agissait d’une période hors vacances scolaires et hors mois de décembre respectant la note du 4 mai 2012, par laquelle le dirigeant avait informé les responsables de services qu’ils ne pouvaient pas prendre leurs jours de rtt pendant les vacances scolaires et pendant le mois de décembre. M. [X] a certes bénéficié de congés payés pendant cette période mais le refus des rtt demeure non justifié par des éléments objectifs exempts de tout harcèlement moral.
Le refus de formation à un stage pâtisserie en février 2015 prévu le 26 mai 2015 a été motivé par l’employeur sur la fiche de pré-inscription par le fait qu’il ne souhaitait pas prendre en charge les frais de location du véhicule et de repas. Cette formation, hors le cadre de la centrale qui organise les formations spécifiques au magasin, entraînait des frais pour l’entreprise dès lors que M. [X] ne mobilisait pas son compte personnel de formation. Il s’ensuit que le refus est justifié par des éléments objectifs exempts de tout harcèlement moral.
En conséquence de ce que la réflexion du directeur en mai 2014 portant sur le salaire trop important de M. [X] et le refus de rtt pour la période du 10 au 17 novembre 2014 n’étant pas justifiés par des élément objectifs exempts de harcèlement moral, et de ce que l’état de santé de M. [X] s’est dégradé de manière concomitante fin 2014, M. [X] a été victime de harcèlement moral.
M. [X] a subi un préjudice à raison du harcèlement moral qui sera entièrement réparé par la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Le jugement entrepris qui a débouté M. [X] de cette demande sera infirmé
Sur le travail dissimulé
Selon les dispositions de l’article L.8221-1 du code du travail, sont interdits:
1° le travail totalement ou partiellement dissimulé, défini et exercé dans les conditions prévues aux article L. 8221-3 et L. 8221-5…
L’article L. 8221-5 du code du travail, dispose qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10 relative à la déclaration préalable à l’embauche ;
2° soit se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article . 3243-2 relative à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° soit se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
L’octroi d’heures supplémentaires résulte de la seule inopposabilité de la convention de forfait, en sorte que la preuve de l’intention de dissimuler de l’employeur en omettant le paiement des heures supplémentaires et en ne les mentionnant pas sur les bulletins de salaire n’est pas rapportée. M. [X] sera donc débouté de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [X] de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé.
Sur la rupture du contrat de travail
Il résulte de l’article L. 1152-3 du code du travail que le licenciement intervenu en méconnaissance des dispositions de l’article L. 1152-1 est nul.
Le licenciement de M. [X] opéré alors qu’il a été victime de harcèlement moral est nul.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a débouté M. [X] de sa demande tendant à dire nul son licenciement.
Sur les conséquences de la rupture
M. [X] dont le licenciement est nul a droit à une indemnité correspondant au moins à six mois de salaire outre l’indemnité compensatrice de préavis et l’indemnité compensatrice de congés payés afférente, non versées.
M. [X] avait un salaire brut mensuel de 4.545,69 euros en ce compris les heures supplémentaires. Il a subi un préjudice à raison du licenciement nul qui sera entièrement réparé par la somme de 27.274,14 euros à titre de dommages et intérêt correspondant à six mois de salaire, en l’absence de tout élément concernant sa situation postérieure à la rupture, que la société Codis sera condamnée à lui verser.
Il a également droit à l’indemnité compensatrice conventionnelle correspondant à trois mois de salaire, soit à la somme de 13.637,07 euros bruts outre 1.363,70 euros bruts au titre des congés payés afférents, que la société Codis sera condamnée à lui verser.
La société Codis sera également condamnée à délivrer à M. [X] l’attestation Pole Emploi, le certificat de travail et les bulletins de salaire rectifiés en fonction de la décision, sans qu’il y ait lieu à astreinte.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a débouté M. [X] de ces demandes.
Les sommes indemnitaires accordées par la cour en infirmation des dispositions du jugement, porteront intérêts au taux légal à compter de ce jour.
Il n’y a pas lieu à exécution provisoire dès lors que l’arrêt est exécutoire.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
La société Codis succombant sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel. Elle sera en conséquence déboutée de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
L’équité commande de faire bénéficier M. [X] de ces mêmes dispositions et de condamner la société Codis à lui régler une indemnité de 1.500 euros sur ce fondement au titre de l’ensemble des deux instances.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Dans la limite de l’appel,
Confirme le jugement en ce qu’il a débouté M. [X] de sa demande de rappel de prime Except FA 2015 versée en 2016 et des congés payés afférents et de sa demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
Infirme le jugement entrepris sur le surplus,
Statuant à nouveau,
Dit que le licenciement de M. [X] est nul ;
Condamne la société Codis à verser à M. [X] les sommes suivantes :
500 euros bruts au titre de la prime d’assiduité de novembre 2015 outre 50 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du jour de la réception par l’employeur de la convocation au bureau de conciliation, avec capitalisation des intérêts,
29.454,75 euros bruts au titre du rappel de salaire outre 2.945,47 euros bruts au titre de l’indemnité de congés payés y afférent, avec intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation à l’audience du bureau de conciliation, avec capitalisation des intérêts,
8.062,24 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de contrepartie obligatoire en repos,
3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des dispositions relatives aux seuils et plafonds en matière de durée du temps de travail,
3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
27.274,14 euros d’indemnité pour licenciement nul,
13.637,07 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 1.363,70 euros bruts au titre de l’indemnité de congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation à l’audience du bureau de conciliation, avec capitalisation des intérêts,
1500 euros d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Dit que les sommes indemnitaires accordées porteront intérêts au taux légal à compter de ce jour ;
Condamne la société Codis à délivrer à M. [X] l’attestation Pole Emploi, le certificat de travail et les bulletins de salaire rectifiés en fonction de la décision dans le délai de 15 jours à compter de la signification de la décision ;
Déboute les parties de toutes autres demandes ;
Condamne la société Codis aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Signé par Madame Marie-Luce Grandemange, présidente et par Sylvaine Déchamps, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Sylvaine Déchamps Marie-Luce Grandemange