Your cart is currently empty!
SOC.
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 mai 2018
Rejet non spécialement motivé
M.CHAUVET, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10637 F
Pourvoi n° H 16-28.337
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. Yanick Y…, domicilié […] ,
contre l’arrêt rendu le 26 octobre 2016 par la cour d’appel de Nancy (chambre sociale), dans le litige l’opposant à l’Association fédération médico-sociale des Vosges, venant aux droits de l’Association Foyer d’enfants de Raon l’Etape, dont le siège est […] ,
défenderesse à la cassation ;
L’Association fédération médico-sociale des Vosges a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 27 mars 2018, où étaient présents : M.Chauvet, conseiller doyen faisant fonction de président, MmeDuvallet, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, Mme Lavigne, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. Y…, de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de l’Association fédération médico-sociale des Vosges ;
Sur le rapport de MmeDuvallet, conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l’article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation du pourvoi principal ainsi que celui du pourvoi incident, annexés, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE les pourvois tant principal qu’incident ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. Y… (demandeur au pourvoi principal).
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR débouté M. Y… de sa demande en paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’illicéité de l’avertissement du 3 mars 2014, ainsi qu’en paiement d’une indemnité de procédure ;
AUX MOTIFS QU’il incombe au salarié, qui prétend au paiement de dommages-intérêts, d’établir la réalité du préjudice qu’il prétend avoir subi ; qu’en l’espèce, Yanick Y… produit aux débats un arrêt de travail du 11 décembre 2014, sans établir un quelconque lien entre son état de santé et l’avertissement qui lui a été notifié 9 mois auparavant ; qu’à défaut pour le salarié d’établir la réalité du préjudice qu’il prétend avoir subi, la décision déférée sera infirmée qui a condamné l’association Foyer d’Enfants de Raon l’Etape à lui payer la somme de 200 € à titre de dommages-intérêts ; qu’au contraire, Yanick Y… sera débouté en ce chef de demande ;
ALORS QUE l’illicéité d’une sanction disciplinaire notifiée à un salarié cause à ce dernier un préjudice moral qui doit être réparé par l’allocation de dommages et intérêts ; que la cour d’appel a annulé l’avertissement notifié au salarié le 3 mars 2014 au motif que « compte tenu du climat manifestement conflictuel existant dans l’entreprise, [les] propos [tenus par ce dernier lors de la réunion institutionnelle du 16 janvier 2014] ne présentaient pas de caractère injurieux ou diffamatoire permettant de déterminer qu’en sa qualité d’élu du personnel, Yanick Y… avait abusé de son droit d’expression », ce qui caractérisait l’illicéité dudit avertissement ; que la cour d’appel a cependant débouté le salarié de sa demande en paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’illicéité de la sanction, « à défaut pour le salarié d’établir la réalité du préjudice qu’il prétendait avoir subi » ; qu’en statuant ainsi, alors que l’illicéité de l’avertissement notifié au salarié avait causé à ce dernier un préjudice moral qui ne pouvait être réparé par la seule annulation de l’avertissement et devait être indemnisé, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil ;
SECOND MOYEN DE CASSATION
Le moyen fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’AVOIR débouté M. Y… de sa demande en paiement de rappels d’indemnité de congés payés annuels et de congés payés conventionnels, ainsi qu’en paiement d’une indemnité de procédure ;
AUX MOTIFS QUE sur la demande en paiement de rappel de congés payés légaux et conventionnels, tenant compte des conclusions de son employeur, Yanick Y… a modifié à la barre ses prétentions au paiement de l’indemnité de congés payés qu’il sollicite, désormais réduite à la somme de 1303,53 € ; qu’il n’est pas contesté que, par période de référence, le salarié peut bénéficier de 30 jours de congés annuels et de 6 jours d’ancienneté ; qu’il n’est pas davantage sérieusement contestable qu’ayant saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Dié le 23 juin 2014, Yanick Y… ne saurait prétendre au paiement de sommes pour la période antérieure au 23 juin 2011, l’employeur invoquant, à bon droit, la prescription pour la période antérieure ; qu’il est établi que le salarié ne formule aucune demande pour la période courant de mai à avril 2012 ; que demeurent donc soumises à l’appréciation de la cour ses demandes formées pour la période courant de mai 2012 à avril 2015, aucune demande n’étant formée sur la période courant de mai 2015 à avri1 2016 ; qu’il ressort toutefois des bulletins de salaire produits aux débats, des décomptes respectifs des parties, que celles-ci sont parties sur des bases de calcul différentes ; qu’ainsi, Yanick Y… a appliqué la méthode de calcul suivante : salaire annuel de référence N-1 x 1/10 x 31/25 ; qu’il ne conteste toutefois pas bénéficier de ses congés payés en jours ouvrables ; qu’il ne peut dès lors calculer le montant de son indemnité de congés payés sur la base de 31 jours ouvrés ; que la méthode de calcul proposée par l’employeur sera donc retenue ; qu’au regard des sommes versées à Yanick Y… au titre de l’indemnité de congés payés annuels et conventionnels, sur les périodes telles que définies précédemment, la cour constate que celui-ci a été rempli de l’intégralité de ses droits ; que la décision déférée sera confirmée qui l’a débouté en sa demande en paiement de rappel de congés payés annuels et de congés payés conventionnels ;
ET AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE sur le rappel d’indemnité de congés payés annuels et d’indemnité de congés conventionnels selon la règle du dixième, tous les congés payés annuels ont été pris ; qu’il y a prescription pour la première année ; que la majoration familiale ne rentre pas en compte dans les calculs dans le cadre du travail effectif ; qu’en conséquence, le Conseil de Prud’hommes rejette les demandes concernant les indemnités de congés payés annuels et les congés conventionnels selon la règle du dixième ;
ALORS QU’au soutien de sa demande en rappel d’indemnité de congés payés, le salarié faisait valoir qu’il avait droit chaque mois à 30 jours ouvrables de congés payés légaux, soit 25 jours ouvrés de congés, auxquels devaient être ajoutés 6 jours de congés payés supplémentaires pour ancienneté d’origine conventionnelle ; que faisant application de la règle du « dixième », le salarié calculait donc son indemnité de congés payés selon la formule suivante : salaire de référence N-1 x 1/10 x 31/25 ; que la cour d’appel a cependant estimé que la méthode de calcul de l’indemnité de congés payés appliquée par le salarié ne pouvait être retenue ; qu’en ne précisant pas toutefois en quoi cette méthode de calcul était erronée ni pourquoi le salarié ne pouvait calculer le montant de son indemnité de congés payés sur la base de 31 jours ouvrés, la cour d’appel a statué par des motifs imprécis et ainsi violé l’article 455 du code de procédure civile ;
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour l’Association fédération médico-sociale des Vosges (demanderesse au pourvoi incident).
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR confirmé le jugement prononcé par le conseil de prud’hommes de Saint Dié des Vosges le 27 mai 2015 en ce qu’il avait annulé l’avertissement notifié le 3 mars 2014 et d’AVOIR en conséquence condamné l’association Foyer d’Enfants de Raon l’Etape – aux droits de laquelle est venue l’exposante – aux dépens d’appel.
AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur l’annulation de l’avertissement du 3 mars 2014. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 février 2014, l’employeur a convoqué Yanick Y… à un entretien préalable à une sanction disciplinaire, pour celui-ci se tenir le 14 février 2014. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 mars 2014, l’association Foyer d’Enfants de Raon l’Etape a adressé à son salarié un avertissement, sanctionnant les propos qui lui sont imputés, lors de la réunion institutionnelle du 16 janvier 2014, lui reprochant d’avoir « accusé votre chef de service, Monsieur Jean-Paul A…, d’avoir « imposé un cycle de 10 semaines » à une commission créée spécialement pour faire des propositions d’évolution du travail par cycle prévu dans l’accord d’entreprise signé en mai 2000. Alors même que cette réunion avait déjà pour objet des accusations graves concernant le dysfonctionnement des IRP, ces propos mensongers constituent un acte délibéré mettant ouvertement en cause votre chef de service et un acte perturbateur nuisible au climat de travail et à la cohérence des équipes
», propos niés par le salarié lors de l’entretien préalable. Au soutien de son avertissement, l’employeur produit aux débats les attestations établies par la directrice du foyer, la vice-présidente et la secrétaire de l’association. Celles-ci confirment la teneur des propos. Pour sa part, Yanick Y… produit celles de la secrétaire générale du syndicat CFDT santé sociaux des Vosges et celle d’une collègue. La première ne mentionne pas la nature des propos tenus par Yanick Y… lors de cette réunion. La seconde énonce pour sa part une réunion du 26 janvier 2014. Toutes ces attestations ont été établies au minimum 11 mois après les faits. Elles ne peuvent dont être retenues comme particulièrement fiables. A supposer établis les propos tenus par Yanick Y…, ceux-ci s’avéraient inutiles puisque ce dernier, en sa qualité de délégué du personnel, avait signé, en septembre 2013, l’accord d’entreprise acceptant le principe du cycle de 10 semaines sans invoquer une quelconque contrainte. Compte tenu du climat manifestement conflictuel existant dans l’entreprise, ces propos ne présentaient pas de caractère injurieux ou diffamatoire permettant de déterminer qu’en sa qualité d’élu du personnel, Yanick Y… avait abusé de son droit d’expression. La décision déférée sera donc confirmée, qui a annulé cet avertissement. »
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « sur l’annulation de l’avertissement du 3 mars 2014, Vu les articles L. 1331-1 et suivants du code du travail relatifs à la sanction disciplinaire ; Vu l’article L. 1333-2 du code du travail qui dispose que « le conseil de prud’hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise. » ; les représentants du personnel sont soumis au pouvoir disciplinaire de l’employeur dans l’exécution de leur contrat de travail ; aussi, bénéficient-ils des dispositions du droit disciplinaire, lorsque l’employeur estime leur comportement répréhensible dans ce domaine ; en revanche, l’exercice normal de leur mandat ne saurait donner lieu à une sanction disciplinaire (Cass. soc. 30 juin 2010, n° 09-66792 FSPB) ; ce n’est que si le représentant du personnel abuse de ses prérogatives et les détourne de leur objet que l’employeur peut le sanctionner (Cass. Crim. 25 mai 1982, n° 81-93443, B, crim n°135) ; Vu que le courrier du 3 mars 2014 , adressé à Monsieur Yanick Y…, doit être considéré comme une sanction disciplinaire ; mais qu’en l’espèce, ce courrier sanctionne le doit d’exercer le mandat de délégué du personnel de Monsieur Yanick Y…, et que les propos de ce dernier n’avaient rien d’injurieux, diffamatoires ou excessifs et qu’il n’a commis aucun abus dans l’exercice de sa liberté d’expression ; en conséquence, le conseil de prud’hommes annule l’avertissement du 3 mars 2014 infligé à M. Y… ».
1/ ALORS QU’aucune règle ne prescrit un délai pour la rédaction des attestations ; qu’en retenant que les attestations produites par l’Association pour établir les propos reprochés au salarié, avaient été rédigées au minimum 11 mois après les faits pour se dispenser de les examiner, la cour d’appel a violé l’article 202 du code de procédure civile ;
2/ ALORS QUE si une sanction disciplinaire ne peut, en principe, être prononcée à l’encontre d’un salarié titulaire d’un mandat de représentant du personnel qu’en raison de faits constituant un manquement du salarié à ses obligations professionnelles à l’égard de l’employeur, ce dernier peut néanmoins exercer son pouvoir disciplinaire en cas d’abus de droit commis par le représentant du personnel dans l’exercice de ses prérogatives, tel que la tenue de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, caractérisant un abus de la liberté d’expression ; que constitue un tel abus le fait de proférer à l’encontre de l’employeur de fausses accusations lui imputant le dysfonctionnement des instances représentatives du personnel lors d’une réunion en présence de l’inspection du travail, de représentants syndicaux, de membres du conseil d’administration et d’un autre délégué du personnel ; qu’en l’espèce, il résulte des constatations de l’arrêt que le principe d’un cycle de travail de 10 semaines avait été mis en place par accord d’entreprise sans que ne soit invoquée « une quelconque contrainte » de l’employeur, si bien que les propos de M. Y… prononcés lors de la réunion institutionnelle du 16 janvier 2014 et selon lesquels l’employeur aurait imposé une telle organisation du temps de travail étaient nécessairement mensongers ; qu’en jugeant néanmoins que les propos de M. Y… ne constituaient pas un abus de sa liberté d’expression, la cour d’appel a violé les articles L. 1333-1 et L. 1333-2 du code du travail.